Chapitre 19 : Et de la mer vint la vie…

 

Une chambre aux rideaux tirés, à l'intérieur du palais du Sanctuaire sous-marin. En dehors, de part et d'autre de la lourde porte estampillée au trident, deux marinas aux aguets veillaient sur le sommeil du prince héritier du Royaume des Sept Mers.

Sion dormait dans son lit aux rideaux écartés. Parfois, des images affreuses lui envahissaient le cerveau, et il s'agitait dans son lit, provoquant l'inquiétude d'Illia, qui veillait à son chevet. De temps en temps, quand il transpirait trop, elle tamponnait son front avec un tissu humide.

Il revivait en cauchemar toutes les nuits son dernier combat, et cela inquiètait les généraux, car il se reposait à peine et se réveillait endolori et fatigué. Pourtant, il n'y pouvait rien, et 'disait' de moins en moins de choses. il restait assis des heures en dehors du palais sans faire un mouvement, son trident en main, et dormait beaucoup, sans qu'il fût vraiment possible de savoir s'il le faisait vraiment vu qu'il avait en permanence les yeux fermés. Mais son air défait qu'il essayait vainement de cacher parlait pour lui…

Cela préoccupait les généraux…et Sorrente décida d'en venir aux grands moyens. Dans un verre de lait, liquide que Sion affectionnait, il glissa quelques gouttes de pavot…Sion le but, bailla et finit par s'endormir sur son siège…Sorrente le prit dans ses bras et le porta dans son lit, puis s'assit à son chevet…Sion respirait calmement, et, le pavot supprimant les rêves, ne rêva pas du tout, il reposait tranquillement, un bras sur sa poitrine et l'autre le long du corps, et Sorrente sembla rassuré: cette fois il se reposerait vraiment. Il lui prit le pouls, qui était normal, et sourit de contentement…

Mais tout n'était pas gagné pour autant…Même s'il n'en parlait pas, Sorrente savait que Sion était très traumatisé par son handicap. Il n'avait pas encore douze ans, et il était condamné à vivre toute sa vie dans le noir si personne ne trouvait un moyen d'annuler le sort lancé par Nereus…mais jamais il n'avait regretté son combat, le monde était sauvé et, même si la révolte parfois le submergeait, il savait très bien que son action était nécessaire…

Son père venait le voir tous les jours, sa mère aussi, mais personne n'avait encore vu Athena venir rendre visite à son frère jumeau. Au Sanctuaire, elle s'entraînait, essayant de rattraper le temps qu'elle avait perdu…Pourtant, Sorrente soupçonnait qu'elle aussi n'allait pas bien, même si elle essayait de donner le change quand son père lui rendait visite, mais personne ne savait comment l'aider.

Sion aussi parfois acceptait mal les soins qu'on lui donnait et qu'il ne pouvait s'empêcher de trouver humiliants…Son corps était couturé de cicatrices, ce qui horrifiait Sorrente quand celui-ci l'accompagnait se laver. Pourtant, Sion essayait de tout faire par lui-même, refusant d'être dépendant de quiconque, s'aidait de son trident pour marcher et usait de sa cosmoénergie, qui était plus ou moins en sommeil depuis la guerre d'Hermès mais dont il se servait pour augmenter encore ses pouvoirs, pour situer les choses et les gens. Mais il sentait confusément que d'autres pouvoirs étaient nés pendant son affrontement avec Nereus, son pouvoir de lecture d'aura avait fortement progressé jusqu'à devenir quasiment instinctif…mais, pour l'instant, il n'avait pas le temps ni la force de voir quels étaient ces nouveaux pouvoirs, ni d'apprendre à les contrôler…

En permanence, six marinas l'entouraient, avec au moins l'un des généraux. On ne voulait plus prendre de risques et Illia et Thétis estimaient que le pauvre garçon avait assez souffert comme ça. Quand il manifestait son intention de faire quelque chose tout seul, elles le laissaient faire, tout en veillant sur lui discrètement.

Mû 'parlait' avec lui autant qu'elle pouvait, soucieuse de le faire s'exprimer au maximum, mais il devenait de plus en plus taciturne. Elle sentait clairement le mal-être de son fils cadet et, même s'il ne voulait pas en parler, sa crainte de rester infirme pour toujours. Pourtant, elle lui insufflait l'espoir qu'un jour, il verrait et parlerait à nouveau…mais s'effondrait en larmes dès qu'elle regagnait le Sanctuaire, bouleversée par la vue de son fils.

