Mémoires de Shaka, le chevalier d'Or du signe de la Vierge.
Mon père, je m'en souviens vaguement car je ne le voyais pas très
souvent et de plus, j'étais extrêmement jeune lorsque je l'ai connu,
trop pour m'en faire une image nette et précise. Cependant, je le devine
sans peine, mon sixième sens me soufflant ce à quoi il devait
ressembler. Ma mère non plus, d'ailleurs, ne tient pas une grande place
dans ma mémoire, pourtant, ils ont joué, l'un et l'autre, un rôle
décisif dans mon existence.
Ils étaient tous deux d'origines anglaises et nobles, je puis l'affirmer
sans nul doute malgré le peu de renseignements et de souvenirs que je
possède d'eux. Tous deux grands, d'une peau de porcelaine, avec des yeux
en amande d'un bleu azur et de longs cheveux blonds pâles... comment aurais-je
pu être un hindous avec pareille enveloppe charnelle? Cette apparence
m'a toujours valu un certain nombre de commentaires et de questions de la part
de mes pairs. Mais je considère cela comme normal. Les interrogations
font partis de l'existence, le tout est d'y trouver des réponses, ce
qui explique, bien entendu, notre passage sur terre.
Je me rappelle que durant mon enfance, alors que je ne quittais jamais Dehli
et que je me promenais sur les rives du Gange, des pélerins s'arrêtaient
pour m'observer ou pour m'interpeller. J'étais un être curieux
à leurs yeux et je le suis toujours d'après les regards qu'ils
me jetent encore. Mais il n'y a nul animosité dans ces yeux-là,
non, ils sont trop épuisés, trop affectés par leur propre
existence, pour cela. Ils sont simplement curieux et attirés par la lumière
qui se dégage de mon être.
De toute façon, j'aime lorsque les gens se pressent autour de moi, j'aime
sentir le contact humain, contrairement à ce que la plupart des personnes
pensent de moi. Leur manque d'hygiène, leur maladie, leur desespoir,
tout cela ne m'incomode pas car cela fait partie intégrante du monde.
J'ai mis beaucoup de temps à le comprendre. A saisir que dans chaque
chose, il existe du blanc et du noir, de la tristesse et de la joie, de la vie
et de la mort et que tout cela, fondu et entrelacé l'un dans l'autre,
forme l'équilibre parfait de notre univers. Le jour ou cette vérité
s'est ouverte à moi, ce fut un bouleversement, une révélation
et ma première pensée fut de souhaiter que tous les hommes puissent
un jour saisir l'essence de la vie pour atteindre la perfection.
Il me semble bien que cela soit faisable. Il suffit juste d'ouvrir les yeux,
de les ouvrir réellement, devrais-je plutôt préciser et
de ne pas voir, dans le vent qui fait plier des herbes sur son passage, qu'un
simple phénomène naturelle, non. Il y a toujours quelque chose
derrière les apparences. Un miracle de la nature, un fil qui nous relit
à un enchevêtrement d'autres fils et qu'il faut suivre doucement,
à son rythme, pour pouvoir arriver à destination. Car telle est
la vie, un labirynthe dont nous seuls connaissons le plan, il suffit juste de
s'en rappeler.
Je ne pense pas que mes parents avaient compris cela, mais peut-être l'auraient-ils
fait s'ils avaient vécu plus longtemps. Cependant, je ne le pense pas.
Comment des personnes acceptant des principes tel que l'échelle des castes
auraient-ils pu s'ouvrir aux paroles de Dieu?
Je suppose sans problème les idées qu'ils nourrissaient à
l'égard des habitants de l'Inde mais j'étais trop jeune pour m'en
offusquer, pour m'y soustraire et je ne comprenais de toute façon que
très peu ce qu'ils disaient. J'étais déjà ailleurs,
loin de leur monde réel car je voguais déjà dans les sphères
de l'abstrait.
J'étais un enfant silencieux, renfermé n'aurait pas hésité
à dire certain. Je crois même avoir entendu mon père prononcer
ce mot. Mais j'étais ouvert, à tous, seulement, je préferais
ne pas me servir de ma langue plutôt que de dire n'importe quoi... déjà
à l'époque! Mais cela choquait et énervait un peu mes géniteurs
et plus encore ma nourrice.
Je me souviens des jours entiers qu'elle passait dans ma nurserie à tenter
de me faire sourire pour un oui ou pour un non. Elle voulait que je ressemble
à tous les autres, mais à quoi bon aurais-je pu lui répondre,
si je n'avais pas été âgé d'un peu moins de deux
ans? Tous les êtres sont différents, lui aurais-je dis et c'est
pour cela qu'il faut les aimer. L'humanité n'est pas une masse d'individus
indisociables les uns des autres, bien-sûr que non! Chaque homme, chaque
femme sur cette planètre représentent, à mes yeux, une
perle précieuse et unique d'un chapelet ou tout le monde est rassemblé
en une suite formant une unité et non pas un groupe homogène.
