Note de Hyoga dC : J’ai tout de suite été sous le charme d’UDC. Comme on peut l’être d’un bon bouquin dont l’intrigue nous tient en haleine tout du long. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec UDC. Alaiya m’a fait voir DM et Shura sous un autre jour. Je m’intéresse depuis à eux et ce, grâce à Alaiya. Mais le couple, dont je commençais à me lasser, et qui m’a fascinée, fut bien Camus et Milo. L’approche d’Alaiya de ce couple était, sans être inédite, pour le moins suffisamment originale pour éveiller mon attention. Et il ne fallut qu’un détail pour que je saute sur l’occasion de livrer ma vision de pourquoi. Je suis loin de posséder le talent d’Alaiya mais j’espère néanmoins que je ne serais pas trop tombée loin de la réalité…

Note d’Alaiya : la participation de miss HdC me touche énormément pour des tas de raisons dont l’une – essentielle – est que la dame est une personne que j’ai la chance de connaître IRL, et qui a le don pour vous mettre la pêche en deux temps trois mouvements et vous faire passer une excellente journée. Pour son rire, son énergie et sa gentillesse, déjà, merci. Ensuite, elle fait partie de ces lecteurs qui m’ont soutenue et encouragée pour achever UDC, et son enthousiasme est pour beaucoup dans le fait que je sois arrivée à vaincre le « monstre ». Enfin, exceptionnellement, cette side est une séquelle ; en effet, comme elle et moi avons très souvent eu l’occasion d’échanger sur une éventuelle suite à UDC, on a donc pu discuter du cas de ces deux personnages, ce qui lui a permis de rédiger ce texte, cohérent avec la situation post-UDC. Bref, un grand grand merci à HdC, et une très bonne lecture à tous.

 

Non-dits

Par Hyoga dC

 

Il marchait, tel un somnambule, dans les rues sombres de ce quartier qu’il ne connaissait que trop bien. Il n’avait pourtant aucune envie d’être là. Cela faisait partie du passé. Il avait tiré un trait. Parce qu’il LUI avait promis. Parce qu’il était enfin heureux… ou sensé l’être.

Il ne voulait pas et pourtant ses pas le menaient inéluctablement vers cet endroit qu’il avait l’habitude de fréquenter… avant… parce qu’il souffrait… avant.

Un pas de plus et sa main qui pousse cette porte qu’il s’était promis de ne plus passer. Qu’il LUI avait promis de ne plus jamais franchir. L’odeur de stupre de ses souvenirs lui sauta immédiatement aux narines. Non ! Il ne voulait pas !

 

Camus s’éveilla en sueur, émergeant difficilement de ce rêve trop réaliste, trop vécu. Un cauchemar. Un cauchemar qu’il faisait de plus en plus souvent. Il se prit la tête entre ses mains en un geste de désespoir, retenant les sanglots qu’il sentait monter au fond de sa gorge. A ses côtés, Milo semblait dormir paisiblement.

Avec précaution, Camus repoussa les draps et sortit du lit. Il quitta la chambre en silence et se rendit à la cuisine où il se fit chauffer de l’eau avant d’aller s’asseoir dans le salon avec sa tasse. Dans le noir. Il resta là, simplement vêtu d’un bas de pyjama, son infusion réchauffant ses doigts glacés, à fixer cette obscurité qui ne l’effrayait pas. Qui ne le rassurait pas non plus. Elle était simplement devenue sa compagne, son unique confidente silencieuse depuis plusieurs mois.

Camus tenta de surmonter le découragement qui l’envahissait dans ces moments là. Et comme à chaque fois, le résultat était mitigé… voire peu concluant.

Ils avaient tous miraculeusement survécus. Miraculeusement. Mais lui aurait presque préféré ne pas revenir de cet enfer. Car depuis qu’ils étaient revenus, Milo ne l’avait plus touché. Plus depuis cette première et ultime fois. Avant les Portes. Alors oui, il aurait mieux valu que Camus reste en Enfer, là où était sa place.

Pas que cela lui manquât… en fait si, ça lui manquait. Ca lui manquait même terriblement. Son corps, bien qu’il s’en défende, était en manque mais, plus que l’acte physique en lui-même, c’était Milo qui lui manquait. Leur complicité d’avant. Cette sensation d’éloignement lui faisait mal.

