Chapitre 26 : Les prémices d’une nouvelle guerre sainte…

 

Cap Sounion…

Athena regarde le coffret qui est posé devant elle, sur un tronçon de colonne…il contient sa flûte, de laquelle elle n'a pas joué depuis que Sion est guéri, cela lui rappelle trop ces mauvais et tristes moments…

Elle relève la tête …La mer étincelle sous le soleil, comme si elle l'encourageait à surmonter ces tristes souvenirs pour regarder à nouveau vers l'avenir. Alors, lentement, elle prend l'instrument, et se met à jouer un des morceaux d'école que Sorrente avait écrit pour elle autrefois…le phrasé en est maladroit vu qu'elle n'a pas joué depuis plus d'un an, mais elle persiste, et laisse l'esprit de la mélodie l'envahir et la calmer au plus profond de son être.

A la fin du morceau, elle garde l'instrument en main, et sent des larmes de soulagement couler sur ses joues, elle est enfin venue à bout de son blocage…

Soudain, elle sent derrière elle une présence connue, se retourne et voit Sorrente…

"Tu étais là ? ", demande-t-elle d'un air suspicieux…

Sorrente sourit, de son sourire calme et placide, et répond:

"En fait, non, je venais chercher quelque chose dans la maison, et j'ai entendu le son de ta flûte…je suis content de savoir que tu joues à nouveau…"

Athena ne répond rien, il n'y a rien à ajouter…puis Sorrente dit:

"Ton père te cherchait, au fait…

-Pourquoi ?

-Je ne sais pas…

-Bon, je vais aller voir…merci!"

Et elle se met à courir vers le chemin qui mène à la plage puis à la maison de son père…tout en courant, elle réfléchit: que peut bien lui vouloir son père ?

Elle prend le temps de remettre un peu d'ordre dans ses cheveux dénoués par le vent marin, puis frappe au bureau de son père…sa voix lui signifie d'entrer, et elle pousse la porte en demandant:

"Tu as demandé à me voir ? "

Julian Solo pose la feuille de papier qu'il tenait en main, sourit à sa fille et dit:

"Ah, tu as vu Sorrente, très bien…oui, je voulais te voir car j'ai reçu une lettre de ta mère…

-Maman ? mais pourquoi…

-Laisse-moi continuer…dans cette lettre elle dit que tu dois retourner au Sanctuaire à présent, mais que, vu que ton maître est encore absente, c'est Shaina d'Ophiucus qui t'entraînera…"

Le sourire d'Athena s'efface un peu…recommencer l'entraînement, se lever avant le soleil pour se coucher bien après lui, combattre inlassablement dans la poussière…tout cela ne lui plaît guère mais elle sait cependant que c'est nécessaire.

Elle incline doucement la tête:

"Très bien, je pars aujourd'hui même…"

Julian Solo se lève, vient à sa fille et soulève délicatement son menton:

"Allons, ne fais pas cette tête…c'est ta mère qui viendra te chercher elle-même demain matin…tu sais aussi que c'est une nécessité pour toi de t'entraîner…

-Mais tu ne sais pas ce que c'est ! En plus, les filles ne sont pas gentilles…"

Julian Solo se doutait bien du problème…Athena, bien qu'elle ressemblât à une humaine, était cependant une demi-déesse, et ses pouvoirs étaient bien supérieurs à ceux des apprenties avec lesquelles elle vivait. Il embrassa sa fille sur le front et dit:

"Allons, allons…ta mère m'a également dit que cette fois tu n'irais pas au camp d'entraînement…plus quelques autres choses mais elle te les dira elle-même…"

Athena releva la tête, et, vivement, embrassa la joue de son père avant de sortir de la pièce d'un pas léger. Attendri, il la regarde sortir, et trouve que vraiment elle fera tourner la tête de tous les hommes quand elle sera plus âgée…

Athena rentre dans sa chambre, et, lentement, commence à rassembler ses affaires…elle ne met dans son sac que ses tuniques d'entraînement, pour l'instant ce sera bien assez et, au pire, elle pourra revenir en chercher d'autres si elle en a besoin. Elle prend son médaillon dans sa main, plie soigneusement son écharpe au trident d'argent et la range dans son sac. Elle ne veut pas s'en séparer, ces deux objets font partie de son identité et lui rappellent que, quoi qu'elle fasse, elle reste une princesse des Sept Mers.

