Chapitre 22: Expériences…
L'émergence du Dragon…
Doko regardait avec toute la concentration dont il était capable la cascade qui coulait calmement. Aujourd'hui était le jour de vérité: Son maître avait estimé qu'il était prêt à tenter la grande épreuve. Contrairement à son père Shiryu, Doko avait quelques prédispositions, son cosmos s'était réveillé plus tôt, ce qui avait réduit son temps d'entraînement. A onze ans, presque douze, il ressemble beaucoup à son père, dont il a les yeux et les cheveux noirs, mais les traits doux de son visage évoquent celui de sa mère.
Doko laissait ses yeux bleu-gris métallique errer sur la cascade, l'adjurant de lui donner sa force et de faire de lui son défenseur…la couleur de ses yeux se transforma, semblant ne faire plus qu'un avec la cascade…
Dissimulé mais néanmoins à la vue de toute la scène, Shiryu observait son fils. Doko restait immensément calme, comme l'eau qui coulait devant lui, pas un muscle de son corps ne tremblait…serait-il digne aujourd'hui de devenir l'incarnation du Dieu Dragon, qui d'un coup de sa queue déchaîne sa colère ? Shiryu en avait l'intime intuition, et pensait, tout comme Doko de la Balance, que le jour était venu…dans quelques minutes, il ne serait sans doute plus le porteur de l'armure du Dragon…
Il avait éloigné Shunrei et Shura, ne souhaitant pas qu'elles assistent à l'épreuve de Doko…il savait que Shunrei, bien qu'elle s'accommodât de la situation par force, n'avait jamais accepté le destin de son fils aîné.
En attendant, il observait son fils, cette réplique de lui-même, sa chair et son sang, se préparer pour l'épreuve auquel il avait été soumis il y avait bien longtemps. Le Vieux Maître lui aussi y pensait…Shiryu était plus âgé, mais Doko était presque plus puissant que lui à l'époque, possédant déjà sa cosmoénergie en éveil. Il avait accompli les mêmes gestes, et l'avait également mis en garde contre les inconvénients de cette charge…mais il savait que petit Doko était fait pour porter cette armure, c'était son destin, il l'avait lu dans ses yeux, alors qu'il n'était qu'un nourrisson…mais Doko survivrait-il à l'épreuve ?
L'adolescent avait fermé les yeux, et les deux hommes pouvaient sentir l'augmentation progressive de sa cosmoénergie. Doko semblait être prêt…
Ouvrant ses yeux, il décolla soudain, et heurta la surface de la cascade…mais rien ne se produisit…Ni Shiryu ni son maître ne dirent rien, laissant l'adolescent faire son propre choix. Doko retomba sur l'éperon rocheux, et resta debout devant la cascade un petit moment. Puis, dans un grand cri, il laissa son aura fuser hors de lui et décolla à nouveau…dans une longue traînée bleu-vert, il frappa la cascade…le silence se fit soudain, le temps parut suspendu quelques secondes…et, dans un grand fracas de pierres cassées, la cascade inversa son cours, remontant vers les étoiles d'où elle venait depuis la nuit des temps.
Doko retomba sur l'éperon rocheux, haletant…il avait vaincu la Nature ! il se sentit soudain vaciller, comme si la lourdeur de sa tâche l'investissait soudain…
De la cascade sortit alors un faisceau de lumière bleu-vert, et l'armure du Dragon apparut dedans. Agissant de son propre chef, elle sortit de son urne et revêtit le garçon…
Ni Shiryu ni son maître n'avaient encore dit un mot, conscients de l'importance de l'instant pour Doko. Puis Shiryu s'approcha et dit à son fils:
"Tu as réussi…c'est toi qui porteras cette armure à présent, elle t'en a jugé digne…je suis fier de toi, mon fils…"
Puis le maître parla:
"Tu iras au Sanctuaire dès demain, te présenter à la déesse Athena. Tu es le premier de la nouvelle génération de chevaliers de bronze, elle doit le savoir…"
Doko, qui se sentait un peu fatigué, hocha juste la tête…son enfance venait brutalement de prendre fin, mais il ne s'en plaignait pas, il se sentait fort, et capable d'accomplir sa mission…
Sibérie Orientale…
Camus du Verseau regarde son élève. Il sait que l'enfant est devenu plus fort, mais il sent encore qu'il retient une partie de sa force. Pourtant, il devrait être fier de la lui montrer…
Pour le couper quelque peu de sa famille, toujours convaincu qu'un chevalier ne doit pas avoir de sentiments, il l'a amené là, en Sibérie de l'est, dans son fief…en effet, c'est là qu'il a entraîné Isaak et Hyoga autrefois.