Ce principe, je l'ai toujours eu, je l'ai acquis dès ma conception je
pense, je suis né avec et je mourrais avec. C'est une telle évidence
que je ne comprends pas les phénomènes de foule ou de ce que l'on
qualifie de mode. Ou quoi bon vouloir porter les mêmes vêtements
que quelqu'un? Pour lui ressembler? Mais pourquoi faire puisque chaque être
est différent et tout aussi digne d'amour et d'admiration qu'un autre...
autrement dit, autant de choses que mon esprit n'arrive pas à saisir.
Mais les peuples sont ainsi fait visiblement, et même si le désir
de les éduquer ne me manque pas, je ne peux pas me le permettre. Je me
dois de leur laisser la liberté d'expression, de mouvement, de choix.
Leur passage sur terre est bref, on dirait pourtant qu'ils ne le savent pas,
et chaque choix que l'on exécute doit être indépendant et
dicté seulement par notre propre morale. De toute manière, quelque
soit ce que l'on accomplit sur terre, on en paie le prix plus tard, alors autant
appliquer les enseignements de dieu... Est-ce si difficile à comprendre?
Pour en revenir à ma vie d'autrefois, que je n'avais nullement choisi
et que je déplore en songeant y avoir eu droit durant les deux premières
années de mon existence, je n'en ai malgré tout que de très
petites bribes de souvenirs, toutes cachées dans un recoin de ma mémoire
que je n'ai pas très souvent envie de visiter. Tout est plutôt
floue et indiscernable, excepté le fameux jour ou tout a basculé.
Mes parents, probablement ruinés et désireux de refaire leur fortune
en Angleterre, et comprenant sans doute que le temps de la colonisation de l'Inde
était bel et bien révolu malgré leurs pensées rétrogrades,
avaient décidé de rentrer dans leur pays natal, un mois après
mon second anniversaire. Evidemment, je faisais parti du voyage, plus à
titre de valise ou de bagage encombrante que d'être humain.
On m'avait installé dans une voiture, à l'arrière, qui
n'avait guère de toit, la chaleur ne le permettant pas. Je me souviens
comme le soleil tapait ce jour-là car le cycle des moussons ne s'apprêtait
à débuter que trois mois après notre départ. La
température devait être d'environ une quarantaine de degrés
car la nuit n'allait plus tarder à tomber et je collais à mon
siège.
Pourtant je ne voulais pas bouger, j'étais de toute manière coincé
entre deux cartons à chapeaux si ma mémoire est bonne, et elle
l'est assurément, de ma mère qui se trouvait à l'avant
près de mon père. La moiteur de mon corps était désagréable
et mes cheveux alors assez courts, me collaient dans le cou, tout comme mes
vêtements qui semblaient avoir été cousus à même
ma peau. J'avais la nausée aux bords des lèvres tandis que le
véhicule vacillait sur la route chaotique qui nous menait vers le port.
Nous passions au ralenti dans les rues de Delhi, noir de monde car le peuple
de la capitale s'anime toujours plus lorsque la soir vient et que l'air est
plus respirable. Tout le monde nous dévisageait, nous étions trop
richement vêtus, trop heureux, mes parents étaient trop enclin
à montrer ostensiblement ce qu'ils possèdaient ainsi que leur
dégoût pour le manque d'hygiène de la populace pour que
cela ne finisse pas mal. Depuis l'instant ou l'on m'avait installé dans
cette voiture, j'avais su inconsciemment ce qui allait se passer, ayant déjà
une préconscience de l'avenir, mon sixième sens étant déjà
en éveil.
Ma mère... quel était son nom déjà?... Kathleen,
bien-sûr, portait des perles d'une blancheur immaculées et une
robe de soie de couleur pastel qui ne pouvait qu'attirer les regards de cette
foule vêtue de couleurs vivaces et violentes. Sa beauté physique
aussi retenait les regards et je surpris, sans alors saisir de quoi il s'agissait
car je ne comprenais encore pas ces choses-là, plusieurs oeillades concupisentes
coulant sur elle, la mettant très mal à l'aise. Elle aimait d'habitude
être regarder, admirer, car elle était d'un naturelle que l'on
peut peut juger frivole mais les yeux qu'elle croisait là était
bien différent de ceux de la bonne société qu'elle fréquentait
depuis sa naissance.
Mon père, pour sa part, reportait toute son attention sur la difficile
conduite de l'automobile et il ne remarqua pas immédiatement, pas plus
que ma mère, le groupe d'une trentaine de personnes qui nous attendait
au croisement de chemins. Cela ne m'avait pourtant pas échappé
et je me raidis sur mon siège.
"Ainsi, pensais-je, il est venu le jour ou le destin a décidé
de nous mettre à l'épreuve."
Je ne sais pas pourquoi, alors que je n'avais pas encore véritablement
conscience de ce que je représentais, cette phrase m'avait traversé
l'esprit. Je me rendis compte, tout en continuant mes songes sur la capricieuse
destinée ou la hasardeuse chance des hommes, qu'il m'était impossible
de m'extirper de l'endroit ou l'on m'avait loti, tel un colis mal ficellé.