Laissant son sac encore ouvert, elle regarde par la fenêtre la mer bleue, qui scintille au soleil, et ses yeux tremblent en pensant que bientôt cette mer qui lui est si proche à présent ne sera plus qu'un simple élément du paysage vu du haut du Sanctuaire d'Athena…et il lui faudra s'entraîner inlassablement, prendre des coups, se relever vaille que vaille…même si tout cela n'est guère agréable, Athena sait cependant que sa santé, que sa vie même en dépendent, elle doit contrôler parfaitement son cosmos. Et, même si elle a fait beaucoup de progrès, ce n'est pas encore vraiment le cas. Se posent aussi les problèmes de ses pouvoirs marins, qui apparaissent erratiquement et qu'elle doit aussi apprendre à maîtriser sans en avoir peur…car elle les craint, ces pouvoirs, parce qu'elle ne sait absolument pas leur mesure ni les effets qu'ils peuvent avoir sur elle-même mais aussi sur les autres…

Tout cela la soucie, mais elle n'en a jamais encore vraiment parlé à personne, même pas à son jumeau qui pourtant la comprendrait parfaitement parce qu'il a encore un peu ce genre de problème. Athena pense qu'elle doit tenter de résoudre cela toute seule…

Quand sa mère vient la chercher, le lendemain matin, Athena a retrouvé son calme, et Julian Solo observe une fois de plus la ressemblance extraordinaire entre la mère et la fille. Athena a encore forci, et son air sérieux rappelle terriblement celui de sa mère. De plus, ses cheveux pendent librement dans son dos, ce qui accentue la ressemblance. Mû salue Julian Solo, et lui donne une lettre destinée à Sion, puis elle dit à sa fille:

"Allons-y…"

Athena embrasse son père avec des larmes dans les yeux, puis suit sa mère. Mû marche un moment sans rien dire, puis Athena lui demande:

"Maman, c'est vrai que je ne retournerai pas au camp d'entraînement ?"

Mû regarde sa fille et dit:

"Oui, tu logeras dans ta chambre. Tu es trop puissante maintenant pour aller au camp d'entraînement…

-Et trop dangereuse aussi, c'est ça ?"

Le tout dit sur un ton normal, mais qui ne peut tromper sa mère…Mu comprend alors ce qui tourmente sa fille, et lui sourit légèrement:

"Je sais très bien que tu ne peux jamais prévoir quand apparaissent tes pouvoirs marins, mais nous serons là au moindre problème, et la déesse a donné une permission spéciale à Sorrente pour venir en cas d'urgence te concernant…je pense que Sion, lui, sera là bien avant lui si tu as un problème…"

Athena prend alors conscience que sa mère, bien qu'elle ne fût pas présente en permanence, connaissait bien son entraînement, ainsi que les problèmes qui en découlaient. Elle reprit:

"Il paraît aussi que c'est maître Shaina qui m'entraînera…

-Pas tout à fait, pour certains aspects seulement, elle supervisera juste le tout…

-Alors qui fera le reste ?

-Cela tu le demanderas à la déesse, elle nous recevra dès que nous arriverons…"

Mû le savait bien évidemment, mais elle ne résistait pas à l'envie de laisser sa fille se poser des questions jusqu'à l'arrivée…

La déesse les attendait effectivement, assise sur son trône et vêtue de son sempiternel peplos blanc, vêture adaptée à son rang et à la température caniculaire qui régnait dehors en cette journée de mai. Elle sourit aux deux arrivantes et sourit à Athena, intimidée…elle ne l'avait pas vue depuis longtemps, et s'aperçut qu'à présent elle avait fini sa métamorphose d'adolescente, elle avait désormais son corps d'adulte. Sans être aussi grande que sa mère, elle était grande et allongée… seule sa peau couleur caramel clair la différenciait vraiment de sa mère…

