Chapitre 6 : Le réveil d'Antares

Trop chaud... Il faisait trop chaud, elle n'en pouvait plus...
Sliya s'arrêta un instant à l'ombre d'un rocher. La canicule faisait onduler l'air autour d'elle et brûlait la terre sous ses pieds, transperçant ses fines sandales.
Elle se retourna un instant pour observer l'homme qui la suivait. Il ne s'en cachait pas et, plusieurs fois, elle avait résisté à la tentation d'essayer de le semer mais avait vite abandonné l'idée : il n'aurait aucun mal à la rattraper, ce ne serait qu'une perte de temps. Qui était ce déjà ? Saga ? Le Chevalier désagréable qui la soupçonnait de elle-ne-savait-trop-quoi ? Ou bien peut-être son frère jumeau, dont elle ne se souvenait plus du nom...
Quoi qu'il en soit, ils n'avaient rien à craindre, elle ne s'approcherait plus de leurs temples. Elle avait d'ailleurs prit la direction opposée en sortant du Palais, tout en sachant que ça ne la mènerait sans doute nulle part. Mais comme ça, au moins, ils ne viendraient pas se plaindre qu'elle ai posé le pied dans leurs Maisons...
Pfff... Quelle chaleur insupportable ! Elle commençait à se sentir étourdie et vidée de ses forces... Décidément, elle détestait cet endroit !


Milo poussa un énième soupir. Cela faisait presqu'une heure qu'ils étaient là sans apprendre grand chose et il avait hâte de retrouver son temple. Il fut aussitôt réprimandé par Camus qui lui enfonça son coude dans le ventre. Le Scorpion lui lanca un regard agacé et reporta son attention sur ce qu'il se passait.
Athéna avait posé l'armure devant elle et semblait examiner chaque pièces, tandis que Dokho se perdait en conjecture.
" Si l'armure est sur notre monde, c'est que son porteur n'est pas mort. La tombe sur la Reine Damnée n'était donc pas la sienne, ce qui nous fait une énigme de plus. Et comme l'a précisé Athéna, l'armure ne peut être revêtue que si le monde entier est de nouveau menacé..."
" En gros, si Cronos parvient à s'échapper de sa prison." fit Aldebaran. " Et si c'était le cas, je pense que nous aurions été prévenus..."
Saorie acquiesça :
" Cronos est toujours emprisonné. Son retour aurait provoqué le réveil des 12 Guerriers et une vague de chaos qui aurait alerté tout l'Olympe. Non... Antares n'a pas dû retrouver son porteur. Mais le fait même qu'elle ai pu entrer entre nos mains prouve que quelque chose est arrivé..."
" Qui est son porteur ?" demanda brusquement Ayoros.
" C'est..."
Athéna hésita et sembla se troubler. Milo la vit réflechir intensément, les yeux à demi clos.
" Je ne sais pas. Je me souviens juste qu'il était un de mes Chevalier d'or, du Scorpion si je ne me trompe pas ; lorsqu'il a revêtu l'armure mythique, tout les liens qui m'unissaient à lui ont disparut. Ce n'était plus un de mes Chevaliers..."
" Il suffit de consulter les registres non ?" demanda Shiryu. "Je ne sais pas si ça nous avancera à grand chose mais savoir qui il était peut être utile..."
" Non."
La jeune femme était catégorique. Elle repoussa une mèche qui retombait sur ses yeux et reprit :
" Tout ce qui a été en rapport avec lui a été effacé, même ma mémoire. Et ça a été la même chose pour les autres Dieux..."
Milo s'étonna. Jamais il n'avait remarqué le moindre manque dans les antécédents des Chevaliers qui l'avaient précédés. Mais la caste des Chevaliers d'or était si mystérieuse...
" Quand est ce que le guerre conte Cronos a eu lieu ?" demanda t-il.
" Il y a des milliers d'années", répondit-elle. "En ce temps là, Zeus venait de me confier la protection de la Terre. Quand Cronos nous a attaqué, Arés et moi venions de sortir d'une guerre sanglante qui nous a coûté la quasi totalité de nos effectifs."
" Une bataille contre Arés..." répéta Dokho. " Je n'en suis pas sur, mais je crois qu'il doit s'agir de la deuxième Guerre Sainte qui opposa Athéna contre le Dieu de la Guerre. Mais.. Il me semble qu'il n'y avait aucun Chevaliers d'or survivants. Ils avaient été les premières victimes et été tombés après avoir détruit la moitié des Bersekers d'Ares..."
" Il n'y a aucun document la dessus ?" demanda Mü. " Les archives du Sanctuaire sont pourtant bien tenues..."
Le Grand Pope hocha la tête.
" J'avais trouvé cet allusion à la 2e Guerre Sainte dans le journal tenu par les gardes du Sanctuaire. Tous les autres documents ont été détruit ou perdus..."
" Ne nous occupons pas du passé mais du présent !", lanca Aiolia.
" Récapitulons le principal," fit Dokho. " L'armure d'Antares est apparue sur Terre, ce qui est normal car Athéna est présente. Mais le fait qu'elle soit entrée dans nos mains montre qu'il y a quelque chose qui ne va pas, et les attaques que le Sanctuaire a essuyé en sont bien la preuve. Nous savons aussi que quelqu'un joue à transformer les armures noires pour les rendre beaucoup plus puissantes, sans doute dans le but de se constituer une armée..."
" Conclusion, on va bientôt essuyer une attaque", termina Masque de Mort.
Personne ne répondit.
" Que va t-on faire de l'armure ?" demanda Mü.
" Il y a quelqu'un sur ce monde, homme ou dieu, qui joue avec des forces phénoménales..." murmura lentement Athéna. "Nous ne pouvons pas le laisser agir à sa guise..."
" Pour cela, il faudrait connaître ses plans", remarqua Camus. " Et je ne vois pas comment..."
" Je peux réveiller l'armure. Il y a de forte chance pour que cela attire son porteur..."
Stupéfaction générale.
" Et comment comptez vous vous y prendre ?" demanda Shaka.
Sans répondre, la déesse leva son poignet au dessus de l'armure et approcha son sceptre de son bras.
" Saorie-San !?"
Seiya se leva à moitié de sa chaise.
La déesse l'ignora et s'ouvrit la veine.

