Chapitre 24: Destins multiples
Julian Solo observait son fils, absorbé dans l’observation d’un insecte qui rampait à ses pieds. Sion était curieux de tout, plus curieux que sa sœur, fort occupée pour le moment à jouer nonchalamment les midinettes au soleil, sur une chaise longue installée près du bord de la piscine de la maison. Il était heureux que ses enfants aient accepté de venir vivre quelques jours avec lui, ici, dans la maison de famille d’où l’on voyait le Cap Sounion.
Si Sion n’avait aucune arrière pensée, Athena, elle, en avait une: elle voulait que son père se rende compte de la valeur de Thétis...peut-être lui plairait-elle...Aussi feignait-elle de se désintéresser de tout, forçant même la dose jusqu’à se mettre en bikini, elle qui détestait dévoiler son corps.
Athena buvait de temps en temps un peu du verre de jus de fruit posé sur une console près de sa chaise longue. Son père était horrifié en voyant les traces des cicatrices qu’elle avait sur tout le corps, mais il savait également qu’il ne pouvait rien y faire... il devait laisser ses enfants suivre leur destin.
Tranquillement installés chez leur père, les jumeaux ne manquaient cependant pas d’aller au sanctuaire sous-marin souvent pour y voir leur frère Triton, qui veillait là-bas sur la bonne marche logistique du royaume en l’absence de Sion. Il lui avait interdit de prendre du travail avec lui, alléguant qu’il avait besoin de se reposer après la bataille.
Alors Sion se reposait, nageant dans la piscine et se promenant torse nu dans la maison sous le regard parfois non équivoque des servantes. Ses cicatrices, stries blanches, ressortaient elles aussi sur sa peau couleur caramel bien cuit, plus uniforme que celle de sa sœur, invariablement vêtue de tuniques courtes lors de ses entraînements au Sanctuaire. Mais Athena n’en avait cure...
Fréquentant ses enfants au quotidien, Julian Solo pouvait ainsi mieux se rendre compte de la différence des caractères des deux jumeaux: Athena, gaie, impulsive, avait cependant une ténacité et un courage hors du commun, alors que Sion était plus réfléchi, plus calme et plus introverti. Leur ressemblance, si marquée lors de leur petite enfance, s’estompait quelque peu, bien que subsistât encore quelques traits.
Mais leur symbiose prénatale était encore présente, tous deux étaient liés télépathiquement comme au temps de leur vie intra-utérine, mais cette symbiose n’entravait en rien leur indépendance...
Le Sanctuaire...
Doko relisait pour la troisième fois la lettre qu’il venait de recevoir de Chine: c’était le faire-part de naissance de son frère, né quelques semaines plus tôt et envoyé avec une longue lettre par ses parents. Le bébé avait été prénommé Shaolan, prénom chinois classique que Doko devinait inspiré par sa mère. Il savait aussi qu’elle avait du mal à se faire au fait qu’il soit devenu à son tour chevalier du Dragon, mais il pensait que c’était parce qu’elle s’était fait beaucoup de souci pour son père lorsque celui-ci combattait, il y avait bien longtemps, et aussi parce qu’il était son premier enfant et qu’elle réagissait en mère...
Il marcha un moment, descendit tout le Sanctuaire, perdu dans ses pensées. Mû, assise devant sa Maison, l’interpella:
“ Tu as l’air bien préoccupé...c’est la naissance de ton frère qui te travaille à ce point-là ? ”
Doko sourit et dit:
“ Oh non, je suis content...
-Tu te sens seul, alors ? tu as le cafard ?
-Il y a un peu de ça... ”
Doko aimait bien Mû, qui l’appréciait également...il savait qu’elle pourrait le comprendre, étant une mère elle-même...
“ Tu dois te sentir bien seul depuis que Camus a regagné le palais de ses parents pour quelques temps... ”
Alors Mû réfléchit un instant et dit:
“ Si la déesse n’a pas besoin de toi dans l’immédiat, pourquoi ne te rendrais-tu pas en Chine, voir ta famille ?
-Je dois assurer ma mission...
-Je sais, mais c’est calme en ce moment, la leçon d’Arès a porté ses fruits...et puis nous sommes là, nous, nous pouvons assurer sa protection... ”
Doko retrouva le sourire et remonta tout le Sanctuaire pour aller le demander à la déesse. Mû sourit elle aussi: cet enfant lui rappelait si fort son père ! mais elle devait aussi convenir qu’il lui rappelait aussi ses jumeaux, qui se trouvaient chez leur père...après tout, lui aussi avait le droit de les connaître, alors elle lui avait donné son accord pour qu’il les aie quelques semaines. Sion lui avait dit qu’il se reposait et qu’il était ravi, c’était l’essentiel...
