Chapitre 16 : Le retour de l’ennemi…

 

Athena, ce matin-là, en se levant, sentit nettement une sorte de lourdeur dans l’air...

Tout en faisant vite sa toilette, elle réfléchit, mais ne trouva rien de bien précis à attribuer à cette impression persistante. Le jour n’était pas encore levé dehors, et elle put profiter de cette fraîcheur bienvenue après la moiteur de la nuit.

Depuis trois mois maintenant que Sion avait sauvé Triton, elle avait encore progressé, aux dires de son professeur. Elle se sentait aussi moins épuisée depuis que Shaina lui apprenait à retenir ses pouvoirs. Elle avait retrouvé un peu de sa bonne mine, et commençait elle aussi à avoir le teint qui tournait sérieusement au caramel bien cuit.

Elle regarda encore les lumières sur la mer, là en bas. Respirant un grand coup, elle courut vers la porte. D’autres filles étaient déjà là, attendant leurs maîtres…elles n’adressèrent pas la parole à Athena, considérée comme quelqu’un d’une force supérieure, mais lui sourirent néanmoins…

Mais, en plus de son maître, Athena eut la surprise de voir arriver Aiolia. Elle lui sourit, s’inclina pour le décorum, et demanda :

“ Je ne pensais pas te voir ici…

-Je devais me lever tôt ce matin, alors je suis venu voir comment tu te portais…

-Mais très bien, comme tu le vois…l’entraînement va commencer…

-Je sais…et Sion ?

-Il va bien…mais Sorrente lui a durci son entraînement, par ordre de notre père…

-Pauvre Sion !

-Il l’a mérité d’après lui…moi je ne veux pas savoir le fin mot de l’histoire… ”

Et elle lui sourit…

Aiolia dit:

“ C’est à toi de t’entraîner maintenant, bonne journée !

-Merci...amitiés à ton frère !

-Il en sera ravi... ”

Athena salua son maître, et celle-ci lui demanda:

“ Tu sembles bien connaître ce chevalier d’or...

-Oui...je l’ai vu souvent étant petite... ”

Aphélia ne s’étonna pas. Elle savait qu’Athena avait fréquenté des chevaliers d’or autrefois...

Athena oublia cette curieuse impression ressentie le matin pendant tout le reste de la journée, mais, vers vingt heures, elle la ressentit à nouveau. Mais elle était incapable de lui donner une identité...

Vers deux heures du matin, quelque chose la réveilla, et elle vit son médaillon briller d’une lueur bleue qu’elle connaissait bien. Elle courut dehors pour éviter de réveiller tout le dortoir...le Sanctuaire était silencieux autour d’elle, mais elle sentait cette impression très proche d’elle...

Le médaillon brillait toujours...Soudain apparut devant Athena la source de toute cette agitation:

“ Nereus ! ” souffla Athena.

Nereus bien en forme semblait-il. Il dit:

“ Content de me voir ? je ne suis pas mort, malgré ce que vous m’avez tous fait la dernière fois ! et je vous aurai ! ”

Athena se mit en garde:

“ Nous étions des enfants ! Nous avons gagné en force, en pouvoir...tu ne toucheras pas à mon frère, jamais, où c’est à moi que tu auras affaire ! ”

Nereus lança un rayon sur Athena, qui l’esquiva prestement...Elle sauta en arrière, et retomba...Nereus ricana: 

“ Tu as gagné en force, petite, je le sens même si je ne t’ai jamais directement rencontrée...tu n’as pas encore appelé ta chère maman au secours ?

-Non...je me débrouillerai sans elle... ”

Le médaillon d’Athena continuait à briller, et Nereus de ricaner:

“ Sans ton père, tu n’es rien...sans ton frère non plus...après tout, tu es l’aînée et te voilà en seconde zone ! ”

Athena sentait très bien qu’il essayait de la destabiliser, mais elle se redressa et dit:

“ Je suis l’aînée, je dois donc protéger Sion, et le débarrasser de monstres comme toi ! ”

Bien sûr, toute cette agitation avait réveillé tout le camp, et les filles et leurs maîtres sortaient. Athena savait cependant qu’elle n’avait pas le choix, il fallait le vaincre afin qu’il ne s’attaque pas à Sion. Et, pour cela, elle se moquait des conséquences.

Aphelia de l’Octant s’avança, et dit:

“ Laisse, Athena, ce n’est pas à toi de...