Cette atmosphère était trop oppressante, elle ne pouvait pas rester ici. Il fallait absolument qu'elle s'en aille, loin, très loin, le plus loin possible... Elle ne pensait plus, sa tête l'élançait horriblement, jamais elle n'avait connu une telle douleur. Des voix résonnaient dans son esprit, des voix étranges, familières mais pourtant lointaines...
Elle ne voulait plus les entendre, cela réveilla en elle des souvenirs qui ne lui appartenait pas !
Une main se posa sur son épaule et elle poussa un cri à son contact, repoussant violemment le chevalier qui tentait de lui venir en aide. Comme dans un cauchemar, elle se vit courir, courir pour aller le plus loin possible, pour s'éloigner de l'aura trop présente de celle dont le lieu où elle se trouvait appartenait...

Du sang...
Goutte à goutte, il coula le long de ce fin poignet pour retomber sur Antares, de la Constellation du Scorpion...
Antares s'éveille.
Autrefois, c'était un Chevalier, protégeant celle qui versait à présent de son sang pour la réveiller.
Elle était engourdie ; ses sens percevaient de puissants cosmos autour d'elle, mais elle ne les connaissait pas. Les armures qu'ils portaient, pourtant, lui était familières ; où étaient passés les hommes avec qui elle avait combattu ?
Et ce Chevalier... N'était ce pas l'armure qu'elle portait avant ? Scorpio Mémory... Elle fut jadis ce Chevalier fier et orgueilleux...
A présent ?
Que se passe t-il ?
Son corps n'était plus, bien sur ; elle avait dû mourir et ne s'était pas réincarnée. Ou bien si ? Elle ne savait plus ; il lui semblait avoir arrêté son cycle de vie pour goûter au repos éternel...
Alors pourquoi ? Pourquoi l'a tirait-on de son sommeil ?
Il n'y avait personne pour l'accueillir... Et cette chose noire et glauque qui l'entourait la rendait mal à l'aise.
Elle préféra se rendormir.

" Saorie ! Saorie !! "
Dokho écarta le Chevalier de Pégase hystérique et se pencha sur la déesse évanouie. Il vit Shaka prendre doucement son bras et refermer l'entaille à l'aide de son cosmos. Athéna ne tarda pas à reprendre conscience... Son visage aux traits délicats était pâle mais c'était une main ferme qui se referma sur le sceptre. Elle laissa ses Chevaliers l'aider à se rasseoir et sembla se plonger à nouveau dans ses réflexions.
Mü se pencha sur l'armure qui scintillait avec plus d'éclat mais qui n'avait pas changée : elle ne s'était pas éveillée.
Pourtant, pendant un moment fugace, elle semblait rayonner de vie... Le sang divin avait été totalement absorbé par le mythril, il n'en restait plus une trace. Etrange...
Il l'examinait toujours quand Kanon entra soudain dans la pièce, l'air agité.