Blue Graad...
Camus du Cygne, assis près de la grande cheminée de la salle principale du palais, observait les flammes sans dire un mot. Derrière lui, son frère cadet Isaak faisait ses devoirs, comme lui venait de terminer les siens...sa réussite à son épreuve d’armure ne lui faisait pas oublier qu’un jour il succèderait à son père, et que son éducation devait continuer, coûte que coûte, afin de faire de lui un parfait souverain...il avait toujours admiré son père qui, malgré le fait qu’il règnât sur un demi-million de personnes, était toujours resté très simple, mettant le noble et le pauvre au même niveau et leur accordant la même justice. Il avait toujours cherché à rendre service à son peuple déjà défavorisé par le climat infernal de neige et de glace qui régnait là, et lui avait enseigné dès sa petite enfance qu’il ne devait jamais léser personne de son peuple de quelque façon que ce soit.
Camus comprenait bien tous ces principes, et se jura de les mettre en application. Il pensait que ses pouvoirs de chevalier d’Athena ne faisaient pas de lui un homme au dessus des autres, mais au service des autres.
Alors entra dans la pièce sa mère, Natassia, dans un léger froissement de soie...elle se dirigea vers lui:
“ Ton père t’appelle dans son bureau, Camus... ”
Et elle lui sourit, histoire de lui faire comprendre que c’était quelque chose de positif. Depuis qu’il était rentré du Sanctuaire pour quelques semaines, elle avait montré qu’elle était contente qu’il soit là mais qu’elle le considérait désormais comme un adolescent, voire un homme, et qu’elle était fière de lui.
Camus se leva donc, sourit à son petit frère et se dirigea vers le bureau de son père, non loin de là. Quand il était plus jeune, il aimait s’y trouver pendant que son père travaillait, et celui-ci le lui autorisait parfois. Il frappa doucement à la lourde porte de chêne, et la voix de son père lui signifia d’entrer. Camus poussa la grand porte, et la referma doucement...Il resta devant la porte et demanda:
“ Vous avez demandé à me voir, père ? ”
Il devait maintenant vouvoyer ses parents, parce qu’il avait plus de dix ans et qu’il était l’aîné.
Hyoga, qui travaillait devant son grand bureau de chêne marqueté et sculpté, lui sourit et lui fit signe d’approcher.
“ Ne fais pas cette tête, tu n’as rien fait, je voulais juste te dire que tu pourras participer aux audiences avec moi demain...c’est ton rôle en tant que prince héritier, et tu es assez grand maintenant pour me seconder... ”
Camus hocha juste la tête, acceptant la décision de son père, pour lequel il avait le plus grand respect. Hyoga dit alors sur un ton plus affable:
“ Assieds-toi avec moi ici, et partage mon thé... ”
Camus obéit, et s’assit en face de son père. Un serviteur entra pour leur servir le thé. Hyoga demanda à son fils aîné:
“ Quand comptes-tu repartir pour Athènes ?
-Je ne sais pas, dans une semaine ou deux je pense...je voudrais aussi aller à Asgard, mais je ne sais pas si j’aurai le temps...
-Sinon tu iras plus tard... ”
Camus avait encore changé, se disait Hyoga en regardant son fils aîné. Ses cheveux, autrefois blonds comme les blés comme ceux de son père, se teintaient maintenant de quelques mèches d’un blond presque beige, de la couleur des cheveux de sa mère et de son oncle. Une nouvelle gravité empreignait ses traits, mais souvent une brume de tristesse embuait ses yeux bleu clair...Camus était heureux, mais Hyoga savait aussi qu’il se cherchait beaucoup, réfléchissant sur lui-même, sur sa place en ce monde et sur sa mission ainsi que sur ses réelles capacités de chevalier. Oh, bien sûr, il connaissait ses obligations, mais il ne fallait pas oublier qu’il n’avait encore qu’onze ans...la déesse avait abordé cela dans la lettre qu’elle lui avait envoyé juste avant que son fils ne revienne, Camus était puissant mais, pour son développement normal, elle estimait nécessaire qu’il ne grandisse pas trop vite. C’est pour cela qu’elle avait autorisé son retour dans sa famille pour quelque temps, afin qu’il puisse s’équilibrer.