Sion sentait bien que sa mère n'allait pas bien du tout, et il essayait de la rassurer en se débrouillant au maximum tout seul et en lui disant souvent qu'il allait bien et qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. Il marchait longtemps dans le sanctuaire sous-marin tous les jours, essayait de courir, de refaire quelques exercices pour retrouver sa masse musculaire perdue par trois mois de coma et de nourriture par intraveineuse…cet optimisme rassurait Mû, qui recommença à aller mieux et à espérer. Mais Sion souffrait, ses cicatrices lui faisaient mal, certaines, moins bien cicatrisées, se rouvrirent même sous l'effort et ses muscles engourdis réagirent douloureusement. Il arrivait assez bien à dissimuler tout cela, jusqu'à ce que Thétis découvrît sur sa tunique, qu'il mettait en dessous de sa robe, de larges taches de sang et l'obligeât à un examen complet. Le médecin lui délivra une mercuriale magistrale et l'exhorta à encore se reposer, même si Sion protesta qu'il se portait très bien et qu'il voulait juste retrouver un peu de masse musculaire.

Mais Thétis, intraitable, ne cèda pas: il devait absolument se reposer. Sion en fut encore réduit à s'asseoir pendant des heures, sans rien faire, se contentant d'imaginer ce qu'il y avait autour et au dessus de lui vu qu'il ne l'a jamais vu avant son 'accident'. Il aimait entendre ses parents le lui décrire, et sourit même parfois…

Parfois, son père l'emmenait avec lui au dehors, respirer le bon air marin du Cap Sounion. Mû aurait aimé l'emmener avec elle à Jamir, mais elle était consciente qu'être sous la mer l'aiderait à se remettre plus vite…

Asgard…

Camus du Verseau observait son élève qui court dans la neige. Petit Camus avait encore pris quelques centimètres, et il ne faisait aucun doute qu'il aurait la silhouette longiligne des gens du nord. Dans quelques semaines il aurait dix ans, le 7 février, un jour avant son homonyme qui, lui, en aurait 33.

C' était un garçon très volontaire mais, depuis un petit moment, son maître sentait un changement en lui…

Il décida alors d'effectuer un test afin de voir ce dont il s'agissait, car il trouvait vraiment que Camus stagnait en ce moment, il avait cessé de progresser et se trouvait même presque à la limite de la régression: que se passait-il donc ? De plus, il devenait taciturne et renfermé…il voulait bien croire qu'il s'agissait du début de l'adolescence mais, au vu du cosmos de l'enfant, il y avait là autre chose de plus grave…

Le test en question était de conduire Camus dans un endroit retiré, et de le laisser seul effectuer l'exercice, casser une cascade gelée. Le lendemain, il mit en scène le test, dit qu'il retournait au château et observa le garçon de loin…Petit Camus, certain d'être seul, augmenta sa cosmoénergie à un point que même son père ne lui connaissait pas, et fracassa la cascade d'un seul coup, sans aucunement paraître fatigué à la fin…il se permit même un petit sourire de contentement.

Camus, médusé, observa cela et réalisa brusquement que son élève avait appris seul à cacher la vraie mesure de sa cosmoénergie, qu'elle n'avait pas régressé mais fortement augmenté et que l'enfant avait en fait peur de lui…il n'osait pas lui montrer ce qu'il savait vraiment faire de peur de se faire disputer une fois de plus.

Il décida alors de prendre les mesures qui s'imposaient. Il dit à Hilda que des affaires urgentes le rappellaient au Sanctuaire et qu'il devait donc laisser Camus seul…"Il s'entraînera tout seul, il en est largement capable maintenant", lui précisa-t-il.

Hagen avait commencé à s'entraîner aussi et avait découvert la grotte de son homonyme…il l'avait élue comme lieu de prédilection.

Un jour que les deux Camus s'entraînaient, peu avant le départ de Camus du Verseau, il voulut la leur montrer. Petit Camus, transpirant, étouffant, ne tint pas quinze secondes à l'intérieur et dut sortir précipitamment.

"Camus ! tu y retournes !", lui dit son maître

"Mais, maître, il fait trop chaud !

-Tu dois arriver à supporter d'autres climats !"

