Chapitre 9 : Bilans

 

Sion reprit conscience quelques heures plus tard, installé sur un lit dans l’infirmerie du Sanctuaire. Sa sœur était à côté de lui, elle dormait encore...

Un peu plus loin, Doko était installé lui aussi dans un lit, le dos appuyé contre deux oreillers, entre conscience et inconscience. Ses bras et son torse étaient bandés. Sa mère Shunrei était assise à côté de lui. Elle avait l’air triste, ce qui pouvait aisément se comprendre vu la situation. Elle avait espéré jusqu’au bout que son aîné ne prendrait pas le chemin de son père, qu’il aurait une vie normale...elle ne voulait pas revivre ses heures de peur, attendant que Shiryu revienne de ses combats....s’il revenait. Elle avait tant prié pour lui ! Et maintenant il faudrait recommencer, pour son fils cette fois, pour la chair de sa chair...

Elle baissa les yeux sur sa petite fille assise sur ses genoux. Insouciante, Shura jouait avec sa natte. Non, celle-ci ne serait pas une machine de guerre, elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour la préserver...

Un pas claudiquant se fit entendre dans le couloir, et Shiryu entra dans la pièce, appuyé sur une paire de béquilles. L’armure d’or l’avait bien protégé, il n’avait qu’une jambe cassée, et la marque d’anciennes cicatrices se voyait encore sur son torse nu. Shunrei le vit arriver, se leva, et lui dit d’un ton froid:

« Voilà, ça recommence. Je ne voulais pas que tu l’entraînes, rappelle-toi ! et le voilà blessé, éveillé maintenant... »

Elle était au bord des larmes, et en colère. Shiryu prit Shura dans sur un de ses bras, et dit à son épouse:

« Tu sais bien que ce genre de chose ne se décide pas. Je comprends ce que tu ressens, tu crois que je n’ai pas eu peur pendant la bataille, moi qui percevais tout ? Il décidera lui-même... »

Shunrei se calma un peu, et dit:

« Je ne veux pas avoir à revivre ça, toutes ces heures d’attente, à prier pour toi, à ne pas savoir si tu reviendrais, je ne le supporterai pas à nouveau. Je ne veux pas non plus perdre mon fils...

-Je te comprends plus que tu ne le penses. Pendant que je combattais, tu étais toujours avec moi. Tu seras avec Doko quand il combattras, tu l’aideras lui aussi comme tu m’as aidé autrefois... »

Shura tira sur une mèche de cheveux de son père, qui lui sourit et lui ébouriffa les cheveux. Il la posa à terre, prit Shunrei dans ses bras et lui dit:

« Doko sera un combattant de valeur, il l’a déjà prouvé. Et puis tu es sa mère, non ? »

Et il déposa un baiser sur son front...

A ce moment-là, Shura du Capricorne entra dans la chambre, et dit:

« Je venais voir comment se portait le petit, mais je vois que tu n’as pas changé, Shiryu, et que tu ne peux pas tenir en place... »

Shiryu sourit, et dit:

« Toi non plus tu n’as pas changé, tu sais... »

Shura salua poliment Shunrei et Shiryu lui dit:

« Je te présente mon épouse, Shunrei, et ma fille, Shura... »

Shura observa avec un certain amusement la petite fille qui portait son nom. Elle ressemblait à sa mère, même air décidé et même beauté fragile. Shura désigna Doko:

« Comment va-t-il ?

-Il se repose, mais il s’en remettra... »

Shura regarda l’enfant endormi. Il serait lui aussi un excellent chevalier s’il avait le tiers de la volonté de son père, il avait déjà pu en juger. De toute façon il lui ressemblait déjà physiquement...

Dans la chambre d’à côté, le petit Camus était dans le même état, veillé lui aussi par sa mère Natassia. Il était conscient, et jouait avec son petit frère. A ce moment, Hyoga entra, suivi de Camus. Son bras gauche était en écharpe, et son torse était bandé, mais il pouvait marcher.

