Chapitre 17: Remontée vers le Nord, ou Athena et Sion à Asgard...

La première chose qui frappa les jumeaux, quand les étoiles de la téléportation se furent dispersées, ce fut l’intense tristesse qui se dégageait de ce paysage neigeux. Sion fut immédiatement saisi par le froid qui s'en dégageait, et se drapa dans son châle en disant:

“ La réputation de ce pays n’est pas usurpée, brrrrr ! ”

Son teint caramel devenait plus pâle, et il commença à avancer dans la neige, vers le palais...

Athena, recroquevillée elle aussi sous son châle, suivit son frère. Sion présenta le laissez-passer d’Hilda aux gardes de l’entrée et pénétra dans un grand corridor éclairé. Un garde les précéda et les conduisit dans la salle du trône, où se trouvait Hilda...

Sion, quelque peu intimidé, inclina la tête et dit:

“ Je suis ravi vous connaître, princesse...je suis Sion de Jamir, et voici ma soeur aînée Athena... ”

Hilda sourit, et répondit:

“ Je suis ravie de vous connaître également... ”

Sion posa son trident par terre, et dit:

“ Comme je vous l’ai promis, il est en votre contrôle pour la durée de notre séjour, mais ne le touchez pas... ”

Hilda plut tout de suite à Sion, et Athena sourit elle aussi. Hilda dit alors:

“ Je dois avouer que j’étais sceptique, mais mon neveu Camus, qui se trouve actuellement ici, m’a dit qu’il vous connaissait et que vous lui aviez sauvé la vie lors de la guerre d’Hermès...

-Camus est ici ? nous serons ravis de le revoir... ”

Hilda dit alors:

“ Il va falloir m’en dire plus sur cette histoire...j’ai remarqué la fonte des glaces, mais, ayant interrogé le Seigneur Odin, il n’en est rien ressorti...

-C’est pour cela que notre père nous envoie...il n’est pas responsable et veut savoir ce qui se passe...il estime que nous sommes assez grands pour faire des missions maintenant...

-Quel âge avez-vous ?

-Onze ans, mais nous paraissons plus...je vous expliquerai... ”

Hilda dit en souriant:

“ Je vous ai fait préparer des chambres, allez vous rafraîchir et vous nous rejoindrez plus tard au salon...je voudrais vous présenter aux membres de ma famille qui ne vous connaissent pas encore... ”

Une servante accompagna les jumeaux chacun dans une chambre. Sion, frigorifié, enfila une tunique à manches longues, et un pantalon plus épais. Il ajusta sa ceinture à la plaque d’argent frappée du trident, disciplina ses cheveux et les plis de son châle. Puis, satisfait, il s’en alla frapper à la porte de sa soeur.

“ Entrez ! ” lui répondit-elle.

Athena finissait de brosser ses longs cheveux violets, elle aussi avait revêtu une tunique à manches longues, et elle achevait d’ajuster son pantalon...Elle refit ensuite sa natte plus serrée...

Sion put alors voir combien elle ressemblait à leur mère.

“ Je suis prête ! ” dit-elle alors.

Une servante les attendait, et les emmena dans un dédale de grands couloirs froids jusqu’à une porte, qu’elle ouvrit. Elle les pria d’entrer...

Sion et Athena pénétrèrent dans une grande salle...un feu brûlait dans l’âtre, et quelques personnes, dont Hilda, étaient rassemblées là. Petit Camus sourit en les voyant, et les jumeaux lui rendirent son sourire.

Hilda vint jusqu’à eux, et prit Camus avec elle. Celui-ci dit:

“ Je suis content de voir que vous allez bien...

-Nous sommes contents de te voir aussi... ”

Hilda les pria d’avancer, et commença:

“ Voici mon beau-frère, Alexer de Blue Graad, ma soeur cadette Freya, son épouse, leur fils aîné Hagen, ainsi que Camus du Verseau, que je suppose que vous connaissez... ”

Sion les salua tous, et dit:

“ Oui, en effet...pendant la guerre d’Hermès nous nous sommes brièvement rencontrés... ”

Tout le monde s’assit dans les fauteuils qui attendaient là, et Camus s’arrangea pour s’asseoir à côté des jumeaux. Il demanda:

“ Vous allez bien ?

-Oui...et toi, ton entraînement ?

-Il progresse... ”

Les jumeaux se sentaient quelque peu intimidés, et Hilda s’efforça de les mettre à l’aise en leur demandant:

“ Eh bien, qu’y-a-t-il de neuf au Sanctuaire ? ”

Ce fut Athena qui répondit:

“ Rien de vraiment neuf... ”

Camus du Verseau demanda:

“ Et comment se porte votre mère ?

-Elle va bien...toujours des armures à réparer, elle ne manque pas d’ouvrage...

