Merci à ma précieuse bêta lectrice Yotma, qui a relu et commenté ce chapitre^^
Spéciale dédicace à Corinne, qui fait de superbes illustrations et que je félicite aussi pour son talent…
Pensée spéciale pour Alaiya, Mégumichan et tous ceux qui me lisent et dont le soutien ne se dément jamais, merci à vous…et joyeuses Fêtes à tous !

 

Chapitre 21 : Explications et manipulation

 

Shambhala, 30 mars 1979

Mû faisait ses dernières recommandations à Anardil, mais le serviteur ne cachait pas sa désapprobation :
« Aller seul à Rozan, à pied qui plus est ? Ce n’est pas sérieux, maître… »
Mais la décision de Mû était prise :
« Je dois parler à maître Dohko, et j’ai besoin d’être un peu seul pour assimiler tout cela… »
Il était certain que Dohko pourrait lui fournir les pièces manquantes dans son histoire, et sans aucun doute répondre à ses questions. Il avait vraiment besoin de savoir toute la vérité, quelle qu’elle fût, pour l’assimiler et passer à autre chose…
Il eut un léger sourire.
« Ne t’inquiète pas, je sais me défendre tout seul, je suis grand maintenant… », dit-il ironiquement.
Alors Anardil se rendit.
« Très bien, très bien, je vais rentrer à Jamir et je vous attendrai là-bas…de toute façon, vous serez en sécurité à Rozan… »
Mû acquiesça, mit son sac de toile sur son dos et dit :
« Je te ferai savoir quand je rentrerai, prends soin de toi, mon ami… »
Il lui tendit sa main, qu’Anardil serra, puis se mit en route. Il aurait très bien pu se téléporter directement à Rozan, mais il avait vraiment besoin de réfléchir et il pourrait le faire tout en marchant. Cela lui prendrait quelques jours, mais Shambhala n’était en fait pas loin de la frontière chinoise et il avait supposé que cela lui prendrait quatre jours. Il avait prévenu Dohko de son arrivée par télépathie, et le vieux Maître lui avait répondu qu’il l’attendait et qu’il serait le bienvenu…
Mû se serra dans sa cape de laine et commença son périple qui était en quelque sorte un chemin vers lui-même et vers la vérité…

 

Rozan, 1er avril 1979

Dohko, assis sur son promontoire rocheux, regardait la cascade sans la voir. L’état mental de Mû l’inquiétait au plus haut point. Il avait nettement ressenti l’explosion mentale qu’il avait eue quand il avait appris la vérité et, bien qu’il ne sût pas encore dans quelles circonstances, il s’était douté que cela avait été très traumatisant pour l’adolescent. Comment ce séjour à Shambhala, qui aurait dû être quelque chose de relativement plaisant tout en marquant un cap important dans la vie de Mû, s’était-il mué en un cauchemar pareil ? C’était là l’épreuve dont lui-même avait eu l’intuition depuis de longues années déjà…
En tout cas, à présent que Mû savait que Shion était son père, il lui donnerait toutes les réponses qu’il voudrait, et il ne serait pas seul à le faire, Helena, qui était de passage après avoir quitté ses lointaines brumes glacées et qui avait voulu justement se rendre à Jamir, pourrait aussi parler à Mû de son père vu qu’elle aussi l’avait bien connu.
Là, Helena racontait une histoire à Shunrei. La petite fille de six ans, même si elle ne comprenait pas totalement le grec, en savait assez pour comprendre ce qui lui disait le grand maître. La jeune femme blonde et l’enfant asiatique formaient un très joli tableau qui ne laissait pas d’émouvoir Dohko. Ah Neng, la gouvernante, appela alors l’enfant qui courut prendre son goûter.
Helena eut un sourire et dit :
« Comme elle est belle maintenant ! Quand je pense à l’état où elle était quand nous l’avons récupérée… »
Shunrei était devenue une belle petite fille aux joues bien rebondies, bien loin du bébé malingre qu’elle était quand ils l’avaient recueillie. Le regard mordoré d’Helena s’adoucissait toujours quand elle la regardait, et Dohko ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle eût fait une excellente mère. Pourtant, elle devait respecter son serment, toujours valide, devant la déesse, et cela impliquait de renoncer à son avenir de femme.
Elle se tourna vers le chevalier d’or et lui demanda :
« Quand Mû doit-il arriver ? »
Dohko abaissa le regard sur Helena.
« Je ne sais pas, mais laissons-lui prendre son temps… »
C’était lui qui avait expliqué au chevalier d’argent ce qui s’était produit, du moins ce qu’il en savait, ce qui avait laissé Helena pensive. Elle avait toujours pensé que Mû finirait par savoir la vérité, mais pas de cette façon si dramatique. Dohko n’en connaissait pas encore les détails, mais, vu le désarroi de l’adolescent, cela avait dû être particulièrement violent physiquement et psychologiquement.
Helena s’assit, regarda la cascade et dit pensivement :
« Le pauvre, comme s’il n’avait pas encore assez subi…mais, au moins, il sait la vérité, c’est déjà beaucoup… »

