Chapitre 10: Convalescences…

 

Trois semaines plus tard…

“ Oh, doucement, Sion, ne te lève pas trop vite... ”

Encadré par sa soeur jumelle et Thétis, Sion tenta de faire un pas. Mais il chancela. Il grimaça et dit:

“ Athena, j’ai mal...

-Je vois...allez, assieds-toi là... ”

Trois semaines avaient passé depuis la fin de la bataille contre Hermès. C’étaient les premiers pas que faisait Sion, mais il était encore trop faible. Téthis lui apporta un verre d’eau , et l’aida à se recoucher, puis elle dit à Athena:

“ C’est ton tour...je vais changer tes bandages... ”

Athena soupira...mais son sourire revint quand elle vit sa mère arriver. Mû, apparemment remise, souriait. Elle embrassa ses deux enfants, et leur dit:

“ Vous allez mieux ?

-Oui...mais toi ? tu as eu le droit de sortir de l’hôpital ?

-Oui, je vais tout à fait bien maintenant... ”

Sion se redressa et sourit:

“ Maman, je vais mieux, je t’assure, j’arrive à bouger le tronc et les bras !

-Oui, mais tu ne marches pas encore... ”

Sion se renfrogna, mais rétorqua à sa mère:

“ Je remarcherai bientôt, tu verras...et j’irai là-haut... ”

Il désigna la fière silhouette du Cap Sounion...Mû eut une sueur froide. Que se passerait-il si Sion expérimentait une surcharge de pouvoir là-haut ? Il fallait envisager cela. Mais il restait encore un peu de temps avant que Sion ne puisse marcher...

Téthis finissait les bandages d’Athena, et Mû la prit à part pendant qu’Athena allait s’asseoir à côté de son frère:

“ Comment va-t-elle ?

-Elle va mieux...mais elle est encore durement touchée...je ne parle pas de ses blessures mais de son moral...elle se reproche quelque chose mais je ne sais pas quoi... ”

Mû soupira: il lui semblait comprendre ce qu’Athena se reprochait...ne pas avoir su protéger son frère efficacement, ni la déesse non plus. Mais elle avait fait des choses proprement incroyables...

Téthis ajouta:

“ De plus, Athena est devenue adulte hier...ce doit être le choc de la bataille, elle est bien jeune...

-Elle a deux ans d’avance au niveau de son développement physique, ça devait arriver un jour...Je sais ce que c’est... ”

Mû ajusta le châle qu’elle portait sur sa tête pour cacher son bandage et dit:

“ Ils ont découvert beaucoup de choses sur eux-mêmes pendant cette bataille, il faut leur laisser le temps de faire le point maintenant... ”

Thétis hocha la tête, et dit:

“ Je sens en eux une puissance énorme...mais pas tout à fait identique à celle de notre seigneur Poseidon...surtout chez Sion...

-C’est lui qui est né avec les trois-quarts de la puissance marine, il est maintenant arrivé à un moment clé de son entraînement...Tout va se décider maintenant. ”

Thétis hocha la tête, mais ne dit rien de plus. Mais elle n’en pensa pas moins: si Sion était destiné à régner, ils le sauraient bientôt. Poseidon avait sans doute l'intention de manifester sa volonté tôt ou tard…

Mû s'assit sur le sable, et fixa la mer. Bientôt elle ne pourrait plus rien faire pour ses jumeaux, ils seraient aussi puissants qu'elle…bien que différemment. Cette bataille les avait aidé à prendre conscience de leur puissance phénoménale et de leur capacités hors du commun. En effet, n'importe quel entrainé de dix ans n'était pas capable de reproduire une attaque de chevalier d'or après l'avoir vu une fois. Mais Mû ne préciserait pas à sa fille que la puissance qu'elle avait déchaînée n'était que le tiers de celle qu'elle-même pouvait déchaîner. L'adolescente était déjà assez perturbée comme ça…

Mû n'avait aucune idée de ce qui pouvait bien se passer dans la tête de sa fille…Elle se souvint de ce que Aphrodite lui avait dit une fois : 'Personne ne peut savoir ce qui se passe dans le cœur et la tête des femmes…'…Un sourire fugitif passa sur ses lèvres: en effet, personne ne peut savoir ce qui se passe dans la tête d'une femme...sauf elle-même ou une autre femme.