Mais petit Camus résiste, il ne plie pas…le climat est presque identique à celui qu'il a toujours connu, et il joue de cette similitude.
L'enfant veut survivre à tout prix…mais il s'épuise, et Camus est inquiet, même s'il ne veut pas l'admettre…il pensait au départ que le sort de l'enfant lui était indifférent, il découvre qu'il se trompait lourdement. Il a du mal à se l'avouer, mais l'enfant a du prix à ses yeux…
Souvent, il le regarde dormir, enveloppé dans une fourrure, devant le feu. Mais cette nuit-là, alors qu'il se repose sur son lit, quelque chose l'éveille. Se redressant sur sa couche, il voit que la fourrure est poussée de côté, l'enfant a disparu.
Il entend le blizzard qui souffle en dehors de la petite isba. Même si petit Camus est habitué au froid depuis sa naissance, il ne survivra pas très longtemps dans la tempête.
N'ayant cure du froid, qu'il sait être son allié, Camus sort de l'isba et s'arrête, tentant de repérer l'enfant à l'écho de sa cosmoénergie. Suivant l'écho qui s'en dégage, il marche un bon moment au milieu des bourrasques de neige et finit par le retrouver, debout devant une falaise de glace. Aucune neige ne le recouvre, et son aura se dégage de lui. L'enfant ferme les yeux, et se concentre. Puis une soudaine douleur tord ses traits, et il tombe à genoux tandis que son aura à pleine puissance fuse hors de lui. Il est arrivé à l'extrême limite de la retenue de ses réels pouvoirs…
Il souffre, aussi ne fait-il pas attention à la présence de son maître. Camus ne fait pas un mouvement pour aider son disciple, même si au fond de lui il est très inquiet, il sait que l'enfant risque sa vie…mais son intuition, cette petite voix qui lui parle intérieurement, sait qu'il résistera…
Camus hurle maintenant sa douleur, tandis que son aura fuse encore hors de lui. Son corps d'enfant a du mal à résister à cette terrible pression accumulée depuis tant de mois, et qui se libère soudain. Mais il veut vivre, ce n'est pas une crise de pouvoir qui tuera en lui sa volonté…
Tout cela dure environ un quart d'heure, puis l'enfant drainé finit par tomber dans la neige. Camus s'approche alors, prend délicatement l'enfant dans ses bras, sans mot dire, et le ramène à l'isba. Il l'enveloppe dans sa propre couverture, et l'allonge sur le lit en murmurant:
"Qu'as-tu voulu me prouver par là ? Que tu pouvais me faire peur ? Petit imbécile !"
Et dans cette phrase est contenue toute l'inquiétude et la tendresse dont Camus est capable. Il s'assied près du lit, et attend, veillant l'enfant qui repose, plongé dans un semi-coma. Il se sent quelque peu coupable, il aurait dû voir plus tôt que Camus avait acquis seul cette capacité à retenir ses pouvoirs. Mais pourquoi l'avoir fait à ce point, en sachant pertinemment que cela pouvait le tuer ? Camus avait toujours eu l'intuition que son élève le craignait, mais que ce fût à ce point l'étonnait fort.
Alors Camus, inquiet mais inaltérable, attend, ranimant le feu à intervalles réguliers alors que la tempête fait rage à l'extérieur…
Camus resta quatre jours dans un coma semi-profond, puis commença doucement à en émerger dès le cinquième jour. Il bougeait, comme plongé dans un délire, des bribes de mots de sa langue maternelle lui sortaient des lèvres, mais il ne se réveillait pas. Il reprit conscience à l'aube du septième jour…Camus, qui avait à peine dormi pendant tout ce temps, le regarda mais aucun sourire ne vint sur ses lèvres pour marquer son soulagement.
L'enfant battit des cils, ébloui par la lumière, puis referma aussitôt les yeux. Camus ne dit pas un mot…
Puis il se redressa, et regarda autour de lui en se frottant les yeux. Camus dit:
"Ca va mieux ? La prochaine fois tu y réfléchiras à deux fois avant d'essayer de garder tous tes pouvoirs en toi…"
Puis il se détourna, et sortit…sur le pas de la porte il se retourna et dit d'un ton bougon:
"Repose-toi…"
Petit Camus resta là, à s'interroger. Son maître ne lui avait rien de dit de plus, pas un mot de reproche…Peut-être le comprenait-il, était-il plus humain qu'il ne l'avait toujours pensé…ne voulant pas se poser plus de problèmes qui l'auraient sans doute mené trop loin, il s'endormit…
Camus, lui, était assis au bord de la mer, pas un muscle de son corps ne bougeait…ce qui venait d'arriver remettait quelque peu en cause son enseignement, quelque effort qu'il fît pour se convaincre du contraire. Comment expliquer à Hyoga cela ? Il décida d'attendre et de voir, voir l'évolution de l'état de santé du petit avant de prendre quelque décision…il n'y avait rien de plus à faire pour l'instant…
Le Sanctuaire…
"Ouch!"
