Chapitre 15: Un nouveau général…

 

"Dort-il enfin ?"

Sorrente s'inquiètait pour son jeune élève, Sion avait du mal à s'endormir depuis qu'il savait ce qui arrivait à son demi-frère. Il était très soucieux, et Sorrente et Thétis le comprenaient.

Au bout d'un moment, Sorrente décida d'entrer dans sa chambre pour parler un peu avec lui. Mais il trouva son élève enfin endormi, le trident à côté de lui dans le lit. Sorrente eut peur qu'il ne se blesse avec, et voulut le lui enlever, mais Sion s'y cramponnait tellement qu'il ne le put. Il se contenta alors de le couvrir, et ressortit…

Thétis dit:

"Il dort ?

-Oui, avec son trident dans le lit…

-Alors c'est pire que ce que nous pensions…il a vraiment peur…que faire ?

-Laissons-le pour l'instant…il parlera quand il en aura envie…"

Un peu plus tard dans la nuit, un petit vent entra par la fenêtre ouverte de Sion, et fit bouger ses cheveux. Il s'éveilla, regarde autour de lui d'un air ahuri, et allait refermer les yeux quand quelque chose au fond de lui, cette petite voix qui était son intuition, lui commanda de ne pas se rendormir tout de suite. Il se leva, le trident à la main, et demanda:

"Qui est là ?"

Mais rien ne lui répondit pour l'instant. Il regarda alors par sa fenêtre, et vit quelque chose qui brillait, là, au bout du cap. Sion enfila sa tunique d’entraînement posée près de son lit, et, nouant sa ceinture, sortit pour aller voir de quoi il s'agit. Il ne se sépara pas de son trident…

Ce qui brillait tant, c'était une armure verte, mais qu'il sentit nettement être de nature marine. Une jeune fille était agenouillée là, son cosmos irradiant d'elle, manifestement elle l'attendait. Sion se redressa, tâchant de faire preuve d'autorité, et demanda:

"Qui êtes-vous ?

-Je suis une de vos plus fidèles servantes, maître Sion…pardonnez-moi de troubler ainsi votre précieux sommeil, mais ce que j'ai à vous dire et à vous donner ne souffre aucun retard…"

Tiens, elle connaissait son nom…Il dit:

"Qui êtes-vous ? je croyais que les Marinas avaient été décimés…

-Pas tous, Majesté (encore !)…moi, j'ai survécu à la bataille, comme beaucoup d'entre nous, je veux dire de moindre importance…Je suis la gardienne du sceau sacré de Poseidon…

-Le sceau sacré ?

-Oui, il vous revient de droit et vous aidera dans votre quête pour sauver Sa Majesté Triton…"

Oh, cette débauche de 'maître' et 'Majesté'…Sion avait du mal à s'y habituer. Surtout quand il pensait que 'Sa Majesté', c'était lui…et sa sœur, bien sûr.

Elle resta agenouillée, et dit:

"Je suis Illia de Charybde…mon frère jumeau, Io de Scylla, était le général gardien du Pilier du Pacifique Sud autrefois…"

Charybde…Scylla…Il aurait pu faire le rapprochement tout seul. Et encore des jumeaux, décidément…

Sion la regarda de plus près. Elle avait la même couleur de cheveux que son frère jumeau, mais des yeux bleus magnifiques, bleus comme la mer profonde. Elle lui tendit un coffret:

"Ceci est le sceau sacré, Majesté…"

Sion prit le coffret et l'ouvrit. Dedans, au milieu d'un écrin de velours, reposait un lourd sceau d'argent frappé du trident. Sion referma le coffret et dit:

"Je te remercie d'être venue me le remettre…

-Tous les Marinas et moi sommes avec vous et nous espérons votre victoire…"

Soudain, Thétis et Sorrente sortirent. Illia les salua avec déférence. Thétis lui dit:

"Ca fait bien longtemps…

-Oui, maître…"

Thétis dit à Sion:

"Je l'ai entraînée moi-même autrefois…"

Sion dit à Sorrente:

"Elle est venue me remettre le sceau sacré de Poseidon…"

Sorrente fut surpris, car il avait toujours cru que l'existence de ce sceau était une légende. Mais l’objet dans le coffret démentait cette rumeur…

Illia sourit et dit :

“ Je dois m’en retourner maintenant, Majesté…tous mes vœux sont avec vous ! ”

Et, d’un geste preste, elle plongea dans la mer….