 

Le Sanctuaire, 4 avril 1979

Shura faisait face aux gardes du Grand Pope :
« Je vous ordonne de me laisser passer, je veux voir le Grand Pope immédiatement ! »
Les yeux sombres de l’Espagnol étaient étrécis, et une lueur y passa, faisant reculer les gardes. Ceux-ci avaient parfaitement reconnu un chevalier d’or, celui du Capricorne s’ils reconnaissaient bien le symbole sur le médaillon d’or qu’il avait au cou, et ils savaient que, s’ils l’énervaient, ils ne feraient absolument pas le poids. La réputation du jeune homme n’était plus à faire…
Une voix vint alors de l’intérieur :
« Laissez-le entrer ! »
Les gardes obéirent et ouvrirent les deux battants de la lourde porte de bronze et d’or. Shura, qui se souvenait à peine de cette grande salle sombre, avança lentement vers le trône qu’il voyait au bout de la pièce. Plus il avançait, plus cette impression mauvaise et négative qui le dérangeait depuis quelques mois grandissait. C’était à ce propos qu’il avait demandé à voir le Grand Pope pour lui en parler, mais il commença à se sentir troublé, l’esprit soudainement confus.
Comme il se devait, il s’agenouilla et entendit la voix du Grand Pope lui demander :
« Que se passe-t-il, chevalier d’or du Capricorne ? Pourquoi as-tu demandé à me voir ? »
Shura expliqua :
« Altesse, il se passe des choses étranges ici, et cela fait quelques temps que je ressens un cosmos mauvais… »
Saga mauvais tentait de reprendre le dessus et sa respiration s’accéléra. Shura, soudainement inquiet, demanda :
« Vous ne vous sentez pas bien, Altesse ? »
Un rire maléfique s’éleva alors :
« Tu es plus perspicace que je le pensais, Capricorne d’or… »
Le jeune chevalier d’or ressentit alors le même cosmos mauvais et se recula en comprenant qu’il exhalait de l’homme devant lui. Comment le Grand Pope, représentant d’Athéna sur Terre, pouvait-il être perverti à ce point ? Quelque part, cela expliquait certaines choses, mais le Capricorne ne pouvait tout de même tout comprendre.
Saga ricanant s’approcha lentement de son pair qui se releva instinctivement pour se mettre en garde. Confusément, Shura percevait toute la haine qui s’exhalait de l’homme en face de lui, qui ne pouvait pas être le Grand Pope qu’il avait connu. Pourtant, au-delà de tout cela, il ne parvenait pas à percevoir l’aura de Saga derrière toute cette gangue de haine, il ne comprenait pas qui se cachait derrière le masque. Son esprit se brouilla sous l’effet du pouvoir de Saga et il lui fut quasiment impossible de réagir. En effet, le Capricorne, s’il possédait des bras et des jambes tranchant toute matière, n’avait aucun pouvoir mental lui permettant de résister aux puissants pouvoirs psychiques du chevalier d’or des Gémeaux. Lentement, Saga brisa chacune des barrières mentales du chevalier d’or, effaçant ses doutes et mettant l’accent sur le profond sentiment de justice qui l’avait toujours animé. Quand il aurait fini d’utiliser son attaque ultime, le Genrômaoken (illusion diabolique), Shura serait presque comme une coquille vide à sa dévotion et à celle du fantôme de la déesse. Cependant, il avait pris soin de ne pas toucher le reste de son psychisme, il resterait quasiment lui-même mais sans plus jamais avoir aucun doute concernant l’identité du Grand Pope, il obéirait sans discuter. Ce courageux chevalier d’or épris de justice aurait désormais le jugement faussé par le pouvoir démoniaque d’un autre.
Saga termina sa sinistre tâche et dit :
« Sois dévoué à Athéna, jeune chevalier d’or, là est ton rôle. Applique la justice et obéis toujours à mes ordres… »
Shura leva son regard sombre à demi voilé et répondit d’une voix pourtant quasiment normale :
« Je vous obéirai… »

 