Athena venait une fois de plus de s'étaler au sol, manquant encore de vitesse. Aphelia lui tendit la main et dit:
"Tu as encore des progrès à faire…"
Athena se remit debout, et épongea le peu de sang qui coulait d'une estafilade sur son bras droit. Comme celui de son jumeau, son corps était couvert de cicatrices plus ou moins bien cicatrisées…Aphelia en était parfois horrifiée mais il n'y avait rien à faire…
Athena tentait de gagner encore de la vitesse, mais elle ne savait jamais dans quelle force puiser…elle évitait délibérément de le faire dans sa force marine, ne voulant pas provoquer une catastrophe qui attirerait l'attention sur elle au Sanctuaire…elle se contentait de progresser et d'apprendre tout ce qu'elle pourrait…
Le Cap Sounion…
Au même moment, Sion faisait lui aussi l'expérience d'une chute, provoquée dans son cas par son maître. Sorrente lui dit:
"Tu as à nouveau de la puissance, mais tu manques encore de vitesse…c'est compréhensible…"
Sion avait perdu pas mal de ses capacités lors de son coma et de sa convalescence, il les retrouvait lentement, à son rythme. Mais il se portait bien, ce qui rassurait tout son entourage, à commencer par Thétis et Illia. Son corps continuait, plutôt reprenait, sa croissance normale, et ses pouvoirs grandissaient encore, ils atteindraient bientôt un point qu'ils n'avaient jamais atteint. Mais Sion, en tant que prince héritier, devait pouvoir se battre seul et défendre sa vie le cas échéant, et Sorrente pensait vraiment qu'il manquait de vitesse et d'assurance dans ses attaques. Il était capable de faire de grandes choses, qu'il ait vaincu Nereus le prouvait assez, mais il devait encore apprendre beaucoup…Sorrente savait cependant qu'il ne devait pas aller trop vite, sinon l'organisme déjà beaucoup sollicité de l'adolescent ne résisterait pas. Il n'avait pas encore retrouvé toute sa masse musculaire…Sion avait déjà sa morphologie d'adulte, mais Sorrente pensait qu'il grandirait encore un peu, par paliers…le seul problème était qu'il difficile de savoir exactement jusqu'à quel niveau, sa nature semi-divine rendant cela imprévisible.
Sion s'assit à terre, et désigna les rochers qui entouraient le cap:
"Je réclame une pause…là-bas !"
Sorrente fit un geste vague d'acceptation, et alla s'asseoir sur les fameux rochers, où vint le rejoindre Sion, tout suant. Il était torse nu, et, sur sa peau à nouveau bronzée, ressortaient les traces blanches de ses cicatrices. Mais Sion ne s'en formalisait pas, il n'y faisait même plus attention…pourtant, la vision de ces cicatrices rappelait durement à ses généraux ce qu'il avait vécu, mais lui avait choisi de les voir comme quelque chose de positif, comme la victoire du Bien sur le Mal et le fait que la vie vainc toujours. Il était vivant, c'était l'essentiel…
Sion regardait la mer, et la couleur de ses yeux changea, se mêlant à celle de la mer calme, si calme…Il n'avait que quelques paillettes de la couleur bleu-vert caractéristique de son père en temps normal mais, lorsqu'il regardait la mer, la couleur de ses yeux changeait, passant du violet fonçé au bleu-vert complet…Il ne disait rien, semblait s'imprégner de la puissance de la mer comme il le faisait si souvent. Elle lui était nécessaire physiologiquement…
Sorrente trouvait Sion plus taciturne depuis qu'il avait recouvré ses sens, mais cela ne l'étonnait pas, il le savait marqué à vie par ce qui lui était arrivé…Mais cela lui avait donné une nouvelle gravité, un nouveau sens pour sa vie et sa mission…Sion, encore adolescent de par son âge, s'acquittait déjà de ses charges avec une persévérance remarquable…Souvent pourtant, un sourire fendait ses traits, mais il considérait que son enfance était finie, révolue…
Sion s'étira, faisant craquer ses vertèbres, et Sorrente lui dit:
"Tu ne devrais pas faire ça !
-Ca ne peut rien me faire, ça j'en suis sûr…"
Et il sourit à son maître…qui soudainement s'agenouilla. Sion se retourna et reconnut celui qui venait d'apparaître là: son demi-frère Triton. Sion lui sourit et lui assena une grande tape dans le dos:
"Bonjour, mon frère…que me vaut l'honneur de ta visite ? "
Et il envoya Sorrente chercher des rafraîchissements dans la maison. Les deux frères restèrent assis sur les rochers, près des ruines de l'ancien temple de Poseidon, l'endroit préféré de Sion…Triton dit alors:
"Tu y vas ?