-Cesse donc de remuer, Weston, déclara ma mère avec humeur car
elle se rendait enfin compte du groupement qui nous barrait dorénavant
la route.
"C'est de la peur, me suis-je dis. C'est de la peur que je dénote
dans sa voix. Dois-je craindre quelque chose? Mais n'est-ce pas nos propres
sentiments qui nous empêchent de voir les situations clairement et de
voir de l'agressivité, là ou il n'y en a pas? Ne ferions-nous
pas mieux de nous débarasser des encombrantes émotions pour n'en
garder que l'essentiel?"
Mais tout cela, je ne pouvais pas encore le formuler. Mais j'en avais déjà
envie et je le pensais, mais pas avec des mots, seulement avec des pincements
de coeur et d'âme.
C'est alors que je relevais mes yeux, que je gardais obstinément baissés
sur mes petites chaussures de toiles depuis quelques brèves secondes.
La trentaine d'hommes que j'avais vu en masse s'était déployée
sur la route, empêchant toute possibilité de passage. Notre voiture
ralentit et j'eus alors tout le loisir de croiser leur regard de félins
prêts à bondir sur nous. Mon père lâcha un juron je
crois, ou quelque chose comme cela. Lui aussi avait peur, tout comme ma mère.
Mais moi, pas. Dans ses yeux qui se fixaient sur nous, il n'y avait pas de la
méchanceté, mais seulement de l'envie, de la convoitise pour ceux
que le destin a gâté. Comment de cette façon, leur en vouloir
de souhaiter être à notre place?
-Ce sont des pillards, murmura mon père à l'oreille de ma mère
alors que le véhicule ralentissait de plus en plus.
"Non, eus-je envie de rétorquer. Ce sont des âmes égarées
envers qui vous n'avez jamais été cléments. Vous prétendez
ne jamais les avoir rencontrer et pourtant c'était eux, à chaque
coin de rues qui vous mandaient l'aumône que vous ne faisiez jamais. N'identifiez-vous
donc pas le masque de la misère sur chacun de leur visage? Je ne vous
juge pas durement, mais avec lucidité. Ils vous méprisent car
vous les méprisez et si je ne tolère pas non plus cette attitude,
je peux la comprendre, mieux que la vôtre en tous cas. Il est si facile
de donner, alors pourquoi ne pas l'avoir fait?"
Un violent frémissement agita ma mère et s'est ce qui fut, je
crois, le déclencheur de toute ma vie, de toute mon histoire.
Les hommes n'étaient plus une trentaine à présent, mais
une cinquantaine, car les personnes que nous avions dépassées
précedemment étaient maintenant à notre niveau. Et je les
vis former un cercle autour de nous, alors que j'étais immobilisé
à cause de la place que m'avait attribué mes parents. J'aurais
pourtant voulu bouger, m'agiter pour pouvoir m'extirper de mon inconfortable
position.
Toutes les personne se resseraient autour de nous, et jamais je n'oublirais
leurs mines hagardes et leurs mains recroquevillées comme les squelettes
qu'ils étaient. Ils avaient faim de nourriture et soif de ce que nous
étions et représentions à leurs yeux. Nous ou d'autres,
c'était la même chose. Pour eux, nous étions tous semblables,
des riches, de tyrans qui les opressaient. Pour mes parents, ils étaient
tous les mêmes, des pauvres, des esclaves qui se rebellaient, à
l'exemple des Cipayes, trop souvent. Et voilà ce qui fut, pour moi, le
permier exemple de toutes les différences existantes entre les peuples.
Mais je retournais bientôt à la réalité, bien loin
de mes profondes pensées, et là, tout débuta. J'entendis
comme un cri de guerre, un huhulement terrifiant fendant le ciel, qui devenait
plus sombre au fur et à mesure que la nuit jetait son manteau d'étoiles
au-dessus de nos humbles têtes. Et tous, tous se mirent à scander
des mots de violence que je comprenais à peine.
Ils se ruèrent sur nous et notre voiture comme une nuée de cadavres
décharnés. Le véhicule se mit à tanguer alors que
des mains se précipitaient de toute part, prenant tout ce qui pouvait
être pris, arrachant tout ce qui pouvait être arraché. Je
vis un homme saisir le collier de ma mère et faire voler les perles qui
le composaient en tout sens. J'en reçus une au coin de l'oeil mais je
ne pouvais pas bouger. Ma mère se mit à crier, en de longs hurlement
stridents et c'est ce qui signa, je pense, la fin de leurs jours.
Nos agresseurs n'étaient plus que des animaux et c'était des gens
comme mes parents qui les avaient réduits à cet état, et
ils se conduisaient à présent comme tels. Des hommes brandirent
des armes, de petits, ou de très longs couteaux, de longues lanières
de cuirs, peu importait, pendant que d'autres dépouillaient nos bagages.