La déesse leur fit signe de se relever, puis commença:

"Tu ne peux rester sans entraînement, aussi ai-je décidé de te faire revenir ici pour le continuer. Simplement, tu logeras chez ta mère, et ce seront les chevaliers d'or qui t'entraîneront, du moins ceux qui sont là…"

Le sourire d'Athena lui prouva qu'elle avait fait le bon choix…l'adolescente avait toujours apprécié Aldebaran, Kanon, Milo, Shaka et Aiolia, qu'elle connaissait depuis sa plus tendre enfance, et elle avait appris à en connaître certains autres après la guerre d'Hermès…la déesse poursuivit:

"Shaina supervisera ton entraînement, et s'en occupera elle-même pour certains aspects…tu as encore besoin d'apprendre des techniques de combat, et c'est de cela qu'elle s'occupera en priorité…"

Athena inclina simplement la tête pour faire signe qu'elle avait compris. La déesse sourit et demanda:

"Au fait, comment se porte ton frère ?

-Il va très bien…

-Parfait…maintenant va porter tes affaires chez ta mère, elle et moi avons à parler…"

Athena, bien élevée, s'inclina et sortit, son sac au dos. Mû la suivit du regard, avec un demi-sourire, et la déesse lui dit:

"Elle a terriblement changé…comment va-t-elle ?

-Elle va bien mais elle a peur de ses pouvoirs marins en émergence…

-A nous maintenant de la rassurer, elle en a besoin comme elle a besoin de ta présence maternelle…

-Elle est indépendante à présent…

-Oui, mais ta présence lui manque, je le sens…mais tout cela n'est pas nouveau, cela date de l'époque où Sion était infirme…

-Elle serait jalouse de son frère ?

-Non, pas du tout, mais elle s'est blindée et elle a tout enfoui en elle…elle estimait sans doute qu'elle devait être l'aînée irréprochable…

-Je me suis trop occupée de Sion, je n'ai pas vu qu'elle souffrait…

-Tu souffrais toi-même…

-Elle était persuadée que la considérais comme responsable de l'infirmité de son frère…

-Elle sait maintenant que ce n'était pas le cas, mais elle a besoin de toi…va la rejoindre maintenant…"

Mû s'inclina et sortit de la grande salle, l'esprit embrouillé…comment la déesse pouvait-elle savoir tout cela ? Enfin, elle n'avait pas tort, Athena avait besoin d'elle…

Quand elle arriva chez elle, Athena avait déballé ses affaires et, assise sur son lit, l'attendait patiemment. Mû, sans un mot, posa deux tasses sur la table et servit le thé en disant:

"Buvons notre thé, puis nous irons rendre visite aux autres…Kanon et Milo, pour ne citer qu'eux, sont impatients de te voir…"

Ces deux chevaliers d'or connaissaient Athena depuis sa naissance, ainsi qu'Aldébaran, Aiolia et Shaka, et la considéraient comme leur fille spirituelle. Ils avaient été ravis quand la déesse leur avait proposé d'entraîner eux-mêmes Athena…

De plus en plus, Mû était convaincue que sa fille avait besoin qu'on s'intéresse à elle: pour pouvoir tenir le coup pendant la période d'infirmité de son frère, Athena avait appris à s'endurcir, à se replier en elle-même et à garder pour elle ses sentiments. Maintenant que Sion était sorti de cette mauvaise passe, vivant, parlant et en pleine forme, elle devait prendre le temps d'écouter sa fille et l'aider elle aussi.

Aiolia et Kanon attendaient sur le terre-plein d'entraînement, et dirent en riant:

"Ah, c'est bien le propre des femmes d'être en retard…"

Athena sourit et les salua dignement, comme il convenait…mais Kanon la prit dans ses bras et l'embrassa:

"Comme tu as grandi maintenant ! tu vas être bonne à marier bientôt !"

Athena sourit et dit, faussement outrée:

"Jamais de la vie ! pas question de me marier !"

L'emportement simulé d'Athena fit rire Aiolia qui dit:

"Ca fait bien longtemps que l'on ne t'avait pas vue, tu ressembles de plus en plus à ta mère…au fait, comment va ton frère ?