Sion resta là, un peu ahuri, et regarda Thétis :

“ Sais-tu qui elle est ?

-Oui…comme elle te l’a dit, elle est la sœur jumelle du général Io de Scylla…comme c’est la coutume quand il y a des faux jumeaux, on entraîne les deux et c’est le garçon qui devient général, car il n’est pas d’usage que les filles soient des généraux…bien que cela se soit déjà vu…

A la mort du titulaire, c’est donc l’autre qui devient général à sa place…

-Veux-tu dire que… ?

-Oui…par la mort de son frère pendant la bataille du Sanctuaire sous-marin, Illia de Charybde est donc devenue de plein droit l’un de tes généraux…

-Le sait-elle ? Elle n’en a pas paru consciente…

-Je ne sais pas ; je n’ai pas eu le temps de lui apprendre ça… ”

Sorrente acheva :

“ Au titre de général du Pacifique Sud, elle est donc comme moi affectée à ta protection…Thétis, il va falloir que tu la retrouves… ”

-Bien sûr…je dois lui parler de toute façon… ”

Sion se redressa :

“ Retrouve-la, et surtout informe-la bien que je ne lui veux aucun mal… ”

Sorrente termina :

“ Thétis, vas-y, Sion, retourne te coucher immédiatement…tu as besoin de repos… ”

Sion ne parvint pas à se rendormir tout de suite. Il laissa son esprit vagabonder, en fixant le coffret remis par Illia de Charybde. Qui lui avait donné l’ordre ? son père ? Peut-être…

D’après ce qu’il en savait, les dieux étaient omniscients, et il était fort possible qu’il ait appris ses projets. Mais alors Arès aussi…cette idée lui fit froid dans le dos…comment pourrait-il affronter un dieu de plein exercice seul ? Malgré son sang divin, Sion était très conscient de ses limites.

Il finit par s’endormir d’un sommeil agité, et ne se réveilla qu’au lever du jour. Le petit déjeuner, pris en compagnie d’un Sorrente taciturne, fut vite expédié…Puis Sion se retrouva sur le plateau désolé du Cap, devant la maison, mais ni lui ni Sorrente n’avaient encore prononcé un seul mot de la journée…

Thétis n’avait pas encore reparu, et ne reparut pas avant le soir, en compagnie d’Illia. Celle-ci, visiblement encore ébahie, portait l’écaille de son frère jumeau, et s’inclina devant Sion :

“ Majesté, je ferai mon possible pour vous protéger…

-Je sais, Illia…

-Puis-je solliciter de garder mon titre ? Scylla me rappelle trop mon frère, et c’est la seule chose qui me différencie vraiment de lui…

-Accordé… ”

Sion sourit à Illia, et celle-ci leva la tête vers lui…Sion dit :

“ Relève-toi, général du Pacifique Sud…Sorrente, Thétis, allouez-lui une chambre, puis elle dînera avec nous…. ”

Sion avait donné ses ordres. Thétis emmena Illia dans une chambre encore inoccupée, et Sorrente resta avec Sion. Sion sourit :

“ Je sens qu’on peut lui faire confiance…

-Il est vrai que tu as un sens très aiguisé de ce genre de choses… ”

Et Sorrente sourit à son élève…

· Importantes révélations, ou la mission de Shaina…

Le Sanctuaire…

Athena, assise par terre, attendait son maître…Celle-ci venait de la réveiller, il était cinq heures du matin, le jour n’était pas encore levé. Athena, très vite prête, en profita pour jeter un coup d’œil en bas. La mer était d’un noir d’encre, malgré les quelques lumières de bateaux qui se dirigeaient vers le Pirée en passant par le Cap Sounion. Elle chercha du regard le Cap, point de lumière là-bas encore, ce paresseux de Sion devait encore dormir ! Elle rit à cette idée…Pourtant, par le lien qu’elle avait avec lui, elle savait qu’il s’était passé  quelque chose cette nuit, mais ne pouvait dire précisément quoi. Mais, par dessus tout cela, elle sentait confusément la peur de Sion. Sion avait peur, peur du combat qu’il devrait livrer contre le monstre marin pour sauver Triton. Elle donnerait le peu de force marine qu’elle avait pour qu’il triomphe, même si elle devait pour cela partiellement se drainer.