Milo regrettait-il ? Le dégoûtait-il autant qu’il se dégoûtait lui-même pour ce manque physique qu’il ressentait ? Pour avoir tout détruit cette fameuse nuit où le Grec s’était donné à lui ? Un lâche. Voilà ce qu’il était. Il n’avait pas refusé ce que son corps réclamait. Ce que son âme réclamait. Il avait été égoïste. Il n’avait pensé qu’à lui. Il aurait dû protéger Milo. Le prémunir de la souillure qui était la sienne. Pourtant, l’amour qu’ils avaient fait avait été si merveilleux, si salvateur pour son cœur, sa raison… Milo l’aimait. Il le croyait. Il devait le croire ! Parce que Milo n’avait pas changé… sauf pour… ça. Parce que Milo était toujours à ses côtés quand il aurait pu partir. C’était bien une preuve, ça !

Pourquoi alors cette impression de distance qui se creusait irrémédiablement ? Certes, elle était imperceptible, voire vicieuse, mais elle était bien présente et Camus la ressentait plus cruellement que si Milo l’avait quitté en revenant des Portes. Tout était de sa faute. Jamais il n’aurait dû céder à ses pulsions malsaines qui le rongeaient. Il aurait dû se crever le cœur.

Tout avait commencé à partir du moment où il avait touché à celui qu’il s’était pourtant promis de toujours préserver. Il l’avait sali. Milo s’était donné à lui… oui. Mais il avait refusé… non, évité de le prendre à son tour. Avait-il ressenti du dégoût à cause de ce qu’il avait fait… avant ? L’avait-il fait par pitié ?

A nouveau, Camus sentit cette boule si caractéristique, annonciatrice de torrents de larmes qu’il savait ne pas pouvoir contenir et il laissa alors sa douleur et sa culpabilité se déverser sur ses joues trop pâles et amaigries. Silencieusement. Seul son corps, parcouru de tressautements, trahissait ses sanglots. Une fois encore, il pleurait, seul.

oOo

Milo était allongé entre les draps désertés par Camus. Ses yeux étaient ouverts et témoignaient de la tristesse qui l’habitait. Il avait senti le Français se lever mais ne l’avait pas retenu. Pas plus qu’il ne l’avait retenu les autres fois. Pas qu’il ne se souciât pas de son amant… Son amant… Ils ne l’avaient fait qu’une fois. Quelques temps avant leur départ pour les Portes. Ils n’avaient plus recommencé. Milo avait beau se persuader qu’il voulait laisser du temps à Camus pour venir à lui, il savait pertinemment que ce n’était qu’une excuse. Il était tel un enfant qui ne savait pas comment se comporter face à une situation qui le dépassait.

Oh, il aimait Camus. De cela il en était au moins certain. Mais il sentait chez le jeune homme que tout n’était pas oublié et il ne savait pas quoi faire. Il n’avait jamais été dans le tempérament du Verseau de se confier. Camus était un être qui ne dévoilait jamais ses émotions, ses sentiments. Et, en l’occurrence, il avait dû se mettre à nu lors de la croix. Milo se demandait dans quelle mesure cela avait pu l’affecter. Il avait eu d’abord l’espoir que cela l’aurait changé. Que cela l’aurait amené à lui faire entièrement confiance. Mais il avait dû rapidement se rendre à l’évidence. Aussi, le Scorpion ne voulait pas lui poser de question. Il ne voulait pas le voir s’éloigner, se renfermer encore plus. D’autant plus que lui-même se sentait un peu perdu face à ses sentiments pour un homme. Pour Camus. Son meilleur ami.

Bien qu’il eût donné sa virginité à Camus, comme une preuve de sa sincérité face aux incertitudes qu’il avait lu dans le regard du Français, il ne pouvait s’empêcher de ressentir un certain malaise. Il était hétéro et l’avait toujours été. Il ne s’était jamais senti concerné par l’homosexualité et n’avait d’ailleurs jamais eu aucun a priori sur ces couples. Apprendre le secret de Camus lui avait fait un choc et il avait bien fallu, la colère passée, qu’il affronte la réalité et ses propres sentiments. Lorsque Camus lui avait fait l’amour, Milo avait alors découvert le plaisir que pouvaient s’apporter deux hommes. Un plaisir qu’il n’aurait jamais pu imaginer. Différent d’avec une femme. Bien qu’il eût refusé de l’admettre, cela l’avait perturbé par la suite. Comment pouvait-il ressentir tant de volupté dans les bras d’un homme ?