Rozan, 5 avril 1979

L’aube colorait la cascade, et tout le monde était déjà levé. Tout le monde, sauf Mû, qui sommeillait encore après être arrivé assez tard la veille. Il avait quasiment mis six jours pour arriver jusque-là, ayant mis plus de temps que prévu à passer les cols tibétains encore enneigés. Il avait fait tout le chemin à pied, sans céder à la tentation de se téléporter et réfléchissant tout au long du chemin à tout ce qu’il venait d’apprendre. Dohko avait à peine reconnu dans ce jeune homme l’enfant qui l’avait quitté voici cinq ans déjà. Mû avait perdu les rondeurs de l’enfance et sa ressemblance avec son père, qui n’était pas tellement évidente quand il était petit, s’était affirmée.  Pourtant, Dohko pouvait sentir à quel point la révélation l’avait ébranlé…
Il se retourna et vit Helena sortir de la maison. La jeune femme baillait encore et son opulente chevelure blonde avait été un peu nouée à la va-vite, elle venait visiblement de sortir du lit. Elle s’étira devant la cascade et s’assit devant pour méditer, comme chaque matin. Dans la maison, Ah Neng préparait le petit déjeuner pour tout le monde et était en train de faire manger son petit déjeuner à Shunrei.
Helena médita une dizaine de minutes puis rouvrit les yeux et regarda longuement la cascade couler. Elle ne parvenait pas à se concentrer, inquiète pour Mû. Elle avait toujours pensé que Shion aurait dû dire la vérité à son fils, ne fût-ce qu’en mémoire de la femme qu’il avait aimée, mais elle avait respecté son souhait. Elle comprenait cependant ses raisons, d’avoir voulu préserver son fils unique de cette vérité difficile à porter. En tout cas, quoi qu’il se soit passé exactement, il en souffrait à présent mais elle le savait assez fort pour se relever comme il avait su le faire après la mort de son père. Voyant que l’heure tournait, elle rentra dans la maison pour faire sa toilette et se changer…
Au même moment, Mû se réveillait. A demi endormi, il se demanda un instant où il se trouvait avant de se réveiller davantage. Il s’assit et s’étira en baillant. Le calme régnait dans la maison, seulement rompu par les bruits familiers de la cuisine et le rire de Shunrei. Il y avait toujours autant cette impression de sécurité et de sérénité dans cet endroit presque hors du monde, et cela lui fit du bien.
Après une rapide toilette, il s’habilla et descendit dans la cuisine. Ah Neng s’inclina et Shunrei, qui le reconnut, sauta de table pour venir l’embrasser et le barbouilla par la même occasion. Mû s’essuya rapidement, et sortit pour aller saluer Dohko.
Le chevalier d’or le vit arriver et lui sourit :
« T’es-tu assez reposé ?
Mû acquiesça.
« Je vous remercie de me recevoir, maître… », dit-il calmement.
Dohko lui répondit :
« Tu sais que tu es toujours le bienvenu ici, Mû… »
Il n’eut pas le temps de dire autre chose, Helena sortait et vint le saluer comme il se devait. Il était plus grand qu’elle maintenant mais il y avait encore en lui le petit garçon qu’il avait été, qu’elle avait aidé autrefois et à qui elle devait la vie. Elle pouvait également sentir que ses pouvoirs avaient évolué en même temps que lui, mais qu’il était resté le chevalier d’or qu’elle avait connu à l’âge de sept ans, conscient de son rôle et de ses devoirs. Il avait toujours sur son visage le même air grave et posé, mais il lui sourit et dit :
« Je suis heureux de voir que vous allez bien, grand maître, et que votre séjour dans le Nord vous fut profitable… »
Helena lui rendit son sourire et ajouta :
« Je vais dire à Ah Neng qu’elle vous serve ici… »
C’était pure délicatesse de sa part, puisqu’elle était censée ne pas connaître la vérité elle se retirait pour que Mû puisse se confier s’il le désirait. Dans la maison, Ah Neng habillait Shunrei de son uniforme d’école et Helena, malgré les dénégations de la gouvernante, se mit à cuisiner la fin du repas.
Mû, après avoir été silencieux, regarda Dohko et lui dit :
« Je suis venu vous voir parce que je veux comprendre. Je veux savoir pourquoi il a agi ainsi avec moi… »
Il y avait un certain ressentiment dans le ton de sa voix, et Dohko attendit un moment avant de répondre en choisissant soigneusement ses mots :