Aphelia de l’Octant, son maître, l’appela alors :

“ Déjà prête ? Bon, suis-moi, nous sortons du Sanctuaire aujourd’hui… ”

Etonnée, Athena suivit son maître pendant une heure jusqu’à un cirque rocheux. Elle se tourna vers elle, et dit :

“ Bien…puisque tu retiens tes pouvoirs, pour une raison que je ne sais pas encore, j’ai donc décidé de t’emmener dans un endroit où tu serais seule. Ce qui se passera ici ne regardera que toi et moi, je te jure… ”

Athena sourit à son maître, et dit : 

“ Alors, que dois-je faire ?

-Détruire entièrement la paroi en face de toi… ”

Athena respira un grand coup. Que fallait-il faire ? Elle décida de se fier à son instinct, tant pis…

Mère , père, aidez-moi, supplia-t-elle silencieusement.

Puis elle se concentra, et envoya une énorme boule d’énergie qui pulvérisa la falaise. Aphélia de l’Octant resta muette un bon moment, puis finit par dire :

“ Par Athena…d’où tiens-tu cela ?

-Il y a des antécédents dans la famille….je n’y peux rien, c’est comme ça… ”

Mais elle se refusa à dire autre chose…Aphélia la ramena au Sanctuaire, pensant la trouver épuisée, mais Athena n’avait utilisé là qu’une petite partie de ses capacités, et elle ne se sentait pas fatiguée. Aphélia de l’Octant tint sa parole, mais, depuis un petit moment, Shaina d’Ophiucus, la supérieure des entraîneurs, s’intéressait au cas d’Athena. Bien sûr, sa parenté avec Mû de Jamir pouvait justifier son état de développement très avancé, mais cela ne justifiait pas tout, loin de là. Et, en plus du pouvoir d’Athena, elle sentait aussi un pouvoir qui lui était connu, qu’elle avait déjà rencontré, mais elle ne pouvait pas très bien se rappeler où.

Elle décida alors d’en parler à la déesse. Shaina était l’une des seules qui ait connu les dernières guerres de très près, et la déesse l’appréciait et lui faisait confiance.

Dès que les doubles portes d’or de la salle d’Athena se furent refermées sur elle, Shaina attendit que la déesse lui signifie de se relever et dit :

“ J’ai un problème avec une des élèves du camp, vous la connaissez je crois : son nom est Athena…

-La nièce de Mû ? bien sûr….quel est le problème ?

-Eh bien, je m’intéresse à son cas depuis un petit moment…cette gamine est trop puissante pour avoir onze ans, il y a chez elle quelque chose qui n’est pas clair… ”

La déesse, malgré son maintien, sentit une sueur lui couler dans le dos. Elle avait oublié ce détail …et, bien qu’Athena fît ce qu’elle pût pour retenir ses pouvoirs, Shaina avait beaucoup d’expérience et remarquait tout de suite ce qui ne collait pas. Que fallait-il faire ? Fallait-il tout dire à Shaina, trahir le secret de Mû et des jumeaux ? Elle la savait fidèle, forte et digne de confiance…et peut-être serait-ce mieux pour Athena d’avoir une alliée dans le camp d’entraînement, bien qu’elle la sût capable de se défendre par elle-même ?

