Chapitre 27: Tranches de vie…

 

Royaume de Blue Graad…

Camus du Cygne esquive prestement le coup que lui porte son père, et atterrit derrière lui avec un petit sourire…Hyoga répond au sourire de son fils aîné et dit :

« Il semblerait que tu aies enfin retrouvé tout ton tonus musculaire… »

Camus se retourne vers lui et dit :

« Oui, effectivement… »

Camus sort d’un passage à vide très grave, où il a failli laisser la vie…Pris dans un conflit psychologique inextricable contre Camus du Verseau, ne supportant plus son indifférence, il s’était enfui du palais d’Asgard pour tomber dans le gouffre qui mène au sanctuaire sous-marin, où Sion l’avait recueilli, et soigné jour après jour, pour l’aider à s’en sortir, à refaire surface…Camus avait pu enfin dire à son maître, de façon calme et raisonnée, ce qu’il pensait de lui, et avait enfin pu guérir de ses blessures tant physiques que morales. Depuis deux mois, il était revenu au royaume de son père, et c’est celui-ci qui l’entraînait pour un moment, craignant une rechute…de plus, même si Camus marchait de nouveau, ses genoux et ses chevilles blessés dans sa chute vers le sanctuaire sous-marin n’étaient pas encore tout à fait remis, il fallait donc recommencer en douceur…Camus du Verseau avait souscrit à l’avis de son ancien élève, et était donc reparti pour quelques temps en Sibérie…

Hyoga avait cependant vu un changement chez son fils aîné, plus calme, plus posé…son séjour auprès de Sion semblait l’avoir aidé à trouver sa place et avait aussi aidé sa véritable personnalité à se faire jour. Camus avait eu douze ans, mais parfois on le croyait plus âgé, tellement il avait un air grave et calme…

Il s’assied sur un tronc d’arbre, et regarde son père en souriant…ce sourire qui ressemble tant à celui de sa mère et qui le rajeunit, le ramenant à son âge réel de préadolescent. Hyoga vient s’asseoir près de lui et demande :

« Tu as vu ? tu as reçu une lettre de Sion ce matin…

-Oui, les serviteurs me l’ont donnée…mais je n’ai pas eu encore le temps de la lire…

-Je suppose qu’elle ne contient que de bonnes nouvelles…je n’oublierai jamais que nous lui devons ta vie, tu n’aurais pas survécu longtemps si la situation n’avait pas évolué ces dernières années et surtout si Sion n’avait pas été le prince héritier de l’empire des Sept Mers…

-Il a été formidable avec moi, il m’a aidé en se souvenant de son expérience d’infirme, ce qui n’a pas dû être très facile pour lui…

-J’ai pensé que nous pourrions l’inviter quelques jours, s’il n’est pas trop occupé, bien sûr…qu’en penses-tu ? »

Le sourire de Camus s’élargit, et il répond avec animation :

« Oh oui, quelle bonne idée…je le lui écrirai dans ma réponse… »

Hyoga est heureux de voir que son fils, enfin, va bien, et se dit que désormais il ne devra jamais le laisser retomber dans cet état…mais il se dit aussi que maintenant il y a fort peu de chances que ça arrive, Camus a compris enfin qui était réellement son maître et homonyme…

Rozan…

L’aube pointe parmi les Cinq Pics, et la cascade continue son ballet incessant. La maison de Shiryu et de sa famille est construite non loin de là, mais tout le monde n’y dort pas. Doko, le fils aîné, est assis devant la cascade, il médite avant de rentrer pour s’habiller et partir à l’école au village voisin. Il sait que la cascade donne la puissance à son armure, et que l’eau est son élément, et, tous les matins, il médite pour se mettre en harmonie avec cette eau étoilée…

Mais ce matin, il entend un pas familier derrière le sien : son père, Shiryu, est là…il est torse-nu, et ses yeux bleu-gris, si semblables à ceux de son fils, se posent sur lui avec bienveillance…

Doko ouvre lentement ses yeux, et se retourne avec un sourire vers son père…

« Tu devrais rentrer, ton petit-déjeuner est prêt… », dit Shiryu…

Doko se lève et se dirige vers la maison, et Shiryu observe son fils aîné : la déesse a demandé qu’il ait une vie d’adolescent normal, aussi suit-il les cours de l’école du village voisin. Il est parmi les meilleurs de sa classe, gentil, serviable, aux dires de ses maîtres, mais qui devinerait sous l’apparence de cet enfant en pleine croissance l’existence de pouvoirs incalculables ?