-Mais où ?
-Au bal des divinités marines pardi ! c'est obligatoire pour nous tous…"
Sion ouvrit de grands yeux et dit:
"Non, je ne suis pas au courant…
-Tu vas recevoir l'invitation sous peu je pense…Athena et toi devrez y assister, et je suis venu te demander si elle accepterait de m'accompagner là-bas…"
Sion fit une petite moue comique, car il connaissait la réputation de tombeur de son demi-frère. Il dit:
"Je ne sais pas si je dois te confier ma sœur…ce n'est encore qu'une adolescente, rappelle-toi que nous n'avons pas encore treize ans…
-Oh, à un mois près…mais je ne lui ferai rien, je peux te le jurer ! la seule fois où j'ai essayé, elle m'a giflé !
-Ce serait plutôt pour toi que je m'inquièterais ! Athena n'a pas mon caractère plus ou moins accommodant, elle sait se faire respecter…De plus, ce n'est pas moi l'aîné, et je ne suis pas responsable d'elle…je pense que tu devrais déjà aller le lui demander, puis ensuite en demander la permission à notre mère, c'est elle qui est responsable de nous parce nous ne sommes pas encore majeurs…"
Triton continua:
"Tu crois que j'ai mes chances ?
-Ca, je ne le sais pas…ma mère n'est pas non plus très évidente…"
Sion avait dit tout cela très gravement…il vit Triton déglutir et dire:
"Tu plaisantes ?
-Non, notre mère est un chevalier d'or d'Athena et, en ce qui nous concerne, elle est très intransigeante…"
Sion restait grave, mais mourait d'envie d'éclater de rire…Triton était un dieu, et il avait reussi à lui faire peur ! ce devait être cela la force des demi-dieux…
Sion dit avec un petit sourire:
"Demande à Athena, tu verras bien ce qu'elle te répondra, elle est assez grande pour juger…je me charge d'en parler à maman…"
Triton dit alors:
"Tu te moquais de moi, non ?
-Pas tout à fait…Athena a un caractère plus impulsif que le mien, et surtout elle n'est pas habituée à remplir ses obligations de princesse des Sept Mers…elle risque de mal le prendre au départ…"
Triton, soudain grave, hocha la tête en signe d'acceptation, puis prit le verre que lui tendit Thetis…
****
"Un bal ? "
Pour peu Athena en serait tombée de son siège. Mais Triton paraissait très sérieux. Il continua:
"Phorcys et Céto réclament votre présence à ce bal, vous ne pouvez la leur refuser…
Athena, péremptoirement, croisa les bras:
"Mouais…je n'ai rien à faire là-bas, moi, je n'aime pas les mondanités…
-Tu es une princesse des Sept Mers, c'est ton rôle…tu dois y aller…"
Il s'inclina légèrement en disant:
"Et ce serait un honneur que tu acceptes de m'y accompagner…"
Athena se détourna pour qu'il ne voie pas son rougissement soudain…que lui prenait-il, à ce dieu-là, de lui faire du charme ? En plus, il était son demi-frère…il est vrai que les liens de parenté ne comptaient guère chez les dieux…
Triton lui dit alors:
"Je te laisse réfléchir…"
Et il disparut…
L'invitation arriva quelques jours plus tard, les jumeaux n'avaient plus le choix…Sion pourrait mettre sa robe de prince héritier et Thétis, toute excitée, se mit à la confection d'une robe pour Athena.
Elle lui confectionna un magnifique péplos blanc dans un tissu de prix, au tombé aérien et un peu plus ample qu'il n'était de rigueur. Elle fit fabriquer pour le maintenir aux épaules deux petites broches en argent ornées du trident…un galon d'argent ornait le bas de la partie haute et aussi le bas de la robe…la première fois qu'Athena l'essaya, Thétis s'extasia sur la façon qu'elle avait de le porter. Mais Athena n'y était pas habituée, et se sentait horriblement mal à l'aise, même si Illia, qui était en train de reprendre la taille, s'extasiait sur sa beauté et sa prestance.