Pourtant, Camus lui avait pris son innocence avec un respect à la mesure de ce qu’il ressentait pour le Grec. Comme s’il était la chose la plus précieuse au monde. Et ça avait été bon. Merveilleusement bon. Milo n’avait pas regretté. Pas une seconde. Il ne regrettait toujours pas et ne regretterait jamais. Cette nuit là avait été la révélation, la confirmation de ce qu’il avait toujours su au fond de lui. Il aimait Camus. D’un amour pur et intense. Et si lui-même s’était refusé à posséder son amant, c’était uniquement parce qu’il n’avait pas voulu que le Français l’assimile à tous ces hommes qui l’avaient pris sauvagement, sans autre sentiment que celui du vice, qui l’avaient blessé. Enfin, c’est ce dont il s’était persuadé à ce moment. A présent, il devait reconnaître qu’il ne savait plus. Il avait hésité… Il hésitait encore. Pas qu’il ne soit pas convaincu de son amour pour le onzième gardien mais…

Il voulait protéger Camus, le rassurer sur ses sentiments, sur leur amour. Mais un désir de plus en plus pressant se faisait sentir jour après jour… Et il lui faisait peur. Il ne voulait pas blesser Camus. Il voulait lui laisser du temps. Lui prouver qu’il n’avait rien à voir avec ces autres hommes. Son attirance pour son ami était tellement puissante qu’elle l’effrayait presque.

« Camus. » murmura Milo dans le silence de la chambre.

oOo

Camus essuya ses joues baignées de larmes d’un revers de la main. Quel piètre chevalier il faisait. Si Milo le voyait dans un état aussi pitoyable…

« Camus ? »

Son nom prononcé dans un souffle et ces bras qui soudain vinrent entourer sa peau nue par-dessus le dossier du canapé firent violemment sursauter le Français. Il n’eut pas le temps de dissimuler ses larmes. Le Scorpion sentit son cœur se serrer à cette vision et resserra son étreinte.

« Parle-moi, Camus. » soupira t-il dans le creux de son oreille.

Un profond frisson remonta l’échine du Verseau. Il ne savait plus quoi faire. Presque terrifié. L’attente, presque désespérée, qui perçait dans la voix du Grec mettrait autant de baume sur son cœur qu’elle le déchirait. Il ne voulait pas faire souffrir Milo. Et pourtant, c’était ce qu’il faisait en cet instant même. Il culpabilisait de cette situation qu’il ne savait comment résoudre. Depuis des mois, depuis cette fois-là, son âme, son être tout entier, était partagé entre l’espoir d’un bonheur tant espéré et la résignation habituelle, douloureuse, qu’il n’y avait pas droit.

Un hoquet lui échappa alors qu’il tentait de retenir les sanglots qui menaçaient à nouveau de le submerger. Aussitôt, l’étreinte se resserra et des lèvres douces se posèrent dans son cou avec hésitation, provoquant un nouveau frisson qu’il se voulut de ressentir. Il n’était qu’un dépravé, n’attendant que de pouvoir toucher à nouveau cette peau qu’il avait découverte bronzée et légèrement musquée. Attendant d’être touché à son tour par ces mains viriles et si douces. Il se dégoûtait. Il fallait qu’il parte. Qu’il rende sa liberté à Milo. Le cœur déchiré, il porta ses mains sur les bras qui l’entouraient pour se dégager de leur chaleur qui le mettait au supplice.

« Non ! Cesse de me fuir, Camus ! Je ne te laisserai plus partir… plus jamais ! Je t’aime ! »

Camus se figea.

« Milo… »

« Parle-moi, Camus. Dis-moi ce qui te torture. Je le sens bien mais je ne sais pas quoi faire. Aide-moi, Camus. »

« Milo… »

Sa voix n’arrivait plus à masquer les sanglots qui le submergeaient. Ce fut alors au tour de Milo de sentir son cœur se serrer en constatant la souffrance de son amant. Il se sentait impuissant mais ne voulait pas abandonner. Doucement, tout en gardant le contact physique avec le Français, il contourna le canapé pour venir s’asseoir près de lui avant de le prendre dans ses bras. Il vainquit la faible résistance que lui opposa le Verseau et le serra contre lui avec tendresse. Ce dernier fondit à nouveau en larmes, son visage niché contre le torse nu et puissant du Scorpion qui lui caressa le dos avec tendresse.