Il savait que Doko, par son tempérament calme et contemplatif, aimait apprendre et étudier, au contraire de sa sœur cadette, Shura, qui allait à l’école avec lui mais ne rêvait que plaies et bosses, au grand dam de sa mère…Shunrei devait régulièrement raccommoder son uniforme de classe déchiré.

Shiryu pensait parfois que Shura pourrait être chevalier elle aussi, mais il savait aussi que Shunrei ne le supporterait pas, elle avait déjà eu du mal à accepter l’éveil de Doko…il espérait qu’une fois plus âgée Shura se calmerait, après tout elle n’avait encore que sept ans. Pourtant, il savait qu’elle ne serait jamais la petite fille normale dont sa mère rêvait, ou alors il faudrait un miracle…

Bénarès, Inde…

Dans la cour du temple inondée de soleil, les deux Shaka sont assis sur les pierres brûlantes, en position yogi de méditation…La peau couleur caramel bien cuit de l’enfant contraste avec la peau pâle de son maître. La chaleur est étouffante, mais aucun des deux ne donne ne signe de transpiration, ni même de fatigue, ils maîtrisent tous deux leur corps grâce au yoga…

Shaka l’aîné, s’il se sent en sécurité dans son temple, n’a pas oublié l’incursion nocturne de quelque chose de maléfique dans ses quartiers deux mois auparavant, et depuis il se tient sur ses gardes…son disciple, aussi éveillé et courageux soit-il, n’est pas encore en mesure d’affronter seul un ennemi d’une telle puissance maléfique…s’il n’a pas encore trouvé le responsable, il poursuit ses recherches…

Son disciple, qui aura onze ans bientôt, a encore fait des progrès, mais il n’est pas encore prêt à apprendre les attaques réservées au chevalier de la Vierge, qui sont parmi les plus puissantes existantes. Il doit encore s’endurcir et finir d’acquérir un contrôle parfait sur son corps et son esprit, c’est à ce prix seulement qu’il en deviendra digne. C’est dans cette optique que son maître lui fait pratiquer le yoga tous les jours…

Mais Shaka de la Vierge a un mauvais pressentiment, mais il espère qu’il restera ce qu’il est : un simple pressentiment…

Cap Sounion…

Sion court à perdre haleine en direction du Sanctuaire d’Athena : il a obtenu la permission de rendre visite à sa sœur…il veut lui dire que sa dépendance est terminée, et a également demandé à son père la permission à son père de se rendre à Jamir où se trouve sa mère, en mission là-bas pour quelques jours…

Sion se sent libre comme l’air, sa dépendance à la mer lui avait toujours pesé, surtout qu’elle était apparue juste après la bataille d’Hermès, où il avait failli laisser la vie…Sorrente avait trouvé le moyen de le sauver, en l’exposant aux forces marines, mais Sion était devenu lié à ces forces, ne pouvant jamais s’éloigner trop loin de la mer…quel soulagement de faire ce qu’il veut à présent !

Il montre son sauf-conduit aux gardes, et se dirige vers l’arène d’entraînement des chevaliers d’or, où il sait trouver sa sœur à cette heure de la journée…Athena est là, debout, elle fait face à Aldébaran, qui fait deux fois sa taille…cependant, elle n’en a pas peur, et le brave avec un petit sourire, droite et digne…

Sion remarque immédiatement son assurance, il y a quelque chose de changé chez sa sœur…comment ne l’a-t-il pas senti avant ? Athena aurait-elle maintenant le pouvoir de lui cacher des choses ?