Athena releva la tête, et dit à Shaina :

“ Bien…ce que tu vas entendre là relève du secret le plus absolu, s’il devait être divulgué cela menacerait la vie d’Athena et de plusieurs autres personnes. Tu répondras de ce secret sur ta vie… ”

Sans hésitation, comme tout ce qu’elle faisait, Shaina dit :

“ Je le jure sur ma vie et mon honneur… ”

Alors Athena commença son récit :

“ Athena, que tu connais, et son frère jumeau Sion, que tu as déjà rencontré, sont les enfants de Mû de Jamir et de Poseidon…non, ne m’interromps pas…Ils ont onze ans, mais leur sang divin les fait grandir plus vite…et, comme tu l’auras compris seule, Mû est une femme…Mais cela est un secret, et doit le rester…le fait que les enfants soient les enfants de Poseidon est dû à un rayon lancé par celui-ci à la fin de la bataille…Je les ai séparés à la naissance, Sion avait trop de pouvoir marin à mon goût, mais ils sont tellement liés qu’ils se sont retrouvés quand ils se sont éveillés, à six ans. Athena, l’aînée, qui avait une aura terrestre, je l’avais laissée à Mû, qui l’a élevée à Jamir.

Depuis, tout s’est précipité, il y a eu la guerre d’Hermès, Sion a failli mourir, ils se sont tous les deux battus très courageusement…leur père s’est alors manifesté, et a désigné Sion comme son héritier…Athena, elle, a très peu de pouvoir marin, et c’est pour cela que j’ai voulu la mettre au milieu de ses congénères. Voilà, tu en sais autant que moi… ”

Shaina resta un grand instant silencieuse, assimilant tout ce qui venait d’être dit. Puis elle dit :

“ Je comprends alors pourquoi elle retient ses pouvoirs….à pleine puissance, ils seraient destructeurs !

-Oui, elle le sait, elle en a eu très tôt, mais elle a tendance a vouloir tout le temps se sacrifier pour son jumeau, de huit minutes plus jeune. Cependant, elle a une très riche personnalité, tu le verras tout de suite en parlant avec elle…

-Je vais le faire…mais comment dois-je m’adresser à elle ?

-Normalement…Mû leur a donné une très simple éducation, et Athena oublie très souvent le sang divin qui coule dans ses veines…Sion ne le peut pas vraiment, vu que son père lui a donné son trident, et qu’il subit un entraînement spécial…

-C’est lui que j’ai vu une fois en montant ici avec Athena…il était accompagné du général Sorrente de la Sirène…

-Oui, c’est lui…

-Alors je comprends mieux pourquoi j’ai pensé à Julian Solo en le voyant…il lui ressemble beaucoup…

-Oui…Sorrente l’entraîne et assure sa protection, avec Thétis…

-Ah, Thétis, je m’en souviens bien…elle était très forte…

-Et elle l’est toujours… ”

La déesse sourit, et dit :

“ Vu que tu es la supérieure des entraîneurs, je te charge de veiller sur Athena…s’il se passe quoi que que ce soit, règle-le dans la mesure de tes moyens….je te charge aussi, en plus d’Aphélia de l’Octant, de veiller sur ses progrès…

-Avec plaisir… ”

Et Shaina s’inclina…la déesse ajouta :

“ Préviens-moi immédiatement s’il se passe quelque chose d’inhabituel… ”

Shaina s’inclina simplement, et sortit de la pièce, encore abasourdie…Elle avait parmi ses élèves quelque peu ordinaires une demi-déesse. Il est vrai que, physiquement, Athena était très normale, malgré sa croissance accélérée. Une fois de retour au camp, elle donna congé à Aphélia de l’Octant, et emmena Athena dans son bureau. Elle la jaugea plus attentivement : Athena commençait à maigrir, et elle avait les traits tirés et le teint terne ...

Elle lui dit :

“ Je viens de voir la déesse…elle m’a tout raconté, et m’a chargé de veiller sur toi… ”

Athena, quelque peu étonnée, ne broncha tout de même pas…Pourquoi la déesse avait-elle résolu de dévoiler son existence à Shaina ? Celle-ci continua :

“ Tu dois essayer de maintenir tes pouvoirs là où ils sont, les retenir t’épuisera, tu l’es déjà je pense…cela je vais te l’apprendre, n’aie crainte…

-Je le fais déjà…je ne veux faire de mal à personne…

-Je le comprends bien…dès demain, nous y consacrerons deux heures par jour… ”

Athena la remercia poliment, et Shaina dit :

