Merci à Yotma, ma bêta lectrice qui a corrigé cette énorme annexe. Merci aussi à Mégumichan, qui continue à publier mes fics, à Alaiya, qui continue à m’encourager et à me lire et à Corinne, qui illustre superbement mes mots…

 

Annexe 2 : La couronne de glace
Histoire d’une femme parmi les grands maîtres : Helena de la Couronne Boréale

 

Chapitre 3  : Premières épreuves

 

Même plus de dix ans après, Helena se souvenait avec une acuité saisissante de ces quelques jours passés au palais auprès de la souveraine qui avait su lire en elle et lui avait fait accepter son destin. Si la reine n’avait pas lu son aura, elle aurait probablement été, comme les autres nobles, mariée à seize ans à une famille noble voisine et aurait déjà à l’heure qu’il est un ou deux marmots. Non, jamais elle n’aurait pu faire une épouse docile et soumise, préposée à la bonne marche de la maison et à la reproduction. Heureusement pour elle, ses frères avaient déjà assuré la descendance et elle avait un neveu et deux nièces qu’elle ne connaissait pas encore. En effet, elle n’était pas retournée à Asgard depuis la fin de son entraînement, malgré les demandes de ses parents. Le Sanctuaire était devenu son foyer et les étendues glacées de son nordique royaume lui semblaient maintenant bien loin, même si elle en avait parfois des nouvelles.

Son destin était ici, elle avait prêté serment à la déesse Athéna et entendait bien tenir ce serment. Elle savait ce qu’elle voulait, et ne reculerait pas devant les épreuves. Même combattre les hommes ne lui faisait pas peur, parce qu’elle ne se considérait pas comme plus faible qu’eux. Son pouvoir de glaciation était connu et redouté de ses collègues masculins qui avaient appris à ne pas la sous-estimer avec le temps. Malgré son apparence douce Helena était une guerrière redoutable, et ils seraient avisés de ne pas l’oublier…

Cependant, la proximité des épreuves ne fit pas changer Helena de comportement. Elle se consacrait à l’entraînement de ses protégées en ignorant qu’en fait les épreuves avaient débuté à l’insu des candidats. En effet, un serviteur du Grand Pope était chargé d’espionner les quatre candidats et de consigner ensuite par écrit ce qu’il voyait. La pédagogie était l’un des critères importants, car un grand maître était essentiellement choisi sur ses qualités pédagogiques, entre autres. On avait décidé de ce mode de fonctionnement afin que les candidats soient le plus naturels possible.

Visiblement, de ce point de vue, Helena avait une longueur d’avance sur ses adversaires, mais pourrait-elle la conserver dans les épreuves physiques ? C’était la question que se posait le Grand Pope en contresignant l’ordre d’organisation des épreuves. Celles-ci consisteraient en trois combats et en deux épreuves théoriques portant sur les connaissances nécessaires aux grands maîtres : budget, gestion, ressources humaines, fonctionnement du Sanctuaire et d’autres choses. Car un grand maître n’était pas seulement un combattant valeureux sortant du lot car capable d’enseigner des techniques d’or, il devait être aussi une tête bien pleine capable d’assumer moult tâches administratives.

Helena, étant d’extraction noble, avait reçu une bonne éducation, mais il lui avait fallu compléter cela par quelques lectures supplémentaires. Finalement, la gestion du Sanctuaire ressemblait peu ou prou à la gestion d’une maison, ce que sa mère lui avait enseigné quand elle était petite. Pourtant, des choses comme la budgétisation générale et les ressources humaines ne pouvant s’improviser, elle se rendit à la bibliothèque du Sanctuaire et emprunta quelques ouvrages. A la lueur d’une bougie, après sa journée, elle se plongea vaillamment dans les arcanes de la budgétisation, des ressources humaines et de la gestion. Les livres étaient ardus, certains écrits dans un grec archaïque, mais elle réussit à en assimiler l’essentiel. Elle soupira et éloigna le dernier livre d’elle avant de remettre une mèche rebelle dans l’espèce de chignon qu’elle avait fait avec un crayon. Il fallait espérer qu’elle avait bien retenu ce qu’il fallait, sinon elle se couvrirait de ridicule. Dire qu’elle n’avait jamais vraiment apprécié d’étudier, même si elle possédait une bonne mémoire. Si elle parvenait à retenir l’essentiel de ce qu’elle avait lu et à se souvenir des leçons de son maître sur l’organisation et le fonctionnement du Sanctuaire, le tour serait joué.

