Voici ‘le mauvais moment à passer’ (dixit Yaya), que
j’ai eu énormément de mal à écrire car il
a nécessité, non seulement beaucoup de compulsage de mon volume
13, un schéma narratif précis mais aussi une partie de mes tripes,
sans compter d’innombrables paquets de Kleenex sur la fin…
Merci à Yotma, qui l’a relu et m’éclaire toujours
de ses commentaires. Merci aussi à Megumichan, qui l’attendait
beaucoup et à qui, j’espère, il plaira…
Chapitre 12 : Point de rupture
« Puisque l’ombre gagne
puisqu’il n’est pas de montagnes
Au-delà des vents plus hautes que les marches de l’oubli
Puisqu’il faut apprendre
A défaut de comprendre
Rêver nos désirs et vivre nos ainsi-soit-ils… »
Jean-Jacques Goldman, Puisque tu pars
5 Octobre 1973
Mû, occupé à commenter un rapport avec le grand maître
Dion de l’Octant, entendit pour la dixième fois de la journée
la petite déesse se mettre à pleurer. Qu’est-ce qui pouvait
bien lui arriver, cette fois ?
Dion remarqua la distraction du jeune atlante, et sourit. Comme tous les autres
grands maîtres, il appréciait Mû pour sa maturité,
son caractère calme et le professionnalisme qu’il mettait à
apprendre et à accomplir chacune de ses tâches. Loin d’être
fier et de tirer vanité de son statut, le jeune chevalier d’or
du Bélier n’hésitait jamais à apprendre d’un
aîné, et recherchait même cette connaissance, le tout sous
le regard fier de Shion. Le Grand Pope et grand maître admirait l’évolution
de son fils, et savait que Mû, une fois adulte, serait un homme de bien,
l’homme de bien que sa mère avait souhaité qu’il soit
avant de rendre l’âme.
Le grand maître anciennement du signe du Scorpion sourit au jeune chevalier
d’or et lui dit :
« Vous semblez troublé… »
Mû leva son regard violet sur son interlocuteur et répondit :
« Excusez mon ignorance, mais pourquoi pleure-t-elle si souvent ? Est-elle
malade ? »
Dion eut envie d’éclater de rire, mais se força à
répondre calmement :
« Mais non, mais c’est le seul moyen qu’elle ait de dire
si elle a faim, ou besoin d’autre chose… »
Intrigué, Mû ne répondit rien, et se replongea dans le rapport,
laissant Dion interloqué. Pourtant, finit-il par se dire, il n’y
avait pas là de quoi être surpris : Mû, malgré
ses pouvoirs, n’était qu’un enfant et, ayant été
reclus au Tibet pendant quatre ans, il connaissait assez peu les choses de la
vie, y compris celle-ci…
Depuis que les jeunes chevaliers d’or étaient là, il y avait
plus de vie au Sanctuaire, et ce processus de jouvence s’était
achevé par la réincarnation de la déesse. Pourtant, Dion
savait que cet état de grâce ne durerait guère, quelques
années tout au plus, car le spectre de la guerre sainte planait toujours
et arriverait sans coup férir. C’était pour cela qu’était
née cette génération de chevaliers d’or, à
ce moment précis, et ils seraient à peine adultes lorsque le moment
serait venu de lutter contre Hadès…
12 octobre 1973
Saga remontait calmement le chemin côtier discret qui regagnait le Sanctuaire,
la mort dans l’âme. Il avait espéré ne jamais en arriver
là, et pourtant les dieux n’avaient pas entendu ses prières.
Kanon était devenu de plus en plus malade de haine, et venait de lui
proposer une fois de plus de tuer la jeune déesse. Alors Saga avait perdu
son contrôle sur lui-même, et l’avait frappé, avant
de regretter son geste. Pourtant, Kanon avait continué, et, pour ne plus
entendre ces choses qu’une partie de lui-même lui hurler d’écouter,
de considérer, il avait fait son devoir et l’avait enfermé
dans la prison du cap Sounion, le livrant à la mer pour une mort certaine…
Pourtant, cette voix qui ne le quittait plus lui hurlait qu’il avait commis
là un crime, que son frère jumeau avait raison et qu’il
pouvait tuer Athéna pour régner sur la Terre, il en avait la force
et la capacité. Pourtant, il résistait, sa fidélité
envers sa déesse tenait bon, mais pour combien de temps ? Il avait
ressenti ce mal insidieux qui était en lui, mais se croyait capable de
l’endiguer, de le laisser dormir au fond de lui pour toujours au prix
d’un constant effort sur lui-même. Ce dialogue interne avait empiré
ces dernières semaines, pourtant, devenant une véritable lutte
manichéenne, mais il avait réussi à masquer à tous
son trouble, restant le Saga bon, agréable avec tous et vénéré
à l’égal d’un dieu…
Bientôt, le Grand Pope annoncerait l’identité de son successeur,
et tout le monde s’accordait à dire qu’il le serait sans
aucun doute. Pourtant, il sentait une nette opposition de la part d’Aioros.