Le petit Camus jeta un regard au grand Camus, et son père dit:

« Maître, voici mon fils Camus, ainsi que mon épouse Natassia et mon fils cadet Isaak... »

Natassia sourit et le salua chaleureusement, et Isaak esquissa un timide bonjour. Mais Camus le petit objecta:

« Mais...je ne comprends pas, tu m’avais dit qu’il était mort... »

Camus sourit légèrement, en fait son visage se détendit seulement, et il dit à l’enfant:

« En fait, oui et non, mais je suis vivant maintenant, c’est ce qui compte, je crois... »

Camus regarda l’enfant qui portait son nom, et lui fit un sourire. Déjà cet enfant blond lui était cher. Il lui rappelait cet autre enfant blond qui avait lui avait été confié autrefois...

Il regarda le petit Isaak, et eut une pensée pour cet autre Isaak qui avait été son élève autrefois. Si cet enfant avait autant de courage que lui, alors il deviendrait quelqu’un...

Dans la chambre suivante, Ikki, Esméralda et Shun étaient auprès du petit Shaka. Les deux chevaliers avaient tous deux beaucoup de bandages sur le torse et les bras, mais étaient vivants. Par contre, le petit Shaka était dans un état proche du coma...

Ikki, qui ne décolérait pas, disait à son frère:

« J’étais loin de me douter des capacités du petit. Ah, Shaka va m’entendre ! »

Justement, Shaka entrait. Vêtu à l’indienne, de simple khadi blanc, il ne portait aucune blessure apparente. Ikki le prit tout de suite à parti:

« Quand tu apprends des choses à mon fils et que tu remarques des choses particulières chez lui, tu es prié de me le dire ! »

Shaka laissa passer l’orage, salua Esmeralda très poliment, et demanda des nouvelles de la santé de Shun. Puis il regarda à nouveau Ikki avant de dire:

« Ton fils a des capacités certaines. Je compte en faire mon apprenti... »

Ikki se calma et dit:

« Alors...il sera chevalier de la Vierge après toi ?

-Oui, c’est ça, je te rappelle qu’il est né sous le signe de la Vierge. Il en a le potentiel... »

Esméralda ne répondit rien, et se contenta de regarder son fils avec tendresse. Shaka sentit son appréhension, et il dit:

« Vous n’avez aucune crainte à avoir, je veillerai sur lui.... »

Il ouvrit les yeux, et Esméralda lut son engagement dans ses yeux bleu clair. Il continua:

« Shaka a un potentiel énorme, il faut qu’il le développe... »

Elle sourit, et dit:

« Je te fais confiance. C’est sans arrière-pensée que je te confie mon fils... »

Alors Shaka sourit franchement, et regarda l’enfant:

« Il va s’en remettre, il m’a vraiment étonné... »

La salle suivante était celle où se trouvait la petite Saori, accompagnée de son frère. Se trouvaient avec elle sa mère, son père assis dans un fauteuil et couvert de bandages, son petit frère Aioros, ainsi que Aioros lui-même. La petite fille était éveillée, et disait de façon bougonne:

« Mais je me sens bien, moi, je n’ai pas combattu... »

Et sa mère Miho lui répondait:

« Mais tu as été blessée, Saori, tu le sais. Tu dois te reposer... »

La petite baissa la tête:

« Mais je ne me suis pas éveillée... »

Son père dit alors:

« Tu as bien le temps, tu n’avais pas encore reçu d’entraînement... »

Mais Miho n’était pas de cet avis, et dit d’un ton acide:

« Tu es si pressée de te faire blesser ou même pire ? »

Alors Seiya se leva, et prit son épouse par les épaules:

« Je sais ce que tu en penses, mais Saori n’est pas encore éveillée, il se peut même qu’elle ne le fasse jamais, alors cesse de t’inquiéter... »

Mais Miho pensait à tous ces combats où elle avait attendu, prié aussi. Supporterait-elle encore de voir sa fille, devenue une fière amazone combattante, risquer sa vie dans des combats identiques ?

Elle baissa les yeux vers son dernier-né, Aioros, qui jouait tranquillement avec ses jouets, assis par terre. Deviendrait-il lui aussi un chevalier sacré, dans la lignée de son père et de son homonyme ?