“ J’ai combattu ton père autrefois, je l’ai même eu personnellement en face de moi. Quand j’ai vu ton jumeau, il me l’a rappelé immédiatement…tu possèdes un peu de sa force, je savais que je la connaissais mais je ne pouvais pas dire où je l’avais rencontrée…

-Je sais, Thétis me l’a raconté une fois…elle vous tient en haute estime, vous savez…

-Tu la salueras pour moi…

-Bien sûr, je demanderai à Sion de le faire, ce n’est pas bien difficile, par télépathie…nous sommes liés comme de vrais jumeaux, c’est un peu déroutant au début mais on s’y habitue…C’est Saga qui me l’a dit…

-Je n’en doute pas… ”

Et Shaina sourit…Athena sourit elle aussi, conquise par sa gentillesse. Puis elle sortit, attendue par son maître à qui elle expliqua que maître Shaina s’était enquérie de ses progrès. Aphélia de l’Octant n’y vit rien de mal, et pressa son élève de retourner à son entraînement…

· Pour sauver Triton…

Le Cap Sounion…

Sion, assis, regardait la mer se briser sur les rochers, en bas. Il ne bougeait pas, regardant les petites gouttelettes d’eau s’éparpiller. Il pensa au combat qui l’attendait. Thétis venait de trouver l’endroit dans un de ses rouleaux cartographiant le fond de la mer, et Sion se préparait. Il serra son trident jusqu’à ce que les jointures de ses mains blanchissent. Sorrente lui avait toujours dit que l’issue du combat ne dépendait pas toujours de la force de son adversaire, mais de son intelligence. Son expérience du combat était quelque peu limitée, mais il vaincrait. Pour cela, il devrait comprendre comment utiliser le sceau sacré de Poseidon dans la bataille, et serra le petit coffret sous son bras…

Sorrente l’appela :

“ Tu es prêt ?

-Oui…

-N’oublie pas ce que je t’ai dit, je ne pourrai pas t’aider cette fois…tu devras combattre seul…et surtout sois conscient d’une chose : tes pouvoirs sont relativement récents encore, ne donne tout ce que tu as qu’en dernier recours…vu ?

-Oui, compris… ”

Illia de Charybde, vêtue de son armure de marina simple et non de général, s’approcha et dit :

“ Le monstre que vous allez affronter est particulièrement redoutable, vous devrez être plus malin que lui pour le vaincre…mais les Esprits de la mer vous aideront, si vous savez les trouver… ”

Et sur ces mots sibyllins, elle le laissa. Sion demanda :

“ Qu’a-t-elle voulu dire ?

-Tu le verras par toi-même le moment venu….allons, il est temps maintenant… ”

Sion cramponna son trident, et hocha la tête d’un air résolu. Il ferma les yeux, respira un grand coup et dit :

“ Je suis prêt… ”

C’était surtout pour s’en convaincre lui-même. Illia lui sourit, mais c’était essentiellement pour lui donner du courage.

Pourtant Sion était grand et impressionnant, du haut de ses 1,79 m et de ses 63 kgs. Bientôt il dépasserait Mû. Plus grand et plus lourd que sa sœur, il avait maintenant sa conformation d’adulte…

Il fit un signe à Sorrente, et celui-ci l’entoura d’une bulle d’air…L’heure du combat avait sonné.

Le Sanctuaire…

Athena s’arrêta en plein entraînement, le front en sueur. Ca y est, l’heure avait sonné, et Sion partait combattre pour sauver leur demi-frère. Mais le lien entre eux lui transmettait ses émotions, très fortes, tellement fortes qu’elle ne pouvait se focaliser sur autre chose. Son maître remarqua son ‘absence’ et demanda :

“ Ca ne va pas, Athena ?

-Si, maître… ”

Shaina passait par là, et comprit immédiatement qu’Athena avait un problème. Elle dit à Aphélia :

“ Je vais m’en charger… ”

Puis, une fois seules, elle demanda à Athena :

“ Qu’est-ce qu’il y a ?

-Sion va combattre pour sauver notre demi-frère Triton d’un sortilège…et ses émotions sont tellement fortes qu’elles obnubilent mon jugement…

-Tu dois pouvoir ‘débrancher’ temporairement le lien, sinon cela va te rendre folle…

-Mais je ne saurai pas s’il est en danger !