Le Sagittaire pourtant était plus ou moins amical avec lui, mais n’avait
pas l’admiration des autres jeunes chevaliers d’or, comme s’il
se doutait qu’il n’était plus le même depuis quelques
temps.
Il sentit son cœur écrasé sous cette joie malsaine qu’il
détestait ressentir, et tenta de reprendre le contrôle, ce qu’il
parvint à faire au bout de quelques minutes. Ce fut le Saga normal qui
regagna le Sanctuaire, sans que personne ne se doutât de ses noirs desseins…
18 octobre 1973
Shion déposa un dossier sur la table, et en prit un autre. Depuis quelques
temps, il mettait toutes ses affaires à jour dans l’optique de
passer la main très bientôt. Sa chambre à Shambhala était
déjà réservée et, dès que son successeur
pourrait être laissé seul, il s’y rendrait et y resterait
jusqu’à la fin de ses jours. Mû n’avait plus besoin
de lui, il s’en sortait très bien maintenant…
Shion ressentit de nouveau ce sentiment doux-amer qui ne l’avait presque
pas quitté depuis que Mû avait réussi son épreuve.
En quelques temps, il se retrouvait simple particulier, sans plus aucune charge,
et il devait bien s’avouer que c’était assez difficile à
accepter. Il avait exercé pendant beaucoup plus de temps que ses prédécesseurs,
ce qui lui rendait encore plus désagréable la passation de pouvoir…
Les candidats à sa charge étaient limités, il n’y
avait qu’Aioros et Saga qui avaient l’âge requis, les autres
étant encore trop jeunes. Il les convoquerait bientôt pour leur
faire part de son choix, qui était déjà fait depuis un
moment. Ce n’était pas qu’il ne fît pas confiance à
Saga, qui avait le respect et l’admiration de tous, mais son instinct
lui dictait qu’il y avait quelque chose d’étrange le concernant,
il ne savait pourquoi. En fait, il avait ressenti cela dès sa petite
enfance, mais cette impression était devenue plus forte ces temps derniers,
même si, physiquement, le chevalier d’or des Gémeaux n’avait
pas changé, c’était toujours le gentil, serviable et apprécié
Saga. Il y avait quelque chose d’étrange chez le jeune chevalier
d’or, qu’il n’aurait pu définir avec précision
mais qui faisait peur…
Kyrillos frappa, puis, à son assentiment, entra. Shion lui sourit derrière
son masque et lui dit, après lui avoir fait signe de s’asseoir :
« Je voulais vous voir, mon ami, pour vous dire que je vais me retirer
bientôt… »
Une expression de surprise se peignit sur le visage du premier ministre :
« Mais…et qui vous remplacera ? »
Shion répondit calmement :
« J’ai choisi mon successeur. Je le formerai puis je m’en
irai, il est temps pour moi de passer la main… »
Il décida d’être franc avec cet homme qu’il côtoyait
depuis plus de vingt ans :
« Je suis un atlante qui a deux cent quarante huit ans, la déesse
Athéna a prolongé ma vie après la dernière guerre
sainte mais ce n’est plus à moi d’agir à présent,
mon temps est révolu… »
Kyrillos savait qu’il existait encore des atlantes, il en avait même
rencontré autrefois mais il ignorait qu’il y en eût à
l’intérieur du Sanctuaire, en dehors du petit Mû, bien sûr,
dont l’appartenance à cette ethnie était de notoriété
publique, et du mystérieux grand maître réparateur d’armures.
Cette révélation sur l’identité du Grand Pope le
rendit muet, car il ne s’attendait absolument pas à cela, mais
il se reprit assez vite, il avait assez vu de choses incroyables dans sa vie
pour ne pas croire celle-ci, surtout venant d’un homme qu’il appréciait
et servait depuis des années…
Shion, conscient de l’émotion de l’homme en face de lui,
acheva :
« Je sais que vous poursuivrez votre travail aussi bien que vous
l’avez fait jusque-là. Mon successeur aura besoin de vous, de votre
savoir… »
Kyrillos se leva, s’inclina et se retira, laissant Shion seul…
23 octobre 1973
Mû était assis sur les marches de marbre derrière son temple,
prenant l’air matinal, lorsqu’il croisa Shura. Celui-ci semblait
passablement excité, et Mû lui demanda :
« Que se passe-t-il donc ? Où cours-tu comme cela ? »
Shura s’arrêta un instant et lui dit :
« Tu n’es pas au courant ? Il paraît que c’est
ce matin que le Grand Pope va annoncer l’identité de son successeur.