Une fois la robe bien ajustée et prête, Thétis se préoccupa des bijoux et des parures qu'Athena porterait, ainsi que de sa coiffure, qui ne poserait pas de problèmes car ses cheveux étaient longs…elle lui remonta les cheveux au sommet de la tête, laissant retomber quelques boucles sur le front et devant les oreilles, fixa le tout avec des épingles et cercla la tête d'un cercle d'or marqué lui aussi du trident, sur une goutte d'argent qui retombait gracieusement au milieu du front. Ce diadème appartenait aux bijoux de famille des empereurs de Sept Mers. Avec l'autorisation d'Amphitrite, Thétis était allée à la salle des joyaux, et avait emprunté plusieurs bijoux pour Athena…
Athena fut donc parée de bracelets d'or blanc et de nacre, de bracelets de biceps fins en or, et d'une bague d'argent, cadeau d'Amphitrite qui savait tout ce qu'elle avait fait et qui souhaitait la remercier encore une fois…Athena mettrait aussi le bracelet de nacre et d'argent dont Amphitrite lui avait fait cadeau lors de sa première visite à Sion…
Quand elle se regarda dans son miroir, elle ne se reconnut qu'à peine…il lui sembla que la princesse rutilante qu'elle avait en face d'elle n'était pas elle-même…Elle ouvrit des yeux ronds et se tourna vers Thétis avec une expression de désarroi sur le visage:
"Que vais-je faire ? Je vais tomber si je marche dessus, et je serai ridicule !"
Thétis comprit qu'Athena n'était pas encore tout à fait prête pour son rôle de princesse, mais la représentation en faisait partie. Elle lui prit gentiment le bras et dit:
"Ne t'inquiète pas, tout ira bien, je serai là avec Illia, je t'aiderai…"
Athena reprit:
"Si Triton essaye encore de m'embrasser, je lui mettrai un direct du gauche dont il se souviendra…
-Parce qu'il a déjà essayé ?
-Oui, une fois que j'étais venue rendre visite à Sion…mais cette fois il ne m'aura pas !"
Thétis retint à grand'peine un sourire ironique. Elle savait très bien la réputation qu'avait Triton, cela ne l'étonnait guère, et elle pensait qu'il allait vraiment falloir qu'elle ait une discussion avec les jumeaux, ils en avaient l'âge maintenant…Normalement c'était à leur mère de le faire, mais elle savait que Mû avait quelques soucis à parler de ces choses. Et elle pensait aussi que, tous demi-dieux qu'ils étaient, ça ne les empêchait pas d'avoir une vie normale.
Thétis pensait aussi qu'Athena, par sa beauté juvénile, ferait tourner bien des têtes…
Le Sanctuaire…
Mû, une fois de plus, demandait à Milo et Shura des précisions sur leur chute…ils pouvaient lui donner de plus en plus de précisions, mais aucun n'avait encore pu lui dire le responsable de cette attaque. Elle continuait à recouper les éléments…
Milo demanda alors:
"Il paraît que Sion et Athena vont avoir leur premier bal demain ?
-Oui…Sion a l'air à l'aise, mais je sens Athena agressive…C'est normal, il faut qu'elle se fasse à sa condition de princesse…
-Et toi, qu'est-ce que tu en penses ?
-Je pense que c'est une bonne chose, ils ne voient pas grand'monde à part les gens de leur environnement familier, les socialiser ne peut que leur faire du bien…"
Milo savait percevoir ses sentiments de mère derrière ce qu'elle disait…Mû avait beaucoup changé pendant ces années, mais elle gardait cette capacité de pouvoir toujours dire les choses avec mesure et calme…une réminiscence de ses ascendances tibétaines…
Mais là, elle ne l'écoutait pas, paraissant avoir trouvé quelque chose…plongée dans ce qu'elle faisait, son air se faisait de plus en plus sombre…que se passait-il donc ?
Puis elle se tourna vers eux et leur dit gravement:
"Messieurs, si ce que je suppose est vrai, nous sommes vraiment mal engagés…"
Rozan, Chine…
Doko regardait droit devant lui, les Cinq Pics qui se coloraient de rouge à cette heure du matin…torse nu, encore en tenue de nuit, il regardait ce spectacle dont il ne pouvait rassasier ses yeux. Le lever de soleil sur la cascade l'avait toujours fasciné depuis sa plus tendre enfance…
Soudain, il sentit la présence de son père derrière lui:
"Encore une insomnie ?"
Doko fit un pauvre petit sourire à son père et répondit:
"Oui…plus ou moins…"
Shiryu savait ce qui souciait son fils aîné. Doko appréhendait à présent sa nouvelle existence au service de la déesse Athena, et cela l'effrayait quelque peu…normal pour un enfant de onze ans. Il connaissait ses devoirs par cœur, mais c'était quelque peu difficile pour lui de savoir où il allait maintenant. Shiryu avait lui aussi connu ce petit moment de flottement, mais n'avait pas eu le temps de s'appesantir dessus à cause du Tournoi Galactique. Doko avait été rendre visite à la déesse qui avait décidé que, pour l'instant, il continuerait son existence normale, il resterait donc un écolier chinois comme les autres jusqu'au moment où elle aurait besoin de lui…Alors Doko était revenu, au grand soulagement de sa mère. Shunrei avait cessé de le materner, considérant que maintenant il n'avait plus vraiment besoin d'elle, et l'avait même félicité pour la réussite de son épreuve.