Voici le pauvre enfant obligé d'y passer trente secondes, puis une minute et enfin cinq minutes…Mais il se raccrocha à l'idée qu'il serait seul pendant quelques temps, débarrassé de son maître qu'il n'était pas loin de détester. Il ne comprenait pas d'ailleurs pourquoi son père l'adorait autant, et l'avait vite déboulonné de son piédestal.

Camus partit donc le lendemain non pour le Sanctuaire mais pour Blue Graad. A Hyoga il expliqua le fond du problème, et lui révèla que petit Camus était bien plus puissant que ce qu'il veut bien laisser filtrer. Malheureusement, s'il avait réussi à acquérir seul la capacité de masquer sa vraie mesure de cosmos, il ne parvenait pas à empêcher ses émotions de passer dedans, et cela le chagrinait très souvent car son père et son maître lisaient en lui comme dans un livre ouvert. Hyoga écouta soigneusement tout ce que Camus lui dit, et, si certaines choses ne l'étonnèrent guère, la seule qui l'étonna fut le fait que son fils soit déjà si puissant au bout d'un an d'entraînement…

Mais Camus continua à s'entraîner…libéré de son maître, ses pouvoirs qu'il s'épuisait à garder en lui depuis un moment purent enfin s'épanouir à leur vraie mesure…au grand étonnement de son cousin Hagen, qui ne le croyait pas si puissant. Camus redevint plus ou moins le garçon doux et sociable qu'il était avant, à la grande joie d'Hilda et Freya, qui sans le dire étaient inquiètes pour lui…

Le Sanctuaire…

Athena, attendant que son maître veuille bien se souvenir d’elle, était assise tranquillement sous un arbre, cherchant un peu d’ombre....Mais, si elle paraissait calme en apparence, son esprit bouillait. Depuis la découverte de la cécité et de l’aphasie de Sion, Athena ne cessait de se reprocher de n’avoir pas agi...Il semblait que sa mère pensât la même chose, puisqu’elle n’était pas venue la voir depuis un bon moment...

Si Sion ne recouvrait pas ses sens perdus, alors Mû aurait une bonne raison de ne plus jamais lui parler...

Voyant que son maître ne revenait pas, elle commença à marcher un peu...Incapable de se retenir, elle sentit quelques larmes couler sur ses joues, et donna un violent coup de pied contre un malheureux caillou qu’elle atomisa. Elle n’en pouvait plus ! toute cette pression accumulée depuis des semaines sortait enfin, et elle tomba à genoux...

Une voix mâle dit soudain:

« Mon Dieu, Athena, qu’est-ce que tu as ? »

Il s’agissait d’Aioros, chevalier d’or du Sagittaire. Il la mit assise, et dit:

« Qu’est-ce qui se passe ? Ton frère va plus mal ? »

Athena mit une bonne dizaine de minutes pour enfin réussir à répondre:

« Non, il ne va pas plus mal... »

Aioros dit:

« Tu peux me parler, si tu veux... »

Déjà une fois, Athena avait pu apprécier les talents de psychologue d’Aioros. Elle dit:

« Je n’ai pas agi...je n’ai pas aidé Sion ! j’aurais pu le suivre à distance, au moins le dissuader !

-Il t’avait dit qu’il voulait agir seul...c’était à lui de décider...

-Et maman me considère comme responsable, vu qu’elle ne vient même plus me voir !

-Je ne crois pas...Athena, ta mère traverse une passe difficile, elle doit faire le point sur certaines choses, et cela elle doit le faire seule...ne t’inquiète pas, je ne pense pas qu’elle te considère comme responsable des infirmités de ton frère...je la connais bien, tu sais... »

Aioros eut un sourire triste. Athena dit alors:

« Je vous vois souvent ici...vous n’avez pas l’air bien vous non plus... »

Aioros sourit un peu plus largement, et dit:

« Tu ne pourrais pas comprendre...tu es trop jeune...

-Je ne pense pas...si mon corps grandit plus vite, il semble que mon esprit aussi...alors imaginez que j’ai quatorze ans, pas onze...je veux vous aider, comme vous le faites pour moi... »

Alors Aioros dit:

« J’ai quitté le Sanctuaire pendant longtemps, et j’étais content de retrouver mon frère...je suppose que tu es au courant ?

-Lui et Marine ? Oui, depuis très longtemps, quasiment depuis mes premières années...c’est quasiment un couple légitime tacite maintenant....

-Oui...j’ai toujours peur de le déranger, et je me sens inutile...