Dans les minutes qui suivirent, Sion alla de surprise en surprise : le cosmos doré et bleu d’Athena apparut, sans qu’elle ne le retienne, comme d’habitude, et l’attaque qu’elle porta à Aldébaran fut nette et précise…sa sœur avait enfin pris de l’assurance, toute cette souffrance qu’il sentait en elle auparavant s’était atténuée…

Il n’avait jamais osé lui demander pourquoi elle souffrait, bien qu’il s’en doutât : Athena vivait dans son ombre depuis qu’il s’était réveillé de son coma, s’effaçant volontairement et lui venant en aide, elle s’était toujours sacrifiée pour lui, d’une façon ou d’une autre. Leur mère avait dû s’en apercevoir et l’avait aidée, provoquant enfin l’émergence de la vraie personnalité d’Athena. Elle a maintenant une prestance et une tenue digne de la princesse des Sept Mers qu’elle n’était auparavant que par titre et un peu contrainte et forcée…bon, il savait bien qu’elle détestait qu’on l’appelle par son titre et toute la révérence qui lui était due, mais maintenant, qui la verrait ne douterait pas une seule seconde de son sang divin. Athena n’avait pas foncièrement changé physiquement, mais avait enfin appris à vivre pour elle-même…cela s’en ressentait dans son attitude, jamais Sion ne l’avait vu aussi déterminée, même pas en bataille…

Elle se tourne alors vers lui et s’écrie :

« Sion ! viens vite ! »

Aldébaran sourit aux jumeaux et dit :

« Je ne savais pas que tu viendrais nous rendre visite ce matin… »

Sion sourit et dit :

« J’avais demandé un sauf-conduit mais je n’avais pas prévenu… »

Athena sourit largement à son frère, et demanda à Aldébaran :

« On peut faire la pause maintenant ?

-Mais oui ! qui suis-je pour te priver de voir ton frère ? »

Aldébaran connaît lui aussi Athena depuis sa naissance, et il apprécie tout autant Sion. Tous trois se retirent sous un petit abri de toile à proximité, et Athena boit à longues gorgées l’eau fraîche tirée d’une outre posée à l’ombre d’une pierre. Il n’est que dix heures du matin, mais la chaleur est déjà caniculaire…

Athena regarde son frère jumeau et dit :

« Tu as quelque chose de changé, non ? »

Le sourire de Sion s’élargit et il dit :

« Ma dépendance aux forces marines a disparu, je peux dorénavant survivre sans trident loin de la mer…C’est Triton qu’il l’a senti, tu sais qu’il a davantage de sensibilité et de pouvoirs que nous… »

Athena serre son frère dans ses bras, puis le lâche et lui demande :

« Tu vas aller rejoindre maman à Jamir, alors ?

-Oui, je pars tout à l’heure…je ne lui ai rien dit, je veux lui faire la surprise…

-Elle en sera si heureuse…

-Elle doit être aussi heureuse de te voir enfin si bien, grande sœur… »

Mais il n’en dit pas plus, il ne veut pas embarrasser sa sœur…Mais Athena l’a compris à demi-mot. Aldébaran dit alors à Sion :

« Ta sœur est réellement stupéfiante, avec de l’expérience elle deviendra une guerrière redoutable et à ce moment-là, nul d’entre nous ne sera en mesure de la battre… »

Il parlait du plus ajouté par la semi-divinité d’Athena. De jour en jour, l’adolescente devenait plus consciente de l’interaction de ses pouvoirs marins lors de ses attaques, viendrait bientôt le jour où Kanon pourrait le lui faire remarquer…

Sion se leva alors et dit :

« Je dois rentrer, je vais préparer mes bagages…porte-toi bien, Athena, n’en fais pas trop…et salue tout le monde pour moi…

-Je n’y manquerai pas… »