Tu n’as pas oublié qu’il a rencontré Saga et Aioros
voici trois jours ? »
Oui, il était au courant, mais il ne pensait pas que cela aurait créé
autant de remue-ménage. Shura lui demanda :
« Tu ne veux pas venir ? »
Venir pour voir quoi ? Il ne fallait pas être grand clerc pour se
douter de l’identité de l’élu. Il n’y avait
que deux chevaliers d’or en âge d’être choisis et, d’après
ce que tout le monde disait, c’était Saga qui obtiendrait le poste,
sans aucun doute, ses nombreuses qualités plaidant pour lui. Aioros aussi
était sur les rangs, cependant, et son maître ne lui avait pas
dit quel était son favori…
Pourtant, il décida d’accompagner le Capricorne au palais, où
il devinait que seraient les autres. Ce n’était pas la peine de
faire davantage bande à part qu’il ne le faisait déjà,
et c’était important de savoir qui le dirigerait…
Quand ils arrivèrent près du palais, ils trouvèrent quelques
autres chevaliers d’or qui attendaient eux aussi. Personne encore n’était
sorti de la salle du trône et, au bout d’un certain temps, une rumeur
de déception parcourut les quelques jeunes chevaliers d’or qui
se trouvaient là, et Milo dit :
« Je crois qu’il va falloir encore attendre… »
Un des traits du jeune Scorpion d’or était sa curiosité
presque maladive, et Mû répondit :
« Que ce soit aujourd’hui ou demain, cela ne fait pas une différence
énorme… »
Etant Bouddhiste, il avait une certaine philosophie de la vie que n’avait
pas le jeune grec. Lisant les textes religieux dès sa petite enfance,
il avait appris que les choses importantes arrivent toujours en temps et en
heure, et qu’il n’est pas besoin de les attendre furieusement…
Mû s’éloigna un peu du palais et prit un chemin de terre
sur lequel il aimait marcher pour continuer ses réflexions. Etant pourtant
chevalier d’or, il avait peine à se sentir quelque peu concerné
par toutes ces agitations. De grands changements étaient à prévoir,
mais il fallait les accepter comme le roseau, qui courbe mais ne rompt pas.
Ce n’était pas comme s’ils allaient être dirigés
par quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas, que ce soit Saga ou Aioros.
Tous deux avaient les qualités indéniables pour gérer le
Sanctuaire, à ce qu’il avait pu juger en les fréquentant
tous les jours depuis dix mois…
Ce n’était pas tellement cela qui l’inquiétait, mais
le fait que, après le départ de Shion, il serait vraiment seul
et ne pourrait plus se tourner vers lui en cas de besoin ou de doute. C’était
là qu’il se rendait compte à quel point son maître
avait de l’importance dans sa vie, beaucoup plus qu’il ne l’aurait
pensé, en fait. Shion, depuis qu’il l’avait repris avec lui,
avait été sa référence, et voilà qu’il
devrait à présent ne compter que sur lui-même…
Ses pas le menèrent assez loin, et il put voir, se détachant fièrement
dans le ciel bleu, le Star Hill. Cet endroit, d’après ce que lui
en avait dit Shion voici quelques mois, lorsqu’il l’avait emmené
le Sanctuaire, était, d’après la légende, là
où la Terre était le plus proche du Ciel. Les Grands Popes s’y
retiraient pour observer les étoiles et ainsi prédire les événements
importants, comme les guerres saintes. En ayant été élevé
par Shion, il avait la chance d’en savoir un peu plus que les autres chevaliers
d’or, et espérait pouvoir un jour compléter ses connaissances
à ce sujet.
Il se retourna, et observa cette vision qui lui était devenue familière,
le Sanctuaire éclairé par le soleil de la fin de matinée.
Cet endroit était devenu à présent son lieu de logement
et de travail, mais son cœur et ses souvenirs restaient attachés
à Jamir, par le sang duquel il descendait ainsi que par ses premiers
souvenirs. Ce n’était pas qu’il ne fût pas heureux
ici, mais il s’y sentait parfois un peu étranger, et ressentait
la même chose au milieu de ses pairs. Pourtant, il s’entendait bien
avec le plupart d’entre eux, même s’il avait davantage de
points communs avec certains, comme Aldébaran, probablement parce qu’il
sentait que le Taureau était, comme lui, un peu différent des
autres de par sa haute taille…
Une voix familière l’interpella alors :
« Qu’est-ce qui t’amènes si loin, Mû ?
Demetrios va te chercher partout à l’heure du déjeuner… »
Le jeune Bélier d’or sortit de ses pensées et reconnut Aioros.