-Si tu allais voir la déesse ? Je pense que tes capacités seraient fort utiles, je crois que Sion du Bélier t’avait choisi pour son successeur, il y avait une raison...

-J’ai perdu une partie de ces capacités, Athena, je suis plus celui que j’étais autrefois...c’est peut-être mon séjour au royaume d’Hadès...

-Il ne faut pas te laisser abattre...va voir la déesse, quand j’ai un problème je vais toujours la voir... »

Et elle appuya son affirmation d’un de ses plus jolis sourires. Aioros sourit lui aussi:

« Tu es aussi fine et futée que ta mère...Je vais suivre ton conseil, et, si tu as besoin de parler, n’hésite pas...

-Pareil pour toi...je veux t’aider parce que tu m’aides... »

Athena entendit soudain crier son nom, c’était Shaina qui la cherchait. Elle agita la main et dit:

« Je suis là ! »

Shaina arriva en courant, s’arrêta et dit:

« Ton maître te cherchait...

-J’avais besoin de marcher, merci de vous êtes dérangée... »

Shaina, reconnaissant Aioros, s’inclina et dit:

« Merci d’avoir pris soin d’elle... »

Et elle l'emmena auprès d'Aphelia…Celle-ci lui dit:

"Où étais-tu ? "

Mais Athena ne répondit pas. Aphelia lui fit signe de la suivre, Athena s'exécuta sans dire un mot…Aphelia était inquiète pour elle: depuis quelques semaines, Athena était très silencieuse, avait perdu son impulsivité…que s'était-il donc passé ?

Ce fut Shaina qui lui donna la réponse qu'elle attendait en lui signalant que le frère jumeau d'Athena s'était réveillé de son coma aphasique et aveugle. Aphelia comprit alors la raison profonde de la déprime d'Athena…elle l'emmena le lendemain avec elle hors du Sanctuaire, et lui dit:

"J'ai pensé que tu avais besoin de dépaysement ces temps derniers…j'espère que ton frère jumeau ira mieux bientôt…"

Et elle lui sourit. Athena, étonnée, écarquilla les yeux mais finit par sourire timidement. Aphelia sourit un peu plus et dit:

"Allons, viens, nous allons faire un exercice qui j'en suis sûre te sera très utile. Il s'agit de lecture d'aura…"

Athena n'avait pas développé ce pouvoir au même titre que Sion. Cet exercice ne demanderait pas beaucoup d'énergie à Athena, et Aphelia le savait. Elle l'emmena dans une petite crique, et lui demanda d'essayer après lui avoir expliqué l'objectif de l'exercice.

Athena s'assit dans le sable, ferma les yeux et se concentra sur les auras proches…mais se produisit alors quelque chose dû à la proximité de la mer et à la concentration d'Athena. Sous les yeux de son maître, elle se retrouva entourée d'une petite aura bleue, du même bleu qui constituait la moitié de son aura de naissance…

Tentant de conserver son calme pour faire disparaître cette aura vraiment malvenue, elle n'y parvint pas, et la mer commença à clapoter furieusement sous les yeux d'Aphelia. Athena respira un grand coup, retrouva son calme, et la mer redevint d'huile. Mais l'aura, elle, ne disparut pas…Elle se leva et regarda son maître avec tout le contrôle qu'elle put…

Aphelia lui dit:

"Que fait donc un marina au milieu des chevaliers sacrés ? "

Athena garda le silence, ne voulant ni ne pouvant rien dire. Aphelia dit alors:

"Rentrons, nous allons soumettre ton cas à la Déesse…"

Athena consentit alors à dire:

"Elle est au courant…je suis à moitié chevalier sacré, c'est pour cela que je ne représente pas un danger pour le Sanctuaire…ce que vous venez de voir là n'est que mon côté marin qui s'éveille en ce moment, sans prévenir…mais je ne suis pas dangereuse pour le reste du monde…

-Tu comptes me faire croire ça ? Et ton frère jumeau qui porte le trident de Poseidon ? et le médaillon au trident que tu portes à ton cou et que tu tentes de dissimuler ? "

Athena, qui avait enfin réussi à maîtriser son aura, s'obstina dans son silence, sachant qu'elle ne pouvait rien dire. Aphelia la ramena au Sanctuaire, et l'emmena directement voir la déesse…Celle-ci les pria d'expliquer ce qui s'était passé…Athena dit alors:

"Quelque chose qui vraiment ne m'était jamais arrivé…une aura bleue pure s'est formée autour de moi, et j'ai senti un nouveau pouvoir apparaître que je ne sais pas encore définir…malheureusement, je n'ai plus réussi à contrôler l'autre pouvoir, et la mer a commencé à s'énerver…"

La déesse savait qu'Athena avait déjà le pouvoir de calquer son humeur sur la mer, et comprit exactement ce qui lui était arrivé. A la proximité de la mer, les pouvoirs marins en sommeil d'Athena s'étaient réveillés, d'où cette manifestation impromptue…après tout, Athena, bien qu'elle possédât moins de pouvoir marin que son frère, était aussi la fille de Poseidon.