Elle entendit soudain une mélodie jouée à la flûte: c’était Athena, jouant un des morceaux écrits pour elle par Sorrente. Que faire pour elle ? En fait, il n’y avait pas grand’chose à faire qu’attendre. Athena avait compris en partie d’où venait sa puissance, elle devait maintenant apprendre encore à maîtriser cette puissance...

Au Sanctuaire...

“ Maman, je voudrais me lever, je me sens bien... ”

Le petit Doko, assis dans son lit contre deux oreillers, se tourna vers sa mère, assise à son chevet en train de coudre. Shunrei leva les yeux de son ouvrage, et dit:

“ Non, tu ne te lèveras pas, tu as été gravement blessé, je te le rappelle...

-Ca fait un mois maintenant, je me sens bien, je suis guéri...

-Et tu ne te lèveras pas... ”

Doko insista:

“ Mais je voudrais aller voir Athena et Sion, ils nous ont protégé, je le leur dois... ”

Shunrei essaya de ne pas élever la voix, et continua:

“ Le cap Sounion est trop loin d’ici...repose-toi plutôt, et tu les verras quand ils reviendront au Sanctuaire... ”

Shiryu entra alors dans la pièce, et Shunrei lui dit:

“ Raisonne donc ton fils, il veut aller au cap Sounion ! ”

Et elle se leva pour sortir. Shiryu, la prenant par le bras, sortit dans le couloir avec elle et dit:

“ Bien, maintenant dis-moi ce qui ne va pas encore ! ”

Shunrei fixa son regard dans les yeux bleu-gris de son mari, et dit:

“ Pourquoi a-t-il fallu que notre fils devienne un guerrier, comme toi ? Je ne veux pas qu’il soit davantage blessé...

-Et tu dois pour cela l’empêcher d’aller au Cap Sounion, remercier ceux qui ont failli donner leur vie pour le sauver ? Si tu veux, j’irai avec lui...

-Mais tu est aussi têtu que lui ma parole ! Tu n’es pas remis non plus, tu boites encore...J’en ai assez de tout cela...

-Tu savais en m’épousant que c’était mon destin de combattre...

-Justement, la déesse t’avait libéré de tes obligations...Je pensais que nous pourrions enfin avoir une vie normale, sans tous ces combats incessants...

-On n’en est jamais totalement libéré, et tu le sais aussi...Mon destin est de protéger le monde contre le mal, et ce sera celui de Doko aussi. Il le comprend très bien...

-Non ! j’ai assez eu peur comme ça...Je comprends bien ce que tu me dis, mais tu ne me comprends pas vraiment... ”

Shunrei avait haussé la voix, chose qui ne lui arrivait pas souvent. Il fallait qu’elle extériorise tous ces sentiments qui venaient du plus profond de son être, elle n’en pouvait plus de les garder pour elle. Elle continua:

“ Comment t’expliquer...Doko est ton fils, mais tu ne l’as pas porté, comme moi...Quand il souffre, je ressens cette souffrance au plus profond de moi, comme si nous étions encore liés par le cordon ombilical...c’est plus fort que moi...

-Je sais...je n’ai pas le même type de lien, mais je ressens très fortement aussi sa souffrance...c’est peut-etre dû à mon sixième sens, je ne sais pas...mais laisse-moi te dire une chose: si c’est le destin de Doko de prendre ma succession, je n’irai pas contre...

-Et moi, j’ai peut-être mon avis à donner, non ? Tu peux entraîner Doko, maintenant nous n’avons plus le choix, mais jamais tu ne le feras pour Shura, je veux qu’au moins elle ait une vie normale…

-Si c'est ce que tu veux…"

Au fond, Shiryu comprenait bien son épouse, mère inquiète pour ses enfants, épouse inquiète pour son époux. Mais c'était le destin de Doko que d'être lui aussi un combattant au service d'Athéna. Shunrei retourna au chevet de Doko, et Shiryu sortit dehors. S'y trouvaient Shun, Ikki et le petit Shaka, debout sans aucune aide. Derrière lui se trouvait Shaka de la Vierge, il semblait dire quelque chose à Shun…