On me tira les cheveux par derrière alors que des gens escaladaient le
capot de la voiture. Je fus violement secoué car on prenait les cartons
à chapeaux. On me projeta même à terre et ma tête
cogna avec violence le sol mais mes parents n'avaient pas le temps de s'inquièter
de mon sort et ne me prêtaient pas un regard. Mais j'avais pourtant mal...
-Mère... murmurais-je en tentant de me relever.
Je réussis tant bien que mal à cause des secousses données
de toute part à relever ma tête vers mes parents et à me
remettre sur pieds. Là, je vis un homme aux yeux luisants de rage et
de plaisir brandir une lame rendue brillante grâce aux derniers rayons
du soleil, et l'enfoncer ensuite dans la poitrine de mon père. Ma mère
hurla de plus bel alors qu'on la maintenait de force sur son siège.
Alors, les yeux remplis d'une intense terreur et la bouche close retenant les
cris d'effroi que j'aurais voulu pousser, je vis l'agresseur de mon père
saisir les cheveux de ce dernier à pleine main alors que trois autres
de ses compagnons le maintenait et lui trancher la tête. Son sang m'éclaboussa
le visage et les cheveux, les maculant de rouge, les rendant poisseux et collants.
"Comme ce sang est chaud. C'est bien la substance de la vie, pensais-je
avant d'ajouter. Est-ce donc cela l'humanité?"
Une sorte d'hystérie m'envahissait alors que je tremblais de la tête
aux pieds. On ne prêtait pas encore attention à moins. Je n'avais
jamais aimé mes parents, du moins pas comme un enfant l'aurait du, mais
je savais que nul ne méritait pareil sort et j'allais empêcher
ce massacre.
Je me hissais tant bien que mal à l'avant, pour me mettre par-dessus
ma mère, la protéger de mon corps d'enfant de deux ans à
peine. Mais il était déjà trop tard et lorsque je me suis
retrouvé à son niveau, je réalisais qu'elle était
devenue silencieuse depuis quelques secondes. Sa belle robe de soie était
maculée de sang et je m'allongeais alors les yeux remplis de larmes,
par-dessus elle.
"Ont-ils perdu jusqu'à la valeur des vies? me demandais-je dans
des soubresauts de fureur devant l'horreur du spectacle auquel j'assistais.
Mais oui, ces gens n'avaient plus rien de la race des êtres humains auquels
ils appartenaient autrefois et je le savais.
Et maintenant, ils s'en prenaient à moi. Un homme me souleva par les
cheveux alors que mes petites jambes battaient l'air à tout allure. Je
voulais être par terre, je le voulais si fort, si fort alors qu'il brandissait
son couteau en poussant des cris victorieux et triomphants. Je ne fermais pas
les yeux cependant, comme tout enfant normal l'aurait fait. Et je me concentrais
avec tant d'insistance...
"Pardonnez leur, ils ne savent plus ce qu'ils font. Pardonnez leur car
ils ne savaient pas non plus. Faites qu'ils trouvent tous la paix, les vivants
comme les morts, murmurai-je alors dans un anglais parfait et étonnament
brillant pour mon âge.
Alors, je ne compris par pourquoi, mais je me suis retrouvé face contre
terre, comme si mon assaillant avait été projeté en arrière
par quelque force obscure que je ne savais pas être la mienne. J'étais
affalé sur le côté et je ne me relevais pas car l'on me
piétinait de toute part. J'avais mal, si mal alors que cette foule ne
remarquait même plus ma présence et se contentait de reporter toute
son attention sur notre voiture. Je recevais des coups sur tout mon corps et
ma peau devait changer de couleur.
Mais bientôt la douleur fit place à une douce et reposante chaleur.
Ainsi, s'en était aussi fini de moi? Je ne pouvais pas y croire. La mort
ne ressemblait pas à cela, j'en avais conscience. Je ne savais pas comment
je le devinais mais il en allait ainsi. Pourtant, je ne ressentais plus l'éclat
des violents coups que l'on m'assenait pas mégarde, alors que se passait-il
pendant que mon corps se couvrait de sang à l'extérieur. A l'extérieur?
Mais alors ou étais-je?
Dans la lumière, je baignais dans des flots lumineux et éblouissants
qui protégeaient mon âme de mes tourmentes physiques. Car il avait
fallu que je m'échappe de ce monde de barbarrie ou je me trouvais précédemment.
-Shaka...
Quoi? Quelle était cette voix? Qui était Shaka? Ce n'était
pas mon nom et pourtant... mais si, c'était moi et cela avait toujours
été moi. Je me nommais Shaka, mais pourquoi l'avais-je ignoré
jusqu'alors? Je ne l'avais sans doute jamais ignoré mais simplement,
je n'avais pas encore eu l'utilité de me le déclarer ouvertement.
-Shaka, écoute-moi...
-Je vous écoute, chuchotais-je faiblement.