-Si, justement...ce monstre a enlevé mon frère jumeau quand nous avions neuf ans, il faut s’en débarrasser, sinon c’est lui qui nous tuera ! Je suis la seule à pouvoir le faire... ”

Le médaillon brillait toujours...Shaina fit reculer les autres filles, et les fit mettre à l’abri. Seule Aphélia resta...

Nereus riait, d’un rire de dément, et il lança encore une boule d’énergie, trop rapide cette fois pour Athena qui alla mordre la poussière. Elle se releva, et dit:

“ Par le nom de mon père, je jure que tu ne m’auras pas aussi facilement ! ”

Mû était arrivée entretemps, et observait le combat, prête à intervenir pour aider sa fille...mais celle-ci lui fit comprendre qu’elle s’en sortirait seule. Elle voulait venger son frère...

Athena vit encore une autre boule d’énergie partir...mais qui ne l’atteignit pas. Quelqu’un ou quelque chose l’avait renvoyée...Quand la clarté aveuglante s’éteignit, Athena vit clairement son frère jumeau, Sion, tenant son trident dans la main. Il ne tremblait pas, l’air déterminé, la mâchoire tremblante de rage. Sa voix grave retentit:

“ Ca suffit ! Tu as assez fait de mal à ma famille... ”

Il se tourna vers sa soeur:

“ Recule-toi, Athena...tu en as assez fait... ”

Mais Athena ne se recula pas beaucoup...Son maître vint à côté d’elle, et demanda:

“ N’est-ce pas le trident de Poseidon qu’il tient là ?

-Si, très exactement... ”

Mais elle n’en dit pas plus...Sion faisait face à Nereus, résolu...Il était presque aussi grand que lui, et son aura bleu clair le grandissait encore.

Sion ferma les yeux, mais les rouvrit presque aussitôt: le miracle du rayon lançé par le monstre marin ne pourrait pas se renouveler. Nereus ricana:

“ Tu es ridicule, Sion, vraiment...tu n’es qu’une pâle doublure ! ”

Sion évita le rayon qu’il lança, mais vit tout de suite qu’il devrait passer à des moyens plus radicaux. Alors, faisant confiance à son instinct, il projeta son trident de toutes ses forces vers Nereus, qui le recut dans la poitrine. Mais il se téléporta tout de suite, laissant tomber le trident poissé de sang vert.

“ Oh, il est vivant ! ” pesta Sion.

Il reprit son trident en main, un peu dégoûté, et se retint de le ficher dans le sol, car il savait très bien que cela pourrait provoquer un énorme tremblement de terre.

Athena s’approcha de son frère:

“ Mais toi tu es vivant aussi, et c’est ça l’essentiel...où est Sorrente ?

-Il n’a pas eu le temps de réagir...j’ai senti Nereus, et je me suis téléporté instinctivement... ”

Et il sourit à sa soeur. Mû arriva alors:

“ Sion, tu n’as rien ?

-Non, non... ”

Et il sourit à sa mère pour la rassurer. Mû s’intéressa ensuite à sa fille:

“ Et toi ?

-Non, je n’ai rien...que quelques bleus... ”

Athena prit ensuite son frère par le bras et dit à son maître:

“ Maître, laissez-moi vous présenter mon frère jumeau, Sion...

-Enchantée... ”

Les présentations furent interrompues par l’arrivée de la déesse elle-même. Elle demanda à Sion:

“ Que s’est-il passé ?

-Nereus... ”

Ce seul mot en disait plus long que toutes les explications qu’il aurait pu donner. Il montra le bout de son trident:

“ Mais je l’ai blessé, il sera facile à Thétis et Illia de le retrouver... ”

Pendant que Shaina faisait rentrer tout le monde dans les baraquements, la déesse emmena Mû et ses jumeaux dans sa salle. Athena dit:

“ Déesse Athena, je revendique l’entière responsabilité de mes actes...

-Tu as fait ce qu’il y avait à faire...

-Mais le camp ? tout le monde va me poser des questions !

-Shaina a déjà ses ordres, n’aie crainte... ”

Sion dit:

“ C’est moi qui pose problème, n’est-ce pas ?

-Je ne dirais pas ça, mais il est vrai que ton apparition soudaine pose certaines questions...

