Les quatre âges de la mythologie grecque .

 

L' âge d' or fut le premier âge de la création . En l' absence de tout justicier, spontanément, sans loi, la bonne foi et l' honnêteté y étaient pratiquées . le châtiment et la crainte étaient ignorés; on ne lisait pas sur les murs des menaces gravées dans le bronze; et la foule suppliante des plaideurs ne tremblait pas devant le visage de son juge : sans justicier, tous étaient en sûreté. En ce temps, le pin coupé sur ses montagnes, n' était pas encore descendu jusqu' à la plaine liquide, pour ses pérégrinations à travers le monde, et les mortels ne connaissaient d' autres rivages que les leurs . En ce temps, les fossés à pics ne ceinturaient pas encore les forteresses . Ni le tube d' airain allongé de la trompette, incurvé du cor, ni les casques, ni l' épée n' existaient . Sans recours aux soldats, les peuples en sécurité, vivaient paisible . La terre , elle-même, aussi libre de toutes contraintes, épargnée par la dent du hoyau, ignorant la blessure du soc, donnait sans être sollicitée, tous ses fruits ; satisfaits d' aliments produits sans nul effort les humains cueillaient les baies de l' arbousier et les fraises de la montagne, les cournouilles et les mures adhérant aux buissons épineux, et les glands tombés de l' arbre touffu de Jupiter le printemps était éternel, les tranquilles zéphyrs caressaient de leur souffle tiède les fleurs nées sans semence. bientôt même la terre, sans l' intervention de la charrue, se couvrait de moissons , et le champ, sans aucun entretient, blanchissait de lourds épis; c' était l' âge où coulait des fleuves de lait, des fleuves de nectar, où le miel blond, goute à goute, tombait dans la verte yeuse .

En suite, lorsque Saturne eut été précipité dans les ténèbres du tartare, et que Jupiter fut le maître du monde, ce fut le tour d' une génération d' argent, d' un prix moindre que l' or, mais plus grande que le bronze aux reflets fauves . Jupiter réduisit la durée du printemps d' autrefois et, avec l' hiver, l' été, le capricieux automne, et le printemps écourté, régla en quatre saisons le cours de l' année. C' est alors que pur la première fois, l' air à la flamme desséchée s' embrasa, que congelés par la brise, s' allongèrent les stalactites de glace . c' est alors que pour la première fois les hommes se réfugièrent dans des demeures ; et ces demeures furent des grottes, des buissons touffus, des abris de branchages reliés par l' écorce ; pour la première fois, les semences, dons de Cérès, furent enfuies dans de longs sillons, et le poids du joug fit frémir les jeunes taureaux .

A cette génération en succéda une troisième, de bronze, de tempérament plus rude, plus prompte à recourir à l' horreur des armes, ignorant cependant le crime. La dernière fut de fer, dont elle a la dureté . du coup ce fut l' invasion, dans un âge de pire métal, de tous ce que réprouvent les dieux, la déroute de l' honneur, de la franchise, de la loyauté; à leur place s' installèrent la tromperie, la ruse, le piège insidieux, la violence, le criminel appétit de la possession . Le navigateur ouvrait ses voiles aux vent sans bien les connaître encore ; et les pins si longtemps dressés sur les hautes montagnes, devenus navires, bondirent sur les flots inconnus. le sol, jusqu' alors bien commun, fut, par le défiant arpenteur, marqué du long tracé des limites. et ce n' est pas seulement des moissons et d' une nourriture légitime que l' on exigea de la richesse de la terre, mais on pénétra jusque dans ses entrailles ; et les trésors qu' elle avait enfouis et cachés jusqu' au voisinage du Styx sont arrachés de ses profondeurs, sources empoisonnées de tous les maux. le fer malfaisant, est plus malfaisant encore que le fer, l' or en étant extrait, avec eux en sort aussi la guerre, qui use de l' un et de l' autre pour combattre et qui, de sa main teinte de sang entrechoque les armes bruissantes . on vit le rapt; l' hôte n' est pas en sécurité auprès de son hôte, ni le gendre auprès de son beau père ; entre frères même la bonne entente est rare . L' époux est une menace pour la vie de son épouse, l' épouse pour celle de son mari ; les redoutables marâtres mêlent aux breuvages les livides poisons ; le fils devançant la date fatale, complote contre la vie du père. la piété gît vaincue, et, la dernière des hôtes célestes, la vierge Astrée a abandonnée la terre ruisselante de sang .

 

Ovide - Les Métamorphoses - Livre Premier