-Tu dois venir me rejoindre, Shaka, car je t'attends. Tu sais ou tu dois te
rendre et tu sais quelle est la seule manière d'y parvenir.
-Oui, je le sais, répondis-je. C'est pour vous. Pour vous et pour Athéna.
Ce fut comme si une porte condamnée de ma mémoire se rouvrait.
Sakyamuni, tel était mon nom. Et je devais servir ma déesse. La
grande Athéna. Et depuis toujours, oui, d'aussi loin que je me rappelais,
j'avais toujours entendu cette voix sans jamais me demander à qui elle
appartenant. Depuis ma naissance, j'avais toujours conversé avec Dieu.
J'ai attendu que le foule se dissipe alors que peu à peu je retrouvais
mes souvenirs et que mes sens se réveillaient. Non pas les cinq premiers
non, mais les trois suivants. L'intuition, le septième sens qui englobait
tous les autres, et l'Arayashiki... j'avais huit sens. Je n'étais pas
un être humain. J'étais d'essence divine et je le comprenais. J'étais
la réincarnation de Gautama Sakyamuni Bouddha et mon âme était
différente. Mais je n'étais pas choqué par toutes ces révélations.
Je ne faisais que confirmer une impression latente qui m'avait toujours habité.
Je n'étais pas un enfant, j'étais l'homme le plus proche des dieux.
Cette réalité en appela une autre et je me mis un peu à
bouger alors que mon corps était abandonné, seul au milieu de
la rue déserte et rendue sombre par la nuit. Les personnes qui m'avaient
agressé ainsi que ma famille s'étaient dispersées aussi
rapidement qu'elles étaient arrivées, aussi vivement qu'elles
nous avaient volés, reprenant ce qu'elles pensaient leur appartenir de
droit.
Mais les vies n'appartiennent à personne, ne le savaient-elles pas? Evidemment,
elles n'en avaient pas la moindre idée, car personne n'avait jamais été
là pour le leur expliquer. Mais ce n'était pas ce que je considérais
comme une excuse car personne n'était venue à moi et ne me l'avait
fait comprendre. C'était un acquis que le respect d'autrui. On ne leur
avait jamais expliqué que le soleil se levrait chaque matin et pourtant
chacun en avaient conscience, et bien, il s'agissait exactement de la même
chose.
Je reprenais lentement, sans plus esquisser un mouvement, toujours allongé
par terre et couvert de mon propre sang et de celui de mes parents, ma respiration.
Je saignais du nez aussi car j'avais été durement piétiné.
J'avais énormement de mal à plier mes membres et même à
battre d'une paupière. Ils avaient été plus d'une cinquantaine
à me marcher dessus comme si je n'étais rien de plus qu'un paquet
de chiffons et j'en ressentais cruellement les effets.
On m'avait laissé pour mort, mais je vivais. Et je devais le prouver
en me relevant. Même si je n'étais âgé que de deux
ans, le courage ne me manquait pas et je devais honorer une promesse. La promesse
de mes lendemains car d'elle dépendait mon avenir, le seul qui soit mon
destin.
Un tremblement parcourut tout mon corps et je crus que j'allais être victime
de convulsion, mais il ne fut rien de tel. Je me mis maladroitement sur mes
jambes, essayant d'entrouvrir mes yeux pour distinguer quelque chose au travers
du voile de sang qui me couvrait le visage. Personne à perte de vue,
à par quelques passants, tout là-haut, qui se souciaient bien
peu de mon sort. De toute manière, je n'avais nullement besoin d'aide
pour accomplir mes premiers pas vers ma destinée.
A aucun moment dans ma vie, pas même à celui-là, je ne me
suis demandé ce qui se serait passé si ceux que mon père
avait nommé des pillards n'avaient pas été là. C'était
et ça l'est toujours, quelque chose d'inconcevable pour moi. Le destin
m'attendait au croisement de ses routes et c'était la volonté
des dieux eux-mêmes que cette attaque. Et déjà, le petit
garçon que j'étais le comprenait. Bien-sûr, il me restait
encore beaucoup de choses à apprendre, mais je saisissais, entrevoyais
déjà l'essentiel.
Un leger et brûlant souffle de vent vint me caresser le visage. Depuis
combien de temps étais-je affalé contre le sol, à me vider
de mon sang? Je levais la tête vers le ciel étoilé. Déjà,
les constellations étaient toutes apparues et je me doutais que l'heure
de la nuit devait être avancée. Derrière moi se trouvait
ma voiture, ou plutôt celle de mes parents. Mais je ne devais pas me retourner,
car cela aurait signifié faire un bond en arrière, dans ce passé
qui ne me concernait plus et j'allais en prendre distance. Je n'avais, de plus,
aucune envie de voir le corps décapité de mon père, pas
plus que celui lacéré de ma mère. Les laisser en paix et
prier pour que leurs âmes, lorsqu'elles renaîtraient, connaissent
un destin meilleur et soient mieux guidées vers la voie de la sagesse
et de la Lumière, telle était la seule chose que je pouvais faire.