Justement, Aioros n’avait encore rien dit, il regarda la petite fille, puis l’autre enfant et dit:

« Devenir chevalier sacré nécessite une grande force mais surtout une grande abnégation...tu es au service de la déesse mais surtout au service de tes semblables...tu comprendras plus tard je pense, mais tu as fait preuve d’un grand courage là-haut...je te félicite... »

Seiya regardait cet homme qu’il ne connaissait pas mais dont l’intervention avait de maintes et maintes fois décidé de la victoire...mais il avait si souvent porté son armure qu’il lui semblait le connaître très bien...

Pour l’instant, seuls les chevaliers d’or ‘défunts’ étaient valides, les autres étaient tous en train de se faire soigner. Mû avait un traumatisme crânien, et elle était tombée dans le coma peu après son arrivée à l’hôpital...on avait dû l’opérer en urgence, mais elle survivrait, grâce aux instruments à la pointe de la technique dont la déesse, alias Saori Kido, avait doté l’infirmerie du Sanctuaire. Les plus atteints étaient Aiolia et surtout Milo, qui avaient perdu beaucoup de sang et avaient dû être transfusés et, dans le cas de Milo, opérés...

Tous les autres présentaient des blessures plus ou moins graves, mais les armures d’or avaient bien fait leur travail...Pourtant, malgré cela, les chevaliers d’or étaient couverts de bandages, essentiellement aux bras et aux jambes, même Shaka, qui ordinairement ne se faisait jamais toucher, avait trouvé forte partie en face de lui...ses vêtements larges cachaient ses bandages...

Les autres chevaliers, qu’ils soient de bronze ou d’argent, avaient aussi payé de leur personne pour ce combat gigantesque. D’autres salles avaient été réquisitionnées et servaient de salles de soins pour eux...

La petite Athena reprit conscience presque trois heures après son frère. Tout son corps était couvert de bandages, et il lui semblait que tous ses os avaient été brisés. Sion, éveillé, sourit à sa soeur:

« Eh bien, j’ai cru que tu ne te réveillerais jamais...

-Combien de temps depuis la fin du combat ?

-Bientôt une journée... »

Des images du combat revinrent à l’esprit d’Athena, et elle demanda:

« Maman ? et les autres ?

-Je ne sais pas, je n’ai pas de nouvelles... »

Sion avait lui aussi du mal à parler. Comme sa soeur, il était relié à plusieurs transfusions, et serrait dans son poing gauche sa boucle de ceinture au trident...personne n’avait pu la lui faire lâcher.

Il avait encore l’impression de cette sensation de puissance illimitée ressentie lorsqu’il tenait le trident en main et qu’il portait l’armure de son père n’était qu’un rêve...mais ses blessures, elles, étaient bien réelles, ce qui l’inclinait plutôt vers la réalité. Il se souvenait de tout, y compris du moment où il avait fait appel à son pouvoir particulier hérité de son père sans le maîtriser...C’était suicidaire, mais il avait réussi. Protéger la déesse était son but, et il avait réussi à le faire, c’était ce qui comptait. Sorrente allait peut-être crier, mais il ne pourrait nier l’approbation de Poséidon lui-même, puisque l’armure était venue pour le protéger. Cela obligeait Sion à se remettre en cause...Etait-il alors destiné à règner sur les Sept Mers ?

Athena reflechissait elle aussi. Elle avait réussi à faire une des attaques de sa mère, mais l’armure du Dragon des Mers était venue après la protéger pendant son inconscience, alors qu’elle n’avait qu’un faible pouvoir marin...Que signifiait cela ? Etait-ce son père qui avait voulu la protéger ? L’armure elle-même ? Elle se perdait en conjectures.

Dans la nuit qui suivit, Mû reprit conscience...Elle avait très mal à la tête, et un gros bandage se trouvait sur le côté droit de son crâne. Aldébaran se trouvait à son chevet, le bras en écharpe:

« Ah, te revoici enfin parmi nous ! »

Mû se redressa péniblement, et demanda:

« Les jumeaux ?