Il attendit patiemment que Camus se calme un peu, conscient que ce dernier avait un besoin évident d’évacuer la tension qu’il avait accumulée depuis plusieurs mois. En même temps, le Grec s’en voulait de ne rien avait fait plus tôt, d’avoir laissé les choses se dégrader entre eux. Il s’en voulait d’autant plus qu’il n’avait jamais été autant conscient de son amour pour cet homme. Il avait voulu laisser du temps à Camus, qu’il vienne à lui, mais son attitude et ses propres interrogations n’avaient fait que le blesser encore plus.

Doucement, il fit glisser sa main sous le menton du Français et, d’une légère pression, lui releva la tête. Ce qu’il lut alors dans le regard habituellement inexpressif lui vrilla le cœur et il se pencha pour prendre ses lèvres offertes avec délicatesse. Il aurait voulu faire passer dans ce baiser tout ce qu’il ressentait pour son amant, tout ce qu’il espérait, mais il savait que cela ne suffirait pas. Pourtant, lorsqu’il se détacha de Camus, Milo put voir une étincelle dans le regard azur, une étincelle qui encouragea le Grec.

« Je suis désolé, Camus. Pardonne-moi. Je t’ai fait souffrir… depuis des semaines… »

Camus hésitait encore. Etre blotti dans les bras de Milo pansait quelque peu les blessures de son cœur et, même s’il savait que cela ne suffirait pas, que cela ne résolvait rien, il se surprenait à espérer malgré tout. Peut-être qu’il ne dégoûtait pas Milo tant que ça… Peut-être qu’il n’était pas trop tard… Milo avait l’air sincèrement inquiet et… attristé. Pour lui et non à cause de lui. L’espoir était permis, n’est-ce pas ?

« Pourquoi… pourquoi ne veux-tu pas me faire l’amour ? »

Voilà, c’était dit. Plus de faux-fuyants. Plus de peut-être. Il devait faire confiance à Milo. Milo l’aimait. Milo l’…

La stupéfaction qui se dessina sur les traits du Scorpion fit aussitôt regretter à Camus d’avoir voulu être direct. Mais à peine se blâmait-il de ses espoirs futiles qu’un éclat de rire le prit au dépourvu.

 « Nous sommes tous deux des imbéciles. »

A aucun moment, il n’avait songé que Camus pouvait ressentir un manque physique. Il avait pensé que se donner, lui, aurait suffi. Que Camus aurait compris la preuve d’amour que lui offrait le Scorpion. Totalement ignorant des relations entre hommes, Milo avait réagi comme l’hétéro qu’il était. Il ne lui était pas venu à l’idée que Camus pouvait ne pas être attiré par les hommes lui non plus. Qu’il n’avait assouvi que le désir qu’il avait de lui avec ces autres hommes. Milo comprenait mieux que jamais le dégoût du Français à présent et l’incendie qui le consumait lui-même et le paralysait. Il avait douté un moment de sa propre sexualité et venait de réaliser : il était amoureux de Camus. Et s’il se trouvait que le Verseau était un homme, cela ne changeait rien à la profondeur de ses sentiments et ne remettait pas en cause sa virilité. Il s’était abandonné à Camus, preuve de la réalité de son amour mais, n’était-ce pas en fait pour se rassurer lui-même ? Se convaincre que Camus était toujours un homme ? L’homme qu’il avait toujours connu ?

Oui, ils étaient vraiment des imbéciles. Peu importait le fait qu’ils soient deux hommes, leurs sentiments n’en avaient pas moins de puissance et de droits d’exister.

« Oh Camus, je suis désolé. J’ai vraiment raisonné comme un idiot. Je t’aime ! Tu ne dois pas en douter. A tellement me poser de questions et à vouloir te protéger et te rassurer sur mes sentiments, j’en ai oublié les tiens. Je suis impardonnable. » s’excusa t-il, penaud.

Camus en resta interdit un instant. Pourquoi Milo s’excusait-il ? Ce n’était pas à lui à le faire ! C’était lui, Camus, qui l’avait souillé, perverti, par égoïsme… Les paroles du Grec firent enfin leur chemin vers son esprit. Etait-ce possible que… ?