Alors, d'un pas vacillant et incertain, je me mis à marcher, à
évoluer à tâtons dans cette lugubre ruelle. Je ne savais
pas ou je me dirigeais car je ne connaissais pas cette partie de la ville. On
ne m'avait jamais laissé m'y aventurer, et, en y réfléchissant
mieux, on ne m'avait jamais laissé aller nulle part. Mais tout ceci était
fini, mon propre destin était entre mes mains et il ne tenait plus qu'à
moi de l'accomplir.
Une question me traversa alors l'esprit : Pourquoi ceux qui se considèrent
comme adultes songent que les enfants ont besoin d'aide? Evidemment, ils ne
peuvent pas se nourrir ou se loger par eux-mêmes, mais ce n'est pas cela
que la dépendance. Les bébés et les jeunes enfants ont
toujours le coeur d'une pureté aussi éclatante qu'un diamant et
en cela, ils sont supérieurs à leurs parents qui croivent pourtant
détenir une autorité absolue sur eux. Une autorité malsaine
serais-je même tenté d'ajouter.
Encore aujourd'hui, lorsque je marche dans les rues de Delhi ou dans celles
d'Athènes, j'observe des familles. Je vois des mères frappées
de très jeunes enfants ou leur parler avec acrimonie, au point de les
faire pleurer. Mais je ne comprends pas cette attitude. De quel droit ces personnes
pêcheresses osent-elles reprimander un être à l'âme
encore lisse et parfaite?
Mais cela, personne ne leur en fait jamais la réflexion... les hommes
en général se croient d'ailleurs tout permis avec les plus faibles
qu'eux. Ils aiment sentir un sentiment de toute puissance sur des personnes
à leur merci, incapable de se défendre. Bien-sûr, quand
je dis cela, on pense aux crimes de meurtre, aux vols importants mais il s'agit
aussi de problèmes quotidiens que je croise chaque jour, au détour
d'une habitation, ou n'importe ou. Frapper une personne sans défense
et qui ne peut pas riposter est un crime tout aussi inexpiable que de tuer,
pas à la même échelle évidemment, mais il semblerait
que le premier soit rentré dans les moeurs. Cependant, sur cette planète,
je sais et savais déjà qu'il existait quelques êtres humains
capables de comprendre mes principes et de les appliquer à chaque heure,
à chaque minute du jour, sans jamais les remettre en cause car ils sont
vérité. Toute forme de vie a le droit au respect et certains l'ont
compris. Et c'était pour des personnes tels que ces anonymes, que je
connaissais pourtant au tréfond de mon âme, que je me relevais
et me laissais guider par mon instinct.
Dans cette ruelle sombre, je savais déjà que si je suivais mon
sixième sens il me guiderait vers le lieu ou j'étais attendu.
Quel était-il? Ou se trouvait-il? Autant de questions auxquelles j'étais
incapable de répondre. Je battis des paupières, tentant une dernière
fois en vain de distinguer quelque chose au travers du sang et de la nuit qui
finissait par se fondre l'un dans l'autre.
Et là, je fermis les yeux, sans savoir que je ne les rouvrirais que dans
plusieurs dizaine d'années, alors que je serais âgé de vingt
ans et que je devrais combattre un homme du nom d'Ikki. Mais je n'en savais
encore rien et je jettais un dernier regard innocent et pourtant mature sur
ce monde qui était mien. Et je marchais ensuite, tel un aveugle se guidant
uniquement avec son ouïe. Et étrangement, je n'avais pas de problème
à ne pas me cogner ou à éviter les embûches qui se
trouvaient sur ma route.
Je sentais par moment mes genoux devenir plus faibles, ne plus avoir envie de
me porter, mais je me forçais à toujours aller plus loin, ou plutôt
plus haut. Oui, car j'éprouvais une curieuse sensation d'envol, de liberté,
je sentais mon âme s'élever dans des sphères différentes
de celles que les hommes connaissent. J'avais les yeux clos et pourtant je voyais,
j'observais mieux que personne, avec une acuité qu'aucun humain ne possède
tant qu'il n'a pas fait la part des choses.
Mais cela signifie se juger avec lucidité et voir les autres tels qu'ils
sont réellement et ne plus être aveuglé par les yeux de
l'amour ou ceux de la haine et cela, est un exercice très difficile et
très périlleux pour les hommes.
Mes paupières avaient beau être fermées, j'avais l'impression
de distinguer les formes malgré tout, de les deviner avant même
que les objets eux-mêmes n'apparaissent sur ma route. Je savais, dix pas
avant, qu'il y aurait un tournant sur ma gauche, qu'il y aurait un groupe de
jeunes enfants qui me dévisagerait en m'interpellant.
"Je n'ai pas le temps de m'arrêter, aurais-je pu leur répondre
si je connaissais leur langue. Mais bientôt, nous nous reverrons."