Dés la première fois qu'il avait sentit sa présence, il s'était demandé qui elle était. Et quand l'armure fut ramenée au Sanctuaire, ses doutes se confirmèrent. Il n'avait rien dit à personne car cela n'aurait rien arrangé. Au contraire, certains auraient voulu faire du zèle et la brusquer pour qu'elle revête Antares.
Ce n'était pas une bonne idée...
Il était parvenu à lire en elle l'autre nuit et à passer ses barrières , et ce qu'il avait vu l'avait à la fois ému et choqué. Il aurait voulu l'aider...
Les autres Chevaliers fouillaient le Sanctuaire de fond en comble mais il savait où aller. Comme il s'y attendait, il l'a trouva dans le Jardin. C'était le seul endroit où elle aurait pu se réfugier, le seul endroit qui n'était pas imprégné de la présence divine...
Il s'installa sur l'herbe à ses cotés. Pendant un long moment, ils restèrent assis sous les Säls, sans bouger, avant que la jeune femme ne se décida enfin à briser le silence.
" Je crois que le Chevalier des Gémeaux avait raison à mon propos..."
Sa voix n'était qu'un léger murmure et Shaka dû tendre l'oreille pour écouter.
" Qu'a donc dit Saga ?" demanda t-il doucement.
" Que je ne suis pas ce que je semble être..."
Shaka réfléchit un moment.
" Vous avez été chevalier..."
C'était plus une affirmation qu'une interrogation. Sliya acquiesça lentement.
" Je l'ai été... Dans une autre de vie. Je crois m'en souvenir, mais ces personnes... ce ne sont pas moi. Je ne suis pas eux."
" Vous ne pouvez pourtant pas les renier."
Le visage de la jeune femme se durcit.
" Et qu'est ce qui m'en empêche ? Ces gens ne me ressemblent pas. Je n'ai pas envie de mettre une armure et me battre."
Shaka ne discuta pas. Il avait ouvert les yeux et contemplait le champs de fleurs d'un air rêveur. Sliya le dévisagea un instant, guettant une réaction qui ne venait pas.
" Ca vous est égal ?" s'énerva t-elle. " Alors, rien ne vous empêche de me ramener au Japon, n'est ce pas ?"
" Votre destinée est ici."
La jeune femme sentit monter une bouffée de colère contre ce chevalier aux paroles sibyllines.
" Jusqu'à dernière nouvelle, rien ne peut me priver de mon libre arbitre."
" C'est vrai, tant que vous n'aurez pas revêtu l'armure, vous être libre de vos choix. Mais... l'ennui est que cette armure, vous la portez depuis des siècles. Il est trop tard à présent."
La jeune femme éclata de rire et lui lanca un regard moqueur.
" Que cela veut-il dire, Chevalier ? Nous autres, humbles avatars, ne pouvons faire nos propres choix ? Qu'en est-il de vous alors, Ô Grand Bouddha ? C'est bien cela n'est ce pas ? Vous êtes la réincarnation de l'Illuminé ?"
Shaka baissa les paupières.
" Certains le prétendent..."
" Qui aurait imaginé que Siddhârta prendrait les armes...", murmura Sliya d'un air las.
Cette fois, le chevalier la dévisagea franchement, une lueur amusée au fond des yeux.
" Je ne suis pas Bouddha comme vous semblez le croire, mais le Chevalier d'or de la Vierge, Shaka... Vous, vous n'êtes pas le guerrier mythique vivant il y a des lustres, mais Sliya, chevalier de l'Antares... Nous ne sommes pas des Dieux. Nos destins... Nous pouvons les choisir, nous pouvons suivre nos voies, mais le but que nous cherchons à atteindre est le même... Qui que nous soyons. Vous pouvez décider de partir, mais le pourriez vous ?"
" Est ce un défi ? Si je décide de partir, alors je partirais, n'ayez crainte. Mais en aucun cas je ne servirais de pion aux Dieux !" lanca la jeune femme d'un ton amer.
" C'est ainsi que vous nous voyez ? De simples pions ?"
" Exactement, des pions, de simples pions, que les Dieux manipulent et sacrifient comme bon leur semble... Que croyez vous ? Athéna... Elle est comme les autres, comme Arés ou Hadès, elle est comme eux !"
Shaka se leva.
" Vous semblez avoir oublié les principes fondamentaux de la chevalerie..." murmura t-il froidement. " Cela me désole, mais je ne peux pas vous l'enseigner, vous devrez cherchez cela par vous même."
Sliya le regarda partir, plongée dans ses réflexions... Que pouvait-elle faire d'autre ?