De l'autre côté du muret, Camus du Verseau était en train d'expliquer quelque chose à son petit élève, que tout le monde appelait d'ores et déjà petit Camus. L'enfant l'écoutait avec attention, tentant d'oublier le soleil brûlant et la sueur qui lui coulait sur le visage…Camus était parfaitement remis de ses blessures reçues lors du dernier combat, et son homonyme avait entrepris son entraînement. Un peu plus loin, le père de l'enfant, Hyoga, appuyé contre une colonne à l'ombre, observait cette scène avec un petit sourire. A côté de lui, son épouse Natassia était assise dans un fauteuil de toile…Elle était très fière de son fils aîné…Elle s'inquiétait aussi, mais elle faisait confiance à son mari. D’où ils étaient, Camus ne pouvait pas les voir, et son professeur estimait que c’était mieux ainsi…

Depuis l’émergence de la nouvelle génération, ce genre de scènes était des plus courantes…Dès leurs blessures guéries, les petits avaient commencé un entraînement plus poussé, dispensé soit par leurs parents, soit par d’autres chevaliers. Mais les résultats n'étaient pour l'instant pas très satisfaisants…Camus du Verseau trouvait son homonyme trop lent, et il n'y avait que Shaka pour trouver son élève suffisamment doué. Mais, comme aimait à le dire Shun, ils avaient le temps d'apprendre...Un peu plus tard dans la journée, dès que Mû fut de retour, Shiryu alla vers elle et lui demanda:

"Comment vont-ils ?

-Athena est presque remise, et on a bon espoir que Sion marche bientôt à nouveau…

-C'est une bonne nouvelle…j'ai hâte de pouvoir les remercier moi-même !

-Ils reviendront au Sanctuaire la semaine prochaine ou celle d'après, selon les progrès de Sion…

-Et vous ?

-Moi ? Oh, je vais bien mieux maintenant…et Doko ?

-Il va bien, mais Shunrei a tellement peur qu'il soit blessé à nouveau qu'elle le surprotège, elle refuse qu'il se lève, elle m'a donné la permission de l'entraîner mais en désespoir de cause…Je n'arrive pas à la convaincre vraiment…

-Je la comprends, elle réagit en mère, je sais ce que c'est…

-Justement…Vu que vous la comprenez, ne pourriez-vous lui expliquer ?

-Lui expliquer quoi ? Qu'elle doit absolument laisser son fils s'entraîner et devenir un guerrier ? Mais tu sais très bien qu'il y va de la santé de Doko, s'il n'apprend pas à contrôler son cosmos il finira par mourir…

-Je le sais, oui, et elle le sait aussi…mais elle a trop peur de revivre avec Doko ce qu'elle a vécu avec moi, attendant l'issue de mes combats…

-Je sais…D'accord, j'irai lui parler, pas de problèmes…

-Merci, vraiment merci !"

Et il lui sourit. Mû avisa les béquilles:

"Et toi ?

-Je vais sans doute marcher à nouveau la semaine prochaine…

-Et que comptes-tu faire alors ?

-Doko devra s'entraîner, il devrait rester ici…Mais ses camarades m'ont rapporté qu'ils avaient vu un dragon apparaître derrière lui au moment de l'éveil de son cosmos…s'il doit me succéder, je dois l'entraîner moi-même…mais je dois absolument être sûr d'abord, c'est pourquoi il va repartir avec moi à Rozan…

-C'est une bonne initiative…

-Les jumeaux savent-ils déjà quelle est leur constellation ?

-Vu leur double aura il est très difficile de savoir quoi que ce soit…Sion possède de grands pouvoirs marins, plus grands que ce qu'on pensait…quant à Athena, elle m'a vraiment surprise, je dois le dire, elle a une puissance énorme, mais je ne sais pas exactement comment tout cela va tourner. L'avenir nous l'apprendra…"

Puis Mû sortit pour regagner son atelier, pendant que Shiryu retournait au chevet de son fils. Non loin de sa Maison, elle croisa un petit groupe composé de la plupart des chevaliers d'or, en discussion très animée. Se trouvaient là les désormais inséparables jumeaux Gémeaux Saga et Kanon, ainsi que les non moins inséparables Aiolia et Aioros. Les accompagnaient Aldébaran, Aphrodite, Masque-de-Mort, Shura et Milo, les autres se trouvant occupés par leurs enseignements divers. Kanon l'interpella:

"Eh, Mû, cela fait longtemps que nous ne t'avons pas vu…viens donc te joindre à nous !"