Sion serre sa sœur dans ses bras, l’embrasse et salue Aldébaran avant de prendre le chemin du retour. Arrivé à la maison Solo, il continue à réfléchir sur le changement positif de sa sœur, il en est absolument ravi, Athena révèle enfin tout son potentiel, qu’il sait énorme mais qu’elle cachait pour faire mieux ressortir le sien…

Il entasse quelques vêtements dans un sac, puis y adjoint un cadeau qu’il a acheté pour sa mère ainsi d’un nécessaire de toilette, puis ferme son sac, va embrasser son père et sort de la maison. Puis, en une fraction de secondes, il se téléporte pour se retrouver devant la pagode qui est la demeure de sa mère et de tous les chevaliers d’or du Bélier avant elle. Il reste là, sentant ses larmes de bonheur affluer vers ses yeux, il conserve une nostalgie de ses premières années passées avec sa mère ici, et il sait ce qu’y revenir signifie, sans trident cette fois…

C’est alors que Mû sort au balcon et sourit en voyant son fils, mais elle lui dit :

« Tu n’es pas raisonnable, Sion…venir ici tout seul, et sans trident en plus ! »

Sion sourit à sa mère, et dit :

« Je voulais t’annoncer que ma dépendance aux forces marines à disparu, je n’en ai plus besoin pour survivre ! je peux donc aller où bon me semble, et je voulais te voir… »

Mû descend alors, et vient au devant de son fils, qu’elle serre dans ses bras en retenant à grand’peine des larmes de soulagement…depuis la bataille d’Hermès elle espère cela, et voilà que ses vœux ont été réalisés !

Elle fait entrer Sion, et lui prépare une tasse de thé pendant qu’il pose ses affaires dans sa chambre. Lorsqu’il revient, elle lui tend la tasse et lui dit :

.« Tu as vu ta sœur ?

-Oui…je ne l’ai jamais vue aussi bien…

-Il était temps que je me rende compte qu’elle avait besoin de mon aide pour s’éveiller à sa vraie personnalité…

-J’aurais dû réagir bien avant quand je me suis aperçu qu’elle se sacrifiait toujours pour moi…

-Ce n’est pas de ta faute, Sion…je considère que c’est de la mienne, je suis votre mère et c’était à moi de l’aider…

-En tout cas maintenant elle va bien, sa puissance a encore augmenté, même son attitude a changé, elle est plus assurée…

-Maintenant elle vit pour elle, et non plus derrière toi… »

Sion sourit à sa mère…Mû dit alors :

« Mais comment t’es-tu rendu compte que tu n’avais plus ta dépendance ?

-En fait, c’est Triton, mes pouvoirs ont légèrement changé et c’est comme ça qu’il s’en est aperçu…il a des pouvoirs que je n’ai pas, tu sais…

-En tout cas c’est une très bonne nouvelle… »

Mû observa son fils cadet : en effet, il respirait la santé, et elle se dit qu’elle préviendrait le médecin pour espacer les visites médicales, l’état actuel de Sion ne les requérait plus…ses yeux, éloignés de la mer, avaient leur teinte ordinaire, violet avec des paillettes bleu-vert, héritées de ceux de son père, et Mû pouvait y lire tout l’amour filial que son fils lui portait…la ressemblance de Sion avec son père s’était affirmée, mais il n’était pas possible de les confondre, Sion avait la peau plus bronzée, et la forme de ses yeux différait aussi de celle de son père…

Sion restait assis là calmement, observant sa mère, et Mû se dit que là résidait la grande différence de caractère entre ses deux enfants : Sion était plus contemplatif, réfléchissait avant d’agir, alors qu’Athena, vive et impulsive, fonçait souvent devant elle…

  • La lettre de Shion…
  • Quelques jours plus tard…

    Depuis qu'il est arrivé chez sa mère, Sion n'a de cesse de tout explorer, chose qu'il ne pouvait pas faire étant petit vu qu'il ne savait pas assez bien se téléporter, et que c'est une condition sine qua non dans la maison si bizarre sans entrée ni sortie des chevaliers d'or du Bélier...