-Le mieux du monde…"

Soudain, Kanon lance une lance de lumière sur Athena qui la retient sans effort apparent. Kanon sourit et dit:

"Et ta puissance a augmenté, aussi…Je voulais juste voir où tu en étais…"

Athena écarte d'elle la boule de lumière et reste là, attendant…Mû s'écarte alors, et s'en va, la laissant seule face à ses deux professeurs. Kanon sent nettement la peur d'Athena, qui refuse de pousser ses pouvoirs à l'extrême…il doit lui rendre confiance en elle.

Une idée germa alors dans son cerveau après une discussion qu'il eut avec Mû le soir même…l'après-midi suivant, il emmena Athena sur une plage, tout en bas du Sanctuaire, où personne ne venait jamais. Athena ne laisse rien paraître, mais son trouble n'échappe cependant pas à Kanon qui lui ordonne, d'un ton sans appel:

"Approche-toi de la mer…"

La respiration d'Athena s'accélère alors qu'elle s'approche tout près de l'eau…cependant, rien ne se passe, mais elle reste tendue…

Kanon connaît bien cette puissance qui émane de la mer pour l'avoir autrefois ressentie, c'est la force de Poseidon qui imprègne tous les océans. Athena en possède une partie, négligeable par rapport à celle de son frère mais suffisante pour dévaster n'importe quoi...

Il lui dit alors:

"Tu vas faire comme quand tu étais petite…mets-toi en position de méditation, comme Shaka te l'a appris autrefois, et libère ton esprit, laisse-le vagabonder…"

Il espère ainsi lui faire mieux appréhender ses forces réelles. Il veut aussi qu'Athena ne considère pas ses pouvoirs marins comme des ennemis, comme cela semble être le cas actuellement, mais comme des alliés qui lui procureront une force sans limites…mais, comme jusque-là ce genre de pouvoir est apparu sans prévenir et au risque de sa vie, Athena en a peur…

Pour la première fois de sa vie, Athena arrive à sentir, dans la mer alors si calme et si placide mais qu'elle craignait, la puissance bienveillante de son père et le sourire de son frère jumeau…la voyant sourire, Kanon ne peut retenir le sien: l'affaire semble en bonne voie…

La mer se calme, et Athena ouvre les yeux tranquillement…nulle crainte dans son regard enfin calme.

Kanon sourit et dit:

"Tu te sens mieux ?"

Le sourire d'Athena répond à sa question. Elle se relève et dit rêveusement en posant son regard violet orné de paillettes bleu-vert sur la mer d'huile:

"J'ai senti la présence de mon père et de mon frère pour la première fois dans la puissance qui imprègne la mer…ils veillent sur moi, il ne peut rien m'arriver de mal…"

Une aura bleue l'entoure, et elle frissonne, encore pas rassurée…mais, cette fois, pas de douleur insupportable, une douceur bienfaisante qui se répand dans tout son corps détendu…

Kanon reprend:

"Bon, maintenant que tu as appréhendé cela, je pense que tu as compris que les risques que tu meures d'une surcharge de pouvoir sont infimes à présent, tu as acquis un certain contrôle sans vraiment t'en rendre compte…"

Athena regarde Kanon et acquiesce fermement…mais Kanon reprend:

"Mais cela ne veut pas dire que tu sais tout ce qu'il faut savoir à ce propos, tu dois maintenant apprendre à t'en servir à volonté et comprendre tout ce qu'ils peuvent t'apporter…"

Il assène une tape légère dans le dos d'Athena et lui dit:

"Viens, on va continuer l'entraînement là-haut…"

En cette gamine qui se cherche, Kanon s'est reconnu, lui qui avait un tel besoin de reconnaissance autrefois ! Malgré son titre d'Altesse Impériale du royaume des Sept Mers, Athena ne sait pas vraiment à quel monde elle appartient…Comment l'aurait-elle pu, d'ailleurs, alors que son aura est double ?