Malgré le travail qui l'attendait, elle accepta. Cela lui rappelait le passé, quand ils étaient tous enfants et qu'ils avaient, en tout cas pour la plupart, sept ou huit ans. Les plus âgés à l'époque étaient Saga, quinze ans, et Aioros, quatorze ans, suivis par Aphrodite et Masque-de-Mort, treize ans, et Shura, dix ans. Ils étaient l'avenir, la protection ultime contre les forces du mal…il lui sembla qu'une parcelle de ce temps était de retour.

Kanon demanda:

"Tu as allé(e) voir les jumeaux aujourd'hui, je crois…comment vont-ils ?

-Les blessures d'Athena sont presques cicatrisées, celles de Sion sont en bonne voie…Il ne marche pas encore, mais ce n'est plus qu'une question de jours…

-Ces petits m'étonneront toujours…Qu'est-ce que tu comptes faire ?

-Eh bien…je vais continuer d'entraîner Athena, mais maintenant Sion sera entraîné exclusivement par Sorrente, il n'a plus besoin de moi…son aura a 'muté', elle est devenue presque entièrement bleue à présent, à la différence de celle de sa sœur jumelle, qui est restée identique…"

Masque-de-Mort dit alors:

"En tout cas, ils m'ont impressionné…"

Mû sourit intérieurement: pour que Masque-de-Mort dise cela, il fallait vraiment quelque chose d'important. Il continua:

"En effet, la puissance contenue en eux est impressionnante. De plus, la petite Athena a su tenter le tout pour le tout en imitant l'attaque de sa mère, surtout sans armure…Quant à Sion, il n'a pas hésité à se servir de quelque chose qu'il savait ne pas bien contrôler afin de sauver notre déesse…"

Cette tirade était beaucoup pour lui, qui ne décrochait pas un mot le plus souvent…Mû se sentit émue au tréfonds d'elle-même…C'est alors que Milo demanda:

"Est-ce que tu vas les entraîner à Jamir, ou bien ici ?

-Je vais alterner les deux, je pense…mais dès qu'Athena aura treize ans je l'enverrai ici, afin qu'elle devienne un chevalier d'Athena…Enfin, c'est le plan que je forme pour l'instant, mais je ne sais pas exactement ce qui va se passer pendant que ces trois ans. Cette bataille m'a permis de comprendre certaines choses sur elle, ce qui me permet d'augurer d'autres choses, mais pour le reste cela va être plus difficile…Sa semi nature divine est imprévisible. Mais elle ne sait pas non plus elle-même ce qu'elle sera plus tard…"

Ces derniers mots plongèrent les autres dans une réflexion silencieuse. Vu l'ascendance des deux jumeaux, ce genre de choses ne les surprenait pas vraiment. Mais cela arrivait très tôt, la déesse n'ayant pas prévu la bataille d'Hermès…

Mû finit par regagner son atelier un peu plus tard. Quand elle en sortit, elle gagna tout de suite sa maison, et prit une douche avant de s'asseoir devant, une tasse de thé à la main. C'est alors que Milo vint lui rendre visite. Elle l'invita à s'asseoir, et il dit alors:

"Je te trouve très soucieuse…et ce n'est pas uniquement à propos de l'état de santé des jumeaux…"

Mû fit un semi-sourire, mais elle ne parvint pas à donner le change. Milo continua:

"Tu peux m'en parler, tu sais, cela m'ennuie de te savoir ainsi…"

Le chaud sourire de Milo fit chaud au cœur de Mû. Il était son ami depuis si longtemps qu'elle ne se souvenait pas d'un jour où il ne l'ait pas aidée d'une façon ou d'une autre. Elle commença:

"C'est assez difficile à expliquer, tu sais..Dès mon enfance, maître Sion a fait de moi un garçon, à tel point que j'ai pensé en garçon pendant très longtemps…pendant mon adolescence ce fut plus difficile, mais j'ai toujours continué à le faire, parce que telle était ma mission…rappelle-toi le jour où vous l'avez découvert, jamais vous ne vous en seriez doutés !…Jusqu'à la naissance des jumeaux, ce fut un déclic…Finalement, moi qui avais renonçé à ma féminité, je devenais mère, et j'ai découvert que je m'épanouissais dans la maternité. Athena m'a beaucoup appris, tu sais, beaucoup sur moi-même. Je la voyais grandir, s'épanouir…

