Note de Kiranagio : Je suis une lectrice tardive d'UDC, que j'ai dévoré d'une traite durant les dernières vacances de Noël. (Et heureusement : me connaissant, j'aurais trépigné d'impatience en attendant les nouveaux chapitres, tellement je suis totalement tombée dedans). Ce qui m'a plu d'entrée de jeu, c'est la façon dont Alaiya a réussi à créer un univers alternatif en conservant les principes de base de l'original, mais en lui donnant une dimension plus humaine. Que ce soit dans le principe des Portes qui menacent l'humanité ou dans le traitement des personnages. Le style d'écriture porte le texte d'un souffle jusqu'au bout, également. J'ai beaucoup aimé tous les personnages, sans préférence particulière, ce qui prouve qu'Alaiya les a décrits avec une grande sensibilité, chacun possédant sa part de lumière et sa part d'ombre. C'est la première fois qu'une histoire me fascine à ce point que j'ai osé proposé une side-story, ce qu'Alaiya a accepté avec une grande gentillesse, en plus de me donner des précisions sur les éléments nécessaires. J'avais envie de me pencher sur un côté oublié de l'histoire, à savoir la révolte des Bronzes contre le Sanctuaire, de son origine à son écrasement. Projet très ambitieux que j'espère mener à bien sans trop de casse. Je me suis également appuyée sur certaines side stories, notamment celle de Black Dragon au sujet de Seiya et Saori.

Note d’Alaiya : La découverte d’UDC par Kiranagio a été une sacrée et très agréable surprise. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle lise cette histoire, autant dire que les retours qu’elle en a faits m’ont tiré de grands sourires béats. Et le fait qu’elle décide de se lancer dans une side-story, qui plus est de cette ampleur, m’a vraiment fait sauter au plafond. Parce que Kiranagio, c’est tout de même un sacré style, une maîtrise impeccable de l’écriture, le tout avec une facilité déconcertante. Bonne lecture à tous et toutes !

 

La révolte

Chapitre 1. Nous étions jeunes et larges d'épaules...

Par Kiranagio

 