Alors qu'ils remontent vers le Sanctuaire, il se souvient du jour de sa naissance, lorsqu'il s'était penché au-dessus de son berceau, il avait deviné tout de suite qu'elle avait un grand potentiel…

Plus tard, alors qu'il laisse Athena aller se reposer chez sa mère, Kanon, resté seul dans l'arène d'entraînement, voit arriver vers lui un Milo furieux dont les yeux bleus sont remplis de nuages de colère:

"Mais tu es complètement fou ! Tu sais que les pouvoirs d'Athena sont dangereux pour sa vie, et tu l'emmènes pertinnement à côté de la mer !"

Kanon laisse l'orage passer, il sait que la réaction de Milo est guidée par ses sentiments presque paternels envers la petite Athena. Il le laisse crier tout son saoul et répond:

"Je savais ce que je faisais, je suis le seul à être très sensible aux pouvoirs marins…

-Mais elle pouvait en mourir…

-Autrefois, oui, mais maintenant, de façon inconsciente, elle a acquis un contrôle là-dessus, elle ne risque plus rien…sa peur est devenue purement psychologique…

-Tu le savais dès le début ?

-Je le pressentais seulement…maintenant reste à lui faire ressentir cela de façon consciente afin qu'elle puisse s'en servir seule et à volonté…"

Milo reste muet…Kanon n'est pas d'un abord facile et ne montre pas facilement ses affections, mais ce qu'il vient de faire prouve aisément à quel point il apprécie l'adolescente qui semble lui rendre. Milo sait aussi que se souvenir de l'époque où il était Dragon des Mers n'est pas facile pour lui, mais, pour aider Athena, il n'a pas hésité à faire ressurgir les fantômes de son passé, de cette époque où il rêvait de conquérir le monde, aigri par l'oubli dont celui-ci avait fait preuve envers lui, à commencer par son propre frère jumeau…Milo hoche la tête et se dit qu'une fois de plus Kanon continue son expiation…il souhaite qu'un jour il ait l'âme en paix…

Mû entrebâille la porte de la chambre de sa fille…Athena s'est endormie d'un coup, épuisée. Kanon a réussi ce qu'il voulait faire, Athena semble plus sereine, moins écrasée par ces pouvoirs marins qui lui faisaient si peur.

Mû va s'asseoir dans le petit salon de sa maison, et boit distraitement une tasse de thé…il lui semble que tout recommence, comme l'époque où Athena était petite, un si joli bébé si rieur, qui ne pleurait jamais…elle avait cependant toujours été tenace et têtue comme une mule, depuis sa plus tendre enfance…Mû ne se souvenait pas d'avoir été ainsi étant petite, de qui Athena tenait-elle cela ? sans doute de son père…

Mais, dans la nuit, un cri la tire de son sommeil: Athena ! Mû court dans la chambre de sa fille, et la trouve agitée, aux prises avec un ennemi qu'elle est la seule à voir…Elle s'assied doucement, la prend dans ses bras et la calme jusqu'à ce qu'elle se réveille. Athena regarde sa mère avec des yeux brumeux pleins de tristesse et de peur et dit:

"Maman?"

Manifestement elle ne se souvient pas d'avoir crié…Mû dit alors:

"Tu as fait un cauchemar, ce n'est rien…cela t'arrive souvent ?"

Athena semble se renfrogner, et Mû en déduit que oui…Elle poursuit:

"Il ne fallait pas me cacher ça…"

Athena répond boudeusement:

"Je suis assez grande pour régler ça toute seule…

-Je n'en doute pas…mais depuis combien de temps nous caches-tu cela ?"

Athena persiste dans son silence boudeur…Mû décide alors de la pousser dans ses derniers retranchements, elle refuse de laisser sa fille ainsi…

"Athena, je suis consciente que je me suis beaucoup occupée de ton frère, et que tu t'es endurcie pour me donner l'impression que tu n'avais plus besoin de moi…mais ce que je viens de voir me prouve le contraire, toutes ces choses que tu gardes en toi ressortent ainsi…"

Athena se renfrogne encore plus et dit à sa mère:

"Sion avait plus besoin de toi, moi je n'avais rien…

-Je ne mesure pas l'affection que je vous porte à vos blessures…tu avais besoin de moi autant que ton frère, mais tes blessures étaient moins visibles et je n'ai pas su les voir…"