Mais comment endormir maintenant la méfiance d'Aphelia ? Il est vrai que jamais ce genre d'incident ne s'était encore produit en sa présence, Athena retenant ses pouvoirs parfaitement bien maintenant. Il était temps de dire une partie de la vérité à Aphélia…

La déesse laissa Athena terminer, et laissa Aphelia parler:

"Athena est une marina, Altesse, j'en étais sûre ! Vu que son frère avait le trident de Poseidon et qu'elle porte au cou un médaillon frappé lui aussi de ce trident, ce ne pouvait être autre chose…"

La déesse jaugea Aphelia, elle pouvait lui faire confiance, c'était l'une des plus droites et plus honnêtes femmes chevaliers doublée d'une femme d'honneur…elle les regarda un moment, et commença à l'intention d'Aphelia:

"Tu as déjà rencontré Julian Solo, le père d'Athena et de Sion, n'est-ce pas ? tu n'as rien senti ?"

En y réfléchissant bien, Aphelia avait bien senti quelque chose s'exhaler du corps de l'armateur, mais n'y avait pas accordé d'attention, persuadée d'être influencée par le charme de l'homme.

Elle répondit:

"Rien que je ne connaisse, Altesse…"

La déesse continua:

"Il existe des humains dont le destin se confond avec celui des dieux, c'est son cas…Julian Solo est le réceptacle de ce qui reste libre de l'âme de Poseidon, l'empereur des Sept Mers…"

Le tonnerre s'abattant sur Aphelia ne l'aurait pas plus étonnée…elle regarda Athena et dit:

"Alors…Athena…est…

-Une demi-déesse, oui…", acheva la déesse Athéna.

Aphelia observa Athena un petit moment. Nonobstant sa taille anormale, Athena avait l'air bien humaine, aussi humaine que tous les apprentis du Sanctuaire. Mais ainsi s'expliquaient tout un tas de choses qui paraissaient à l'origine inexplicables sur ses pouvoirs…

Aphelia continua, disant à Athena:

"Ainsi c'est la raison pour laquelle ton frère possède le trident de Poseidon…c'est un demi-dieu lui aussi…

-Oui…Sion a reçu de notre père le trident et a été déclaré prince héritier du royaume des Sept Mers. "

Aphelia dit alors, sur un ton plus amène:

"Je ne sais plus quel ton utiliser…comment dois-je t'appeler ?"

Athena sourit, d'un sourire si humain, et dit:

"Rien ne change, je ne supporte pas, de toute façon, comme le font quelques généraux, que l'on m'appelle 'majesté' ou 'altesse' ou même 'princesse'…je préfère mon prénom…"

Et elle s'inclina doucement en disant:

"Vous restez mon maître, et à ce titre, je vous dois le respect…alors restez telle que vous êtes, et ne me traitez pas différemment…"

Aphelia ignorait qui était sa mère, sinon elle aurait sans doute fait le rapprochement entre Mû et sa fille. Toutes deux avaient le même caractère aimable…

En sortant de la salle d'Athena, Aphelia regarda Athena et dit:

"Je m'attendais à tout sauf à cela…ainsi tu es la fille de Poseidon…

-Aussi bizarre que cela puisse paraître, oui…

-J'aurais dû faire le rapprochement entre ton frère et ton père…ils se ressemblent beaucoup…

-Oui…"

Pourtant, Athena, dans sa vieille tunique, de la poussière sur le visage et ses vieilles sandales, n'avait pas du tout l'air d'une princesse ou d'une demi-déesse.

L'entraînement se poursuivit donc de façon normale pour Athena. Shaina fut informée qu'Aphelia savait maintenant une grande partie de la vérité, mais qu'elle ignorait encore l'identité de la mère des jumeaux.