-Ils vont mieux maintenant, ne t’inquiète pas...pense plutôt à te reposer, tu as subi une opération assez lourde... »

Elle jeta un regard par la fenêtre:

« Il fait nuit déjà...

-Il est presque trois heures du matin, tu sais...

-Et ton bras ?

-Il va mieux... »

Le silence règnait dans le dispensaire...mais Shiryu ne dormait pas. Shunrei était partie se coucher avec Shura depuis longtemps, mais lui n’arrivait pas à dormir. Se levant, il prit ses béquilles et se rendit à la chambre de son fils aîné. Doko dormait tranquillement, et il s’installa auprès de son lit. Il se souvint de la naissance de Doko, de l’instant où la sage-femme, sortant de la maison, lui avait mis ce petit paquet de linges blancs où dormait son fils dans les bras...Maintenant ce bébé était devenu un garçon courageux, qui n’avait pas hésité à risquer sa vie pour sauver Athéna et ses condisciples...Il sourit: Doko ferait un excellent chevalier une fois qu’il aurait réussi à maîtriser son cosmos...

C’était justement ce que se disait Hyoga dans la pièce jouxtante. Il ne pouvait pas dormir non plus, et veillait Camus endormi. Camus était un enfant des glaces, comme lui, et il ne pouvait douter qu’il devienne chevalier du Cygne après lui. Il sourit: son fils hériterait lui aussi du savoir de son maître Camus, et il deviendrait un chevalier courageux.

Tout le Sanctuaire devait penser ses plaies maintenant, et la déesse se posait des questions. Depuis des siècles, Hermès avait été son allié, elle avait du mal à imaginer pourquoi il se retournait contre elle maintenant. Mais pour l’instant elle ne pouvait rien faire tant que ses chevaliers ne seraient pas remis.

Le jour d’après la fin de la bataille, Sion, qui ne se remettait pas bien, glissa progressivement dans un coma profond. Les médecins décidèrent alors de prévenir sa mère...Ils allèrent voir Mû et lui dirent:

« Votre fils Sion, au lieu de se remettre, décline lentement...il est dans une sorte de coma... »

Mû se redressa:

« Et sa soeur ?

-Elle cicatrise très bien... »

Mû réfléchit: pour une fois, les deux n’étaient pas liés...Vers la fin de la journée, Sion ne réagissait plus, il était dans un coma profond. Athena essayait de le faire réagir, mais c’était peine perdue.

Alors Mû décida de faire appeler Sorrente, il aurait peut-être une explication à cet état de choses...elle devait tout faire pour sauver son fils. Elle fit appeler la déesse, et lui demanda la permission spéciale de faire entrer Sorrente au Sanctuaire. Voyant que la vie de Sion était en jeu, elle la lui accorda. Sorrente vint aussitôt qu’elle l’appela, et examina Sion avant de rendre son verdict:

« Je sais ce qu’il a...il faut le faire transférer le plus rapidement possible près de la mer, sinon il va mourir... »

Mais la petite Athena demanda:

« Pourquoi est-ce que je ne suis pas dans le coma aussi ?

-Sion a plus de pouvoirs marins que toi...et il est complètement drainé... »

Mû donna son accord, et on se mit à la recherche d’une maison de toile destinée à abriter les jumeaux, Athena ne voulant pas quitter son frère. Pendant ce temps, Sorrente choisit une plage à côté du Cap Sounion, autant mettre toutes les chances du côté de Sion, et alla frapper à une petite maison non loin de là. Lui ouvrit Thétis la sirène...elle non plus ne pouvait pas s’éloigner de la mer...

« Général de la Sirène ! Quelle surprise ! entrez... »

Sorrente entra, s’assit et accepta la tasse de thé qu’elle lui tendit. Puis elle demanda:

« Quel bon vent vous amène ? Cela faisait très longtemps...

-Je sais...j’ai une mission pour toi...comme tu le sais, lorsque je suis là je dois servir de garde du corps à Julian Solo...mais j’ai une urgence, dont j’aimerais que tu t’acquittes pour moi... »

Thétis inclina seulement la tête, et dit:

« De quoi s’agit-il ?