Maintenant, même si je reste le Chevalier d'or du Bélier, l'un de vous, il m'arrive parfois de voir les choses différemment, parce que je suis une femme…"

Elle s'interrompit…Milo dit alors:

"Je vois…il est vrai que ce n'est jamais facile. Pourtant tu es parfois plus homme que certains d'entre nous…

-Je sais…mais je reste une femme, une mère et certaines de mes réactions sont conditionnées par cela…Je ne me suis jamais vraiment posé ces questions avant, mais, depuis que j'ai vu mes enfants combattre, cela devient chaque jour plus présent… ”

Mais elle ne s’étendit pas là-dessus, elle n’avait que trop déjà laissé transparaître ses émotions profondes…Alors Milo lui dit :

“ Tu as alors parfaitement réussi ta mission sur Terre…tes enfants sont des personnes gentilles, sensibles et courageuses, n’hésitant jamais à risquer leur vie, et cela c’est à toi qu’ils le doivent. Allons, ne te fais pas de soucis, nous sommes tous là pour t'aider…"

Mû sourit alors, d'un tout petit sourire…Milo agrandit le sien, et lui dit:

"Voilà, c'est mieux…Reste ce que tu es, Mû, ne change pas, nous t'apprécions tous comme tu es…Je comprends parfaitement, en fait j'essaie vraiment de le faire, parce que je ne le peux pas totalement, ce que tu ressens, et il est normal que tu t'inquiètes…Tu étais partagée entre tes devoirs de mère et ton devoir envers Athena, et pourtant tu n'as pas failli, tu as laissé tes enfants combattre eux-mêmes, découvrir eux-mêmes leurs capacités extraordinaires, insoupçonnées jusque-là. "

Milo essayait de se mettre à la place de Mû, mais il ne savait pas s'il aurait eu, lui, la force de caractère de laisser sa progéniture combattre comme elle le pouvait tout en étant lui obligé de défendre sa Maison, donc choisir entre son devoir envers ses enfants ou envers Athena. Mais Mû avait accepté son rôle en toute connaissance de cause, au service d'Athena…Elle dit encore à Milo:

"Je te remercie de ta gentillesse…il est vrai que je n'aime pas afficher mes sentiments, mais je n'en pouvais plus…De plus, voir mes enfants souffrir sans que je puisse rien faire…je n'étais pas en état de leur venir en aide, à personne d'ailleurs…J'avais l'impression de souffrir pour eux…En fait, le cordon entre eux et moi a été coupé à leur naissance, mais le lien physique existe toujours…Je sais, ça a l'air bête ce que je dis, mais je le ressens ainsi. Bien sûr, ils ont hérité de mes capacités psychiques, ce qui fait que j'ai un lien télépathique avec eux, c'est presque pire dans ce cas d'ailleurs…Surtout, de voir Sion dans un coma profond, presque la mort…je crois que c'était le pire…"

A cette évocation, deux larmes apparurent dans ses yeux. Mû, malgré ses dehors froids et moralisateurs, était très sensible, même si elle se refusait parfois à l'admettre. Mais elle se reprit vite, et poursuivit avec son ton habituel:

"Mais ils sont tirés d'affaire maintenant, Sion va bientôt marcher à nouveau…"

Milo comprit le message, et enchaîna:

"Alors maintenant ils savent…

-Oui, ils ont rencontré leur père…finalement c'était Athena la plus surprise…en fait, elle s'attendait à un homme d'âge mûr avec une barbe et un trident, et elle a rencontré ce jeune homme de vingt-sept ans…

-Elle va s'y faire…il est vrai qu'il n'avait que dix-sept ans quand ils sont nés…et toi, tu l'as rencontré ?

-Non…

-Tu n'as pas envie de connaître le père biologique de tes enfants ?

-Et pourquoi faire ? Il est un peu tard maintenant, je crois…peut-être un jour…Par contre j'ai déjà rencontré une des marinas, qui les garde quand Sorrente ne le peut pas, et elle est vraiment très dévouée et très gentille…

-Thétis de la Sirène, je crois..oui, j'en ai entendu parler…"

Milo aimait beaucoup les jumeaux, et les savoir entre les mains d'une personne de confiance le rassurait. Il demanda encore:

"Et Sorrente ?