Si cela paraissait simple, cela le devint moins lorsque les convocations officielles arrivèrent. Ressentant quelque peu la pression, Helena se sentit nerveuse et en fut étonnée, elle qui ne l’était jamais. Elle avait l’impression de porter les espoirs de beaucoup de personnes dans ces épreuves et ne savait pas si elle serait en mesure de les concrétiser. Mais, finalement, elle se dit que c’était bien humain de réagir ainsi, qu’elle n’était rien d’autre qu’une humaine et que ce genre d’émotions faisait partie d’elle.

Étrangement, elle oublia quelque peu sa nervosité le jour J, alors qu’elle se dirigeait vers la salle où aurait lieu l’examen écrit. Près d’elle, Illis du Paon, Esai de la Coupe, Neter de la Croix du Sud marchaient, fiers d’eux-mêmes et tentant visiblement de s’impressionner les uns les autres. Helena, en retrait, se demandait vraiment quel besoin les hommes pouvaient bien avoir d’agir ainsi. Quel intérêt ? Cela aurait peut-être servi lors d’un combat, mais là, pourquoi ? Elle secoua sa chevelure dorée et leva les yeux au ciel.

Hylas d’Eridan, le grand maître du signe du Lion, les attendait devant la porte de la salle des grands maîtres où se passerait l’épreuve. Son regard d’émeraude se durcit et il jaugea rapidement les quatre candidats.

«  Vous êtes ici pour les premières épreuves qui consacreront à la fin l’un d’entre vous grand maître du signe des Poissons. Si l’un d’entre vous souhaite se désister, il le peut encore, après il sera trop tard… »

Pas un d’entre eux ne cilla, ne bougea même et Hylas reprit :

« Très bien, venez… »

La salle de réunion des grands maîtres était richement décorée de dorures, de marbres divers. Les fenêtres larges étaient ornées de tentures brodées de fils d’argent, d’or et, dans un coin de la pièce, une réduction de la grande horloge aux signes zodiacaux attendait patiemment son heure. Youri du Réticule, le lituanien grand maître du signe du Verseau, était appuyé contre le mur et dévisageait les candidats de son regard bleu clair presque transparent. Aucune expression ne passait sur son visage, comme à son habitude.

Helena se sentit quelques instants mal à l’aise mais elle l’oublia rapidement et se concentra de nouveau. Elle s’assit et attendit l’assentiment d’Hylas pour commencer à remplir le document qui se trouvait devant elle. Il s’agissait de questions sur des sujets divers, aussi bien culture générale, questions pratiques que gestion-budget. Elle fronça les sourcils et, une question après l’autre, répondit du mieux qu’elle put, même si elle eut peine à le faire  pour « Donnez le nom du sixième Grand Pope » ou « Citez les treize premières règles édictées par la déesse lors de la fondation du Sanctuaire ». Elle parvint à rester concentrée et ne regarda même pas les autres, tout aussi absorbés et certains grimaçant même sur certaines questions. Au bout d’une heure et demie, Hylas déclara :

« C’est fini ! »

Helena posa sa plume, la tête lourde, le sang battant à ses tempes. Au milieu d’un brouillard, elle entendit Hylas dire que l’épreuve orale aurait lieu l’après-midi même et qu’ils pouvaient aller se reposer. Le retour se fit silencieusement, et, une fois arrivée à sa chambre, elle tira les rideaux, ôta son masque et chercha une aspirine. Les yeux à demi fermés, elle regarda fondre celle-ci dans son verre et, peu à peu, elle se sentit mieux. Elle ne pouvait pas dire si elle avait réussi ou pas, mais elle se sentait plutôt satisfaite. A présent, elle ne pouvait plus rien y faire, restait à aller jusqu’au bout de sa démarche. Elle eut un soupir et avala son aspirine avec une grimace. Elle sentit la douleur décroître et elle s’assit sur son lit, méditant simplement sur les bruits familiers du Sanctuaire autour du bâtiment où elle habitait. Les épreuves ne faisaient que commencer, elle essayait donc de se recentrer et d’être la plus sereine possible pour y faire face.

Elle se frotta les yeux, se massa un peu les tempes et prit une longue inspiration pour revenir à la réalité. Il restait l’épreuve orale, puis les combats à assurer. Voulant rester seule jusqu’à l’épreuve orale, elle se confectionna un repas léger avec ce qu’elle avait, qu’elle mangea lentement tout en méditant quelque peu. La méditation lui avait toujours fait le plus grand bien en calmant l’impulsivité dont elle avait toujours fait preuve étant petite fille. La voyant ainsi recluse, personne n’osa venir la déranger et, quand elle sortit de sa chambre en début d’après-midi, elle ne croisa personne.