-Tu as sans doute entendu parler de la ‘légende’ du rayon ?

-Oui...

-Eh bien ce n’était pas une légende, deux enfants ont été conçus et ils sont nés au Sanctuaire d’Athena...ils ont dix ans maintenant, et viennent de vivre leur premier combat...j’aimerais que tu veilles sur eux pour moi... »

Thétis acquiesca immédiatement. Sorrente continua:

« Athena, l’aînée des deux jumeaux, est blessée, mais Sion, le cadet, est drainé, il est aux portes de la mort...c’est ton devoir de veiller sur eux, ils sont les enfants de notre maître... »

Puis il lui en dit plus sur les enfants, sans toutefois donner le nom de leur mère...

Avant le lendemain, Sion et Athena étaient installés sur la plage jouxtant le cap Sounion. Sion fut installé près des vagues, dans une chaise longue, et Thétis prit officiellement son rôle de garde-malade divin. Elle s’entendit très vite avec les enfants...

De temps en temps, Sorrente venait aux nouvelles, et les portait à Mû, encore incapable de se lever...La déesse aussi entendait les nouvelles, et se rassurait: Sion ne mourrait pas, du moins pas encore, mais elle devrait encore plus garder l’oeil sur lui depuis qu’elle savait qu’il possédait la force de Poséidon en lui...

Une plage à côté du Cap Sounion, deux semaines plus tard…

La mer, à perte de vue…une chaise longue sur une plage.

Sion y est allongé, amorphe, un bras pendant de chaque côté, un parasol lui fait de l’ombre…Sa sœur jumelle, Athena, est assise à côté de lui, et lui demande de temps à autre :

« Tu ne veux rien, Sion ? »

Il fait non de la tête, et Athena poursuit sa contemplation de la mer. Son frère jumeau regagne lentement ses forces, il remonte des portes de la mort…

Sorrente arrive, gai comme à son habitude, et il demande :

« Comment ça va, aujourd’hui ? »

Sion répond :

« Ca va… »

mais rien de plus…Athena répond elle aussi :

« Il a l’air d’aller mieux, tu sais… »

Sorrente voit les blessures qui zèbrent les bras d’Athena…elle aussi est encore sévèrement blessée, et il doit user de diplomatie pour qu’elle se repose aussi, sans se consacrer exclusivement à son frère. Il lui tend un petit coffret :

« Ta mère me l’a donné pour toi…elle a pensé que cela t’égaierait un peu… »

Athena sourit en reconnaissant sa flûte, offerte par Sorrente pour ses dix ans. Mais elle ne dit rien. Alors Sorrente s’assied, et regarde lui aussi la mer. Ces deux enfants lui sont aussi précieux que s’ils étaient les siens, et il souffre de les voir dans cet état…Leur premier combat les a profondément meurtris, essentiellement dans leur chair mais aussi dans leurs âmes.

Une voix ô combien connue l’appelle alors :

« Sorrente ! C’est toi ? »

Il se retourne, et voit alors avec une sueur froide son ami Julian Solo arriver. Oh…Oh, les ennuis commençaient. Il se releva, et lui demanda :

« Vous ne devriez pas être en Autriche ?

-Le colloque a été annulé… »

Athena se retourna elle aussi, et là se produisit quelque chose que même Sorrente n’avait pas prévu. Une aura bleu clair se mit à fuser de Julian Solo, et celle des jumeaux s’alluma toute seule en réponse. Sion, trop faible encore, gémit doucement, et Athena se précipita vers son frère. Elle posa la main sur son épaule, et se concentra…son aura disparut…

Sans prendre garde à la sienne qui fusait librement, elle se tourna vers Sorrente et lui demanda :

« Qu’est-ce que ça signifie ? »

Puis elle observa mieux l’homme qui se trouvait là. Grand, aux vêtements soignés, il devait avoir presque la trentaine, et ce qui la marqua la plus était qu’il avait des cheveux de la même couleur que ceux de Sion. Certains de ses traits non plus ne lui étaient pas inconnus…et comment cela se faisait-il qu’il ait cette aura bleue ?