Alors Doko, désormais, menait la vie presque normale d'un enfant de onze ans, nonobstant le fait qu'il s'entraînait encore régulièrement histoire de se garder en condition. Bien qu'il n'en dît rien, le Vieux Maître était extrêmement fier de son homonyme, et le supervisait encore de loin.
Laissant là son fils, Shiryu entra dans sa maison et y trouva Shunrei…
"Tu te lèves bien tôt…" lui dit-il.
Mais Shunrei n'était pas disposée à répondre, elle était assise, la main sur le ventre, les traits tirés…Shiryu s'assit près d'elle, et la prit dans ses bras:
"Qu'est-ce qu'il y a ? Tu es malade ?"
Shunrei se blottit contre son mari, et resta là un petit moment, sans doute pour retrouver quelque force. Puis elle leva la tête vers lui et dit:
"Non, je ne suis pas malade…du moins je ne crois pas…"
Alors Shiryu comprit:
"Un autre enfant ? Tu attends un autre enfant ? Tu en es sûre?
-Je crois, oui…pourtant le médecin avait dit que je risquais d'être stérile après la naissance de Shura, mais les symptômes concordent…"
Shiryu serra doucement son épouse contre lui:
"C'est formidable !!"
Il adorait les enfants, et la perpective d'en avoir un troisième le remplissait de joie. La différence d'âge avec Doko ne le gênait pas du tout…Il souleva Shunrei et dit:
"Déjà, tu vas aller dormir encore un peu, il n'est encore que 5h00 du matin…ensuite nous irons tous les deux chez le médecin du village, juste pour confirmer…"
Il posa doucement son épouse sur leur lit, et tous deux se regardèrent longuement…
Sibérie Orientale…
Petit Camus fixait l'horizon blanc de la mer de Sibérie, sans aucune expression sur son visage. Il ne disait rien, se contentant d'écouter les craquements de la banquise. Il savait qu'être vivant après sa surcharge de pouvoir tenait du miracle, sans doute était-ce un signe…peut-être était il suffisamment fort pour devenir un chevalier ?
Une énergie connue, très familière, le fit se retourner…son père se trouvait derrière lui, ses cheveux blonds flottant au vent aigre chargé de flocons.
"Bonjour, Camus…je vais me rendre au Sanctuaire, mais je suis venu m'assurer avant que tu allais bien…"
Bizarrement, Camus ne sut pas vraiment quoi répondre à son père, et resta là, immobile, à le regarder. Hyoga s'approcha de lui et dit:
"Comment vas-tu ?
-Je vais bien, père…"
Bien sûr, Hyoga savait parfaitement que son fils avait eu une surcharge de pouvoir où il avait failli laisser sa vie, mais il n'en parla pas…Il tendit la main à son fils aîné et dit:
"Viens avec moi…"
Camus suivit son père et celui-ci l'emmena devant la cloison de glace où il avait failli mourir lors de sa surcharge. Hyoga se tourna vers son fils et lui dit:
"L'armure du Cygne est là, enfermée depuis des années…quand le moment sera venu, tu devras briser cette paroi…"
Camus comprit alors que son père savait ce qui lui était arrivé…il dit:
"Je tâcherai d'être digne de cet honneur, père…
-D'après ce que j'en sais, tu en seras digne très bientôt…alors accroche-toi…"
Hyoga avait choisi délibérément de traiter son fils en adolescent, presque en adulte, mais il sentait les résistances de Camus proche de craquer…Soudain, des larmes apparurent dans les yeux de l'enfant, puis ce fut vite un déluge…il retenait trop de choses, il fallait qu'il les laisse partir sous peine de devenir fou…et ce n'est pas avec son maître qu'il aurait pu le faire. Hyoga serra son fils dans ses bras, attendit qu'il se calme et dit:
"Bon, ça va aller mieux maintenant…N'aie pas honte de tes sentiments, mon fils, ils seront ta force…"
Et il se retourna et s'en alla…il entendit alors Camus lui dire:
"Père…Merci…"
Hyoga avait toujours su quand son fils avait besoin de lui, il le sentait en train de perdre pied, de s'enfoncer, il fallait qu'il intervienne pour le tirer de là…ce n'est pas son maître qui l'aurait fait, ou alors il l'aurait fait plus à sa façon…
Repartant vers le Sanctuaire, il croisa Camus du Verseau…Celui-ci lui demanda:
"Tu es venu voir ton fils ?