Sanctuaire, Grèce, 1987…

— Nous sommes arrivés.
Dôkho tendit la main à son élève pour l'aider à descendre de la barque. Shiryu l'effleura à peine en sautant à terre d'un mouvement souple, avant de se tourner vers le passeur qu'il salua poliment d'une brève inclinaison du buste. Puis il se retourna vers l'île dont il venait de fouler le sol pour la première fois de sa vie. L'interminable escalier traversant les douze temples pour aboutir au Palais, tout en haut, il en avait entendu parler tellement souvent qu'il aurait pu les décrire les yeux fermés. Et pourtant à présent qu'il les avait devant lui, il ne pouvait s'empêcher de trouver l'ensemble un brin ostentatoire. Comparé aux Cinq Pics, le Sanctuaire ne jouait clairement pas dans la même catégorie. Pour un peu, il en aurait voulu à Dôkho d'arborer le sourire épanoui de qui retrouve un vieil ami, mêlé d'une certaine dose de respect. Il lui semblait presque que c'était une forme de trahison envers leur modeste demeure chinoise et ses humbles occupants. Enfin, ils ne resteraient pas longtemps, se rassura-t-il. Le temps d'obtenir officiellement son titre de chevalier du Dragon, et il regagnerait la Chine qu'il entendait bien ne plus quitter qu'au cas improbable où un conflit le rappellerait à son devoir.
Tout en entreprenant l'ascension des marches derrière un Dôkho que l'air de l'île semblait avoir encore rajeuni de quelques années, il songeait au maître des lieux, qui devait les recevoir. Il était curieux de rencontrer l'ami de longue date de son maître. Il devait s'agir d'une personnalité exceptionnelle pour que Dôkho le tienne en telle estime. Perdu dans ses pensées, il ne vit pas les temples défiler, et au détour du troisième, manqua se cogner dans quelqu'un qui arrivait en courant en sens inverse. Retrouvant son équilibre de justesse, il tendit machinalement le bras pour empêcher celui qui avait failli le percuter de basculer la tête la première dans les escaliers, et rougit en constatant qu'il s'agissait d'une jeune fille de son âge qui lui souriait d'un air d'excuse.
— Rachel, voyons... lança Dôkho d'un ton réprobateur.
L'intéressée ne lui porta aucune attention, se contentant d'écarter d'un mouvement d'épaule la réprimande avant de se concentrer sur le nouveau venu. Ce n'était pas tous les jours qu'un beau garçon mettait les pieds au Sanctuaire, et celui-ci dégageait un incontestable charme viril. Une bouffée d'air frais bienvenue dans un univers clos qui commençait à lui peser de façon quasi insupportable.
— Tu dois être le nouveau chevalier du Dragon. Bienvenue au Sanctuaire.
Shiryu songea qu'elle avait un port de reine et à l'instant, son amie d'enfance Shunreï lui parut bien terne en comparaison. Aussitôt il s'en voulut de cette réflexion, lui qui venait à peine de reprocher à Dôkho de trahir l'esprit de Rozan. Cependant, il ne pouvait détacher ses yeux de la nouvelle venue. Rachel... Se pouvait-il qu'il s'agisse de l'héritière Dothrakis ? Elle en avait le maintien, à tout le moins.
— Je vais vous escorter, proposa généreusement celle-ci.
Après tout, la visite qu'elle avait prévue pouvait attendre. Alors que les sources de divertissement, il ne s'en présentait que rarement. Tout en gravissant les marches, elle s'enquit poliment de la vie aux Cinq Pics, sans s'arrêter au ton légèrement sec de Dôkho. Elle savait qu'il désapprouvait autant la façon qu'elle avait eue de courir dans les escaliers que sa tenue trop légère pour convenir à une demoiselle d'illustre naissance. Glissant un regard en biais en direction de Shiryu, elle s'assura que l'élève ne partageait pas les préventions du maître. Le regard turquoise ne reflétait que de l'admiration. Parfait.
En arrivant sur le parvis du Palais, toutefois, elle changea brusquement d'avis.
— Voilà, vous êtes arrivés. Je vous laisse terminer seuls.
Levant les yeux vers le porche, les arrivants virent un adolescent à la longue chevelure bleue appuyé contre une colonne, l'air sombre. Dôkho réprima une grimace devant le vide de ses yeux. Les relations entre Andréa Antinaïkos et ses fils n'avaient jamais été au beau fixe, mais depuis  sa mort, les rares fois qu'il avait remis les pieds au Sanctuaire, les choses lui avaient semblé pires. Il faudrait qu'il en touche deux mots à Shion, à l'occasion. Son vieil ami devait bien être conscient qu'on ne pouvait laisser la situation continuer à se dégrader
Lorsque Shiryu passa devant lui, Saga le détailla de la tête au pied avec une telle expression de suffisance que le pourtant paisible Dragon se sentit à deux doigts de lui asséner une gifle bien sentie. Pour se calmer il se répéta comme un mantra : trois jours, trois jours... Le temps qu'il leur faudrait passer ici, avant de pouvoir regagner la quiétude des Cinq Pics.
Aucun d'eux ne remarqua, à la fenêtre ronde de l'étage, la chevelure aux reflets verts qui se reculait, pensive. Une carte inattendue venait d'entrer dans le jeu, et s'il l'utilisait habilement, peut-être cela pourrait-il renforcer son plan. Oui, le Dragon appartenait à la catégorie des atouts. Et tant pis s'il devait pour cela se servir de l'élève de son vieil ami. Après tout, il n'en était plus à ça près.