-oh, je ne sais pas, je crois qu'il doit assurer la garde personnelle de Julian Solo-Poseidon…mais il s'occupe des jumeaux dès qu'il le peut, c'est son rôle en tant que seul général survivant…

-Je crois qu'il les aime beaucoup…et puis il est sympathique, c'est important…"

Milo avait rencontré Sorrente lorsqu'il était venu au Sanctuaire et avait sauvé la vie de Sion. Il se leva alors, et dit:

"Bien, je vais aller me coucher, je te laisse…Si tu ne te sens pas bien, je serai toujours là…

-Merci, Milo…merci de m'avoir écoutée…

-Comme on dit chez moi, dans mon île, même les pierres qui paraissent les plus solides ont des fêlures invisibles…

-Tu as raison…En tout cas bonne nuit…"

En voyant Milo s'éloigner dans l'obscurité, elle prit sa tasse en main et son esprit partit loin, loin…vers le cap Sounion…Ses petits…Milo avait raison: son état de mère avait transformé son état d'esprit ainsi que sa mission. Elle se souvint du jour où elle était allée, penaude, annoncer à la déesse son état…ses petits avaient frôlé la mort, ils avaient défendu la déesse qui leur avait permis de vivre…malgré leur ascendance qui laissait présager une catastrophe, la déesse avait permis, dans sa grande bonté, que ces petits bout d'hommes viennent au monde et vivent…Savait-elle qu'ils lui sauveraient la vie un jour ? Mû ne le savait pas, mais, à cette évocation, elle se sentait fière d'avoir risqué sa vie pour faire naître ces deux jumeaux exceptionnels…

Tout à coup, elle pensa qu'il fallait urgemment qu'elle parle à Shunrei le lendemain, il fallait entraîner Doko absolument maintenant qu'il s'était éveillé. Elle la comprenait fort bien, nulle mère n'aime voir son enfant blessé ou souffrant, surtout elle qui avait souvent prié pour le retour de Shiryu, qui l'avait soigné avec dévouement…Shunrei accepterait peut-être mieux la situation si c'était elle qui lui parlait…

Le lendemain, elle alla parler à Shunrei, qu'elle parvint à voir à la sortie de l'hôpital. Shunrei lui sourit:

"Bonjour, Mû…Vous allez bien ?

-Oui, très bien…

-Et les jumeaux ?

-Bien mieux, presque guéris…En fait, je venais vous voir…

-Ah…c'est Shiryu qui a dû vous parler, je crois…

-Oui…En tout cas, sachez que je comprends vos réticences…Athena avait 20 mois quand elle a commencé à avoir des pouvoirs, et j'ai paniqué, étant complètement dépassée…Je savais pourtant qu'elle avait un potentiel exceptionnel…

-J'ai tellement prié et attendu le retour de Shiryu que je supporterais difficilement que mon fils, la chair de ma chair, devienne un guerrier…

-Je comprends cela aussi…mes enfants ont combattu pour la première fois, et ils n'avaient pas encore appris de technique réelle de combat…ils savaient à peine contrôler leur cosmos. Résultat: Sion a failli mourir, et sa sœur ne valait guère mieux. J'ai du mal à le supporter aussi, je ne supporte pas bien de voir mes enfants souffrir, mais je sais que tel est leur destin.

-Je comprends bien que que le destin de Doko est, sans doute, de succéder à son père…mais Shura, elle, ne deviendra pas une guerrière, même si elle en a le potentiel…Ne vous inquiétez pas, Shiryu entraînera Doko, je sais bien que nous n'avons pas le choix, jamais je ne mettrai délibérément la vie de mon fils en danger…mais j'ai peur, tellement peur pour lui, pour eux…"

Enfin Shunrei avait réussi à exprimer ce qui lui pesait sur le cœur depuis si longtemps…Mû lui sourit, et lui dit:

"J'ai peur pour mes enfants tous les jours, depuis qu'ils sont nés…En fait, je n'ai élevé qu'Athena dans un premier temps, mais Sion a eu exactement le même type de dévellopement. J'ai plus peur encore depuis que je sais que Sion recèle en lui une partie du pouvoir de son père…Je ne sais pas ce qu'il est capable réellement de faire…"