Sous la chaleur écrasante de l’après-midi, elle revint à la salle des grands maître où attendait, cette fois, l’impressionnant Androgeio des Voiles, grand maître du signe du Taureau. Le grand homme croisait ses bras sur sa poitrine et son regard sombre dévisagea les quatre candidats.

«  Très bien, dit-il avec un sourire carnassier, nous allons voir l’état de vos connaissances… »

Le grand maître du Taureau était en vérité quelqu’un de très gentil malgré sa taille, mais il s’ingénia à être sévère et presque méchant avec les candidats. Il voulait voir non seulement l’état de leurs connaissances sur différents sujets mais aussi leur réaction au stress. Tous quatre étaient des chevaliers d’argent aguerris et difficiles à impressionner mais, à grand renfort de questions pièges, il parvint à ses fins.

Ils sortirent tous quatre de leur oral épuisés nerveusement et Helena n’eut rien de plus pressé que d’aller se passer la tête sous l’eau froide pour essayer de refroidir son cerveau en ébullition. Elle y resta plusieurs minutes puis secoua sa chevelure, faisant voler des myriades de gouttelettes autour d’elle. Même pendant son entraînement on l’avait rarement soumise à une telle pression et il fallut un certain temps pour que son sang arrête de battre à ses tempes. Elle comprenait bien la démarche du grand maître, mais c’était loin d’être agréable de se voir testée comme un rat de laboratoire.
 
Son mal de tête s’amenuisant, elle résolut d’aller rendre visite à ses élèves, mais elle fut vite pressée de questions par les autres chevaliers femmes qui tenaient à savoir comment les premières épreuves s’étaient passées. Elle tenta de répondre un moment au feu nourri de questions et finit par s’esquiver en alléguant qu’elle devait voir ses jeunes élèves. Malgré le respect qu’elle avait pour ses pairs, elle n’avait pas la patience de leur répondre pour l’instant et, de toute façon, ce n’était pas fini, elle en avait parfaitement conscience. Mieux valait en dire le moins possible pour l’instant pour éviter de les décevoir le cas échéant. Ses élèves aussi la pressèrent de questions, mais elle resta suffisamment vague et les ramena gentiment mais fermement sur la réalité de leur entraînement. Il n’était pas question qu’elles se laissent distraire, et elle leur rappela sans ambages. Elle laissa quelques instructions à sa remplaçante et retourna chez elle. Rien ne valait un peu de repos dans son microcosme personnel pour bien se préparer aux combats à venir.

C’était une chambre dépouillée, au mobilier simple fleurant bon le bois d’olivier et pourtant, elle la considérait comme son foyer. C’était là finalement qu’elle pouvait être elle-même, enlever son masque à l’abri de tout regard. Personne ou presque ne verrait jamais la douceur de ce pâle visage juvénile aux beaux traits, c’était là son destin et elle l’avait librement choisi. Elle s’assit sur son lit, entoura ses jambes repliées de ses bras et resta ainsi là, se balançant légèrement, les yeux fermés. Elle avait toujours fait ça depuis son enfance pour se détendre et elle laissa le calme induit par ce mouvement gagner tout son corps. Il fallait qu’elle se vide la tête avant le premier combat qui aurait lieu le lendemain pour pouvoir développer au mieux ses pouvoirs et ses moyens.

Dehors, les bruits cessaient progressivement, les apprentis et les maîtres se retiraient chez eux alors que la chaleur baissait sur le Sanctuaire. La garde de jour laisserait place à la garde de nuit au coucher du soleil, selon un rite datant, selon certains, des temps mythologiques et le Sanctuaire s’endormirait. Helena connaissait tout cela par cœur, tous ces bruits familiers entendus chaque jour depuis dix ans, presque onze. Et pourtant dans trois jours, il y avait une chance sur trois que sa vie change irrémédiablement. Cette idée ne lui quitta pas l’esprit et elle la ressassa pendant sa toilette, le long démêlage de sa chevelure puis quand elle sombra dans un sommeil agité.

Elle se réveilla plusieurs fois dans la nuit puis, définitivement, à l’aube. Elle cilla, se frotta les yeux et son regard tomba sur la pandora box soigneusement rangée dans un coin de la pièce. Depuis son épreuve d’armure, elle ne l’avait pas revêtue car elle n’en avait pas eu l’occasion ni la nécessité, le Sanctuaire étant plus ou moins en paix depuis des années.