-Vous lui transmettrez mes meilleures salutations...

-Nous n’y manquerons pas... ”

Athena sourit à Freya et dit:

“ Félicitations...il reste combien de temps ?

-Trois mois... ”

Elle était encadrée par Hagen et Alexer, qui voulaient tout le temps l’aider, ce qui la faisait rire. Hilda demanda alors à Sion:

“ Alors, que vous a dit votre père ? En sait-il plus que nous ?

-Non, justement. Vous savez, il ne peut pas beaucoup se manifester, parce qu’il est retenu par le sceau d’Athena, il ne le fait que dans des occasions vraiment graves...et là, il ne sait rien, et cette montée des eaux l’inquiète beaucoup je crois...il m’a dit de faire mon enquête avec vous...il ne vous aurait pas dérangée si ça n’avait pas été grave, il sait ce qu’il vous a fait... ”

Sion faisait une tête si funèbre qu’Hilda lui dit:

“ Nous savons ce qui s’est passé, ne t’inquiète pas...tu n’es pas responsable... ”

Athena intervint:

“ Notre père s’est amendé, nous sommes cette amendement... ”

Hilda sourit gentiment:

“ Allons, pas de tristesse ici...Raconte-moi ce que tu sais, Sion...

-Je vous ai tout dit déjà...j’ai demandé à nos généraux, ils n’ont non plus aucune explication à fournir...je suis perdu ! ”

Elle continua:

“ S’il y avait quelque chose de particulier dans la mer, pourrais-tu le sentir ?

-Oui, et le trident réagirait. Or là il ne réagit pas. Le pendentif de ma soeur réagirait aussi...je ne comprends strictement rien... ”

Alexer dit alors:

“ Est-ce que ce pourrait être quelque chose d’extérieur à la mer ?

-Sans doute...dans ce cas-là mes pouvoirs ne me serviraient à rien... ”

Le pauvre garçon se creusait si fort le cerveau que sa soeur jumelle lui dit sur un ton moqueur:

“ Eh, arrête, Sion...tu as déjà de la fumée qui sort de tes oreilles !! ”

Cette boutade détendit l’atmosphère...Hagen regarda Sion plus attentivement et dit:

“ Je n’en vois pas, moi... ”

Freya sourit doucement et dit:

“ C’est une expression, mon chéri... ”

Alexer demanda alors:

“ Vous êtes jumeaux, c’est ça ?

-Oui... 

-Lequel de vous deux est l’aîné ? ”

Athena sourit:

“ Moi. Sion a huit minutes de plus que moi... ”

Justement, Sion tendait à Hilda le parchemin écrit par leur père:

“ Notre père a écrit cela pour vous... ”

Hilda le prit, le lut attentivement et dit:

“ Il n’avait pas à s’inquiéter, je ne m’attaque pas aux enfants... ”

Sion essaya de faire un sourire mal assuré...

Hilda dit:

“ Je n’ai pas pour habitude de juger les gens d’après leurs ascendances...ce qui m’intéresse, c’est vous, et non pas votre père. Jamais je ne vous jugerai sur ce que votre père a fait... ”

Et elle sourit, de son sourire si plein de bonté. Sion se sentit alors mieux à l’aise.

Hilda acheva:

“ Reposez-vous, nous commencerons l’enquête demain... ”

Freya demanda à Sion:

“ Tu as un entraînement spécial ?

-Oui...je vis dans une maison au Cap Sounion, près d’Athènes, et je suis protégé en permanence par deux généraux des Mers et une marina...

-Ce n’est pas trop difficile ?

-Parfois...mais, vu que je suis l’héritier de mon père, ces mesures sont nécessaires... ”

Et Freya demanda ensuite à Athena:

“ Et toi ? tu vis avec ton frère ?

-Non, je suis entraînée au Sanctuaire...je n’ai quasiment aucun pouvoir marin, mon aura est double...mais les généraux des Mers me protégeraient s’il y avait lieu... ”

Les jumeaux passèrent une excellente soirée, puis allèrent se coucher. Quand ils se levèrent, le lendemain matin, une servante ouvrit leurs rideaux. La tempête avait cessé et tout était recouvert de neige brillante...Sion courut à la fenêtre, comme il le faisait quand il était à Jamir l’hiver...

La servante s’enquit de ce qu’il souhaitait pour le petit déjeuner, puis le laissa aller dans l’immense salle de bains. Sion s’installa dans un bon bain chaud, puis s’habilla et disciplina ses boucles bleues.

Le trident de sa ceinture avait été doré par une plaque d’or récemment...

Puis la servante lui apporta son petit déjeuner, qu’il voulut prendre devant la fenêtre. Le paysage le fascinait complètement...