Athena resta renfrognée, mais toutes ses résistances cédèrent d'un coup et elle s'effondra en larmes dans les bras maternels dont elle avait la secrète nostalgie depuis son enfance…

Mû alors se comporte en mère, elle serre sa fille contre elle et lui caresse les cheveux, puis Athena se redresse et renifle. Mû sourit, lui tend un mouchoir et dit :

« Allons, pas la peine de te mettre dans des états pareils alors qu’il suffisait de m’en parler…je ne t’aurais pas renvoyée tu sais, si tu l’avais fait… »

Athena leva les yeux vers sa mère et dit :

« Il valait mieux que tu t’occupes de Sion, il avait plus besoin de toi que moi…

-Cela je te l’accorde, mais cela ne voulait pas dire non plus que le temps que je passais avec lui était à ton détriment…Tu as décrété de toi-même qu’étant l’aîné c’était ton rôle que d’aider et de te sacrifier pour ton frère, mais tu dois vivre pour toi-même, ma fille, et penser à toi avant tout… »

Athena se renfrogna à nouveau et dit :

« Sion est plus important que moi…

-Balivernes ! tu sais très bien que c’est faux, en plus… »

Athena pratique la mauvaise foi alors qu’elle est dans ses derniers retranchements, ça a toujours été sa façon à elle de se défendre depuis sa petite enfance…mais Mû n’est pas disposée à laisser sa fille toujours tout assumer, il est temps qu’elle vive enfin pour elle-même et cesse de protéger son frère jumeau qui maintenant est en bonne santé. Cependant, elle sait qu’entre Athena et son frère règne une relation particulière, qu’elle n’est pas en mesure de comprendre, elle qui n’a jamais eu de frère jumeau, mais, selon elle, le rôle d’une aînée est d’aider son frère, pas de se sacrifier pour lui. Il est vrai que Sion a connu des moments difficiles, et qu’Athena a cherché à tout prix à l’aider en faisant oublier plus ou moins sa propre présence pour que son frère bénéficie de toute l’attention. Mû se sent coupable : comment n’a-t-elle pu empêcher sa fille de faire une bêtise pareille ? Il faut dire aussi qu’elle-même n’était pas en état de soutenir quelqu’un à cette époque, mais ce n’était pas une raison…comment n’a-t-elle pas vu que sa fille avait besoin d’elle ?

Athena relève la tête, regarde sa mère…et se met à sangloter de nouveau incoerciblement, tous ses barrages cèdent les uns après les autres. Mû garde ses bras autour d’elle mais se garde bien de lui dire quoi que ce soit, sa fille n’est pas en état de l’entendre…c’est plus grave que ce qu’elle pensait.

Longtemps, elle serre sa fille contre elle et la berce comme lorsqu’elle était enfant et avait de la fièvre la nuit…Athena a besoin de soutien et qu’on s’occupe d’elle, tout simplement, mais elle a estimé qu’elle devait s’effacer au profit de son frère, laissant son besoin de reconnaissance aux yeux de sa mère de côté. Mû devine aussi qu’elle veut également laisser à Sion le plein bénéfice de leur mère, lui qui ne l’a pas connue pendant six ans, alors qu’elle, Athena, était élevée et choyée par elle.

Athena finit par se calmer, et Mû lui dit :

« Tu n’aurais pas dû essayer d’effacer ta présence ainsi, te dévouant pour Sion jusqu’à la limite de tes forces. Il ne m’a peut-être pas eu pendant six années, mais cela ne veut pas dire que tu doives absolument te faire oublier pour rattraper cet état de fait dont tu n’es pas responsable…tu es ma fille, comme Sion est mon fils, et je suis présente pour vous deux, retiens bien cela. »

Athena essuie ses yeux, et dit à sa mère :

« Mais maman, personne ne sait comment je peux réagir, ce que je vais devenir, je ne peux appartenir ni à un côté ni à l’autre…je suis potentiellement dangereuse, en plus, ce qui n’arrange rien…