-Mais si, puisque cela fait partie de ton intuition, et ne recourt pas à tes pouvoirs télépathiques…Alors ne t’inquiète pas… ”

Et Shaina sourit…

Mû, elle aussi, avait senti que Sion partait combattre et risquait sa vie. Elle tenta de fermer son esprit à cette idée pour ne pas devenir folle d’inquiétude. Quand les jumeaux étaient nés, elle ne s’était pas sentie mère tout de suite, elle ne se sentait mère que maintenant, maintenant qu’ils lui échappaient pour vivre leur vie d’adulte. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser que ces petits, au départ une mission un peu particulière, étaient devenus une part d’elle-même…elle leur avait donné son énergie, son éducation, et, à sa façon, son amour, et maintenant ils étaient quasiment adultes. Mais savoir Sion en danger fouaillait ses entrailles jusqu'au plus profond d’elle-même…elle avait déjà ressenti cela lors de la guerre d’Hermès, mais elle n’avait pas eu le loisir d’analyser cette sensation du fait de ses propres blessures. Maintenant il lui semblait que le cordon qui l’avait liée à Sion pendant six mois n’avait pas été tranché à la naissance, et elle ressentait toutes ses peurs et ses hésitations. Elle eut l’idée de l’encourager, mais ne le fit pas : c’était une épreuve pour lui, il devait s’en sortir tout seul…Et, même si elle devait souffrir le martyre jusqu’au dénouement de cette affaire, elle ne l’aiderait d’aucune façon…

Cela constituerait une épreuve formatrice pour Sion, même s’il avait déjà affronté bien pire…

Baissant la tête sur l’armure à réparer, elle se remit à l’ouvrage courageusement…

Sion, dans sa bulle d’air, était emmené par Thétis et Sorrente sur le lieu où habitait le monstre qui retenait le coquillage dont Triton avait besoin. Le monstre lui-même n’effrayait pas vraiment Sion, Arès l’effrayait plus…ce dieu de la guerre insupportable et malfaisant était responsable de beaucoup de désolations sur Terre, accompagné d’Eris, la Discorde, et des jumeaux terribles Deimos et Phobos, la Terreur et la Crainte.

Sion finit par voir enfin ce lieu, à l’odeur de soufre insupportable, situé près d’un volcan sous-marin qui crachait ses vapeurs sulfureuses alentours. Quelques bulles d’air sortaient d’une grotte noire et obscure…

Sion sentit une sueur froide lui vriller la colonne vertébrale. Sorrente le laissa et dit :

“ Je suis à côté, mais je n’interviendrai pas, je ne le peux pas… ”

Et il laissa Sion dans sa bulle seul devant l’entrée de la grotte. Il pria son père de l’assister, et continua résolument vers l’entrée, le trident à la main, droit et fier…Il appela le monstre d’une voix forte :

“ Eh, gros plein de soupe ! tu n’as même pas le courage de m’affronter, moi, le descendant des empereurs des Sept Mers ? ”

Mais il ne bougea pas…Alors Sion leva son trident, un rai de lumière se refléta dedans et aveugla le monstre, qui sortit de l’ombre…Alors Sion, sautant de côté, put voir qu’il s’agissait d’une énorme anguille, mais datant de l’époque préhistorique, mesurant presque dix mètres de long et pourvue d’épines empoisonnées sur tout le corps…ce ne serait pas une partie de plaisir…Il sauta en arrière, et resta là, sur la défensive.

Le monstre lui fit face, et Sion vit qu’il était pourvu d’une triple rangées de dents acérées. C’était vraiment un énorme serpent de mer, manifestement très vieux et de très mauvaise humeur.