Puis, son petit déjeuner achevé, il sortit de sa chambre et alla frapper à celle de sa soeur. Athena était elle aussi installée devant la fenêtre, elle lisait, installée dans un fauteuil. Elle sourit à son frère:

“ Bien dormi ?

-Comme un loir. Et toi ?

-Très bien. Cela fait du bien de dormir seule parfois, sans être dix dans une pièce... ”

Athena était elle aussi passée par la salle de bains, ses cheveux violets étaient propres et bien disciplinés.

Puis tous deux descendirent à la salle principale. Seul Hagen s’y trouvait...Il leur sourit et dit:

“ Je vous attendais...Ca vous dirait de visiter un peu les environs ? si le climat ne vous rebute pas... ”

Athena sourit:

“ J’ai été élevée dans l’Himalaya, à 6000 m, alors le froid ne me fait pas trop peur... ”

L’enfant sourit...

Les jumeaux se couvrirent, et suivirent Hagen. Il les emmena près de la cascade gelée où Fenrir s’entraînait autrefois, puis les conduisit près de la mer...Sion dit, l’air grave:

“ Ca continue... ”

Il ferma les yeux...les rouvrit au bout de quelques minutes et dit:

“ Je ne sens rien...rien du tout... ”

Le temps passait...Hagen dit:

“ Venez, rentrons...il va être l’heure du repas... ”

Chemin faisant, Sion demanda à Hagen:

“ Tu t’entraînes déjà ?

-Oui...je veux être un guerrier divin... ”

Le temps à Asgard était rythmé par le soleil, qui n’apparaissait même pas l’hiver. Dans ce cas, les gens nés sur cet sol si dur avaient tous une horloge interne. Pourtant, Sion était fasciné par toute cette neige et cette glace, pureté si éphémère que pouvait faire disparaître le moindre rayon de soleil un peu chaud. Athena, elle, n’avait d’yeux que pour les montagnes qu’elle devinait là-bas, au loin...elle avait été élevée en montagne, et en gardait toujours une secrète nostalgie...

Quand ils rentrèrent, ils trouvèrent Freya, assise dans son fauteuil au coin du feu, la main sur son ventre proéminent. Hagen embrassa sa mère et demanda:

“ Où est papa ?

-Il est parti avec Camus du Verseau et ton cousin, ils reviendront ce soir... ”

Elle sourit aux jumeaux:

“ Votre repos a-t-il été bon ?

-Parfait, merci... ”, répondit Sion.

Hilda sortit alors de son bureau, et sourit elle aussi aux jumeaux:

“ Hagen vous a emmené visiter les environs ? et avez-vous pris un bon repos ?

-Oui, tout a très bien été. Votre pays est magnifique, il me rappelle l’Himalaya où ma mère m’a élevée... ”

C’était cette fois Athena qui avait répondu. Hilda convia tout le monde à partager le repas de midi, puis rentra à nouveau dans son bureau, laissant les jumeaux en compagnie d’Hagen et de sa mère. Freya dit:

“ Que comptez-vous faire cet après-midi ? ”

Sion avait l’intention de commencer son enquête, et, pour cela, il avait besoin de son trident. Il s’en alla donc le demander à Hilda, et lui détailla le moyen qu’il allait utiliser. Hilda écouta soigneusement tout ce que Sion lui dit, et dit:

“ D’accord...j’espère que cela marchera...

-Le trident me servira à la fois de catalyseur et de protection...votre royaume ne craindra rien, s’il y a surcharge ou attaque c’est le trident qui l’encaissera... ”

Sion était sûr de lui, et exposa ensuite son idée à sa soeur. Athena dit:

“ A deux nous pourrons mieux encaisser le choc, s’il y a choc...

-Tu le supporteras ?

-Oui...j’ai survécu à pire déjà... ”

Et Athena sourit...

Sion se sentait totalement sécurisé, et se rendit compte que la présence familière de son trident lui avait manqué. Il n’était pas seulement le symbole éclatant de la royauté des Sept Mers, mais aussi un objet qui était la présence de son père à ses côtés. Il le saisit en main avec un soupir d’aise, et se dirigea résolument vers la mer, en bas du palais. Puis, arrivé là-bas, il se retourna, et vit l’énorme statue d’Odin, forme glacée veillant à jamais sur Asgard. Il frissonna, et regarda les flots bleu-verts de la mer. De temps en temps, des icebergs continuaient à se casser. Sion réfléchit alors...Thétis lui avait appris une formule, mais elle lui avait dit de ne pas l’utiliser à la légère...Sion estimait que ce n’était pas à la légère cette fois. Athena prit le trident en main, et son médaillon se mit à briller. Sion ferma les yeux et prononça:

“ Dieux des abysses et des profondeurs cachées, forces immémoriales de l’océan, moi, Sion, qui suis votre maître, vous ordonne de m’obéir... ”

La mer se mit à bouger, et un tourbillon se forma devant l’éperon rocheux où se trouvaient les jumeaux. Athena continua, aidée par télépathie par son frère, continua:

“ Moi, Athena, qui porte en moi le sang des empereurs sacrés, je vous ordonne de nous révéler qui est l’auteur de ces perturbations... ”

Malgré la puissance dégagée par les deux jumeaux, rien ne se produisit. Sion resta là, médusé:

“ Ce n’est pas possible !! Thétis a dit que jamais personne ne prendrait le risque de contrer cette formule ! ”

Athena, pragmatique, comme toujours, ajouta:

“ Mais manifestement quelque chose ou quelqu’un le fait, Sion...Allons, viens, rentrons... ”

Et elle saisit son frère par le bras...

Sion ne prononça pas un mot pendant tout le retour...Il s’enferma dans sa chambre. Hilda demanda à Athena:

“  Il va bien ?

-Oui...mais, quand il échoue dans quelque chose, il doute toujours de ses propres capacités...ce n’est pas grave, il va réfléchir un peu et revenir dans quelques heures...j’ai l’habitude...

-Tu sembles très bien le connaître...comme si vous étiez de vrais jumeaux...

-Nous sommes liés, c’est vrai...et j’ai l’habitude de ses réactions... ”

Hilda dit:

“ Que veux-tu faire ? Freya et Hagen se reposent, et personne d’autre n’est là...

-Je ne sais pas vraiment...mais je dois avouer que je ne comprends pas pourquoi la formule n’a pas marché...Thétis ne se trompe jamais, habituellement, et Sion a une très bonne mémoire...Ma mère me dit toujours qu’il n’y a jamais de problème qui n’ait pas de cause, à nous de la trouver...Alors je vais méditer aussi, me reposer, et je trouverai peut-être... ”

Hilda sourit, et rentra dans son bureau...Cette petite lui plaisait, elle avait un caractère bien trempé. Son sang divin ne la rendait pas prétentieuse, au contraire, elle était très simple. Sion aussi, même si elle sentait qu’il était nettement plus stressé, sans doute le fait qu’il soit l’héritier de son père...

En fait, Sion, une fois rentré dans sa chambre, était tombé dans un sommeil lourd...Avoir échoué ne le souciait tout de même pas autant, mais il ne voulait pas inquiéter sa soeur. Il avait besoin de recharger ses accus, et, ayant laissé à nouveau son trident sous la garde d’Hilda, la seule solution pour lui était de dormir un peu. Quand il s’éveilla, le ciel était sombre, une fin d’après-midi à Asgard, la nuit allait tomber sous peu. Il mit un peu d’ordre dans ses vêtements, ses cheveux, et redescendit dans la grande salle. Freya se trouvait là avec son fils, et jouait aux dames avec lui. Elle sourit à Sion:

“ Tu te sens mieux ?

-Oui... ”

Manifestement Freya l’avait percé à jour. Il sourit et dit:

“ J’avais juste besoin de me reposer, invoquer cette formule demande beaucoup d’énergie, mais je ne comprends toujours pas ce qui s’est passé...

-Peut-être que tout te paraîtra clair plus tard ... ”, lui dit Freya avec un sourire.

Athena, elle, avait fini par s’endormir en méditant. Se réveillant un peu plus tard, elle se dit avec un sourire que son maître l’aurait déjà punie pour s’être endormie en méditant. Elle descendit elle aussi dans la grande salle. Sion se trouvait là, il était assis, en train de lire tranquillement. Athena sourit à Freya et Hagen, et s’assit à côté de son frère.

“ Fini ta crise ? ”, lui demanda-t-elle.

Sion sourit et dit:

“ Oui...mais je ne comprends pas encore...il y a une explication, elle n’est pas loin, je le sens... ”

Il eut une mimique ennuyée, mais sourit:

“ En tout cas, nous avons tout de même réussi à invoquer cette formule sans nous tromper...c’est déjà ça... ”

C’est alors qu’Alexer, petit Camus et Camus du Verseau entrèrent dans la pièce. Petit Camus semblait épuisé, ses vêtements étaient en lambeaux et on y voyait des taches de sang. Il salua le monde, et sortit de la pièce. Ni Alexer ni Camus ne disaient rien.