-Tu n’es plus dangereuse, Kanon me l’a dit, tu as maintenant un contrôle partiel sur l’apparition et l’usage de tes pouvoirs, et cela tu l’as acquis par toi-même…seulement, tu as besoin de trouver ta place, et nous tous nous t’aiderons…et, n’oublie pas, tu es princesse des Sept Mers et Altesse Impériale…

-Pour ce que ça me sert…une princesse des Sept Mers qui n’a presque pas de pouvoirs marins, ils doivent bien se moquer de moi là-dessous…

-Pourquoi le feraient-ils ? après tout, tu es bien au-dessus d’eux, et ils te doivent le respect, tu es la fille de leur maître…et si cela arrivait, Sion rentrerait dans une véritable fureur… »

Là donc était le problème sous-jacent : Athena ne savait pas quelle était sa place en ce monde…il est vrai que le problème ne s’était pas posé pour Sion, dont l’avenir était tout tracé, mais elle, dont l’aura était restée double, quel serait son destin ? elle ne pouvait porter ni une armure d’Athena ni une Ecaille de Mer, à l’exception de celle que son père avait faite pour elle.

Mû sourit à sa fille et dit :

« Moi je sais quelle est ta place : elle est ici, en mon cœur. Et cela, jamais personne ne te l’enlèvera… »

Athena sourit, d’un pauvre petit sourire, et Mû aussi, qui dit :

« Eh bien voilà, ça va mieux maintenant…Allons, cesse de te mettre martel en tête, et dors maintenant, tu as besoin de te reposer…et tu n’as pas à t’inquiéter : ton père et moi t’aimons beaucoup, et nous t’aiderons, ainsi que Sion, qui t’adore presque encore plus que nous, je crois… »

Elle embrasse sa fille, puis l’aide à s’allonger, la borde et sort de la chambre…elle soupire : enfin sa fille va aller mieux.

  • Une bonne nouvelle
  • Sanctuaire sous-marin, deux jours plus tard…

    Sion, torse nu, assis sur son lit, soupire alors que le médecin l’ausculte : il déteste son examen médical mensuel, imposé par ses parents depuis son coma…

    Le médecin enlève son stéthoscope et dit :

    « Eh bien tu as une santé de fer…en fait, qu’en est-il de ton ami Camus ?

    -Il est guéri maintenant, et il est retourné au château de son père pour continuer son entraînement…

    -Salue-le bien de ma part quand tu le verras…

    -Je n’y manquerai pas… »

    Il sort et Sion reste seul…il renfile sa tunique blanche et sort lui aussi pour gagner son bureau. Triton l’attend, et lui demande :

    « Alors ?

    -Ben toujours la même chose, j’ai une excellente santé…j’ai hâte qu’ils me dispensent de ça… »

    Triton le regarde et lui sourit :

    « Tu as remarqué ?

    -Quoi ?

    -Tu n’es plus dépendant des forces marines, tu peux désormais vivre sur Terre normalement… »

    Sion le regarde, les yeux écarquillés :

    « Mais comment… ? je…je n’ai rien senti…

    -Tu oublies que je suis un dieu et que je peux sentir des choses que toi tu ne peux pas… je te confirme qu’avec l’évolution de tes pouvoirs la dépendance à la mer que tu as depuis l’âge de dix ans a disparu… »

    Le sourire de Sion s’élargit :

    « Depuis quand ?

    -Je ne sais pas exactement, la nature même de ton aura a changé, mais c’est trop subtil pour que tu t’en rendes compte… »

    Sion est ravi, il va pouvoir enfin retourner à Jamir, rendre visite à sa mère quand elle y est…et surtout survivre là haut, vivre sur terre comme n’importe quel mortel…Il se mit à courir vers la porte, et, quand Triton lui demanda où il allait, Sion répondit :

    « Je ne sais pas…sur terre en tout cas ! »

    Triton sourit avec indulgence à la joie de son jeune demi-frère : il savait que Sion, sans le dire, souffrait de sa dépendance à la mer qui ne lui permettait pas d’avoir une vie normale. Là, il allait enfin pouvoir courir sur terre et profiter un peu de sa vie d’adolescent humain presque normal…