-Nereus est mon affaire, je ne pouvais pas le laisser mettre en danger le Sanctuaire et la vie de ma soeur. ”

Sion était très résolu, mais très posé, il défendait calmement son point de vue. En lui la déesse retrouvait certains des traits charmeurs et tenaces de son père, qu’elle avait connu autrefois. Sion continua:

“ Si vous estimez que je dois être puni pour avoir fait cela, alors je me soumets à votre punition, quelle qu’elle soit... ”

La déesse dit:

“ Tu ne mérites en rien une punition, Sion, tu as fait ce qui te semblait juste...et tu as sauvé le Sanctuaire... ”

Sion s’inclina en signe d’acceptation...La déesse dit alors:

“ Allez tous vous coucher, la nuit ne sera plus longue et une longue journée vous attend demain. Athena, tu as l’autorisation de dormir chez ta mère, tu ne vas pas retourner au camp à cette heure...Sion, tu peux rester si tu veux...

-Non, je dois retourner au Cap, sinon Sorrente, Thétis et Illia s’inquiéteront. Je ne vous ai pas encore dit qu’un nouveau général avait fait son apparition, Illia de Charybde, général du Pacifique Sud...

-Alors rentre vite...A bientôt, Sion... ”

Mû demanda à son fils dès qu’ils furent rentrés:

“ Cette Illia te protège, alors ?

-Oui...et elle s’acquitte très bien de sa tâche, rassure-toi, je me porte très bien. A bientôt, maman... ”

Et Sion s’évanouit dans la nuit...Mû dit à sa fille:

“ Viens, allons essayer de terminer notre nuit... ”

Et elle lui sourit...

Bien sûr, les questions ne manquèrent pas, mais, grâce aux ordres de la déesse, Athena n’eut pas de problèmes. Mais Aphélia lui posa la question et voulut savoir pourquoi son frère jumeau possédait le trident de Poseidon...Athena lui expliqua alors que son frère jumeau, contrairement à elle, était né marina et que c’était pour cette raison. Aphélia voulut en savoir plus mais Athena lui dit d’un air mystérieux qu’elle ne le pouvait...

Sion, lui, eut droit à des remontrances en règle de la part de Sorrente pour être sorti tout seul en pleine nuit, mais quand il lui expliqua pourquoi, Sorrente passa de la fureur inquiète à la perplexité la plus totale...il était sûr d’avoir tué Nereus la dernière fois qu’il l’avait combattu...alors que signifiait son retour ?

Cet incident finit par être oublié, au grand plaisir d’Athena, qui ne souhaitait pas attirer sur elle l’attention. A Shaina, elle dit toute la vérité, et celle-ci assura que, la prochaine fois qu’il aurait l’idée de venir là, elle saurait le recevoir...

Quelques mois passèrent, calmes et routiniers. Sion commença à apprendre ses rôles d’héritier, apprit à passer en revue les marinas sérieusement, à tenir assis sur son trône des heures durant pendant qu’ils lui prêtaient hommage. Quand il interrogea Sorrente sur l’intérêt de tout cela, celui-ci lui répondit que les ordres venaient de son père, qui avait décidé qu’il était temps pour lui de commençer à assumer ses devoirs d’héritier du trône. Alors Sion obéit, ne voulant pas indisposer son tout-puissant père...

Et, un soir, environ quatre mois après l’incident au Sanctuaire, celui-ci se manifesta ‘en chair et en os’. Devant un Sion étonné et des marinas agenouillés, il dit:

“ Tu as fait de grands progrès, Sion, c’est très bien, j’ai donc une mission à te confier. Depuis quelques semaines, j’ai remarqué que les glaces recommencaient à fondre, sans que j’y sois pour quelque chose. Avec ta soeur, tu vas te rendre au royaume d’Asgard, et tu iras interroger la princesse Hilda à ce sujet...tu feras aussi ta petite enquête personnelle, Hilda t’aidera, n’aie crainte, ainsi que ta soeur jumelle. Prends ce parchemin, et remets-le à la déesse Athena, je lui relate le fonds du problème et lui demande de libérer Athena de ses obligations pendant quelques temps. Cet autre parchemin est pour Hilda, je sais très bien que j’ai fait autrefois des choses pas très reluisantes et très graves, et elle me déteste, mais je lui demande de te loger et de t’aider...