Les jumeaux sentaient que quelque chose s’était passé, l’atmosphère s’épaississait à chaque seconde. Heureusement, le majordome annonça le dîner. Celui-ci fut silencieux, et, quand tout le monde eut fini, tous se retirèrent dans leurs quartiers. Sion, lui, descendit aux cuisines et demanda un petit encas pour Camus. Puis il alla frapper à sa porte. Un bruit lui répondit...Sion entra, et vit Camus dans son fauteuil. Il désinfectait ses plaies. Sion, horrifié, dit:

“ Qu’est-ce qui s’est passé ? ”

Camus releva la tête, et Sion vit qu’un peu de sang avait séché sur son front. Camus dit:

“ Oh rien...ce sont les aléas de l’entraînement...

-Il y a entraînement et brutalité...Sorrente m’entraîne mais je ne suis jamais dans un état pareil ! ”

Avec une certaine réticence, Camus expliqua qu’il n’avait pas assez vite esquivé une attaque lançée par son maître, et était tombé au fond d’un ravin.

Sion, sans plus rien dire, posa sa main sur le bras de Camus, puis il ferma les yeux. Les rouvrant, il dit:

“ Tu n’as rien de grave, heureusement...

-Comment le sais-tu ?

-Ma mère a de grands pouvoirs de guérison, elle peut soigner n’importe quoi. J’ai hérité d’un peu de ses pouvoirs, et elle m’a appris à m’en servir. C’est pour ça que je peux dire que tu n’as rien, même pas un traumatisme crânien...tu es un miraculé... ”

Sion se concentra, et la plupart des blessures de Camus disparurent. Sion sourit:

“ Là ça ira mieux...repose-toi maintenant, et mange... ”

Sion songea en sortant de la chambre que décidément Camus avait beaucoup de courage, il le fallait avec un professeur pareil...

Cette nuit-là, Sion eut un cauchemar. Il se vit debout, ses pieds étaient glaçés, son trident à la main. Il entendit un rire qu’il connaissait, sans pouvoir mettre un nom dessus. Puis il vit un rayon bleu, et se réveilla...Il se leva précipitamment, et alluma la lumière. Il alla à la fenêtre, et tira les rideaux. Le jour pointait derrière les montagnes. Il devait être cinq ou six heures du matin...

Manifestement son rêve était prémonitoire, mais qu’est-ce qu’il signifiait ?

Il enfila sa tunique, et fit une brève toilette matinale...Alors qu’il passait la main dans ses cheveux bleus, il essaya de trouver une signification à son rêve....

Un peu plus tard dans la matinée, il descendit pour le petit déjeuner. Mais, à cette heure matinale, peu étaient ceux qui étaient là. Hilda l’était, elle se levait toujours très tôt pour remplir ses devoirs...Sion lui demanda:

“ Est-ce possible de sortir aujourd’hui ? Je voudrais aller voir seul le niveau des eaux...il y a quelque chose qui s’en échappe, mais je n’arrive toujours pas à savoir quoi...si je suis seul j’y arriverai peut-être...

-Faites attention alors, les tempêtes de neige se lèvent vite en cette saison... ”

Sion sourit:

“ Si c’est une tempête de mer, je ne la crains pas, mais une tempête de neige, ce serait plus difficile... ”

Athena arrivait, encore à moitié endormie. Sion lui sourit et dit:

“ Alors, paresseuse ? c’est à cette heure-ci que tu te lèves ? ”

Athena, se frotta les yeux et dit:

“ M’en moque ! mais bonjour quand même, petit frère... ”

Il haissait quand elle l’appelait petit frère, il n’avait après tout que 8 minutes de moins qu’elle...

Elle s’assit près de lui, et entama son petit déjeuner de bon coeur. Sion lui dit:

“ Je vais aller au bord de la mer tout a l’heure, voir où en est la fonte des glaces...

-Je viens avec toi...

-Non, j’y vais seul...je me concentrerai mieux...je ne serai pas long... ”

Athena hocha juste la tête. Après tout, son jumeau était assez grand pour savoir ce qu’il faisait.

Il commençait à se faire tard dans la matinée quand Sion sortit...Il s’était bien emmitouflé, avait mis une tunique aux manches longues mais retenue à la taille par sa ceinture qui ne le quittait jamais. C’était le seul signe distinctif qu’il avait, à part le médaillon offert par Thétis, portant son prénom gravé. Il portait par dessus tout ça un épais manteau, et des chaussures chaudes...

Il marcha un bon moment jusqu’au bord de mer...il se sentit revigoré à sa proximité. Sion resta immobile sur la falaise, seuls ses yeux bougeaient. Il ferma ensuite les yeux, continua son scan, mais il ne trouva rien. Alors il resta là, immobile, un grand moment, tâchant de se concentrer sur chaque iceberg présent sur la mer...

Il ne sentit pas la tempête se lever...s’en rendant compte, il se mit à courir, courir dans la direction du palais...la tempête devint de plus en plus violente, Sion ne voyait pas où il allait...puis tout devint noir...

D’un jumeau à un autre jumeau...