    Le Sanctuaire…

    Athena retombe derrière Aiolia, ayant évité le coup qu’il vient de lui porter…la transformation est saisissante :Athena a enfin décidé de s’assumer en tant qu’elle-même, pas seulement en tant que sœur aînée de Sion, et déploie enfin ses vrais pouvoirs qui égalent – à peu de choses près – ceux des chevaliers d’or. Elle se relève, son cosmos mi-jaune mi-bleu se déploie autour d’elle et elle demande :

    « C’est tout ? »

    Aiolia sourit et dit :

    « Ca ? mais ce n’était que l’apéritif, je ne t’ai pas encore servi le plat principal… »

    Et il lui décoche un Lightning Bolt qu’Athena évite partiellement mais qui la blesse à la jambe droite…Aiolia accourt, regarde la blessure et dit :

    « Allons, ce ne sera rien, mais cela prouve que nous devons encore améliorer ta vitesse… »

    Athena se relève et dit :

    « Pourtant, je l’ai vu distinctement…

    -C’est déjà quelque chose de positif…si tu le vois tu arriveras à l’éviter quand tu auras augmenté ta vitesse… »

    Athena sourit : depuis qu’elle a été prise en charge par Aiolia, Kanon et Milo, elle contrôle mieux ses pouvoirs et surtout elle appréhende mieux ses vraies capacités car elle n’a plus besoin de retenir sa force…désormais, pouvoirs marins et cosmiques se mêlent dans ses coups, mais Kanon pense qu’elle n’en a pas encore vraiment conscience, et il estime qu’il n’est pas nécessaire pour l’instant de le lui dire, il sait très bien qu’il faut qu’elle en soit consciente pour libérer enfin tout son potentiel mais elle n’est pas encore tout à fait prête…

    Tous les après-midis, Shaina vient l’entraîner aux techniques de corps à corps et d’esquive, chose dont Athena manque quelque peu, Sion aussi, d’ailleurs, mais Sorrente tente de pallier à cela en l’entraînant encore dans les plages libres laissées par ses charges de prince héritier.

    Surtout, ce qui motive les chevaliers d’or, c’est le sourire retrouvé d’Athena, ce sourire qu’ils n’avaient vu que rarement sur son visage ces derniers mois…Kanon, assis non loin de là, observe les coups précis d’Athena et se dit que vraiment ils auraient dû demander à la prendre en charge bien plus tôt, ce n’était pas d’un maître ordinaire qu’elle avait besoin, mais de personnes qui aient une égalité de pouvoirs avec elle…et surtout, qui s’occupent exclusivement d’elle en comprenant ce qu’elle est et ses particularités…Qui de plus indiqués qu’eux, qui l’avaient vu naître et grandir ? Bien sûr, la déesse avait voulu la socialiser, la mettre au milieu d’autres filles de son âge, mais Athena, à cause de sa semi-divinité, n’était pas et ne serait jamais une jeune fille ordinaire…

    Kanon n’aimait pas s’avouer des choses, mais il devait bien admettre que, depuis sa naissance, il se sentait des entrailles de père pour Athena…ce n’était pas tout à fait pareil pour Sion, qu’il avait connu plus tard mais dont il appréciait également la compagnie.

    Il est tiré de ses réflexions par la voix joyeuse de Milo, qui apporte le repas…en effet, Mû est en mission pour la journée, et il considère donc comme un devoir de prendre soin d’Athena en son absence. Pendant l’après-midi, ce sera Shaina qui entraînera Athena, pour permettre aux chevaliers d’or de vaquer à leurs occupations et à leurs travaux…

    Athena, affamée, dévore de bon appétit les sandwichs à la grecque qu’elle adore, pendant que les chevaliers d’or discutent des événements de la matinée. En temps de paix, il se passe peu de choses au Sanctuaire, et leurs discussions tournent bien souvent autour de choses administratives concernant le camp d’entraînement des garçons, dont ils s’occupent…

    Athena suit à peine leur discussion, et son regard se tourne vers la mer, cette mer qu’elle ne craint plus désormais, qui représente pour elle l’image bienveillante de son père et de ses frères…