Le Sagittaire, simplement vêtu d’une tunique bleue et d’un
pantalon court en coton, marchait tranquillement sur le chemin de terre poussiéreux,
tenant une fleur à la main. Il était d’un tempérament
silencieux et posé, mais se comportait souvent, ainsi que Saga, comme
le grand frère de tous les autres chevaliers d’or, et Mû
l’aimait bien. Une lueur de gentillesse brillait dans ses yeux bleus calmes,
et le vent jouait dans ses boucles châtain foncé retenues par un
bandeau…
Le Bélier lui répondit avec un sourire :
« J’avais envie de marcher, voilà tout, et j’ai
dû un peu trop m’éloigner. Tu connais Demetrios, il s’inquiète
toujours trop… »
Face à la gentillesse visible qui s’exhalait de l’adolescent
en face de lui, Mû regretta de ne pouvoir lui confier les tourments qui
l’agitaient. Porter le secret de l’identité de Shion était
un fardeau difficile à assumer, parfois, mais il n’avait pas le
choix. Aioros dut sentir cela car il lui dit :
« Tu as l’air très pensif, ces temps derniers. Que t’arrive-t-il
donc ?Tu peux m’en parler, tu sais… »
Mû esquissa un sourire pour le rassurer et lui dit :
« Ce n’est rien du tout…il se trouve que je suis chevalier
d’or depuis peu de temps et que j’ai un peu de mal à appréhender
tout ce que cela recouvre, mais il me faut juste le temps de m’habituer,
c’est tout… »
Il n’avait pas l’habitude de mentir, mais il est vrai qu’il
ressentait aussi ce genre de choses, c’était donc un demi-mensonge.
Aioros lui sourit et lui dit :
« Je trouve qu’au contraire tu ne t’en sors pas trop
mal, d’après ce que je peux voir ou entendre. Tout le monde te
respecte, respecte ton avis, et tu es le réparateur d’armures,
l’homme qui peut tout soigner, ce n’est pas rien. Ne laisse jamais
personne te faire douter de ta valeur… »
Mû fit une légère grimace et dit :
« Je n’en doute pas, mais Masque de Mort se moque toujours
de moi dès qu’il me voit, c’est le seul qui ne m’apprécie
pas du tout, et c’est réciproque… »
Aioros parut se rappeler quelque chose, et dit :
« Il est vrai que votre rencontre avait failli tourner au drame,
mais Masque de Mort n’apprécie guère ses pairs, à
part sa petite personne, bien sûr. Il sait cependant jusqu’où
il peut aller… »
Mû sourit au Sagittaire, et celui-ci lui dit en souriant :
« Tu devrais vraiment rentrer, à présent, sinon Demetrios
va encore détacher une escouade de gardes pour te chercher… »
L’enfant sourit et se mit à courir vers les bâtiments, non
loin, sur le chemin qui le ramènerait à sa maison, et Aioros resta
seul. Il aimait souvent marcher seul dans la campagne, mais, bien souvent, ses
charges ne lui en laissaient guère le loisir. Cependant, aujourd’hui,
elles attendraient, il avait le plus grand besoin de réfléchir
et faire le point. En effet, un peu plus tôt, dans le calme ouaté
de la salle du trône, le Grand Pope avait annoncé que ce serait
lui son successeur. Un instant de panique avait envahi son cerveau à
cette nouvelle, puis une foule de questionnements, mais il n’en avait
rien laissé paraître, écoutant, comme dans une brume épaisse,
Saga jurer de son dévouement au Sanctuaire. Il était encore sous
le choc à cet instant, se demandant comment lui, un adolescent de quatorze
ans, allait bien réussir à gérer le Sanctuaire et à
avoir assez d’autorité pour commander aux quatre vingt huit chevaliers.
Bien qu’il ait participé depuis plus de deux ans aux réunions
hebdomadaires des grands maîtres et donc à la gestion du Sanctuaire,
il n’était pas sûr d’être prêt pour cela
et doutait quelque peu de ses capacités en ce domaine. Il avait à
peine eu le temps de s’habituer à sa condition de chevalier d’or
qu’il changeait déjà de statut, et celui-là était
encore plus difficile à porter que le précédent…
Il avait été le second à appartenir à l’élite
de l’ordre, aussi connaissait-il Saga mieux que les autres et avait-il
toujours ressenti à son égard non une animosité particulière
mais une impression bizarre, comme si sa bonté n’avait été
que vernis, qu’il y avait derrière cela autre chose de plus profond
et d’assez effrayant, à vrai dire. Lorsque le Grand Pope les avait
observés, dans la salle du trône, il avait eu l’impression
que lui aussi ressentait cette chose qui s’exhalait de façon diffuse
de Saga. Cela avait probablement influé sur sa décision, même
s’il était difficile de le savoir vraiment car le Grand Pope n’avait
pas pour habitude d’afficher ses sentiments.