L’enfant but calmement sa tasse de lait, puis son père lui dit:
“ Je crois que ta mère t’attend pour te faire essayer ta nouvelle tunique de cérémonie, tu as tellement grandi qu’il t’en faut une neuve... ”
Camus hocha la tête et sortit de la pièce, laissant son père seul avec ses réflexions.
Le Sanctuaire…
Les deux Shaka, assis devant la maison de la Vierge, étaient en position de méditation sous le soleil infernal du début d'après-midi. La carnation dorée de l'enfant faisait écho à la peau blanche de son maître, mais le vêtement bouddhique porté par l'un et par l'autre, de couleur jaune et rouge, était identique.
Pendant plus d'un an, Shaka l'apprenti était resté dans un temple près de Benarès, temple dont son maître était le propriétaire et le fondateur. Il n'en sortait jamais, dormait peu et se nourrissait encore moins, c'était le chemin du Nirvana selon son maître, qui le faisait méditer beaucoup. Au début, il avait cru devenir fou, ayant des hallucinations souvent, mais il avait eu la force de s'y habituer, et tout cela lui était devenu une habitude à présent. Il avait lu la vie de Bouddha dans de vieux livres en Sanscrit, dont il avait eu à apprendre l'alphabet et la syntaxe, mais il ne le regrettait pas, il avait toujours été curieux d'apprendre, au grand étonnement de son père, qui n'avait jamais vraiment attaché d'importance à la culture. Il n'avait pas revu sa famille depuis bien longtemps, mais il devinait que tout allait bien, son instinct surdéveloppé le lui disait.
Depuis peu, il se sentait un peu plus seul, ses cousins ayant rejoint leurs familles…il n'osait pas demander la même chose pour lui-même, sachant de toute façon que son maître sûrement refuserait.
Un peu plus tard, Shaka se releva, et regarda son élève dans les yeux…la couleur bleu clair de ses yeux dérangeante parfois, perça l'enfant jusqu'au fond de l'âme.
“ Shaka, tu vas faire tes bagages... ”
Docile, l’élève se leva mais n’osa pas demander pour quelle destination, sûrement le temple...Shaka le retint et lui dit:
“ Je te renvoie chez tes parents pour quelques temps...tu as besoin de repos, et tu progresses assez bien pour que ce petit congé n’influe pas sur ton entraînement... ”
Le tout dit sur un ton suffisamment formel pour que l’enfant ne s’aperçoive pas qu’il s’inquiétait pour lui...il l’aimait beaucoup, comme s’il eût été son propre fils, ce qui ne se pouvait car, entrant au monastère alors qu’il n’était qu’un enfant, il avait fait voeu de laisser les choses terrestres...
Il précisa cependant:
“ Je vais venir avec toi, je dois parler à ton père... ”
L’enfant s’inclina, et, une fois en dehors de la pièce, laissa éclater sa joie...mais Shaka connaissait suffisamment bien son disciple-filleul pour savoir que cela lui faisait infiniment plaisir. Sa famille lui manquait, et à presque dix ans, il en avait encore besoin. Il devait s’endurcir, mais Shaka estimait qu’être chevalier d’or ne nécessitait pas une coupure totale avec sa famille, surtout quand son père pouvait encore lui apporter beaucoup de choses. .Depuis maintenant un certain nombre d’années qu’ils se connaissaient, Ikki et lui, malgré leurs différences évidentes, partageaient une calme et franche amitié. Tout naturellement, à la naissance de son fils, Ikki avait demandé à son ami d’être son parrain, et Shaka avait accepté. Au moment même où il s’était penché sur le berceau de son homonyme qui venait à peine de naître, il avait su que cet enfant lui succèderait dans son office. En tant qu’être le plus proche de Dieu, il savait souvent des choses qu’il était le seul à savoir, et cela était pour lui une certitude absolue, qui s’était vérifiée lorsque l’enfant avait commencé à développer des aptitudes particulières, vers l’âge de quatre ans.
Pour l’instant, Shaka, avec ses grands yeux bleus et ses cheveux bleu foncé, progressait bien, et, en dépit d’une apparence malingre quand il était plus petit, s’était plutôt étoffé ces temps derniers malgré le jeûne auquel il était soumis au temple. Il grandissait assez régulièrement, sans à-coups, mais avait parfois des attitudes rebelles qui rappelaient le comportement de son père en son jeune temps. Mais il avait toutefois un caractère plus placide, qu’il avait hérité de sa mère...Shaka l’apprenti chevalier d’or de la Vierge avait déjà une certaine empathie avec le monde qui l’entourait, il pouvait rester des heures assis dehors, en totale communion avec la Nature, c’était son don personnel, celui qu’il n’avait pas appris auprès de son maître, tous les chevaliers d’or ou futurs chevaliers d’or en avaient un...