Mémory ?
Mémory, où es-tu ?
Pourquoi n'es tu pas avec nous ?
Feril... Anaki... Dalak... et les autres...
Memory, pourquoi?
Je... C'est parce que je suis vivante... Je suis toujours là...
Mémory, tu es morte, ne te souviens tu pas ? Nous sommes morts ensemble, nous sommes morts pour Athéna....
Je voulais mais... Je ne suis pas morte.
Pourquoi ? Pourquoi toi ?
Je ne sais pas !
Pourquoi toi et pas nous ?
Ce n'est pas moi qui ai décidé !
Nous t'avons protégé Mémory... Nous étions ensemble et nous sommes morts...
Ce n'est pas ma faute ! J'aurais voulu mourir aussi, disparaître pour toujours mais...

La jeune femme s'éveilla.
Il faisait nuit ; elle était toujours la, toute seule, allongée sur l'herbe. Le temps avait passé...
Elle frissonna. Il faisait frais... Le ciel était d'un noir d'encre, sans étoile, ressemblant à un grand tissu sombre recouvrant le monde ; un vent glacé soufflait, venu d'on ne sait d'où...
Qu'est ce qu'elle faisait ici ? Le chevalier de la Vierge... Oui, elle était toujours dans le pré bordant le temple ; il lui suffisait de se lever et de rejoindre la Maison pour demander qu'on la ramène chez elle. C'était ça... C'était ce qu'elle allait faire.
Elle voulut se lever mais un étrange vertige la saisit ; elle ne pouvait quitter le pré. Non, elle ne pouvait pas : elle s'en souvenait à présent, elle avait blasphémé. Les Dieux allaient le punir... Pourquoi étaient-ils si cruels ? Ils jouaient avec elle ; ils ne voulaient pas lui accorder le repos auquel elle aspirait... Et ils les avaient tué... A cause d'eux, ils sont morts, tous, sans exception... Mais pas elle. Pourquoi ? Ce n'était pas juste...
Une silhouette se dessina dans la pénombre environnante.
" Feril ? C'est toi ?" demanda t-elle.
Non, ce n'était pas lui. Feril était mort, ne se souvenait-elle pas ?
Et pourquoi était-il mort ? Ce n'était pas logique. Elle était la, elle.
Non, Feril devait avoir fini l'entraînement de son disciple et venait la rejoindre. Elle l'avait attendu longtemps, car elle avait à lui parler... Mais maintenant qu'il était la, elle allait pouvoir lui dire.
" Sliya ?"
La voix lui semblait inconnue.
" Je... Non. Je suis Mémory du Scorpion. Qui est la ? "
" Memory ?"
Étonnement perceptible.
" Qui est Mémory ?"
Mais que racontait-il ? A présent, elle pouvait le voir. Mais pourquoi portait-il l'armure de Feril ?
" Qui étes vous ?" répéta t-elle.
" Je suis... "
Elle n'entendit pas la fin. La tête lui tournait, elle vacilla mais se retint à temps à l'arbre. L'arbre ? Il n'y a jamais eu d'arbres dans le pré de Feril...
" Ou suis je ?"
" Vous étes dans le Jardin des deux Säls... près de la Maison de la Vierge."
La voix était calme et patiente. Elle ne parvenait toujours pas à apercevoir le visage de l'homme qui lui faisait face.
" Voulez vous venir avec moi ?" lui demanda t-il.
" Pourquoi ?"
Oui, pourquoi ? Elle attendait Feril ; elle le lui dit. Il va bientôt arriver, ajouta t-elle. L'homme secoua la tête.
" Feril est venu mais est reparti ; il ne reviendra pas. "
Elle sentit la tristesse l'envahir. Il était parti ? Et l'avait abandonné ?
" Je vais le rattraper", murmura t-elle. " Il faut que je lui dise quelque chose..."
L'autre s'approcha d'elle. Elle pouvait le voir à présent : ce n'était pas Feril...
" Sliya, écoutez moi : ce qui vous arrive est normal. Mais vous devez reprendre le dessus, vous ne devez pas céder..."
" Vous vous trompez de personne, je me nomme Mémory... "