« Milo… »

« Je ne suis peut-être pas aussi intelligent que toi, mon amour, mais j’ai quand même compris que je faisais fausse route. Je t’aime, Camus, du plus profond de mon âme. Je t’ai toujours aimé mais je refusais de l’admettre. D’admettre que deux hommes… Mais l’amour se fout du sexe ! C’est toi que mon cœur a choisi et le fait que nous soyons tous deux du même sexe ne peut rien y changer. Cette nuit là, je n’avais pas compris ce que mon corps ressentait. Tu m’as guidé vers des sensations qui m’étaient inconnues jusqu’alors et qui m’ont fait entrevoir le septième ciel. Tu n’as aucune raison de t’en vouloir. Je ne regrette rien si ce n’est que tu n’aies pas recommencé depuis… »

Milo rapprocha son visage de celui du Français jusqu’à poser son front sur le sien. Leurs souffles se mêlèrent alors que le Scorpion plongeait un regard brûlant dans celui de son amant.

« Je regrette encore plus d’avoir attendu que tu sois prêt parce que je ne désire qu’une chose depuis cette nuit… Te faire mien à mon tour. »

Camus sentit un long frisson qu’il ne put réprimer lui remonter le long de la colonne vertébrale et il trembla imperceptiblement entre les bras du Grec. Il n’osait pas croire que tout fut si simple. Pourtant, la sincérité dans la voix de l’homme qu’il aimait ne laissait planer aucun doute. Il cessa toute pensée cohérente lorsque ce dernier laissa sa main descendre dans son dos pour le saisir par la taille et le serrer un peu plus contre lui. Il pouvait sentir les battements de cœur de Milo s'unir aux siens, rapides, désordonnés.

Lentement, son autre main glissa derrière la nuque du Français et d’une pression autoritaire, mais douce, força le visage du Verseau à se rapprocher jusqu’à ce que leurs lèvres se frôlent. Milo n’avait plus de raison de se retenir à présent, même s’il devait tout de même faire attention à ne pas raviver de mauvais souvenirs chez son amant. Leurs bouches se soudèrent dans un même élan alors que ni l’un, ni l’autre ne voulaient réfléchir plus avant. Ils avaient trop besoin l’un de l’autre. Trop de frustrations qui les laissaient affamés.

Telles deux jumelles séparées depuis trop longtemps, leurs langues se trouvèrent pour s’enrouler l’une autour de l’autre, se redécouvrir, se cajoler. Leurs gestes étaient empreints d’une impatience fiévreuse, pourtant ils restaient attentionnés, désireux de ne pas précipiter cet instant qu’ils avaient tant attendu.

Malgré l’envie pressante qui lui raidissait les reins, Milo prenait le temps. Il caressait tendrement son amant, le serrant plus fortement contre lui tout en intensifiant leur baiser. Ses doigts s’enfouissaient dans la longue chevelure du Français tandis que son autre main effleurait la peau nue et descendait lentement vers ses reins.

Camus avait laissé tous ses doutes, et même cette culpabilité qui le taraudait, de côté. Il avait glissé une main derrière le Grec et de l’autre caressait sa joue, tout entier transporté par le ballet de leurs langues qui ne le lassaient pas s’enivrer du goût de l’autre. Quand ils s’éloignèrent, à bout de souffle, et que leurs regards se croisèrent, ce ne fut que pour y lire une même flamme, un même désir incontrôlable. Sans une parole, Milo attira Camus à lui, le positionnant à califourchon sur ses cuisses avant de reprendre ses lèvres en un baiser passionné qu’il cessa bientôt pour en couvrir le visage aimé. Il poursuivit l’exploration du corps du Français par une lente descente dans son cou, sur sa gorge, où il laissa des sillons humides que Camus trouva brûlants.

Quand Milo, gêné dans sa progression, bascula le Verseau sur le canapé pour se retrouver au dessus de lui et qu’il plongea son regard enfiévré dans celui troublé de son amant, il eut alors la confirmation qu’il espérait. Il reprit son exploration là où il l’avait arrêtée, léchant et mordillant la clavicule découverte, satisfait de tirer de petits gémissements à l’homme qu’il surplombait.