La seule clé à tout ça était Sorrente…

Justement, il venait aussi de se tourner vers lui. Sorrente était pris entre deux feux : que pouvait-il dire ? Ce qu’il avait craint venait de se produire : il restait bien quelque chose de Poséidon en Julian Solo, il en avait la preuve. Pendant des années, il s’était souvenu bribe par bribe de la bataille du sanctuaire sous-marin, mais aucune manifestation de pouvoir quelconque ne s’était produite. Et que pouvait bien signifier cette manifestation, à part que cette partie-là reconnaissait l’aura des jumeaux, du moins la partie marine qu’ils avaient en eux ?

Athéna eut l’impression que cette puissance-là lui était très familière…mais elle ne pouvait mettre un nom dessus. Et Sorrente qui ne répondait rien…

Julian Solo observa les enfants…et quelque chose lui revint en tête :

« Le rayon… »

Mais il ne sut pas ce que ça voulait dire…Il interrogea alors Sorrente :

« Aide-moi…tu dois savoir de quoi il s’agit… »

Alors Sorrente prit sa décision : il dirait tout, quoi qu’en fussent les conséquences. Il dit à Athena :

« Ce monsieur se nomme Julian Solo…il fut le dernier réceptacle de l’âme de votre père… au moment de la bataille du sanctuaire sous-marin »

Athena regarda alors son frère…puis Sorrente. Elle continua :

« Mais je croyais que notre père avait été enfermé dans l’urne d’Athena…

-C’est vrai…Mais il reste forcément quelque chose, tu sais…

-Il a dit ‘le rayon’…nous sommes nés d’un rayon… »

Elle s’effondra à genoux…elle comprenait. Julian Solo intervint :

« Ce que tu veux dire, Sorrente…c’est que ce rayon…les a conçus ? ce n’est pas possible, enfin…

-Si…Poséidon les a conçus, mais c’est vous, biologiquement s’entend, qui êtes leur père…le rayon transportait un peu de votre ADN… »

Alors Julian Solo prit le temps de regarder mieux les enfants…La couleur des cheveux de Sion lui rappela vraiment la sienne…Quelques traits, également...

Athena reprit ses esprits, et regarda l’homme en face d’elle...elle avait toujours vu son père sous la forme d’un homme d’âge mûr, barbu, avec un trident, selon les représentations traditionnelles transmises depuis la Grèce antique...comment cela se pouvait-il qu’il se soit incarné dans ce jeune homme, car à l’époque il devait être très jeune ? Il s’adressa alors à elle:

« Quel est ton nom ?

-Je m’appelle Athena, et mon frère Sion... »

Il regarda alors Sorrente, et celui-ci confirma:

« Oui, ce sont bien des jumeaux... »

Entretemps, Athena avait pris soin de cesser la manifestation de son cosmos. Sion, lui, peut-être encore sous le choc, n’avait encore rien dit. Julian se tourna vers Sorrente:

« Tu le savais, et tu ne m’as rien dit ?

-Je ne le pouvais pas...comment dire ce genre de chose ?

-Qui est leur mère, car je suppose que tu la connais ? »

Sorrente s’entêta dans son mutisme, et le ton de Julian monta un peu:

« Sorrente, je te l’ordonne, dis-moi qui est leur mère ! »

Alors Athena prit la parole, énervée:

« Notre mère est un chevalier sacré d’Athena, ça vous suffit ? Laissez-la en paix ! »

Alors Julian se calma, et se tourna vers Athena:

« Je ne lui veux aucun mal, rassure-toi... »

Il était impressionné par cette fillette qui se tenait devant lui, les mains le long du corps, calme extérieurement...et qui, d’après ce qu’il avait vu, possédait également une force hors du commun, et le contrôle de cette force. Il regarda ensuite Sion, et eut l’intuition qu’il était complètement drainé...L’enfant le regardait, et il eut également le sentiment, venu d’on ne sait où, qu’il règnerait un jour sur les Sept Mers...espoir paternel résiduel de Poséidon, sans doute.