Pourtant, malgré son entrain, Athena inquiétait Aioros…il avait quelques dons de psychanalyse, et devinait très bien ce qu'elle pouvait ressentir…

Le lendemain, il alla lui rendre visite, au camp d’entraînement. La petite se sentait souvent négligée, même si elle répugnait à le dire, même si certains chevaliers d’or venaient de temps en temps la voir...Il donna congé pour une heure à Aphélia de l’Octant comme son autorité de chevalier d'Or le lui autorisait, et demanda à Athena:

« Comment ça va aujourd’hui ?

-Oh, comme tous les autres jours...je ne sais pas à quoi va servir tout cet entraînement, alors je ne me force pas...mon père trouvera bien quelque chose à faire pour moi dans son sanctuaire, vu qu’il paraît que je ne peux ni avoir une armure sacrée, ni une écaille de mer... »

Mais elle dit cependant:

« Mais c’est normal qu’ils s’inquiètent tous pour Sion en ce moment, moi aussi je m’inquiète pour lui, vu que je suis liée à lui j’en sais plus que les autres sur son état...Il ne perd pas espoir, c’est ce qui compte...

-Lui as-tu parlé ?

-De moi ? Oh non, je ne veux pas l’ennuyer, il a bien assez de soucis comme ça...

-Tu ne dois pas rester seule dans des conditions pareilles...viens avec moi... »

Il alla voir son maître, et demanda:

« Je voudrais la prendre avec moi une journée, demain par exemple, pour qu’elle rende visite à son frère jumeau...est-ce possible ? »

Aphélia s’inclina légèrement, et dit que oui, c’était possible. Athena dit:

« Mais, si maman est là....que vais-je lui dire ?

-Ne t’inquiète pas pour ça... »

Comme il l’avait promis, il passa la prendre le lendemain...Entretemps, Athena avait prévenu Thétis qu’elle viendrait. Celle-ci les emmena, elle et Aioros, dans le Sanctuaire sous-marin. Elle les conduisit à la chambre de Sion. Il était assis près de son lit, et tourna son visage vers Athena avant de lui dire télépathiquement:

« Athena ! quelle surprise ! »

Elle prit son frère dans ses bras, en évitant de fondre en larmes, et dit:

« C’est grâce à Aioros que je suis ici...je suis venue m’excuser..je t’ai laissé, c’est impardonnable !

-Je t’ai dit de me laisser, c’est ma faute...allons, ne pleure pas Athena ! »

Mais elle ne pouvait s’en empêcher. Une fois le flot de larmes tari, Sion dit télépathiquement à Aioros:

« Assieds-toi Aioros...merci d’avoir accompagné ma soeur...

-De rien...elle en avait besoin, elle se faisait tellement de souci !

-Elle se fait toujours trop de souci pour moi... »

Mû entra alors, et vit le spectacle de ses deux enfants se tenant par la main. Athena pâlit en la voyant, et se recula. Mû salua Aioros:

« Quelle surprise ! Tu as accompagné Athena ?

-Oui, elle se languissait de revoir son frère jumeau, elle n’allait pas très bien... »

Mû s’approcha de sa fille, et mit sa main sur son front:

« Tu vas bien ? »

Athena leva des yeux pleins de larmes vers sa mère:

« Maman...j’ai voulu aider Sion, je te le jure... »

Et elle baissa la tête. Mû releva gentiment sa fille et dit:

« Mais je le sais...Sion me l’a dit...je sais, je t’ai peu vue ces dernières semaines, mais j’avais un certain nombre de choses à régler...Allons, arrête de pleurer ! »

Alors Athena se précipita dans les bras de sa mère:

« Maman ! »

Mû serra sa fille dans ses bras, et l’embrassa....Tout comme elle-même, Athena avait quelques problèmes...Mais elle-même avait réussi à en sortir plus ou moins, et elle devrait être maintenant présente pour sa fille. Athena se sentait coupable, et seule, il est vrai qu’elle ne la voyait pas très souvent...mais elle eut le sentiment qu’elle avait besoin d’elle. Pas dans la même mesure que Sion. Bien sûr, il était son fils cadet, maintenant aveugle et aphasique, mais toujours très entouré par ses généraux. Elle, Athena, avait toujours voulu protéger son frère jumeau, et n’avait personne pour elle...sauf peut-être Aioros, qui avait si bien su voir son problème. C’était son rôle de mère pourtant...