Le Sagittaire se retourna, regardant intensément le Sanctuaire en essayant
cette fois de le voir, non comme un amas familier de bâtiments anciens,
mais comme un ensemble de personnes qu’il allait devoir diriger, et respira
profondément, tentant de faire revenir la sérénité
dans son coeur…
24 octobre 1973
Shion était en train de travailler dans son bureau lorsque le serviteur
qui se tenait devant sa porte entra et annonça, avec tout le style et
la révérence voulus :
« Le chevalier d’or Mû du Bélier est arrivé,
Altesse… »
La lourde porte incrustée de bronze s’ouvrit et livra passage au
petit garçon, presque tiré à quatre épingles. Mû
avait visiblement fait un effort pour se rendre présentable, à
voir le lien de soie qui retenait ses cheveux longs et la tunique de coton brodé
qu’il portait. La chaîne d’or qu’il lui avait offerte
lorsque la déesse s’était réincarnée brillait
autour de son cou. Cependant, même s’il gardait un air calme et
posé, il ne pouvait entièrement cacher la joie qu’il avait
à voir son ancien maître, les paillettes d’or de ses yeux
violets brillaient. Shion ne put s’empêcher de remarquer avec un
léger sourire que le lien de soie, noué sans doute à la
hâte, menaçait déjà de se délier. Mû
avait encore hérité cela de sa mère, devant laquelle les
plus solides rubans déclaraient forfait…
L’enfant s’inclina devant lui et demanda :
« Pour quelle raison avez-vous demandé à me voir ? »
Cela, en effet, était assez étonnant car, désormais, les
deux vivaient des vies entièrement séparées, ne se voyant
qu’assez peu. Shion, satisfait de l’urbanité de son fils,
lui désigna un des sièges près de son bureau et lui dit :
« Je vais partir bientôt, aussi voulais-je te voir avant mon
départ pour Shambhala… »
Mû était au courant des projets de Shion depuis un certain temps
mais, à l’étonnement qui se peignit sur son visage, celui-ci
put voir qu’il ne pensait pas que cela se produirait aussi tôt.
Refusant de se laisser envahir par l’émotion, Shion dit :
« Comme tu le sais, je suis responsable de toi, et il m’appartient
de faire pour toi les rites qui marqueront ta croissance et ta progression parmi
le peuple atlante. Cela a commencé lorsque tu as eu sept ans, et que
tu as participé aux rites de l’eau, mais ce n’est là
que le début… »
Il s’interrompit un instant, et reprit :
« Malheureusement, je ne suis pas sûr de vivre assez longtemps
pour te voir atteindre tes treize ans, âge auquel tu devras accomplir
d’autres rites, aussi ai-je pris des dispositions… »
Et il lui tendit un parchemin soigneusement roulé, tout en disant :
« Garde ce parchemin avec toi jusqu’à ce que tu atteignes
l’âge de treize ans, si je ne suis plus là tu devras le donner
à Egesh ou Anardil, ils sont prévenus et sauront quoi faire… »
Mû essaya de rester maître de lui, mais ses yeux violets tremblèrent
alors qu’il prenait le parchemin dans ses petites mains. Shion lui dit
alors :
« Ta place est désormais ici mais sache que, si tu as besoin
de moi, je serai toujours prêt à t’aider, comme je te l’ai
dit lorsque tu es devenu chevalier d’or… »
Le jeune chevalier d’or regarda son père un long moment, puis réussit
à répondre :
« J’ai dit que je serai toujours digne de mon armure, de ma
charge, de mon sang, de mon serment à la déesse et de votre enseignement,
et j’ai bien l’intention de tenir ce serment… »
Il n’y avait presque plus de ton enfantin dans ce qui venait d’être
dit, et Shion prit encore douloureusement conscience de l’évolution
rapide de son fils. Mû avait été obligé de grandir
trop vite, mais il fallait espérer qu’au fond de lui subsistait
son âme d’enfant.
Soucieux de couper court à l’énorme vague d’émotion
qui menaçait de le submerger, Shion lui dit :
« Nous verrons chaque chose en temps voulu, pour l’instant
contente-toi d’apprendre encore, tant que tu le peux, car toutes les connaissances
que tu pourras engranger te seront utiles dans l’avenir. Et surtout, quoi
qu’il arrive, n’oublie jamais qui tu es, d’où tu viens
et ce pour quoi tu es sur cette terre… »
Pour lui, ces mots avaient énormément d’importance, beaucoup
plus que ce que pouvait comprendre Mû, mais l’enfant le perçut
tout de même. Shion souhaitait plus que tout que son fils, ayant accompli
sa mission lors de la guerre sainte, pût survivre et avoir ensuite une
vie tranquille au service du Sanctuaire, mais, avec son expérience, il
savait surtout que c’était un rêve, un rêve de père
qui souhaite voir sa progéniture avoir une meilleure vie que la sienne.
Shion se leva, ouvrit un petit placard aux portes d’ébène
qui se trouvait derrière son bureau et y prit un paquet emballé
dans du papier de soie, qu’il donna à son fils :
« Ceci est pour toi, mais ne l’ouvre pas ici…va à
présent… »
Les yeux remplis d’émotion, l’enfant se leva, le remercia,
s’inclina et sortit alors que Shion murmurait pour lui-même
« Va vers la victoire, va vers la vie, mon fils… »
Malgré sa tristesse, il avait conscience d’avoir fait pour le mieux,
mais il n’avait pas là le loisir de s’appesantir là-dessus,
il avait encore beaucoup de travail…
Il travaillait encore lorsque, un peu plus tard, on vint lui dire que le chevalier
des Gémeaux était introuvable depuis plusieurs heures, il semblait
qu’il eût disparu. On l’avait fait chercher partout, mais
il n’avait rien emporté et personne ne l’avait encore retrouvé.