*-*-*

Shiryu descendit lentement les marches du palais. L’entrevue avec le Grand Pope s’était bien déroulée, et il était donc maintenant officiellement le chevalier de bronze du Dragon. Dôkho ayant exprimé ensuite le désir de parler seul à seul avec son ami d’enfance, il s’était retiré et se trouvait donc à présent livré à lui-même.
Il chercha des yeux sans l’apercevoir la silhouette de la jeune fille qui les avait accueillis. Il eût volontiers  profité de nouveau de ses talents de guide, malheureusement elle ne se trouvait nulle part en vue. Une rumeur lui parvenant de la droite, il décida de se diriger dans cette direction.
Il chemina un long moment dans la chaleur du printemps grec avant d’arriver aux arènes. Haussant les épaules il décida que puisqu’il se trouvait là, autant assister à l’entraînement. Il pourrait peut-être en retirer quelques leçons.
Un léger sentiment de fierté lui balaya le cœur lorsqu’il se présenta au gardien à l’entrée comme Shiryu, chevalier de bronze du Dragon.
― Vous avez de la chance, c’est l’heure de l’entraînement des chevaliers d’or, lui annonça l’homme.
Il lui sourit en le remerciant pour ne pas le vexer, mais en réalité, il se moquait bien des chevaliers d’or. Les grands honneurs ne l’avaient jamais impressionné. Tout ce qu’il désirait, c’était mener une vie tranquille, et, le cas échéant, défendre le droit de tous à rester en paix.
La lumière du soleil blessa ses yeux. Il régnait dans les gradins une chaleur infernale, et il se hâta de gagner l’ombre. Il se demandait comment faisaient les combattants, en bas, pour résister. Bientôt, cependant, il oublia ces préoccupations matérielles pour se concentrer sur les techniques de combat. Il devait reconnaître que les deux hommes dans l’arène faisaient preuve d’une puissance exceptionnelle, bien supérieure à ce dont lui-même serait capable. Cependant, quelque chose dans leur attitude le mettait mal à l’aise. Surtout celle du plus grand des deux, un homme basané aux cheveux d'un bleu sombre coupés courts, manifestement d’origine sud européenne. Il y avait chez lui trop de violence à peine rentrée, que son adversaire, un homme brun un peu plus petit, tout en muscles et en puissance, peinait à contenir. Penser que le destin du monde se trouvait entre les mains d’un tel individu avait quelque chose de désagréable. Heureusement que le Grand Pope, lui, paraissait être un homme profondément sensé.
La chaleur le faisait somnoler, et il sursauta lorsque le gong annonça l’arrivée de deux nouveaux combattants. Ses yeux s’écarquillèrent en constatant que l’un d’entre eux n’était autre que la jeune fille croisée plus tôt sur les marches. Elle portait une courte tunique d’entraînement qui mettait ses formes en valeur, et dégageait la même aura de puissance que ses compagnons.
Il s’agissait donc bien de l’héritière Dothrakis, songea-t-il avec un petit pincement au cœur. Non qu’il s’était imaginé quoi que ce soit, mais il avait l’impression qu’une porte venait de se fermer.
Son adversaire, lui, n’était autre que le jeune homme aux cheveux bleus qui l’avait dévisagé de façon tellement insolente à son arrivée au palais.
Il se prit à souhaiter que la jeune fille lui inflige une bonne dérouillée. Elle semblait en être parfaitement capable.
Leur combat fut étrange, quelque chose à mi-chemin entre une danse et une lutte à mort, comme si les deux adversaires ne parvenaient pas bien à décider s’ils désiraient s’embrasser ou se déchirer. Une fois de plus, Shiryu songea qu’il y avait chez le jeune homme quelque chose de malsain, comme une fissure dissimulée dans un diamant qui ne tarderait pas à le faire éclater. Chez la jeune fille, en revanche, il ne distinguait que la pureté du cristal.
Il s’apprêtait à quitter les gradins lorsque l’objet de ses pensées l’interpella.
― Tu veux t’entraîner un peu ?
― Je ne suis qu’un chevalier de bronze, s’excusa-t-il.
― Ce n’est pas grave, c’est juste un jeu, affirma la jeune femme.
Shiryu n’aurait pas cru qu’il aurait pris tant de plaisir à un simple entraînement, surtout par une chaleur aussi torride, pourtant sa joute avec Rachel, toute en feintes et en mouvements souples, l’amusa infiniment. C’était un peu comme s’il avait de nouveau eu six ans et qu’il eût été en train de jouer à chat avec ses camarades à la récréation.
Rachel devait partager cette impression car elle riait lorsque, d’un commun accord, ils mirent fin à leurs passes, le corps ruisselant de sueur.
Après une longue douche froide, Dôkho n’étant toujours pas ressorti de son entretien avec Shion, elle lui proposa de venir prendre un verre sur la terrasse du palais. A l’ombre des vieilles pierres, la température demeurait agréablement plus fraîche.
Les deux adolescents conversèrent un long moment, se découvrant de nombreux points communs, notamment en matière de lectures. Prenant confiance en son interlocuteur, Rachel s’enhardit à lui confier son dégoût de la vie au Sanctuaire et des trop nombreuses obligations qui pesaient sur elle. Shiryu abonda dans son sens :
― Chacun devrait pouvoir choisir son destin.
Elle lui sourit, songeant qu’elle trouvait de plus en plus agréable ce grand garçon calme et solide, et, il fallait bien l’avouer, remarquablement séduisant. La pensée de Saga traversa fugitivement son esprit, mais elle la repoussa bien vite. Plus ils grandissaient, plus Saga semblait s’éloigner d’elle, et puis son discours sur les devoirs des héritiers des grandes familles lui paraissait de plus en plus incohérent. Elle ne le comprenait plus. Alors que le chevalier du Dragon, qu’elle venait tout juste de rencontrer, avait saisi du premier coup ce qui lui déplaisait dans le système, et l’en approuvait.
Ils en étaient à discuter de la vie qu’ils auraient menée s’ils n’avaient pas eu de cosmos lorsque Shion et Dôkho refirent leur apparition. Le second s’assit à côté de son disciple pendant que le premier intimait l’ordre à Rachel de le suivre, pour une affaire d’ordre privé.