Elle la fit asseoir à côté de Sion, et Athena prit le bras de son frère jumeau. Sion fermait les yeux, ne voulant pas exposer à tout le monde sa pupille désormais blanche. Il ne disait plus rien, conscient du malaise de sa soeur. Mû demanda à Aioros:

« Et comment vas-tu ?

-Très bien... »

Et il lui sourit...

Athena disait télépathiquement à son frère:

« Jamais plus je ne te lâcherai, Sion, même si tu m’interdis de venir avec toi je viendrai quand même !

-Non, Athena...tu as ton destin, je ne veux plus que tu te sacrifies à cause de moi...je m’en sortirai, à force de volonté...je sais que je reverrai un jour, et je vais tout faire pour cela... »

Et il embrassa sa soeur, encore proche des larmes. Mû sourit à sa fille et lui dit:

« Ne t’inquiète pas pour lui, il va très bien, nonobstant les quelques séquelles et cicatrices résiduels...vos généraux veillent bien sur lui... »

Et elle appuya ses affirmations d’un second sourire...Sion fit venir Thétis, qui embrassa chaleureusement Athena et prépara du thé pour tout le monde. Sion dit à sa sœur, toujours télépathiquement:

« Je me sers de mon cosmos pour me diriger, c’est pour cela que je sais exactement où tu te trouves...Thétis et Illia prennent soin de moi...je voudrais que Sorrente puisse aussi te garder...

-Mais je n’en ai pas besoin...personne ne s’attaquera à moi au milieu du Sanctuaire...je préfère qu’il reste avec toi et essaie de trouver un moyen de te rendre tes sens perdus...

-Il cherche déjà...ne t’inquiète pas pour moi, je sais me défendre... »

Les deux jumeaux se tenaient la main...cette épreuve avait resserré leurs liens jusqu’alors un peu détendus, et ils étaient à nouveau en symbiose comme au temps de leur vie intra-utérine. Aioros dit à Mû:

« Tu peux être fière de toi, et fière d’eux...

-Je sais...j’en suis fière, et je sais qu’ils le savent... »

Aioros n’ajouta rien, conscient que Mû avait beaucoup de mal à exprimer ces choses-là...

Il ramena Athena au Sanctuaire trois heures plus tard. Elle ne dit rien de tout le trajet de retour, et le remercia chaleureusement de toute la peine qu’il avait prise.

Le lendemain, Athena, au réveil, trouva une lettre de Chine. Doko, entraîné par Doko de la Balance et par son père, voulait lui témoigner sa sympathie pour ce qui s'était passé, et s'excusait de réagir si tard. Il lui disait aussi qu'il se portait bien, et que son entraînement progressait bien, si bien qu'il espérait obtenir l'armure du Dragon dans quelques mois. Pour avoir vécu à Rozan, elle savait que l'épreuve pour obtenir cette armure était d'inverser le cours de la cascade…

Il lui envoyait également une photo de sa famille. Vu qu'elle ne l'avait pas vu depuis un an elle le reconnut à peine: il avait vraiment grandi, et ressemblait maintenant à une réplique de son père en plus jeune…il écrivait aussi qu'il comptait accompagner son père au Sanctuaire dans quelques mois, et qu'il espérait la voir et pouvoir rendre visite à Sion.

Athena lui répondit qu'elle serait très heureuse de le voir, et le priait de bien vouloir transmettre ses salutations à son maître et à sa famille…

Elle avait gardé des liens avec les autres enfants de chevaliers, et voyait Saori à chaque vacances…Petit Shaka était toujours en Inde, elle en recevait des nouvelles assez régulièrement. Son entraînement était dur et la discipline du temple ne souffrait aucune exception mais il le prenait avec philosophie, disant que finalement il ne voyait plus la différence entre les jours de jeûne et les jours où il mangeait normalement. Devenant le futur chevalier d'Or de la Vierge, cela ne l'empêchait pas de garder son humour. Il avait envoyé à Athena ses meilleurs souvenirs et ses meilleurs vœux de convalescence pour Sion en même temps que Shaka de la Vierge…

Celui dont elle avait le moins de nouvelles était Camus, mais elle savait pourquoi. Son entraînement était très dur, elle avait pu le voir à Asgard, et son maître inflexible, mais il avait trouvé le temps de venir visiter Sion pendant son coma. Elle savait qu'il ne serait jamais aussi insensible que l'était son homonyme, et espérait qu'il serait un très bon Chevalier d'Or du Verseau…