L’urne brillait doucement sous les premiers rayons du soleil et elle pouvait distinguer les détails du flocon de neige qui était gravé au repoussé dessus. Cela la ramena immédiatement à la réalité et la réveilla complètement. Il était tôt encore, mais elle ne voulait pas être en retard pour le tirage au sort des combats. Cette fois, point de tunique mais un simple justaucorps et un collant sans pieds noirs, vêtements les plus pratiques pour revêtir son armure par-dessus. Des bottes de cuir souple complèteraient la tenue, protégeant ses pieds de la poussière de l’arène et de la chaleur du soleil. Elle eut un léger sourire alors que, dans le miroir, elle nattait ses cheveux pour ne pas être dérangée par son impressionnante masse capillaire. Ses yeux de félin s’étrécirent dans le début d’excitation du combat qui montait en elle avant qu’elle ne revête les traits figés de son masque. Elle était d’un calme redoutable quand elle saisit les lanières de sa pandora box qu’elle jucha sur son dos pour l’emmener jusqu’à l’arène.
Celle-ci était pleine, et toutes les têtes se tournèrent vers elle quand elle rentra, y compris celles de ses adversaires. En effet, cette tenue collante qu’elle ne portait pas ordinairement mettait en valeur ses formes et aucun d’eux n’y fut insensible. Helena feignit de ne pas remarquer les regards, vint se positionner près des trois autres candidats, posa d’un geste souple sa pandora box près d’elle et déclara :

« Je suis prête… »

Tous quatre se trouvaient alignés devant le Grand Pope, assis sur son trône, vêtu de sa tenue rituelle. Shion regarda chacun d’eux et dit d’un ton sentencieux :

« Vous allez combattre maintenant chacun à votre tour pour obtenir la charge de grand maître du signe des Poissons. Ce ne sera aucunement un combat à mort. Le premier à terre qui ne se relèvera pas au bout de dix secondes aura perdu… »

Autour de lui étaient assis les autres grands maîtres, qui observaient d’un air intéressé chacun des candidats et parfois chuchotaient entre eux. Helena sentit le regard sombre du grand maître du Capricorne s’attarder sur elle. Elle savait qu’il était l’un des opposants à sa participation aux épreuves, et elle n’hésita pas à soutenir ce regard. Ce macho n’allait pas l’impressionner plus longtemps, grand maître ou pas. Cependant, elle n’eut pas le temps de s’appesantir là-dessus plus longtemps car le Grand Pope annonçait l’ordre des combats. Chacun des candidats combattrait une fois contre les autres et le Grand Pope commença le tirage au sort de l’ordre des combats. Helena ferait son premier combat en troisième position, contre Esai de la Coupe, puis contre Illis du Paon et Neter de la Croix du Sud. Toutefois, elle ne serait pas autorisée à rester dans les gradins pendant les autres combats, ceci pour éviter toute tricherie ensuite, et les autres candidats seraient soumis à la même règle. En effet, regarder un combat pouvait permettre de déceler d’éventuels points faibles et tous devaient partir sur le même plan. Ils n’auraient aucunement de contacts entre eux pendant les deux jours que dureraient les combats, et Helena devait bien reconnaître que ce point-là ne la gênait pas. Ainsi, tous seraient sur un pied d’égalité.
Le Grand Pope reprit la parole :

« Ceux qui ne combattent pas, laissez vos pandora boxes ici, puis vous serez conduit dans votre lieu d’isolement où vous resterez jusqu’à votre premier combat. Allez ! »

La voix pleine d’autorité de Shion ne laissait aucune alternative, et Helena suivit le serviteur chargé de la conduire à une des pièces adjacentes à l’arène. Ancienne, elle ressemblait aux cellules où les gladiateurs attendaient la mort, ce qui la fit frissonner quelques secondes. Là, point de mort annoncée mais de rudes combats à venir sous un soleil de plomb. Elle s’assit sur une banquette de pierre usée et attendit son tour le plus calmement qu’elle put. Les bruits des combats et des gradins lui parvenaient étouffés à travers les murs de pierre millénaires, mais elle parvint à en faire abstraction pour garder sa concentration. Le temps s’écoula sans qu’elle puisse vraiment le mesurer et, enfin, la porte s’ouvrit devant elle.

« C’est votre tour… », lui dit le serviteur qui l’avait conduite auparavant.

Helena se leva souplement et le suivit dans les couloirs sombres vers le rai de lumière qui figurait l’entrée de l’arène. La clameur de la foule se fit plus prégnante et plus audible au fur et à mesure qu’elle avançait et elle cligna des yeux sous la lumière du soleil de midi qui inondait maintenant l’arène. Esai de la Coupe, les bras croisés, l’attendait déjà…

A suivre