Shion, inquiet et pensant que cela avait un rapport avec le fait qu’il
ne l’avait pas choisi comme successeur, ordonna qu’on continuât
les recherches et qu’on interrogeât ses pairs. Mû, lui aussi,
fut questionné, ainsi que son serviteur, mais il semblait bien que le
chevalier d’or des Gémeaux se soit volatilisé sans laisser
de traces, pour la plus grande inquiétude de Shion, qui eut une mauvaise
prémonition…
Saga, pourtant, n’avait pas disparu au sens premier du terme, il se trouvait
dans une grotte que lui seul connaissait, non loin du Sanctuaire, en proie à
la plus extrême agitation et en pleine crise de double personnalité.
Cette voix qui ne le quittait plus lui disait :
« Il t’a trahi, il a choisi Aioros, ce parangon de vertu sans
aucun pouvoir ni aucun charisme ! Il ne mérite pas ta pitié,
tue-le, et tue Athéna ensuite, tu as le pouvoir de régner sur
le monde, prends-le ! Tu n’as qu’à tendre la main
pour le faire…»
A genoux, sa main tenant sa poitrine en sueur, il parvint à répliquer :
« Pas…pas question, je suis un chevalier d’Athéna
et…je…je me bats pour la justice… »
La douleur alors reprit, plus violente, lacérant son corps et sa tête
sans répit jusqu’à ce qu’il s’évanouisse.
Quand il parvint à reprendre conscience, il semblait être devenu
l’ombre de lui-même, mais sa souffrance s’était quelque
peu atténuée. La nuit était tombée dehors, et, quand
il sortit, il était résolut à aller demander au Grand Pope
la raison de son choix. Respirant à longs traits l’air de la nuit,
il se dirigea résolument vers le Star Hill, où il sentait sa présence…
Nuit du 25 au 26 octobre 1973
« Que les vents te mènent
Où d’autres âmes plus belles
Sauront t’aimer mieux que nous
Puisqu’on ne peut t’aimer plus… »
Jean-Jacques Goldman, Puisque tu pars
Le petit temple de Star Hill était à peine éclairé,
seule une chandelle trouait l’obscurité, permettant ainsi à
Shion d’avoir une qualité d’observation parfaite. Depuis
la réincarnation de la déesse, il avait augmenté le rythme
de ses observations, voulant cette fois essayer de préciser la date à
laquelle le sceau d’Athéna se briserait. Malgré l’importance
de la chose, il avait de la peine à se concentrer, songeant que, le lendemain,
il devrait annoncer l’identité de son successeur à tout
le Sanctuaire…
Il soupira, et son œil habitué remarqua alors quelque chose de particulier :
l’étoile polaire qui, normalement, devrait être décalée
d’un degré par rapport à l’axe polaire terrestre,
avait un angle qui était là en train de se rapprocher de zéro.
De plus, elle était instable et légèrement décalée,
ce qui n’était généralement pas le cas à cette
époque de l’année. Cet état de fait lui rappela le
carnet d’observations du Grand Pope qui l’avait précédé
et qui avait aussi remarqué cela avant la précédente guerre
sainte. Finalement, l’échéance qu’il avait craint
était plus proche qu’il ne le pensait, ce ne serait pas du luxe
de former son successeur dès maintenant. Aioros aurait à peine
le temps de connaître tous les arcanes du Sanctuaire qu’il lui faudrait
préparer ses troupes pour le grand affrontement. Difficile mission, mais
Shion était sûr de son choix, il savait que le jeune Sagittaire
avait les ressources pour y arriver, bien qu’il l’ait senti quelque
peu déstabilisé lorsqu’il lui avait annoncé son choix…
La disparition de Saga, par contre, posait un problème. Les Douze devraient
être au complet lorsque le temps de combattre serait venu, ils n’auraient
pas le choix, l’absence de l’un d’entre eux pouvait leur coûter
la victoire. Que s’était-il donc passé dans la tête
du chevalier d’or des Gémeaux ? Depuis qu’il était
enfant, Shion avait toujours ressenti chez lui quelque chose de particulier,
sans pouvoir définir exactement ce dont il s’agissait. C’était
cela qui l’avait poussé à ne pas en faire son successeur,
bien qu’un concert de louanges s’élevât concernant
l’adolescent. Il fallait espérer que cette disparition ne soit
qu’un coup de tête et, qu’ensuite, il rentrerait dans le rang.