Je te fais confiance, Sion, je sais que tu y arriveras...j’ai besoin des Marinas et des deux généraux, aussi Athena et toi irez seuls à Asgard, vous savez assez bien vous protéger vous-mêmes. Explique bien cela à ta mère, je la sais très inquiète quand tu n’es pas protégé...

-Comptez sur moi, père... ”

Les yeux bleu-vert océan de Poseidon s’illuminèrent, et il dit:

“ Je sais, Sion...Prends soin de toi, mon fils, et salue bien ta soeur pour moi... ”

Puis il disparut, laissant Sion interloqué, les deux parchemins en main. Sorrente se releva et dit:

“ Asgard...je te souhaite bon courage, Sion. J’y suis déjà allé autrefois, pendant cette guerre fratricide...

-Laquelle ?

-Notre maître, gouverné par Kanon des Gémeaux, avait déclenché une guerre là-bas entre le Sanctuaire d’Athena et les Guerriers Divins en utilisant l’anneau des Nibelungen pour contrôler Hilda...ils sont tous morts...

-Oh, et il me demande d’aller là-bas ? nous allons nous faire écharper !

-Les temps ont changé, Sion...

-Mais le ressentiment reste toujours, je le sais... ”

Et Sorrente se rappela Siegfried, le beau et courageux Siegfried, qui s’était sacrifié sous les yeux de la femme qu’il aimait. A ce souvenir, ses yeux se remplirent de larmes, qu’il essuya d’un geste rageur. S’il avait su ! Il reprit:

“ Ce sont des choses qui se sont passées bien avant que vous ne veniez au monde, ta soeur et toi...tu ne dois pas t’inquiéter, tu verras, Hilda et sa soeur Freya sont bonnes et gentilles... ”

Sion décida de leur envoyer une lettre avant de venir, afin de les prévenir, et partit immédiatement pour la Sanctuaire. La déesse lut attentivement la missive de Poseidon, et, comprenant la gravité de la situation, accepta de libérer Athena le temps qu’il faudrait...Elle envoya immédiatement quelqu’un au camp lui porter l’ordre...

Sion passa rendre visite à sa mère, lui expliqua tout, et lui dit de ne pas s’inquiéter. Mû accepta de faire confiance à son fils cadet...

Puis Sion s’assit à la table de sa mère, en attendant qu’Athena n’arrive il commença à écrire la lettre qu’il voulait envoyer à Hilda...Il la libella en ces termes:

Cap Sounion,

Princesse Hilda,

Par la présente, je sollicite pour ma soeur jumelle Athena et moi-même, Sion de Jamir, l’entrée sur votre sol et le gîte en votre palais...

Je tenais à vous écrire cette lettre pour vous prévenir de notre arrivée dans les plus brefs délais, ainsi que pour vous avertir que nous sommes les enfants de Poseidon, qui vous fit tant de mal jadis. Mais c’est lui-même qui nous confie la mission de voir et d’enquêter sur la fonte des glaces que vous n’avez pas dû manquer de remarquer. En signe de ma bonne foi, et pour éviter tout problème, je vous remettrai mon trident en arrivant...

Nous savons très bien Athena et moi ce que notre père vous fit jadis, mais nous vous adjurons de nous accorder au moins le gîte et le couvert. Si cela peut vous rassurer, sachez que notre mère est un des chevaliers d’or d’Athena, et que nous devons la vie à la déesse elle-même...

En vous remerciant d’avance, je vous envoie nos plus sincères salutations.

Athena et Sion de Jamir

Sion avait rédigé la lettre en grec, la relut et la trouva bien. Comme Athena arrivait, elle la lut aussi, et apposa sa signature en bas. Mû dit à ses enfants:

“ Le froid d’Asgard est bien plus important que celui de Jamir, je sais que vous êtes habitués, mais prenez tout de même des vêtements chauds...et faites bien attention surtout...

-Tout ira bien, maman... ”

Sion chargea un marina de porter la lettre, et attendit la réponse...Illia, dès qu’elle vit Athena, ne cessa plus de lui donner du ‘Majesté’ comme elle le faisait à Sion, l’énervant prodigieusement. Thétis prit les choses en main, et trouva pour les jumeaux des tuniques à manches longues et des pantalons plus épais.

Au bout de trois jours, la réponse d’Hilda arriva, elle acceptait de les recevoir...Sion chargea donc son sac sur son dos, dit au revoir à ses marinas et, suivi de sa soeur, se mit en route pour le royaume d’Asgard...