Sorrente mit la main sur l’épaule d’Athena:

« Allons, calme-toi...je sais que c’est dur à accepter... »

Elle se tourna vers lui, et lui dit:

« Tu te serais bien gardé de nous le dire, hein ? »

Et elle lui tourna le dos. Athena n’avait pas un caractère facile, et en situation de crise cela empirait généralement. C’est alors qu’arriva Thétis, que Sorrente avait chargé de ‘garder’ les deux jumeaux pendant leur convalescence, le temps que leur mère se remette de ses blessures, parce que lui n’avait pas le temps de le faire. Elle comprit la scène d’un seul coup d’oeil...cela devait arriver un jour ou l’autre. Mais elle se garda d’intervenir, cela se passait à un niveau bien supérieur au sien...

Sorrente força alors Athena à se retourner:

« Bien, maintenant que les pendules sont à l’heure je vais t’expliquer une chose: Julian n’a pas choisi d’abriter Poséidon en lui, tu sais, comme votre mère n’a pas choisi non plus...mais ce qui a fait de vous ce que vous êtes maintenant, ce n’est pas cette alchimie génétique mais bien votre personnalité propre... »

Athena regarda mieux Julian....et alors Sion intervint:

« Il a raison, Athena...le temps n’est pas de dire quelle est la faute de l’un ou de l’autre...le seul qui était parfaitement conscient de ce qu’il faisait, du moins je le pense, était Poséidon lui-même...Notre mère n’est pas responsable, ni monsieur Solo non plus... »

Sion avait toujours été plus réfléchi que sa soeur, et il tenta de se lever pour mieux se joindre à la scène, mais sa soeur l’en empêcha:

« Non, reste couché, tu ne peux pas te lever... »

Alors Julian Solo s’approcha de Sion:

« Tu as raison, mon garçon...je n’ai pas été conscient de ce rayon, mais je suis prêt à faire ce qu’il faut pour prendre mes responsabilités...biologiquement vous êtes mes enfants... »

Athena se plaça alors à côté de son frère:

« Moi j’avais une aura terrestre en naissant...Mais Sion aura besoin de vous je pense... »

Sorrente sourit: finalement Athena se rendait à la raison. Julian demanda à Sion:

« De quoi souffres-tu ?

-J’ai combattu pour la première fois il y a peu de temps, et je suis drainé...je serais mort si Sorrente n’avait pas trouvé le remède: la proximité de la mer... »

Julian sourit, mais une chose lui revint à l’esprit: la mère des enfants. Qui était-elle ? Que lui était-il arrivé au Sanctuaire à la nouvelle de la naissance de ces deux enfants si particuliers ? Car ils l’étaient, sans aucun doute. Tout ce qu’il pouvait dire pour l’instant, c’est que leur mère n’était pas grecque, ça se voyait...et ces deux points sur le front ? Beaucoup de questions restaient à éclaircir.

Julian dit:

« Je dois partir maintenant, mais je reviendrai...je veux mieux vous connaître... »

Il salua toutes les personnes présentes, et partit. Athena resta là, à regarder la mer, appuyée contre le dossier de la chaise longue de son jumeau. Puis elle dit à Sorrente:

« Il est bien sympathique, finalement...il est vrai que j’avais toujours rêvé, petite fille, de rencontrer mon père...comme quoi le destin vous exauce parfois de bien étrange façon...j’ai rencontré mon père, mais à travers son réceptacle... »

Finalement, elle pouvait raisonner quand elle le voulait...Sorrente sourit et dit:

« Tu verras, Julian est un homme formidable...je le connais depuis onze ans, et il ne m’a jamais déçu. »

Mais Athena ne répondit rien, et leva la tête vers le cap, juste sur le côté...Ce lieu immémorial contenait encore beaucoup de mystères, mais elle se faisait fort, avec l'aide de son frère jumeau, de les éclaircir...et trouver le mystère de ses origines par la même occasion...

Le soleil se refléta sur la mer, qui sembla sourire...

A SUIVRE