« S’il t’avait dit que tu étais son fils, il n’aurait jamais pu t’imposer l’entraînement qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui. Ne crois cependant pas que cela lui a été facile, tout en toi lui rappelait ta mère et il en souffrait beaucoup. Il lui arrivait aussi de ne pas savoir quoi faire ou dire en face de toi et, lorsqu’il lui arrivait de faiblir, il s’en voulait beaucoup parce qu’il ne voulait pas que tu souffres et, pourtant, il voyait le mal que cela te faisait… »
Mû voyait parfaitement de quoi Dohko voulait parler, cette nuit où Shion était venu l’embrasser dans son sommeil, provoquant une grande émotion dans son cœur d’enfant avant de lui dire le lendemain qu’il avait rêvé. A cette évocation, une larme coula sur sa joue mais il était encore trop sous le choc pour pouvoir clairement exprimer ce qu’il ressentait. Finalement, beaucoup de choses qui lui avaient semblé jusque-là insignifiantes prenaient à présent un nouveau sens, ajoutant  à sa confusion.
Dohko continua :
« Il avait cependant eu l’intuition que tu apprendrais la vérité après sa mort, ne le juge pas trop durement. C’était le Grand Pope, un chevalier d’or mais aussi un humain avec ses forces et ses faiblesses. Il savait où était son devoir, et il l’a toujours effectué, quoi que cela dût lui coûter. Il aurait amplement préféré que tu ne sois pas son successeur et que tu puisses avoir une vie tranquille quelque part au Tibet … »
La voix d’Helena dit alors :
« Et il aurait sans nulle doute apprécié de voir le jeune homme que vous êtes devenu… »
Et elle déposa un plateau fleurant bon devant lui. Mû leva la tête et lut dans le regard mordoré d’Helena qu’elle aussi savait la vérité. Il eut alors la désagréable impression d’une certaine conspiration du silence autour de lui, et demanda à Helena :
« Qui d’autre est au courant ? »
Helena versa du thé dans une tasse de porcelaine, qu’elle lui tendit :
« Pas autant de personnes que vous le pensez, votre entourage proche seulement. Pour ma part, voilà déjà de nombreuses années que je le sais, j’ai même connu votre mère autrefois… »
Les yeux violets de Mû s’écarquillèrent sous l’effet de la surprise, et Helena ajouta :
« Oui, j’ai accompagné votre père à Shambhala pour assurer sa protection l’année précédent votre naissance, quelqu’un avait attenté à sa vie et les autres grands maîtres m’avaient désignée pour l’accompagner. Je me souviens de votre mère, elle avait une robe verte, je crois, ses cheveux étaient nattés, vous en avez hérité la couleur. Elle était un peu plus petite que votre père mais elle avait une prestance indéniable, comme si quelque chose s’exhalait d’elle… »
Elle posa la théière et ajouta sur un ton plus léger :
« Si je peux vous la décrire, je n’ai guère pu la connaître…de plus, elle a cru que j’étais la nouvelle compagne de votre père, ce qui fait que, malgré les explications qu’il lui a données, elle ne m’a jamais beaucoup aimée… »
Mû avait peine à imaginer sa mère en train de faire une crise de jalousie, mais cela le fit sourire. Helena continua :
« Je n’ai jamais vraiment su ce qu’elle était devenue mais, quand vous êtes arrivé au Sanctuaire avec votre père et que j’ai compris qui vous étiez, j’ai su immédiatement… »
Et elle lui tendit le bol d’omelette qu’elle avait préparé. Mû le prit et commença pensivement à le manger. Tout ce qu’il venait d’entendre lui donnait de plus en plus une vision différente de ses parents que celle qu’il en avait jusque-là. Il découvrait tout un pan de la vie de son père qu’il ne connaissait pas, que celui-ci n’avait partagé qu’avec sa mère et surtout son ami le plus proche. Tout ceci cependant l’aiderait-il à y voir plus clair dans la confusion qui régnait dans son esprit ? La souffrance s’estomperait, sans aucun doute, mais resterait toujours cette impression d’avoir été floué, trahi, même s’il commençait à comprendre pourquoi…
Et pourtant, malgré cela, tous ces silences autour de lui depuis sa petite enfance le gênaient, et il dit :
« Je suppose que Demetrios, Egesh, Anardil le savent eux aussi, je les trouvais parfois étranges, je comprends mieux pourquoi… »
Dohko acquiesça.
« En effet, mais il n’y a pas à proprement parler de conspiration quelconque, ils n’ont fait que suivre les ordres de ton père. Cependant, s’ils te sont si dévoués, ce n’est pas à cause de ton père mais grâce à toi, à ta gentillesse et à ton courage… »
Helena eut un sourire maternel, et le poids qui pesait sur le cœur du jeune atlante depuis des jours commença à se faire plus léger.

 

A SUIVRE