Mais si je ne connaissais pas l'hindous, je possèdais un langage universel,
celui du corps, celui de l'âme, celui que tous, pauvres ou riches, aveugles
ou sourds, malades ou bien-portants peuvent comprendre. Alors, aux quelques
enfants, je fis un signe de la main et un sourire, certes douloureux car mon
mal de tête ne faisait qu'empirer, mais je devinais sans peine qu'ils
ne me le rendaient pas. Ils étaient méfiants. Il fallait dire
que j'offrais un spectacle des plus étonnants mais ce n'était
pas grave. Je ne donnais pas pour recevoir. Je donnais pour enseigner. Pour
montrer qu'il est facile d'ouvrir son coeur aux autres et qu'il ne faut pas
craindre qu'on nous le blesse. Mettre son âme à nue n'a rien d'offosant
ni d'effrayant car celui qui en a le courage, celui-là seulement est
capable de tout affronter, de tout endurer et sa témérité
force l'admiration et surtout, ce fameux respect auquel chacun a droit.
Je me souviens que durant toute cette nuit, ou l'on aurait dis que j'errais
alors que je marchais dans un but précis, mon corps couvert de sang,
mes yeux clos, mes membres endoloris, je ne cessais à aucun instant d'avoir
des reflexions philosophiques. Je ne faisais pas cela par plaisir, du moins
pas vraiment.
Le plaisir n'est, évidemment, pas absent de la nature humaine et j'obéis
moi aussi à cette loi, seulement j'ai bien souvent l'impression qu'il
pervertit les hommes et qu'ils devraient le supprimer, non pas le plaisir lui-même,
mais plutôt celui qui l'a engendré, le désir. Si l'on ôte
le désir, alors on peut atteindre ce calme absolu, cette perfection que
l'on nomme Nirvana.
Mais il n'est pas interdit d'avoir des désirs, bien-sûr que non,
seulement, il faut savoir les contrôler, les guider et ne pas se laisser
entrainer par eux. Rester maître de soi-même est la chose la plus
importante qu'il soit. Pour ma part, je désire tant de choses... la fin
de la famine, des épidémies, aussi bien de maladies graves et
contagieuses que de haine, la paix entre les hommes... et la liste est non exhaucive.
A deux ans, déjà, j'avais les mêmes ambitions, mais je ne
savais nullement les formuler. Et si j'avais tant de pensées profondes
durant cette nuit de marche et d'évolution, c'était pour me préparer
à ce que j'avais le devoir accomplir car seul un être d'une pureté
incomparable était capable de réussir l'épreuve que les
dieux m'avaient choisie. Je marchais pendant plusieurs heures, évitant
les rues principales, les plus animées, pour n'effrayer personne par
mon étrange aspect. Je savais que cette nuit me mènerait au bout
de mes reflexions et qu'il fallait que j'y accorde toute mon attention et que
je dépasse les souffrances physiques que j'étais contraint d'endurer.
Ce n'était qu'une enveloppe charnelle et il me suffisait d'en faire abstraction.
Mais c'était un exercice extrêmement difficile auquel je n'étais
pas habitué et j'éprouvais parfois cruellement la douleur qui
m'était infligée.
Je sentais pourtant que le sang s'échappant de mon nez et de mes plaies
s'arrêtaient de couler et qu'il se durcissait sur ma peau. Je me laverais
plus tard, là-bas, quand je serais arrivé et je n'avais de toute
manière pas à avoir honte de mon apparence. Je n'avais rien de
pitoyable car le sang était la substance même de la vie, celle
qui coule en chacun de nous.
Les étoiles étaient particulièrement brillantes cette nuit-là,
je le savais, au dessus de ma tête et je les sentais comme si elles avaient
une présence. J'entendais les cris, les paroles, parfois les chants ou
les éclats de rire des gens qui vivaient durant cette nuit ou je m'éveillais.
Peut-être y avaient-ils les assassins de mes parents dans cette foule...
ou peut-être pas. De toute manière, je n'avais pas à rendre
justice et je n'en avais pas l'intention. Quelqu'un d'autre se chargerait de
les punir comme il convenait, ce n'était pas à moins de les juger,
je n'en avais pour l'instant pas la possibilité, ni le savoir pour me
le permettre. J'étais certes l'homme le plus proche des dieux, mais je
ne sentais pas mon âme prête pour cela. Juger les autres signifie
être parfait soi-même et je ne l'étais pas encore. Je devais
attendre avant de pouvoir le faire, attendre de recevoir l'enseignement que
dieu me prodiguerait.
Je crois que je passais dans les mêmes rues un certain nombre de fois,
mais c'était nécessaire ainsi. Je devais m'accorder un temps de
reflexion. Et je sentirais quand celui-ci serait terminé. Je le saurais
car je deviendrais alors capable de stopper toutes mes pensées.
Et c'est ce qui se produisit alors que la nuit touchait bientôt à
sa fin et que le soleil n'était pas encore apparu. On devinait pourtant
déjà les lueurs de l'aube. La puanteur des rues s'était
incrustée dans mes narines durant ma marche, mais je n'en avais que faire.