Au palais, Athena s’inquiéta bien évidemment du sort de son frère. Mais, comme elle le dit à Hilda, elle sentait qu’il était vivant. Hilda dit:

“ Il est peut-être tombé à la mer...

-Ce serait la meilleure chose pour lui...il y serait en sécurité parmi les Marinas... ”

Et elle décida d’attendre...Après tout, tant qu’elle sentait que Sion était vivant, et elle conserverait l’espoir jusqu’au bout...

La première chose que Sion comprit, dans un brouillard épais, fut ces quelques mots:

“ Maître, il a bougé, il va se réveiller...Que devons-nous faire ? Vous avez vu sa ceinture...

-Ne t’inquiète pas Nanny, prends soin de lui...je serai dans la grande salle... ”

Sion sentait son corps douloureux, et sa tête lui faisait un mal horrible. Où était-il ? la dernière chose dont il se souvenait était cette tempête...

Il bougea légèrement, et entreprit d’ouvrir les yeux, ce qui fut laborieux tant il lui semblait que ses paupières pesaient du plomb.

Quand il finit par y arriver, il s’assit dans son lit, et regarda autour de lui. La vieille servante assise à son chevet dit:

“ Ah, vous êtes enfin réveillé...vous l’avez échappé belle dans la tempête... ”

Sion, gêné, remonta son drap sur son torse nu. Puis il demanda, recollant ses idées:

“ Combien de temps ai-je dormi ? Et où suis-je ?

-Six heures...mais vous devriez encore vous reposer...vous êtes en sécurité...

-Je vais bien...je voudrais remercier la personne qui m’a sauvé... ”

La servante lui amena ses vêtements qui avaient séché devant le feu, l’aida à les enfiler et, silencieusement, le conduisit à travers de longs couloirs jusqu’au salon. Sion vit qu’il s’agissait indéniablement d’une demeure noble...

La servante ouvrit une grande porte, s’inclina et fit entrer Sion. La salle n’était éclairée que par quelques lanternes accrochées au mur, et par le feu qui brûlait dans l’âtre. Un fauteuil se trouvait devant le feu, et quelqu’un y était assis. Une voix lui dit:

“ Approchez, je vous en prie... ”

Sion, intimidé, s’executa et avança jusqu’au feu. La personne se leva alors. Il s’agissait d’un homme, environ la trentaine, un peu plus grand que lui, avec des cheveux verts coupés courts et des yeux mordorés magnifiques. Ses traits marqués attestaient sa grande expérience de l’existence, malgré son jeune âge.

.Il sourit légèrement, tendit la main et dit:

“ Bienvenue chez moi...

-Vous m’avez sauvé la vie...je vous remercie...

-Je ne pouvais pas vous laisser périr...vous n’avez pas l’habitude de notre climat, cela se voit...

-C’est vrai...je n’ai pas vu venir la tempête... ”

L’homme indiqua un siège à côté du sien, et Sion s’y assit...L’homme demanda:

“ Qu’est-ce qu’un garçon du sud comme vous vient faire dans nos contrées inhospitalières ?

-Je suis en mission, en quelque sorte... ”

L’homme écarquilla les yeux, attendit un instant et dit:

“ Je sens qu’il s’exhale de vous une puissance énorme...Etes-vous un chevalier d’Athena ?

-Non... ”

Sion se demandait comment cet homme pouvait bien sentir son aura et, utilisant son sixième sens, il vit derrière lui un tigre blanc. L’homme dit alors:

“ Oh, je manque à tous mes devoirs...mon nom est Bud, je suis le propriétaire de cette maison...

-Je m’appelle Sion...enchanté de vous connaître... ”

L’évidence frappa Sion comme la foudre : cet homme, par un hasard extraordinaire, se trouvait être un guerrier divin survivant...mais sa mère lui avait dit qu’ils étaient tous morts. Cela était peu plausible, mais il avait senti son aura tout de suite, seul un guerrier divin le pouvait...

Il se passa la main sur le front...:

“ Vous êtes...euh....

-Un Guerrier Divin, oui...mais vous, qui êtes-vous, je sens votre pouvoir... ”

Sion hésita, puis décida de lui faire confiance...il dit:

“ Je suis le fils de Poseidon et d’un chevalier sacré d’Athena... ”

Les yeux de Bud s’ouvrirent démesurément...mais il crut Sion, il sentait qu’il ne mentait pas. Le visage de Sion restait grave...Sion continua:

“ Oui, ma soeur jumelle et moi sommes venus ici sur ordre de notre père afin d’essayer de voir ce qui provoque la fonte des glaces...

-Vous avez une soeur jumelle ?