*-*-*

Dôkho sirotait son thé glacé à petites gorgées tout en regardant Rachel et Shiryu qui disputaient une partie d’échecs à une table basse. Cela faisait à présent plusieurs jours que son élève et lui auraient du repartir pour les Cinq Pics, mais Shion trouvait sans cesse un nouveau prétexte pour les retenir. Il était flatté que son vieil ami veuille solliciter son avis, mais il restait tout de même suffisamment lucide pour se rendre compte qu’il aurait parfaitement pu s’en passer. Il sentait confusément qu’il se tramait quelque chose d’obscur, mais bien malin qui aurait pu dire quoi. Les raisonnements de Shion échappaient au commun des mortels, et même à ses pairs. De quoi qu’il s’agissait, toutefois, Dôkho restait convaincu qu’il n’avait en tête que l’intérêt commun.
En attendant, Shiryu qui avait été si pressé de repartir à leur arrivée ne se plaignait nullement de la poursuite de leur séjour, et cela avait tout à voir avec la jeune fille qui riait en s’emparant de son cavalier. Les deux jeunes gens avaient instauré une routine faite de promenades, d’entraînements et de jeux à l’ombre de la terrasse. Leur complicité ne pouvait échapper à personne, et certainement pas au garçon aux longs cheveux bleus qui chaque jour arborait une aura plus sombre. Dôkho en avait touché un mot à Shion, mais celui-ci lui avait affirmé qu’il n’y avait pas à s’inquiéter, et que tout se trouvait sous contrôle. Il ne demandait qu’à le croire, d’autant qu’il aimait malgré tout beaucoup Saga, mais il ne pouvait s’empêcher de penser que la situation pourrissait petit à petit, et que tout ça finirait mal.
Rachel grimaça en constatant que sa dame se trouvait en mauvaise posture. Une fois de plus elle s’était montrée trop impétueuse dans son attaque, et Shiryu avec son calme à tout épreuve en avait profité. Un doigt sur les lèvres, elle feignit de s’absorber dans une profonde réflexion. En réalité, elle repensait à son entretien avec Shion, le dernier d’une longue série.
« Tu ne peux pas te compromettre avec un simple chevalier de bronze, martelait le Pope. Tu es une Dothrakis, ta place est ici, au Sanctuaire. C’est ton destin, il ne t’est pas permis de t’y soustraire. »
Elle se demandait si Shion savait à quel point ce discours lui donnait envie de hurler. Comme elle l’avait dit le premier jour à Shiryu, elle voulait être libre de choisir son destin, et si elle devait assumer un jour la charge, que ce fut de son plein gré, et pas au nom d’une quelconque tradition. Plus Shion lui parlait, et plus elle songeait à s’échapper. Elle balaya pensivement du regard le visage aux traits virils de son vis-à-vis. Elle mourrait d’envie d’y poser ses lèvres, mais le chevalier du Dragon se montrait toujours d’une impeccable correction avec elle. Bien trop pour ses hormones en pleine ébullition.
Un plan s’esquissa à la frontière de son esprit. D’abord, montrer à Shiryu cette plage isolée, et les plaisirs qu’on pouvait retirer de la natation en duo, et plus si affinités. Ensuite… Partir. Quitter le Sanctuaire, faire ses preuves par elle-même. Et tant mieux si c’était avec le chevalier du Dragon.
« Echec et mat » sourit-elle en déplaçant habilement la reine en difficulté.