    Là il ne s'en prive pas, il adore surtout fureter au grenier où sont réunis plusieurs siècles d'objets rassemblés là par les hommes qui se sont succédés dans la maison. Il y trouve aussi les affaires de bébé de sa sœur, et quelques affaires qui ont appartenu à sa mère petite, entre autres une tunique d'entraînement usée et rapiécée...décidément, Shion du Bélier ne devait pas être un tendre. Et pourtant, Mû avait survécu à cela, et son caractère semblait s'être renforcé, bien que Sion sût que sous la carapace de sa mère se cachait quelqu'un de tendre et sensible, ce que n'avait pu effacer l'entraînement terrible donné par Shion.

    Sous une pile de papiers, Sion déniche une lettre cachetée avec le grand sceau du Sanctuaire d’Athena, estampillé d’une chouette, animal relié à la déesse... à son grand étonnement, son nom est inscrit dessus en caractères tibétains, avec la faute qui le caractérise... en effet, quand il avait été déclaré, juste après sa naissance, le scribe qui avait fait le document avait écrit son prénom en se basant sur les sons, sans le 'h' qui se trouvait dans celui de son illustre homonyme... du coup, il avait appris à l'écrire comme ça, et c'était un bon moyen de le différencier du maître de sa mère...

    Etonné et stupéfié, il reste là un long moment, à se demander s'il doit l'ouvrir ou pas... Puis, se décidant, il brise le sceau et commence à parcourir les pages jaunies...

    La lettre est écrite en tibétain, mais Sion ne peut que se féliciter d'avoir suivi attentivement les cours de sa mère dans cette langue quand il était plus jeune. L'écriture en est nette, précise et soignée, et la lettre est ainsi libellée:

    Cher Sion,

    Je sais que cela te surprendra, car pour toi je suis mort il y a bien longtemps maintenant, mais tu n'ignores pas qu'en tant que Grand Pope je lisais dans les étoiles, et c'est justement ce que j'y ai vu qui m'a poussé à écrire cette lettre, en espérant qu'elle te parvienne un jour...

    Je sens le doute qui t'assaille, tu dois penser que ce n'est qu'une mauvaise plaisanterie, mais tu dois me croire...Je sais sur toi ce que tout un chacun qui te connaît un peu sait: tu as eu quatorze ans il y a peu, le 8 avril, tu as une sœur jumelle qui est de 8 minutes ton aînée et qui a été nommée Athena, tu es prince héritier de l'empire des Sept Mers en co-régence avec ton frère aîné Triton...je sais aussi que tu ressembles physiquement beaucoup à ton père, Julian Solo, réceptacle de l'âme de Poseidon, du moins ce qui en reste libre.

    les étoiles prévoyaient ta naissance, mais je ne pouvais consigner cela dans les archives car ton existence et celle de ta sœur sont demeurées secrètes pour la plus grande partie du Sanctuaire pendant longtemps...Même encore maintenant, peu de personnes savent réellement qui vous êtes vraiment.

    Dès ta naissance, tu fus un sujet de controverse, mais la déesse te laissa la vie, te baptisant Sion selon le souhait de ta mère qui ignorait cependant ta venue au monde...

    Si je prends ainsi la plume, ce n'est pas pour te raconter ta vie en détail, mais t'avertir d'un danger qui te menacera dans peu de temps, qui vous menacera tous...Autrefois, peu avant ta naissance, eut lieu la bataille d'Hadès, qui se solda par la victoire de la déesse Athena. Mais, en secret, Perséphone, l’épouse d’Hadès, a réussi à reconstituer une partie de ses troupes, et se prépare à attaquer à la fois la Terre, pour se venger de la déesse, et la Mer, pour se venger de l'aide apportée par Poseidon lors de la dernière bataille...oui, je sais, tu ignorais cela...