Les Cinq Pics...
Doko, perplexe, était penché au dessus du berceau de son petit frère qui commencait à pleurnicher. Ne sachant quoi faire, il appela sa mère:
“ Maman ! je crois bien que Shaolan va pleurer... ”
Shunrei, étendant du linge au dehors, lui cria:
“ Prends-le pour qu’il patiente avant son biberon... ”
Maladroitement, le cramponnant, Doko prit son frère dans ses bras. Il le tint à bout de bras devant lui, ne sachant que faire. Shaolan hurla de plus belle, faisant arriver leur mère qui précisa gentiment à son fils aîné:
“ Ne le tiens pas comme ça, tiens-le contre toi, qu’il se sente aimé et en sécurité auprès de son grand frère...vas-y, n’aie pas peur... ”
Doko serra Shaolan contre lui, et le bébé se calma pendant que sa mère préparait son biberon. Il plongea ses yeux au fond de ceux de son frère aîné, et tous deux se regardèrent pendant un long moment...
Depuis qu’il était rentré du Sanctuaire, Doko aidait souvent sa mère, mais la perspective de s’occuper de son petit frère lui faisait dresser les cheveux sur la tête...il avait l’air si fragile qu’il avait peur de le casser. Shunrei ne se moquait pas de lui, au contraire, elle l’encourageait autant qu’elle pouvait à surmonter sa peur le plus souvent possible, en lui montrant comment faire...Doko sut ses efforts récompensés quand son petit frère lui sourit. Doko resta les yeux écarquillés, et sourit timidement à Shaolan, qui gazouilla de contentement.
Il s’assit, et soutint le bébé devant lui, en lui soutenant bien la tête, comme il avait vu sa mère le faire. Shunrei arriva et lui tendit le biberon:
“ A toi l’honneur... ”
Le regard paniqué de son fils aîné l’amusa, mais elle lui mit d’autorité le biberon dans la main en disant:
“ Prends-le contre toi, appuie-le bien contre l’intérieur de ton bras et donne-lui...voilà... ”
Shaolan prit la tétine et commença à vider méthodiquement le lait que contenait le biberon. Finalement, Doko trouvait ça plutôt facile de nourrir son petit frère et de s’en occuper, et aussi gratifiant. En tant que fils aîné, il savait que c’était sa mission que d’aider sa mère et considérait cela comme un devoir.
Shunrei observait la scène, le sourire aux lèvres. Cela lui rappelait la première fois que Shiryu avait nourri Doko, il y avait bien longtemps, avec la même gaucherie touchante. Maintenant, son fils aîné avait douze ans, et possédait une force incommensurable en lui ainsi qu’une mission sacrée. Doko était aussi réfléchi que son père, et possédait une tempérance dont faisaient preuve peu d’enfants de son âge. Elle savait qu’il aimait beaucoup cette région de Chine où il était né, et dont il tirait sa force intérieure. Il n’était encore qu’un adolescent, mais, comme Shiryu l’avait fait autrefois, il combattrait jusqu’au bout pour ses valeurs, ses idéaux et ses proches...qui touche à une écaille du Dragon s’expose à sa colère, DeathMask pouvait en attester...
Doko était encore très jeune, mais il comprenait très bien le monde qui l’entourait...Il portait sur le monde un regard neuf et usé à la fois, tentait de comprendre tous les mécanismes qui le régissaient. Tout enfant déjà, il posait souvent des questions, et son père le prenait dans ses bras, lui expliquait calmement, tendrement...mais ce qui l’avait toujours fasciné le plus était la cascade qui coulait devant la maison, cette pluie d’étoiles intemporelle qui était là depuis des millions d’années et qui serait encore là bien après lui. Il aimait rester assis devant elle, et la regarder pendant des heures, voyant à chaque fois autre chose dans les reflets changeants de l’eau en mouvement. L’eau est l’élément du Dragon, cela il l’avait appris de son maître, elle serait à jamais son amie et son alliée...
Asgard...
Camus du Verseau regardait sans vraiment la voir la neige qui tombait...il était venu rejoindre son disciple ici afin de poursuivre encore un peu certains aspects de son entraînement qu’il estimait avoir moins développés que les autres, mais son élève faisait preuve d’une singulière mauvaise volonté. Il passait son temps avec son cousin Hagen dans sa grotte d’entraînement, et refusait catégoriquement de faire quoi que ce soit ordonné par Camus.