-Oui…je sais ce qui lui est arrivé, et je venais lui parler…"
Les deux hommes se regardèrent, ils n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre. Camus dit alors:
"Il sera bientôt prêt…"
Mais il ne dit rien de plus…Hyoga dit alors:
"Je vais au Sanctuaire…auriez-vous quelque chose à faire dire là-bas ?
-Pas spécialement…demande juste à Mû comment se portent les jumeaux, et dis à Milo que j'attends toujours sa visite…"
Hyoga hocha juste la tête, et s'en fut…
Le Sanctuaire…
Athena et Sion étaient assis sur un muret inondé de soleil…Athena, brusquement, demanda à son frère jumeau:
"Tu sais pourquoi maman veut nous voir ?
-Ben c'est notre anniversaire, quoi de plus ?
-Elle a dit qu'il y avait autre chose…"
Sion tira alors sur la natte de sa sœur:
"Tu aurais pu lâcher tes cheveux…j'espère que tu le feras ce soir !
-Non, j'ai un diadème, ce n'est pas possible…tu sais, c'est un sacré humour que le fait que le bal tombe le jour de notre treizième anniversaire…"
Sion prit un air sombre avant de répondre:
"Oui…mais on n'a pas le choix…"
Lui aussi détestait les représentations, mais il avait appris à y faire face, il savait ce qu'était son rôle. Athena, elle, le découvrait plus ou moins, et elle avait un caractère plus indépendant…
Leur resssemblance physique, présente surtout lorsqu'ils étaient enfants, s'estompait un peu, mais était encore là…la même forme d'yeux, la même couleur, même s'il y a dans les yeux de Sion les paillettes bleu-vert qu'il n'y pas dans les yeux de sa sœur jumelle, certains traits de leurs visages. Athena ressemble encore à sa mère, mais elle n'a pas son teint de porcelaine, et sa musculature est un peu plus développée maintenant. Quant à Sion, il serait presque un portrait de son père en plus jeune, mais les traits de son visage sont plus souples, moins anguleux, et la forme des yeux n'est pas la même.
Mû arriva alors sur ces entrefaites, et sourit à ses enfants en disant:
"Joyeux anniversaire les petits…"
Les jumeaux embrassèrent leur mère, parfaitement embarrassée. Elle les emmena chez elle, leur donna leurs cadeaux. Sion reçut une écharpe de crêpe jaune, en provenance du Tibet, avec une bénédiction bouddhique dessus, et Athena un magnifique collier de turquoise et de nacre…Puis elle leur servit une tasse de thé, et leur dit:
"Je vous avais parlé de ce problème qu'il y avait eu avec Milo et Shura…je crois que j'ai trouvé, mais il me faut votre aide…"
Les jumeaux regardèrent leur mère, et hochèrent la tête…Mû leur résuma alors ces conclusions, et Athena dit:
"Peut-être que je pourrais utiliser mon don sur Milo…"
Elle travaillait son don de prémonition et prescience, qu'elle pouvait aussi utiliser pour savoir ce qui était dans l'esprit d'une personne et dont celle-ci n'avait pas conscience.
Milo accepta de bonne grâce de se prêter à l'expérience, non sans avoir offert aux jumeaux leur cadeau d'anniversaire, chacun une paire de sandales en cuir très fin et précieux…
Athena lui prit la main, ferma les yeux et laissa son esprit voguer…et rouvrit les yeux en criant:
"Arès ! "
Sa respiration était presque sifflante, l'expérience avait dû être douloureuse pour elle…Sion prit sa sœur par les épaules, et dit doucement:
"Va, calme-toi…"
Quand la respiration d'Athena se fut stabilisée, elle leur dit:
"C'est Arès qui a causé la chute de Milo et Shura…j'ai ressenti son essence divine…"
Mû dit alors:
"Mais tu ne l'as jamais vu…comment peux-tu savoir que c'est lui ?
-J'ai reconnu sa force, c'était lui qui possédait Hermès lors de la guerre qu'il y a eu il y a trois ans…
-Je comprends mieux alors, la déesse disait souvent qu'Hermès serait incapable de faire le moindre mal, elle avait raison…"
Milo dit alors:
"Nous devons en informer la déesse et lui dire de se méfier…"
C'est alors que Sion dit:
"Ce sera très grave…"
Mû se tourna vers son fils cadet:
"Qu'est-ce que tu veux dire ?