*-*-*


Il fallait qu’il parle à Rachel. Il voyait bien qu’elle se rapprochait du chevalier du Dragon, tout le Sanctuaire murmurait à son sujet, et c’était juste insupportable. Il devait trouver les mots pour lui faire comprendre que… En même temps, il avait conscience de ne pas se porter bien. Il avait de plus en plus d’absences, et ça le terrifiait de perdre comme cela des petits morceaux de sa vie. Demander à Rachel de rester à ses côtés pour partager le fardeau serait égoïste de sa part. Il fallait d’abord qu’il résolve ce problème, et ensuite il pourrait envisager de la reconquérir. Shiryu ne faisait pas le poids face à lui, et de toutes façons, il allait bientôt repartir en Chine.
Ses pas le menèrent sans qu’il y pense vers la petite plage derrière la pointe rocheuse. Il savait que Rachel aimait s’y rendre seule pour échapper à la pression du Sanctuaire. Peut-être aurait-il la chance de l’y trouver.
Elle s’y trouvait effectivement. Mais pas seule. Elle et Shiryu étaient même tellement occupés qu’ils ne se rendirent pas compte que leurs ébats avaient un spectateur stupéfait, furieux, et envieux. Une flambée de haine monta dans son ventre pour celui qui osait tenir dans ses bras celle qui lui était destinée, celle avec laquelle il avait appris l’amour, celle qui n’aurait jamais du prendre autant de plaisir sous les caresses d’un autre.
Il fit demi-tour, la vue brouillée par les larmes, de chagrin ou de colère, il ne savait pas. Il lui semblait que dans son esprit, une nouvelle corde venait de céder avec un claquement sec.
Sur la plage, Rachel murmurait à l’oreille de son amant :
« Emmène-moi avec toi. »
Et Shiryu lui répondait, caressant ses cheveux épars sur le sable :
« Jusqu’au bout du monde. »

*-*-*

Dôkho n’avait pas été ravi de découvrir, au moment de l’embarquement, que Rachel faisait partie du voyage. Pour un peu, il aurait presque décroché le téléphone pour prévenir Shion, mais les deux jeunes gens l’avaient fixé avec un tel air de résolution qu’il ne s’était pas senti le cœur de se mettre en travers de leur chemin. Nul n’aurait pu les arrêter. Je vieillis, songea-t-il, désabusé. Une fois de plus, la question vint l’effleurer de savoir s’il serait à la hauteur de la nouvelle génération des chevaliers d’or, puis il la chassa de son esprit. Le départ de Rachel allait certainement causer des soucis autrement plus importants, dans l’immédiat. Et il ne pouvait pas se défaire d’un pressentiment tenace en ce qui concernait Saga. Le jeune homme avait eu un regard étrange, la dernière fois qu’il l’avait croisé avant son départ. Hanté.
La voix synthétique de l’aéroport annonça l’embarquement immédiat de leur vol. Devant lui, Rachel et Shiryu saisirent leurs bagages d’un côté, et, se tenant par la main de l’autre, franchirent la barrière. Il leur emboîta le pas.
Pendant ce temps, au sommet de Star Hill, le dernier rescapé de l’ultime bataille contre les Portes contemplait le ciel qui virait peu à peu au mauve, se demandant si ces deux points lumineux qui se déplaçaient sur l’Est signalaient l’avion de Dôkho. Quelque chose lui disait qu’il ne le reverrait plus. Il avait joué sa partie, et avec le départ de Rachel, les dés étaient jetés.