Elle lui fit signe de s'écarter. Elle était pressée : elle devait rejoindre son ami... Elle sentit qu'on l'attrapait par le bras.
" Sliya, revenez à vous..."
" Lâchez moi ou je devrais vous faire mal..."
Elle fit naitre quelques étincelles dans le creux de sa main. L'homme ne recula pas.
" Vous ne pouvez pas me faire de mal, mais moi si. Vous n'avez pas d'armure..."
" Je suis le chevalier d'or du Scorpion ; qui que vous soyez, je ne vous crains pas. Voulez vous que je vous le prouve ?"
" Sliya..."
" Arrêtez de l'appeler comme ça !! Je suis Memory !"
Elle avait hurlé ses mots. Pourquoi ce que racontait ce chevalier la blessait autant ?
L'homme leva la main et la gifla, et cela l'a mis dans une fureur noire. Comment avait-il osé ?!
Elle voulu lui lancer son attaque mais au dernier moment, son cosmos dévia ; quelque chose l'empêchait de le tuer. Ca ne se passera pas comme ça !
Elle se jeta sur lui et arriva à le faire chuter ; sur le moment, il ne put se protéger des coups qu'elle lui assénait mais parvint finalement à la maîtriser.
" Calmez vous... Arrêtez... Je ne veux pas vous blesser."
" Lâchez moi !!"
Elle le mordit sauvagement. Elle ne combattait plus du tout comme un chevalier, ses grands mouvements désordonnés ne faisaient que brasser de l'air. Elle voulait lui faire ravaler son calme, qui lui renvoyait sa propre frustration, qui la rendait à moitié ivre de colère.
Ils luttèrent quelques instants mais le chevalier prit vite l'avantage ; il la maintint fermement.
" Sliya... Il faut revenir. Vous ne pouvez pas laisser Mémory prendre le dessus..."
Qui ne pouvait pas prendre le dessus ? Mémory ? Mais c'était elle Mémory...
Cet homme avait perdu la raison, et elle ne pouvait lui échapper... Et Feril était parti en plus... Il l'avait laissé toute seule. Pourquoi ?
" Sliya ?"
Oui... Sliya, c'était ça. Elle s'en souvenait à présent : Mémory était morte. Alors elle n'était pas elle. Elle était... Sliya ?
Pourquoi tout s'était embrouillé dans son esprit ?
" Folle... Je suis complètement folle..", balbutia t-elle. " Folle à lier... complètement cinglée !"
Elle essuya rageusement les larmes qui maculaient son visage.
" Vous n'avez pas perdu la raison ", murmura doucement Shaka. "Ce qui vous arrive est normal... "
" Normal ? Je ne trouve pas ça normal ; vous vous imaginez si ça recommence ? Les gens ne trouveront pas ça normal..."
Le chevalier eu un rire sans joie.
" Ne vous plaignez pas. Auriez vous préféré être un petit garçon de 3 ans sachant à peine parler et qui se met tout d'un coup à réciter des textes sacrés ? "
Sliya le regarda ; il n'avait pas l'air de plaisanter.
" Et comment... comment avez vous résolu ce.. problème ?"
" Le temps... l'adaptation. La compréhension aussi... Vous devez affronter Mémory et je vous y aiderai ; ce n'est qu'un mauvais moment à passer..."
Il l'aida à se relever.
" Je.. je vous ai fait mal ", murmura t-elle.
Le chevalier haussa les épaules et essuya du revers la goutte écarlate qui perlait de la coupure de sa joue.
" Ce n'est rien... Retournons dans le temple, voulez vous ?"
Sliya le suivit sans un mot. Elle se sentait vraiment en dessous de tout...

Respiration sifflante. Noir. Etincelle. Noir. Long grincement. La porte aux lourds battants s'ouvre.
Bruit de pas. Choc métallique contre la pierre...
- Majesté, cela ne s'est pas passé comme prévu... Devons nous envoyer les mercenaires au Sanctuaire ?
Silence. Éternité. Le temps ne s'écoule plus. Mort. Noir. Etincelle. Murmure...
- Fais venir Adael... Donne lui le commandement, qu'il mène l'attaque...