Cela n'avait pas la moindre importance.
Je m'avançais d'un pas certain et qui n'avait plus rien de vacillant
malgré la douleur que j'éprouvais encore. La ruelle dans laquelle
je me trouvais s'élargissait de plus en plus et je compris... je sus
que c'était maintenant. Mais j'étais calme. Les battements de
mon coeur, ma respiration, tout était régulier, posé. J'étais
Shaka et il était temps pour moi de regagner le lieu des mes reflexions
que j'avais quitté des siècles et des siècles auparavant.
A la fin de la rue, il s'offrit à moi et à mes yeux clos physiquement,
et pourtant grands ouverts spirituellement.
Je gravissais lentement, sous les yeux ébahis des passants qui découvraient
un enfant de deux ans maculé de sang et blessé presque à
mort, les marches qui menaient au temple et à lui. A dieu. A mon destin.
Les immenses portes étaient fermées et personne ne pouvait les
ouvrir. Un prêtre viendrait le faire pour permettre aux visiteurs d'entrer
d'ici plusieurs heures, ce qui n'empêchaient pas les lèves-tôt
d'admirer les magnifiques et lourds ornements des gigantesques portes.
Mais pour ma part, je devais entrer. Je ne pouvais attendre. Et après
tout, ces portes n'étaient que des entraves physiques et qui avait décrété
que personne ne pouvait pousser par sa seule volonté ces portes? En songeant
cela, je ne savais pas que quelque part dans le monde, le même jour, à
la même heure, à la même minute, à la même seconde,
quelqu'un d'autre avait eu exactement la même pensée. Il s'appelait
Mu. Il avait à peu près mon âge. Mais je ne le connaissais
pas encore.
Alors je me tins bien droit, devant les deux immenses battants, minuscule être
physiquement malgré la grandeur de mon âme. Je devinais que l'on
m'observait, mais ce n'était pas important. Je levais en un geste lent
et mesuré mes mains vers les portes et ouvris bien mes paumes, écartant
mes doigts. J'inspirais profondément tout en me concentrant. Je devais
trouver, puiser la force en mon être de pénétrer ce lieu
sacré ou je devais vivre et apprendre. Je sentis alors une pulsation
inconnue en moi s'éveiller et une lumière m'entourer sous les
cris admiratifs de ceux qui m'observait. Je me sublimais, m'élevais à
une force dont je n'avais jusqu'alors jamais fait que soupçonner l'existence.
Et en même temps je me sentais si bien alors que je m'apprêtais
à accomplir un miracle.
C'est alors que la lumière dorée qui auréolait jusqu'alors
tout mon corps enveloppa aussi les énormes portes et à la même
seconde, l'astre du jour fit son apparition, son premier rayon de la journée
venant me frapper de plein fouet, moi et les battants de la porte qui cédèrent,
se dérobant sous ma volonté. Ils s'écartaient, me laissant
la voie libre de pénétrer à l'intérieur.
Derrière moi, j'entendais des cris d'admiration et d'incrédulité
s'élever mais je n'y prenais pas garde. Je vis l'intérieur du
temple que j'avais imaginé depuis toujours ainsi. Il y avait cinq ou
six prêtres entrain de prier qui s'étaient arrêtés,
détournés de leur médiation grâce mon arrivée
opportune. Je leur apparu couvert de sang et de lumière, ces deux élements
vital à l'homme, et ils devaient à peine distinguer ma forme dans
ces flots éblouissants qui jaillissaient aussi bien de moi que du soleil
lui-même.
Je fis quelque pas alors que les portes se refermaient sur mon passage, laissant
les spectateurs de l'extérieur pantois. Je m'avançais doucement
vers la statue du Bouddha alors que les prêtres me reconnaissaient sans
la moindre hésitation. Ils ne m'adressèrent pas la parole et s'agenouillèrent
sur mon passage alors que j'étais toujours environné de ce que
je ne savais pas encore nommer cosmos.
"Je suis content de toi, Shaka" entendis-je dans mon esprit.
Et je m'assis, devant ma statue, sur le sol frais du temple, à cette
place que je n'allais devoir quitter que bien rarement durant mes six années
d'entrainement.
Je venais de m'éveiller.
J'étais et serais toujours Shaka.
J'étais la réincarnation sur terre de Bouddha et il n'y a rien
de plus à ajouter ou à savoir sur moi.
Car telle est mon histoire.
Telle est la nuit que j'ai vécu avant de commencer à écrire
l'histoire, non pas la mienne, mais celle des hommes.
Malgré mon âme si différente, je me considère parfois
comme l'un d'entre eux. J'ai un corps d'homme après tout. Je ne suis
d'ailleurs qu'un être humain, mais éveillé aux vérités
universelles comme chacun le pourrait s'il le désirait.
Comme chacun je suis un être fait de sang, mais aussi, et surtout, de
Lumière.
Virgo Shaka.
"L'Appel des Etoiles"