-J'ai eu plusieurs rêves où je voyais une bataille, à laquelle je prenais part dans une armure dont je n'ai pas reconnu la forme ni la nature…mais je ne sais pas quand ce sera, c'est encore très flou…il s'agit sans doute de ce que Arès tentera…"
Mû secoua la tête, énervée à l'idée que son fils pût encore combattre et peut-être perdre la vie dans une autre bataille, mais Sion lui dit:
"J'aurai une armure cette fois, je ne crains rien…Ne t'inquiète pas, maman…"
Athena s'avança et dit:
"Cette fois, je t'épaulerai…"
Sion sourit à sa sœur…
Mû et Milo, ainsi que les jumeaux, s'en allèrent expliquer le problème à la déesse…celle-ci déclara le Sanctuaire en état d'alerte, et Sion décida d'en faire autant, après consultation de son père. Julian Solo et Poseidon étaient maintenant tellement entremêlés que l'un savait parfaitement ce qu'on disait à l'autre, et vice-versa. Il donna les instructions qui s'imposaient à son fils, et resta aux aguets lui aussi…
"Ils ne se méfient pas de moi, je suis trop faible pour faire quoi que ce soit, mais jamais je ne laisserai Arès mettre ses sombres desseins à exécution…", dit-il à Sion.
Sion y travailla d'arrache-pied, malgré la cruelle absence de cinq généraux sur sept…quant à Athena, elle aida sa mère dans la tâche qui lui était dévolue, et aida aussi Kiki, chargé de la défense d'un coin du Sanctuaire…
Tous ces préparatifs n'empêchèrent les jumeaux d'assister au bal donné par Phorcys et Céto, qu'ils mirent au courant de la menace, ainsi que Triton. Lequel Triton manqua s'effondrer en voyant Athena sortir de sa chambre, somptueuse et altière telle que doit l'être une princesse des Sept Mers. Mais son sourire gêné disait qu'elle était mal à l'aise. Triton approcha d'elle, prit sa main et l'embrassa avec toute la courtoisie souhaitée, puis il lui tendit son bras en disant:
"Tu es magnifique…elles seront toutes jalouses…"
Et cette idée semblait l'amuser au plus haut point. Sion sortit alors de sa chambre, lui aussi rutilant dans sa robe de prince héritier retenue aux épaules par une broche en électrum (mélange d'or et d'argent). Il avait tenté, presque avec succès, de discipliner ses cheveux, et sa plaque de ceinture brillait doucement…Il souriait, et il avait une expression pleine de douceur dans les yeux. Il sourit franchement en voyant sa sœur et vint vers elle en disant:
"Comme tu es belle, Athena ! "
Et il l'embrassa sur la joue. Athena trouvait aussi que son frère était très beau, il avait hérité du charme naturel de leur père, et son trident brillant dans sa main ajoutait encore à sa prestance…
Quand ils firent leur entrée dans la salle de bal, tout le monde se tut alors que le héraut les annoncait:
"Sa Majesté Triton, Sa Majesté Sion, prince héritier de l'empire des Sept mers et Sa Majesté Athena, sa sœur…"
Tout le monde resta silencieux, tant le trio fraternel avait de prestance…Puis Phorcys et Céto vinrent à leur rencontre, et commença le bal…Athena remplit vite son carnet de bal, mais Triton et Sion furent l'objet de toutes les attentions féminines, au grand affolement de Sion, qui n'en avait pas l'habitude encore et était un peu jeune pour cela…Protée était présent également, Athena le remercia pour ce qu'il avait fait pour Sion, ainsi qu'Amphitrite, qui se montra ravie de faire sa connaissance et qui la trouva fort ravissante et fort intelligente. Malgré son peu d'habitude des mondanités, Athena ne s'en tira pas trop mal…elle s'aperçut aussi qu'elle et son frère étaient connus parmi les divinités marines, surtout Sion qu'on surnommait le miraculé…il est vrai qu'il l'était…
Pendant ce temps, la déesse Athena songeait, assise sur son trône…les événements la bouleversaient, une fois de plus Arès revenait essayer de satisfaire sa soif de conquête sur Terre…Mais elle l'en empêcherait, c'était son rôle de défendre la Terre au péril de sa vie…mais cette fois elle ne serait pas seule, grâce à Sion les forces marines se joindraient à elle…Elle ne regrettait absolument pas de l'avoir laissé vivre quand il n'était qu'un nourrisson, sachant qu'il représentait une menace potentielle. Maintenant l'enfant était presque un homme, doté de pouvoirs divins, et, par lui, l'union entre la mer et la terre était consommée et consolidée…De plus, une nouvelle génération de chevaliers de bronze était en train de voir le jour, Doko du Dragon en était le premier représentant, et, d'après ce qu'elle savait par ses rapports, le second serait Camus de Blue Graad…
Mais une page des jumeaux allait encore s'écrire cette fois, ornée encore une fois d'enluminures de sang, et les nuages s'amoncelaient au-dessus du Sanctuaire…