Pourtant, bien qu’il le trouvât étrange, son comportement
exemplaire et mature plaidait pour lui…
Il n’eut pas le temps de pousser plus avant ses pensées, car un
cosmos familier le fit se retourner. Là se tenait devant lui le disparu,
Saga, revêtu de son armure et nimbé de son aura dorée. Surpris,
il lui dit :
« Que fais-tu là, Saga ? Ce lieu est pourtant difficile
d’accès… »
Un pli d’ironie marqua le visage du jeune chevalier d’or qui s’agenouilla
et répondit :
« Non, pas tellement, puisque vous, qui êtes vieux, y parvenez,
et que je suis l’égal d’un dieu… »
Le chevalier d’or des Gémeaux n’avait pas l’air d’avoir
changé mais le sixième sens de Shion lui souffla qu’il y
avait cependant en lui quelque chose de nouveau, cette sûreté de
soi qui frisait l’égocentrisme. Il reprit :
« Tu es ici sur une terre sacrée, foulée seule par
les Grands Popes, la mégalomanie n’est pas de mise ici. Que veux-tu
? »
Il avait une petite idée de la réponse, mais préférait
l’entendre de la bouche même de Saga. Il s’aperçut
alors que celui-ci semblait avoir quelques difficultés à respirer,
et suait beaucoup. Le chevalier d’or des Gémeaux semblait se sentir
mal, mais répondit :
« Pourquoi ne m’avoir pas désigné comme votre
successeur ? Je ne crois pas avoir démérité une seule
fois, et j’estime que je possède autant de qualités qu’Aioros… »
Shion, calmement, lui dit :
« J’ai dit, et tu étais présent, qu’il
rassemblait les qualités essentielles et qu’il était digne
de devenir mon successeur…je ne reviendrai pas sur ma décision,
si c’est ce que tu attends… »
Saga, alors, insista, haletant de plus en plus sous le regard étonné
de Shion :
« Pourquoi ? Pourquoi ? »
Si la vérité importait tellement à Saga, il allait la lui
donner. Le Grand Pope abaissa le regard sur lui et lui dit :
« Puisque tu veux une réponse, je vais t’en donner une.
Il est vrai que tous te respectent, que ton comportement est des plus dignes,
mais j’ai ressenti en toi quelque chose d’étrange, de malsain,
comme si ton âme était envahie par le démon… »
Saga, sous le regard de Shion, se transformait de minute en minute, haletant
parce que son âme bonne tentait de garder le contrôle sous les coups
de boutoir de la mauvaise qui ne demandait qu’à s’exprimer.
Inquiet de le voir haleter et suer à grosses gouttes, Shion demanda :
« Tu ne te sens pas bien ? »
Ce fut un rire démoniaque qui lui répondit, et le fit reculer.
Une voix, qui n’était pas celle de Saga, troua la nuit :
« Vous avez percé mon secret, quelle perspicacité !
Je comprends que vous ayez vécu si longtemps… »
Shion vit alors les cheveux de Saga passer du bleu au gris, et son regard devenir
rouge comme celui d’un démon assoiffé de sang. Non, cela
ne pouvait pas être Saga, pas l’être bon qu’il avait
vu grandir. Il comprit en une fraction de secondes que, ce qu’il trouvait
étrange chez lui, c’était cette zone d’ombre qui avait
grandi énormément jusqu’à submerger le véritable
Saga.
Il dit :
« Mais…tes cheveux…tu n’es pas Saga, qui es… ? »
Mais il n’eut pas le temps de terminer car Saga se relevait et, avant
qu’il n’ait eu le temps de se mettre en garde, lui transperça
la poitrine au niveau du cœur. Shion, encore debout, dit avant de s’effondrer :
« J’avais vu juste…tu n’es pas…un dieu…mais
le mal…incarné… »
Mais Saga n’écoutait plus, tout à sa mégalomanie
grandissante. Il le laissa là après lui avoir enlevé sa
tenue rituelle, et sortit sur l’esplanade. Avec ses dernières forces,
Shion se traîna sur le lit qui lui servait à dormir là quand
il observait toute la nuit. Au moment de mourir, il avait compris qu’il
s’agissait là d’un coup d’Hadès, nul autre que
lui n’aurait pu transformer un être pur comme Saga en cet être
démoniaque et assoiffé de sang. Mais comment faire à présent
pour contrecarrer ses plans ? Il ne lui restait plus beaucoup à
vivre, il le savait. Saga avait raté son cœur de peu, mais avait
transpercé son artère aorte, et le sang s’écoulait
rapidement de sa blessure, il n’y avait plus rien à faire pour
le sauver. Il souleva son bras avec effort, arracha la chaîne d’argent
qui était à son cou, à laquelle étaient suspendues
son alliance et celle d’Arzaniel, avant de chuchoter :
« J’arrive, Arzaniel… »
Qu’allait devenir le Sanctuaire si Saga y prenait le pouvoir ? Il
ne le savait pas, mais n’avait plus la force de lutter, ses forces l’abandonnaient.
La déesse était en danger de mort, mais il ne pouvait plus combattre
pour elle, il était temps pour lui d’abandonner le combat, devant
laisser à présent à son fils et à ses pairs le soin
de la défendre. Aioros ne laisserait jamais Saga la tuer, il en était
sûr.