-Oui, elle est mon aînée, elle s’appelle Athena...elle est restée au palais... ”

Une grande tristesse passa dans les yeux de Bud, surprenant Sion. Il resta silencieux un bon moment...Sion baissa la tête, croyant avoir dit quelque chose qu’il le fallait pas, et masqua de sa main le trident gravé sur sa ceinture. Bud vit son geste et lui dit:

“ Vous n’y êtes pour rien...Voyez-vous, j’avais un frère jumeau autrefois, il est décédé pendant la guerre contre le Sanctuaire...Vous avez bien de la chance d’avoir votre soeur jumelle...

-Je le sais, Athena ne cesse de me protéger depuis que nous nous sommes retrouvés. La déesse Athena m’avait fait élever ailleurs, car mon aura était marine, je n’ai connu ma soeur qu’à l’âge de six ans. Depuis, elle veut toujours me protéger, fût-ce au mépris de sa propre vie... ”

Bud esquissa un léger sourire:

“ Alors protégez-la à votre tour, quand le temps sera venu... ”

Sion sourit...seul un autre jumeau pouvait le comprendre aussi bien. Il dit à Bud:

“ Je suis sûr que, d’où qu’il soit, votre frère veille sur vous... ”

Bud hocha la tête, et dit:

“ Partagerez-vous mon repas ? vous ne pouvez sortir tant que la tempête ne s’est pas calmée...

-Avec grand plaisir... ”

Bien que les deux aient une différence d’âge conséquente, environ dix-sept ans, ils s’entendaient à merveilles. Sion, bien qu’il n’eût pas encore douze ans, était très mûr pour son âge, et pouvait aisément soutenir une conversation...Bud, qui ne recevait pas beaucoup de visites et était assez renfermé du fait de son enfance difficile et des événements survenus lors de la bataille d’Asgard, trouvait cet adolescent intéressant. Et Sion était heureux de trouver enfin quelqu’un qui comprenne si bien ce qu’il ressentait depuis si longtemps...

Dès que la tempête se calma, Bud raccompagna Sion au palais, où il avait ses entrées comme Guerrier Divin, officiel à présent, ainsi que comme noble. Il salua Hilda avec beaucoup de déférence...Sion le remercia une seconde fois, et Bud reprit son cheval pour rentrer. Athena, rassurée sur le sort de son frère, se reposait...

Sion resta dans le salon, avec Hilda...Celle-ci dit:

“ C’est un miracle que vous ayez survécu...heureusement que Bud se trouvait là...

-Oui, en effet...il m’a de plus semblé très intéressant...vous avez connu son frère jumeau ? ”

Le visage d’Hilda pâlit impercetiblement, mais elle dit:

“ Oui, j’ai bien connu Syd...il était Guerrier Divin de Zeta lors de la dernière guerre...la tradition d’Asgard veut que, lorsque naissent des jumeaux, l’on n’en garde qu’un seul. Bud a donc été abandonné alors que son frère jumeau était élevé près de leur parents. Du coup, devenu lui aussi Guerrier Divin, j’en ai fait l’ombre de son jumeau...mais lui seul a survécu... ”

Cela semblait remuer au fond d’Hilda une émotion indicible. Sion la ressentit très fort, comprenant la souffrance du pauvre Bud obligé de suivre son jumeau sans que celui-ci connaisse son existence, aussi fort que lui mais condamné à l’ombre...Alcor et Mizar était double...c’était donc leur destin.

Elle demanda ensuite:

“ Vous voulez vous reposer ?

-Non, je vais bien. Cette histoire me bouleverse, elle me rappelle la mienne et celle d’Athena...comme je comprends Bud ! je ne sais pas comment je réagirais si ma soeur était morte et que je restais seul au monde... ”

Il secoua la tête et dit:

“ Revenons à la fonte des glaces...je n’y comprends toujours rien, c’est à devenir fou... ”

D’un geste rageur, il repoussa les mèches de cheveux qui retombaient sur son front. Hilda lui dit:

“ Cela ne nous menace pas pour l’instant gravement...

-Je sais, mais cela me fait toujours douter de mes propres pouvoirs, c’est dans mon caractère... ”

Sion avait une remarquable connaissance de lui-même pour un enfant de cet âge. Il était cependant bien plus grand qu’Hilda, qui ne dépassait pas le mètre soixante-cinq.

Bien qu’il se sentît bien, Sion avait cependant besoin de se reposer. Il regagna alors sa chambre, s’étendit sur son lit et ne tarda pas à s’endormir. Etant en pleine croissance, il avait souvent besoin de se reposer, et taisait soigneusement ses articulations douloureuses à ceux qui le gardaient, à sa soeur et à sa mère. Son corps avait du mal à suivre sa croissance exponentielle...