    Je m'adresse à toi, prince héritier de l'Empire des Mers, en tant que Grand Pope du Sanctuaire pour que tu fasses le nécessaire et prévienne à la fois Athena et Poseidon, tu es le seul qui sera à la fois écouté et par l’un et par l’autre…

    si tu doutes encore, tu peux montrer cette lettre à ta mère, elle connaît mon écriture et la reconnaîtra…de plus, tu peux aussi lui dire ce fait qu’uniquement elle et moi savons : elle a une longue cicatrice sur le mollet gauche parce qu’elle a essayé de s’enfuir d’ici quand elle avait cinq ans et qu’elle est tombée du haut d’une paroi à pic. Je pense qu’elle n’aime pas à se souvenir de ce jour où je l’ai tant malmenée et tant fait souffrir, je pensais agir pour son bien parce que je savais qu’elle était destinée à être chevalier d’or…et pourtant, lorsque j’ai lu dans sa constellation qu’elle serait mère un jour, cela ne m’a pas tellement étonné, même si elle se comportait comme un homme elle était femme au fond d’elle-même, et cela je l’ai toujours su, même si j’ai nié cela délibérément en face d’elle pour n’être qu’un maître sévère…

    Mais quand je vois ce qu’elle fera de vous, je suis fier d’avoir été son maître et d’avoir agi comme je l’ai fait, le fait même qu’elle ait désiré te donner mon nom prouve l’estime qu’elle a pour moi, et je sais que tu le portes très bien…

    Ah, voilà que je m’égare, je ne suis plus qu’un vieil homme maintenant et je me laisse aller un peu vite à la nostalgie…maintenant c’est à toi d’agir, et je sais que tu le feras efficacement.

    Sache que du royaume des Morts où j’irai bientôt je te verrai et te soutiendrai, car je sais que tu en es digne…

    Shion, Grand Pope du Sanctuaire d’Athena

    Sion resta interdit devant cette lettre au contenu plutôt explosif. Le tout avait l’air d’être une mauvaise blague, car il savait qu’on peut vieillir artificiellement du papier, ce qui était dit n’avait pas tellement l’air d’en être une, ce qui y était annoncé était virtuellement une nouvelle guerre des dieux…

    Soucieux, il examina la lettre sous toutes les coutures, voulant y trouver une preuve de faux, mais tout indiquait une vraie lettre écrite il y avait une trentaine d’années, juste avant sa mort, par Shion du Bélier…

    Ne voulant pas prendre une décision tout seul, il décida de remettre la lettre à sa mère, pour avoir un second avis…

    Mû lut attentivement la lettre en dissimulant son émotion et dit à son fils :

    « Effectivement, il s’agit là de l’écriture de mon maître, et je me souviens de l’incident qu’il y relate…tu dis que tu as trouvé cela au grenier ?

    -Oui…regarde, il y a même la faute d‘orthographe de mon nom…

    -Ce qui est relaté ici est très grave, cela signifierait une nouvelle guerre sainte…nous allons d’abord la montrer au Vieux Maître, il a bien connu mon maître et reconnaîtra sans aucun doute s’il s’agit d’une lettre véritable… »

    Aussitôt dit, aussitôt fait, la lettre fut apportée au Vieux Maître…Celui-ci l’observa attentivement et dit :

    « C’est incroyable, mais c’est bien Shion qui l’a écrite…vous ne pouvez pas le faire, mais je peux encore sentir son aura à travers cette lettre… »

    Sion dit alors avec un discret soupir :

    « Nous devrons encore combattre… »

    Le Vieux Maître le regarde et lui répond alors :

    « Pour la paix du monde, jeune prince, aucune guerre n’est inutile…je sais que tu as déjà combattu en tant que généralissime des armées de ton père, c’est pourquoi je comprends ta réaction…mais certains doivent mourir pour que d’autres vivent, là est la vérité du monde… »

    Sion hocha la tête gravement…il comprend ce que cela implique : une guerre qui concernera les deux sanctuaires contre Perséphone et ses troupes…cette fois encore, Poseidon et Athena, séculaires ennemis, allaient devoir s’unir pour protéger l’intégrité de leurs royaumes respectifs…

    Mû sent la peur diffuse que ressent son fils aîné…mais elle ne dure qu’un moment, Sion n’a jamais fui ses responsabilités et ce n’est pas encore maintenant qu’il va commencer. Il regarde sa mère, puis le vieux maître et dit :

    « Alors je combattrai…pour la paix du monde… »

    Sion est prince, il sait quelles sont les responsabilités qui lui incombent, et il sait aussi que sa sœur connaît les siennes…tous deux combattront aux côtés de leur père et de leur frère Triton.