Cette fois, Camus du Verseau savait qu’utiliser la force ne serait absolument pas la solution, aussi attendait-il que son élève revienne à de meilleurs sentiments. Il avait eu très peur quand l’enfant avait failli mourir d’une surcharge de pouvoir, il ne voulait pas avoir à revivre une situation pareille. Sous ses dehors très rudes, il admettait que l’enfant lui était aussi cher que s’il eût été le sien, mais il combattait cette idée dès qu’elle lui venait à l’esprit. Pourtant, il avait confiance en son élève, connaissant ses qualités intrinsèques qui feraient de lui à terme un des meilleurs chevaliers du Sanctuaire. Il avait juste encore besoin de se chercher un peu, pensait-il.
Mais il ne vit pas que son élève était sur le point de retomber en crise. Pourtant, Hilda, elle, reconnut ces signes sur son neveu, qui était en train de se refermer comme une huître...Pendant des heures, l’adolescent de onze ans marchait dans la neige, dans le blizzard, tentant de réfléchir, de donner un sens à son existence sur cette Terre. Le semblant d’équilibre retrouvé auprès de sa famille venait de s’envoler en fumée, laissant la place à un profond désarroi. Camus ne savait plus quoi faire...à la grande tristesse de son cousin Hagen. Celui-ci, dont l’instinct s’aiguisait de jour en jour, sentait bien le désespoir de son cousin mais ne savait pas comment l’aider. Cette fois, c’était vraiment grave...
Pourtant, comment aider un adolescent qui ne savait pas lui-même d’où venait son mal-être ? Au bout de quelques jours, inquiet, Camus du Verseau décida de le faire, et enferma l’enfant dans une pièce. Camus du Cygne resta apathique pendant quelques minutes, puis rentra progressivement dans une crise de rage:
“ Je n’ai rien à vous dire...vous vous moquez complètement de ce qui peut m’arriver ! ”
Camus tenta de placer un mot, mais l’enfant était trop en colère, tout ce qui avait été retenu pendant toutes ses années d’entraînement sortait en masse...:
“ Vous ne m’avez jamais apprécié, j’étais quantité négligeable pour vous, vous aviez juste accepté de m’entraîner pour faire plaisir à mon père, vous moquant de savoir si j’avais les aptitudes ou pas et ne faisant jamais attention à moi en tant que personne...je n’en peux plus d’être à votre botte, de vous craindre en attendant votre bon plaisir, je ne le supporte plus ! j’ai réussi l’épreuve maintenant, laissez-moi donc maître de mon propre destin ! ”
Et, en larmes, il le bouscula, sortit et claqua la porte derrière lui, laissant Camus complètement abasourdi. Il ne pensait pas que l’enfant en fût venu à le haïr à ce point-là. Il avait été dur, c’est vrai, parfois un peu trop, il le reconnaissait, mais jamais Hyoga, à qui il avait imposé le même entraînement, ne l’avait haï ainsi. Peut-être la différence tenait-elle au fait que Hyoga était orphelin, alors qu’il avait brutalement séparé son fils de sa famille...Camus était aussi sensible que son père, mais pas marqué par la vie autant que lui, il avait eu une enfance normale au sein d’un foyer aimant.
Pour la première fois de sa vie, Camus du Verseau se demanda s’il n’avait pas été un peu trop loin...l’enfant était meurtri, et, bien qu’il s’en défendît, cela lui faisait mal de le savoir si malheureux, si perdu...
Camus, aveuglé par ses larmes, courut, courut au milieu de la neige, se moquant de savoir où il allait. Il se sentait si mal, si perdu ! cela ne l’avait même pas soulagé de dire son fait à son maître...il doutait de lui-même, ne sachant même pas comment il avait réussi son épreuve, et pensant qu’il ne serait même pas digne de succéder à son père à cause de ses multiples faiblesses. Il savait qu’il n’était pas arrivé à s’endurcir autant qu’il aurait fallu pour être, selon lui, un bon défenseur d’Athena, et cela le décourageait complètement, lui faisant perdre ses moyens et sa foi en ses capacités.
Il perdit la notion du temps, de la douleur physique, courant toujours...jusqu’à ce qu’il ne sentît plus de sol sous ses pieds...
“ Je vais mourir... ” , se dit-il pendant sa chute, puis il perdit conscience en heurtant durement le sol...