Sous lui, Camus se tordait de plaisir, impatient. Il avait désespéré que cet instant arrive et, à présent, il avait l’impression de se perdre encore plus. Sauf que cette fois, c’était dans le seul endroit où il voulait être : dans les bras de Milo.

La langue mutine dessinait des arabesques de feu sur son ventre alors que la douceur des mains grecques faisait frissonner son corps tout entier. Lorsqu’il sentit Milo descendre encore plus bas, Camus ne put réprimer un geste de recul.

« Attends, Milo, tu n’es pas obligé de… »

Mais le sourire rassurant et confiant du huitième gardien l’interrompit dans son élan et il ne put retenir un cri d’extase lorsque la bouche du Grec effleura son sexe dressé à travers son pantalon fin. Le Scorpion se redressa alors le temps d’enlever le vêtement gênant mais ne se remit pas sur son amant. Il s’agenouilla et contempla le corps souple et finement musclé qui s’offrait à sa vue malgré la pénombre qui régnait dans la pièce. Camus se sentit alors rougir sous le regard admiratif et incandescent qui se posait sur lui mais ne se déroba pas. Il aimait ce qu’il lisait dans les prunelles bleues et n’en ressentait qu’un désir plus pressant encore. Son bassin se souleva à la rencontre de la main qui venait de se reposer sur lui alors que son membre se retrouvait enveloppé d’une chaleur moite et incroyablement douce.

C’était la première fois que Milo goûtait au sexe d’un homme, et probablement qu’il en aurait été dégoûté s’il s’était agit d’un autre. Mais c’était Camus, l’homme qu’il aimait et, bien que timide au début, il se surprit à apprécier cette sensation étrange, la douceur de la chair fine sous sa langue, ce goût légèrement âpre et étonnamment frais chez le Verseau. Il n’eut aucun mal à trouver rapidement les mouvements qui amèneraient le Français au bord de l’orgasme. Après tout, il était un homme lui aussi.

Camus se noyait dans les sensations vertigineuses que lui faisait ressentir le Grec. Malgré son manque de pratique, ce dernier se révélait particulièrement doué et bientôt, il se sentit à la limite. Dans un sursaut de lucidité, il voulut arrêter Milo et attrapa sa tête à deux mains.

« Fais-moi confiance. » lui murmura alors celui-ci avant de se pencher à nouveau sur la verge gonflée du Français.

Le plaisir submergea Camus. Il ouvrit la bouche en un cri inarticulé, fauché par la jouissance alors qu’il se déversait dans la gorge de son amant.

Lorsque la semence du Verseau se répandit entre ses lèvres, Milo ne recula pas. Il s’en abreuva tel un homme perdu dans le désert à une oasis, se délectant de la saveur qu’il découvrait. Il releva la tête tout en essuyant les quelques gouttes qui persistaient au coin de ses lèvres mais fut arrêté dans son mouvement par Camus qui se redressa pour les lécher.

L’indécence de ce geste enflamma les sens du Scorpion qui se débarrassa du vêtement qui commençait à devenir une gêne intolérable avant de plonger à nouveau sur les lèvres gonflées et tentatrices dont il ne pouvait plus se passer. Sa main se glissa entre les cuisses de Camus qui s’écartèrent aussitôt en une invitation explicite. Le Verseau brûlait littéralement de l’intérieur, son corps réclamant le Scorpion de façon impérative. Ce dernier retrouva sans difficulté les gestes dont avait usé Camus lors de leur première fois et prépara son amant avec toute la tendresse dont il pouvait être capable malgré l’urgence qu’il sentait s’insinuer dans ses reins. Patiemment, il détendit les chairs tout en s’abreuvant aux lèvres offertes.

Lorsqu’il retira ses doigts et qu’il s’écarta légèrement, Camus le regardait avec une intensité qui l’hypnotisa. Ce dernier le fit soudain basculer sur le sol recouvert d’un tapis épais avant de venir le chevaucher sans le quitter du regard. Milo le saisit par les hanches afin de le guider en douceur alors que le Français s’empalait délicieusement sur lui. Une sensation indescriptible le traversa alors. Une sensation qu’il n’avait même jamais connu avec aucune femme. Camus était si bon, si chaud, si étroit. Jamais il n’allait pouvoir se retenir.