Quand il se réveilla, il expliqua ce qui lui était arrivé à sa soeur jumelle. Il la rassura sur sa santé et lui demanda comment elle se portait. Athena s’était inquiétée, il le sentait, mais, comme à chaque fois, elle n’en laissait rien paraître. Elle le protégeait toujours, s’oubliant elle-même à son profit, et se laissant enterrer au Sanctuaire alors que lui recevait une éducation de prince. Elle valait bien mieux que cela, il le savait, elle était aussi forte que lui, même si elle n’avait pas le même type de pouvoirs. Pourtant, elle vivait dans son ombre...princesse des Sept Mers au même titre que lui, elle ne méritait pas un tel sort. Cette fois, ce serait à lui de la protéger, et il verrait, au retour en Grèce, ce qu’il pourrait faire pour qu’elle ait une vie plus digne d’elle. Il en parlerait à la déesse et à sa mère. Athena méritait qu’on s’occupe d’elle aussi...Il n’avait pas besoin d’Illia et de Thétis en même temps, il insisterait que l’une d’elles veille sur Athena, vu que lui était gardé en permanence il estimait qu’Athena avait droit à la même chose. Même si il était l’héritier déclaré, elle avait droit aux mêmes égards que lui, ils étaient du même sang.

Réfléchissant ainsi, seul, assis devant le feu, il s’assoupit...et rêva. Il entendit un rire, qu’il connaissait déjà, des paroles confuses...

Se réveillant brusquement, comme secoué par un choc électrique, il resta debout devant le feu et hurla:

“ Nereus !!!! ”

Ce cri attira Athena, qui n’était pas loin, et Hilda, qui se trouvait dans son bureau. Athena secoua son frère:

“ Qu’est-ce qu’il y a ?

-Nereus...c’est lui...

-Tu es sûr ?

-Oui...je viens d’avoir un songe, où j’ai reconnu son rire... ”

Il avait du mal à parler, sa voix était saccadée. Il se tourna vers Hilda:

“ Il était dieu de la mer avant notre père...depuis que je suis enfant il veut me déposséder de mon pouvoir...nous l’avons affronté il y a peu de temps, mais je ne l’ai que blessé...il veut encore se venger, mais je ne peux accepter que ce soit aux dépends de votre royaume et de l’humanité entière...je dois l’arrêter, c’est mon devoir...qu’il me nuise à moi ne me dérange pas, mais je ne peux pas le laisser s’en prendre à d’autres personnes... ”

Athena s’interposa:

“ Je t’interdis d’y aller seul...s’il t’arrivait quelque chose maman ne me pardonnerait jamais...

-C’est de ne rien faire qu’elle ne me pardonnerait pas. Cette fois je dois agir seul, tu n’as pas eu mon entraînement, Athena, tu n’es pas en mesure de maîtriser le maniement des forces marines...moi je le peux, je l’ai appris... ”

Il s’avançait un peu, Thétis ayant seulement commencé à lui enseigner cela depuis peu de temps. Mais il fallait absolument que l’argument tienne, convainque Athena surtout. Cette fois, elle ne risquerait pas sa vie.

Il crut très fort en cet argument, et Athena accepta...Mais il dit:

“ Je ne peux pas cependant dire pour l’instant où il se trouve... ”

Il avança vers Hilda, et dit:

“ Je dois le provoquer pour qu’il se montre...mais ne vous inquiétez pas, je le combattrai suffisamment au large pour que votre royaume ne soit pas touché... ”

Il se redressa et posa la main sur sa plaque de ceinture:

“ Sur ce que je possède de plus cher, l’insigne sacré de mon père, je vous jure que votre royaume n’aura rien... ”

Hilda eut la bonne réaction, et, au lieu de rire de ce gamin quelque peu pénétré de son importance, elle dit:

“ Je te fais confiance... ”

Il était vrai aussi que ce n’était pas un adolescent ordinaire. Et elle lui faisait confiance, entièrement. Sur les épaules de cet adolescent en pleine croissance reposait le destin de son royaume, et partiellement du monde.

Sans mot dire, elle l’emmena dans son bureau et lui indiqua son trident. Sion le prit et dit:

“ Je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour nous...veillez sur ma soeur, je vous en prie...

-Oui, comptez sur moi...faites attention à vous... ”

Sion sortit de la pièce, jeta un regard sûr à sa soeur et sortit du palais. Il marcha jusqu’à la mer, et appela d’une voix forte:

“ Nereus ! ne te cache plus, je sais que c’est toi...cette fois nous combattrons à la loyale !! ”

En signe de défi, il leva son trident...Le fils de l’Empereur des Mers était en colère, des éclairs sortaient des pointes de son trident et balayaient la surface de la mer...sa partie divine ressortait, et gare à celui qui était l’objet de sa vindicte !