Ses forces l’abandonnant, il se sentait happé dans un vide sans
fond, mais eut le temps, avant de sombrer dans l’inconscience, d’envoyer
un message télépathique à Mû :
« Mû, ta vie est en danger ainsi que celle de la déesse,
mets-toi à l’abri ! »
Saga n’hésiterait pas à tuer tous ceux qui se dresseraient
sur sa route vers le pouvoir absolu, et Shion connaissait assez son fils pour
savoir que Mû serait de ceux-là. Le sage et calme Bélier
pouvait devenir dangereux et terrible si l’on touchait à ce qu’il
avait de plus cher. Il fallait qu’il se mette à l’abri, le
plus vite possible, avec la déesse…
« Je t’aime, mon fils… », pensa-t-il,
« Ta maman et moi veillerons toujours sur toi, même si
nous ne te verrons pas grandir… ».
Ses pensées perdirent de leur cohérence, et, pendant un temps
indéfini, il vit défiler des images de sa vie : son enfance
à Jamir, Ashen, la guerre sainte, le Sanctuaire, Arzaniel, Mû,
la déesse…tout ce que avait compté dans sa vie se mélangeait,
faisant une folle sarabande dans son esprit. Puis ce fut le noir absolu, et
la lumière…
Mû s’éveilla en hurlant, comme si une intense vague de douleur
lui avait foudroyé tout le corps. Démétrios, réveillé
par le bruit, fit irruption dans sa chambre et le vit bafouiller :
« La déesse…moi…en danger… »
Il avait l’air d’être complètement perdu, et ne parvenait
pas à raisonner. Tout ce qu’il comprenait, c’était
que le lien télépathique qu’il avait avec son maître
s’était rompu après un dernier message, et que cela avait
occasionné une intense douleur dont il souffrait encore. Il transpirait
abondamment, et ses yeux fixes à la pupille dilatée ne voyaient
rien. Le serviteur s’assit près de lui, et, inquiet, l’enveloppa
dans une couverture. Il avait l’impression que l’enfant voyait quelque
chose qu’il était le seul à voir, mais n’eut pas le
temps de tergiverser davantage car on frappa à la porte et une voix familière,
celle d’Aldébaran, résonna:
« Viens, Mû, vite ! Aioros a volé la déesse,
il faut le poursuivre, ordre du Grand Pope… »
Démétrios reposa doucement l’enfant sur le lit, et il sembla
alors sortir de sa catatonie. Il leva un regard mouillé de larmes sur
son serviteur et dit rapidement :
« Nous partons, vite ! Mon maître est mort, il s’est
passé quelque chose et nous devons fuir, ce n’est plus lui qui
est le Grand Pope… »
Il n’avait pas toutes les clés en main, mais il avait compris le
dernier message de Shion : fuir, le plus loin possible, loin de ce Sanctuaire
souillé soudainement par le mal. Par le lien télépathique,
Mû avait eu quelques vagues impressions, mais ignorait ce qu’il
s’était passé exactement. Son instinct, hérité
de son peuple, lui soufflait de s’enfuir loin d’ici, sans qu’il
puisse clairement l’expliquer. Il ne comprenait pas non plus pourquoi
Aioros, de loin le plus intègre d’entre eux, avait enlevé
la déesse, il y avait là quelque chose qui n’allait pas…
Rassemblant rapidement tout ce qui lui importait, il saisit sa pandora box et,
Démétrios sur les talons, se faufila hors de la maison. Il fallait
sortir du Sanctuaire pour se téléporter, aussi marcha-t-il le
plus discrètement possible vers la sortie. Par chance, les gardes avaient
été mobilisés pour la chasse à l’homme déclenchée
pour capturer Aioros, et ils purent sortir librement du Sanctuaire. Un bruit
alors les fit sursauter, et Mû se rendit invisible avant de pousser Démétrios
dans un buisson qui se trouvait là. Ils virent Aioros, blessé
à mort, remettre la jeune déesse à un homme qu’il
ne reconnut pas, avant d’expirer…
Mû sentit les larmes inonder ses joues quand le courageux Sagittaire rendit
l’âme, mais il n’avait pas le temps de le pleurer, il lui
fallait gagner au plus vite un asile sûr. Pour cela, un seul endroit était
idéal : les Cinq Pics, en Chine, auprès de Dohko de la Balance.
Il lui avait toujours été désigné par son père
comme quelqu’un de bon conseil, à qui s’adresser en cas de
problème, et il savait qu’il serait en sécurité là-bas.
De plus, il fallait lui annoncer le décès de son ami, et il voulait
aussi lui demander conseil sur ce qui venait d’advenir. Il serait toujours
temps, ensuite, de retourner à Jamir et d’attendre la suite des
événements…
Résolument, détournant le regard de ce Sanctuaire désormais
souillé par le sang d’un homme de bien, il agrippa le bras de Démétrios
et se téléporta vers la Chine. Une autre page de sa vie s’ouvrait…
A SUIVRE