Mais l'essentiel était atteint, Shunrei s'était rendue à la raison. Mû continua:

"J'ai eu très peur pour mes enfants pendant la bataille, très peur…je savais qu'ils ne connaissaient que très peu de techniques de combat, mais, sachant leur ascendance, j'ai espéré qu'il se passerait quelque chose, n'importe quoi…Pour Doko c'est pareil, il a démontré son potentiel hors du commun…"

Shunrei sourit…Mû la comprenait tellement bien ! Etre mère aidait, forcément…

Le Cap Sounion, quelques jours plus tard….

"Je marche, je marche !!!"

Sion lâcha sa béquille droite, et dit:

"Ca y est !"

Sorrente, qui se trouvait là, sourit et dit en désignant l'autre béquille:

"Pas tout à fait, mon garçon, pas tout à fait…"

Les épaules de Sion retombèrent, mais, résolu, il dit:

"Je peux marcher sans ça…"

Il se tint droit, et souleva lentement l'autre béquille…Il resta debout sur ses jambes tremblantes, mais pas très longtemps. Sorrente savait de toute façon qu'il avait une volonté de fer. Sorrente se tourna vers la tente, et appela:

"Athena ! viens, ton frère marche…"

Athena, qui était tranquillement en train de lire sous la tente, sortit en courant :

"Il marche ?"

Sion leva ses béquilles pour le lui montrer. Athena embrassa son frère jumeau, et dit:

"Enfin tu es remis !!"

Sorrente souriait doucement, admirant la scène. Il avait lui aussi eu très peur pour Sion, mais cela était derrière lui maintenant. Sion survivrait…mais il fallait maintenant gérer les nouveaux pouvoirs qui étaient apparus. Dans peu de temps, Sion aurait retrouvé toutes ses forces, et il pourrait reprendre son entraînement…Athena avait elle aussi retrouvé ses forces.

Sion demanda alors:

"Alors, est-ce que je peux aller là-haut maintenant ?"

Sorrente eut alors une sueur froide…Que répondre ? Il ne savait pas ce que la présence de Sion là haut, sur le cap, près des ruines, produirait. C'est alors que Mû arriva. Sion l'appella:

"Maman ! je marche !!!"

Mû sourit à son fils, et dit:

"Mais tu dois encore te reposer, tu n'es pas encore bien vaillant…"

Elle sourit aussi à sa fille:

"Et toi ? Tu vas bien ?

-Oui, je vais très bien…"

Sorrente approuva:

"Et elle joue de mieux en mieux…Si elle continue, nous pourrons bientôt la faire jouer dans un orchestre…"

Athena rougit sous le compliment. Puis elle demanda à sa mère:

"Et toi ?

-Moi ? Mais je vais bien, je n'ai plus de traces de mon opération…mais j'ai beaucoup de travail ces temps derniers…"

Sion continua, en désignant les ruines du temple de Poseidon sur le cap Sounion:

"Maman, je veux aller là-haut…"

Mû eut une sueur froide. Comment dissuader son fils d'y aller ? Elle ne savait pas ce qui se produirait si Sion allait là-haut, une surcharge de pouvoir…ou pire encore. Il était à peine remis, encore fragile, il risquait d'en mourir. Il fallait impérativement le dissuader…

"Tu n'es pas encore assez remis, mon fils…

-Mais je vais bien, maman…et je ne risque rien là-haut, c'est un territoire consacré à mon père…

-Tu as vu la route pour y monter ? Tu ne peux pas monter là-haut avec tes béquilles, c'est impossible !

-Mais je marche, tu sais…

-Tu tiens debout, d'accord, mais cela ne veut pas dire que tu es capable d'endurer cette fatigue…Tu es encore fragile, Sion…"

Mû cherchait desespérément comment empêcher Sion d'y aller. Sion reprit:

"Mais je ne risque rien là-bas…

-Sion, n'insiste pas…c'est non!"

Mû n'aimait pas user de son autorité maternelle, mais là il le fallait. Sion se renfrogna:

"Pfff…je ne vois pas ce qu'il y a de mal à vouloir y aller…"

Athena s'avança:

"De toute façon j'irai avec lui, je ne veux pas le laisser tout seul…"