Sion tourna autour de lui, le jaugeant. Il ne savait pas comment le tuer, ni même l’emplacement de ses points vitaux et de son cœur. Cette bestiole semblait couverte d’écailles plus solides que le simple vêtement de tissu de Sion…que faire ? Ah, si seulement il avait été un général des Mers, couvert lui aussi d’écailles…Comment allait-il résister ? De plus, il ne pouvait pas lancer de rayons avec le trident, il ne savait pas comment faire…

La bestiole regardait cette petite chose qui osait l’interpeller…Sion réfléchit très vite…et résolut d’essayer d’abord de confondre le monstre…il se mit à diriger sa bulle de ci, de là…le monstre essaya de le croquer plusieurs fois, mais n’y parvint pas…Sion, plus petit, était plus rapide…

Ce fut là qu’il se rappela la phrase de son professeur : la force de l’adversaire ne signifie pas forcément qu’il est intelligent…

Il se rappela un fait divers qui lui était arrivé dans son enfance : il devait avoir trois ans, ses camarades de Rodorio plus âgés avaient capturé un serpent, et, lui ayant enlevé les crochets, avaient réussi à lui faire mordre sa propre queue.

Voilà, là était la solution ! Ce qui fonctionnait avec un serpent de quelques centimètres devait fonctionner avec ce monstre de dix mètres…Il mit son trident devant lui, et l’agita pour attirer le monstre derrière lui…

Puis, se plaçant derrière la queue du serpent, il enfonça violemment le trident entre deux écailles. Le monstre réagit comme il l’avait prévu, et planta ses crocs dans sa propre queue. Il hurla, et Sion se recula très vite, attendant qu’il tombe…mais il ne tomba pas, semblant immunisé à son propre poison. Sion sentit encore une sueur froide lui couler le long de la colonne vertébrale. Comment faire alors ? Il prit le coffret donné par Illia, et se demanda comment cette chose pourrait bien l’aider…Après tout ce n’était qu’un sceau. Mais, quand il le sortit et le toucha, il se sentit rempli d’énergie…d’où venait-elle ?

Il décida de tenter sa chance…Il toucha le sceau, et ensuite prit son trident. Il ferma les yeux, et oublia tout, le monde extérieur, pour ne se concentrer que sur son objectif. Il pointa son trident sur le monstre, et, à son grand étonnement, quelque chose en sortit, un rayon bleu clair qui jaillit des trois pointes dorées. Le monstre se mit à hurler en le recevant, et Sion se concentra, ajoutant sa propre énergie au rayon, de toutes ses forces. Il donna tout ce qu’il avait, et, la dernière chose qu’il vit avant de tomber, ce furent les derniers soubresauts du monstre…avant de s’évanouir tout à fait, il se traîna devant le monstre calciné, et saisit le fameux coquillage…

Sorrente arriva immédiatement, et le ramena à la surface. Sion semblait dormir, il avait usé toute son énergie…Sorrente lui avait bien dit de ne le faire qu’en dernier recours…Il ramena vite Sion chez lui, et l’allongea sur son lit. Il respirait régulièrement, il n’y avait donc pas d’inquiétude à avoir...

Thétis et Illia demandèrent :

“ Comment il s’en est tiré ?

-Il a compris la valeur du sceau, c’est essentiel, pour le reste il a fait preuve de ruse…

-Et alors ? 

-Eh bien je crois qu’il dort…je lui avais dit de ne pas user toute son énergie, il va m’entendre quand il se réveillera… ”

Thétis dit :

“ Il a fait ce qui lui semblait le plus logique à faire…il avait ses raisons, nous les entendrons quand il reprendra conscience… ”

Illia, elle, ne dit rien…Sion serrait toujours contre lui son trident, le sceau, et le coquillage était posé près de lui. Thétis recouvrit Sion de sa couverture, et tout le monde laissa Sion reposer…

Quand elle sut la nouvelle, Athena tomba à genoux, puis se mit à courir vers la maison de sa mère. Son maître en fut surprise, mais Shaina lui dit de ne pas faire attention, Athena venait d’apprendre que son frère jumeau se trouvait dans un état grave…c’est du moins ce qu’elle supposait.

Mais Athena savait que son frère était vivant, c’était tout ce qui comptait…

Sa mère elle aussi le savait, et la mère et la fille restèrent là, à se regarder, avant de tomber dans les bras l’une de l’autre.