Le Verseau se laissait glisser contre la verge de l’homme qu’il avait toujours aimé. Il avait l’impression d’être enfin entier, comme si ce vide qu’il avait toujours ressenti était enfin comblé. Poussant un profond soupir de bien-être, il fixa son amant avec passion, devinant sans peine le contrôle qu’il tentait désespérément de garder sur son corps. A peine Milo venait-il de le pénétrer qu’il se sentait lui-même au bord de la rupture, pour la seconde fois. Camus s’immobilisa, le Grec entièrement en lui, et planta son regard dans les prunelles voilées du Scorpion. Ils semblèrent se comprendre en silence car Milo le souleva alors lentement pour mieux réinvestir son corps, puissamment mais toujours en douceur. Deux cris semblables s’élevèrent alors dans la pièce. Deux cris d’extase.

Camus rejeta la tête en arrière et s’abandonna alors entièrement au rythme de son amant. Pendant plusieurs minutes, seules leurs respirations saccadées entrecoupées de petits gémissements se firent entendre, jusqu’à ce que Milo finisse par céder à la pulsion qu’il combattait désespérément et ne renverse Camus sur le sol. Il plongea en lui aussitôt à un rythme erratique, ses cuisses collées aux fesses du Français dont il maintenant les jambes contres son torse. Il n’avait plus aucun contrôle, l’instinct charnel ayant pris le dessus.

Deux auras dorées s’élevèrent alors que, sous lui, Camus criait son plaisir tout en lui griffant les épaules. Un dernier coup de reins. Un prénom crié. Suivi presqu’aussitôt d’un autre et Milo retomba dans les bras tendus de son amant. L’un comme l’autre étaient encore perdus dans les hautes sphères d’une extase irréelle alors que leurs cosmos unis redescendaient lentement pour les envelopper d’un cocon protecteur, fusionnel.

Longtemps après, Milo se redressa légèrement pour contempler son amant. Une certaine quiétude brillait dans le regard habituellement froid et inexpressif. Un apaisement aussi, qui submergea le Grec d’un bonheur sans nom. En se noyant dans le bleu profond des prunelles du Français, Milo se sentit divinement bien et à sa place. Il aimait cet homme. Il réalisait avec force que, plus que la sauvegarde de l’humanité, c’était Camus qu’il avait voulu sauver. Et pas uniquement des Portes mais aussi de lui-même. Il regretta un instant de ne pas avoir compris plus tôt qu’il suffisait de lui montrer qu’il l’aimait, qu’il le désirait, lui, tel qu’il était.

« Je t’aime. » lui souffla t’il tout bas sans le quitter des yeux.

« Je t’aime. »

La réponse identique et simple du Verseau inonda son cœur et pour la première fois depuis leur retour miraculeux des Portes, il eut la sensation qu’il avait enfin l’avenir devant lui. Un avenir heureux avec l’homme qu’il aimait.

Camus sourit à son amant. Il l’aimait depuis toujours mais avait enfin la conviction de la réciprocité de ses sentiments. Milo lui avait fait l’amour avec passion et respect. Ils avaient fusionné tant par leurs corps que par leurs cœurs et leurs cosmos. Il n’avait plus à douter.

Même si une part de lui n’oublierait jamais ce qu’il avait fait, avant, et qui le dégoûtait tant ; il envisageait l’avenir avec sérénité. Il avait déjà commis l’erreur une fois de ne rien dire à Milo. Cela l’avait conduit en Enfer. Il avait pourtant recommencé et avait failli le perdre… une deuxième fois. Il se promit que, plus jamais, il ne garderait ses doutes et ses angoisses pour lui. Milo lui avait prouvé que l’échange était primordial.

L’épreuve des Portes les avait tous rapprochés. Il n’en avait pourtant pas tiré les enseignements cette fois là. Mais à présent, après la fusion de leurs corps, de leurs cosmos, il savait. Il aimait Milo. Il avait confiance en lui.

« Camus ? »

Le Verseau rouvrit les yeux pour plonger dans les orbes bleutés. Il passa une main sur le visage aimé en souriant tendrement. Aucun mot n’était plus nécessaire. La fusion était totale. Il se comprenait parfaitement à présent. Un lien étroit et puissant les unissait que rien ne pourrait jamais détruire, ils en étaient certains… Non, ils en étaient conscients.

 

FIN