Tout le monde avait eu très peur que Sion ne s’en sorte pas vivant…Mais manifestement il était plus résistant que ce qu’il voulait bien montrer…

Sion dormit quatre jours entiers, veillé par ses marinas à tour de rôle. Au matin du cinquième jour, il ouvrit les yeux, et regarda autour de lui. Il reconnut sa chambre, son trident et surtout Sorrente, assis à côté de son lit.

“ Ah, enfin ! tu en as mis du temps ! ”, grommela celui-ci.

Mais Sion sentait du soulagement dans sa voix. Sion se frotta les yeux et demanda :

“ Je suis resté combien de temps endormi ?

-Quatre jours ! je t’avais bien dit de ne pas utiliser toute ton énergie !

-C’était ça ou je ne pouvais rien faire !! ”

Sion avait élevé la voix, mais il dit ensuite :

“ Tu vas aller chercher Triton, vite et discrètement, je n’ai pas envie d’avoir de problèmes… ”

Sorrente obtempéra, et revint vingt minutes plus tard en disant :

“ Il t’attend en bas de la falaise… ”

Sion se leva alors et dit :

“ Allons-y… ”

Triton l’attendait, et Sion lui dit :

“ Tiens, tu pourras enfin vivre normalement… ”

Il remplit le coquillage d’eau de mer, et le tendit a Triton en disant :

“ Bois… ”

Celui-ci s’exécuta, et une aura bleue l’entoura, aveuglant Sion. Quand il rouvrit les yeux, Triton avait des jambes. Il se tenait debout sur les rochers, ravi…

“ Tu m’as sauvé, Sion…comment pourrai-je un jour te remercier ?

-Je ne veux rien…je veux juste que tu viennes me rendre visite de temps en temps…

-Pas de problèmes… ”

Et les deux frères se serrèrent la main. Sion se sentait satisfait d’avoir aidé son frère…

Triton dit alors :

“ Je vais aller porter la nouvelle à ma mère…

-Vas-y… ”

Et Sion sourit en voyant son frère plonger prestement dans l’eau…Sa tête rejaillit, et il dit :

“ Merci pour tout, Sion… ”

Sion resta là, et se maintint à un rocher…Sorrente lui demanda :

“ Ca va ?

-Oui, parfaitement bien…je voudrais aller au Sanctuaire d’Athena maintenant…

-Demain…ta mère et ta sœur ont dû apporter la nouvelle de ta survie à la déesse…viens te restaurer et boire une tasse de thé, tu es déjà assez maigre comme ça pour ne pas avoir en plus à maigrir… ”

Sion acquiesca à ce que disait son professeur, et remonta vers sa petite maison. Thétis et Illia avaient préparé une collation légère, et du thé…Sion, malgré ses quatre jours de semi-coma, n’avait pas très faim, mais Thétis l’obligea à manger quelques gâteaux. Pire que sa mère, elle le trouvait beaucoup trop maigre et tentait de le faire grossir un peu…

Le Sanctuaire…

Athena esquiva prestement le coup que son maître lui porta, et retomba en arrière. Aphélia dit :

“ Tu as gagné de la vitesse, c’est très bien… ”

Puis elle l’attaqua de front, et Athena parvint à parer ses attaques et à les lui retourner. Aphélia sauta en l’air, puis retomba quelques mètres derrière.

“ Tu as cependant encore beaucoup à apprendre… ”

Athena sourit…Depuis qu’elle savait Sion sauvé, vivant et hors de danger, elle avait pu se consacrer exclusivement à son entraînement, à la grande satisfaction de son maître. De temps à autre, elle recevait la visite de l’un ou l’autre chevalier d’or, y compris sa mère…

Sion était venu au Sanctuaire quatre jours auparavant, mais elle ne l’avait pas vu…sa mère lui avait confirmé qu’il paraissait bien…

Tout était maintenant très calme, rien de vraiment extraordinaire ne se déroulait que la routine de son entraînement quotidien….pourtant, Athena, dotée d’un léger don de prescience, savait que quelque chose allait bientôt se passer, mais elle ne pouvait pas en déterminer la teneur, ce qui voulait dire qu’il n’était pas pour le lendemain…

Sans pouvoir préciser, elle décida d’attendre et de voir, peut-être un signe viendrait…