    Le Vieux Maître se lève :

    « Allons au Sanctuaire, ne perdons pas de temps pour agir ! »

    En une fraction de secondes, les deux chevaliers et Sion se matérialisèrent dans le Sanctuaire…reconnus par les gardes, ils montèrent jusqu’à la salle où siégeait la déesse…

    La déesse, informée par le Vieux Maître, prit la lettre et la lut avant de dire :

    « La lettre a été authentifiée ? »

    Le Vieux Maître hocha la tête :

    « J’ai reconnu le peu d’aura de Shion qui l’imprégnait encore, mais je pense que nous pourrions la comparer à des documents écrits de sa main… »

    Tous les documents que la déesse fit amener par l’archiviste étaient en grec, mais la similitude des deux écritures ne faisait aucun doute…Shion avait donc lu la menace dans les étoiles, il y avait plus de trente ans de cela, et avait voulu en informer son descendant.

    La déesse resta silencieuse un moment, et dit :

    « Je connais Perséphone…elle était autrefois la fille de Déméter et s’appelait Korê, mais son enlèvement par Hadès et sa vie aux Enfers l’ont changée, son caractère est devenu plus dur et même sa mère ne l’a pas reconnue la première fois qu’elle l’a revue après son mariage…Korê était devenue Perséphone et amoureuse de son mari. Elle a un caractère très entier et elle est capable de tout, ce qui va nous compliquer singulièrement la tâche …elle voudra venger Hadès par tous les moyens… »

    Sion, qui n’avait encore rien dit, demanda alors :

    « Shion parle, dans sa lettre, d’une aide apportée par mon père lors de la bataille d’Hadès, qui pourrait pousser Perséphone à se venger de lui…

    -Oui, ton père, enfin ce qui restait de lui dans Julian Solo, a envoyé les armures d’or à travers les dimensions des Enfers pour nous aider contre Hades… »

    Ainsi son père avait aidé Athena pendant la bataille d’Hades, il avait tout de même voulu sauver la Terre des ténèbres éternelles qui menaçaient de l’engloutir…Sion sourit intérieurement.

    La déesse s’adresse alors à Sion :

    « Nous devons lutter contre Perséphone ensemble…je vais écrire à ton père pour que nous nous rencontrions, et le plus tôt sera le mieux… »

    Sion hocha la tête…

    La rencontre eut lieu le lendemain, Sion accompagna son père et Mû accompagna la déesse…le lieu choisi était une plage, lieu neutre terrestre et marin, et une tente de toile avait été dressée là. Poseidon indiqua un siège à sa jeune nièce et s’assit en face d’elle…

    « Sion me parle d’un très grave danger, de Perséphone, m’a-t-il dit, qui aurait entrepris de venger Hades… »

    La déesse acquiesca :

    « Oui…Shion du Bélier le savait, il l’a relaté dans une lettre adressée à Sion que celui-ci a trouvé à Jamir…la lettre est véridique, et nos deux royaumes courent un grave danger… »

    Poseidon hocha légèrement la tête, signe qu’il réfléchissait, et finit par dire :

    « Nous devons nous unir contre Perséphone, il faut l’empêcher d’arriver à ses fins…

    -Pour cela je suis d’accord, mais je te rappelle que tu n’as plus que deux généraux…

    -Peut-être d’autres s’éveilleront d’ici là, cela je ne peux le savoir…mais le reste de mes troupes est en pleine santé, ils suffiront…Perséphone n’aura pas la victoire ! »

    Il fut ensuite décidé de la logistique, qui combattrait où, mais ils ne pouvaient faire quelque chose de définitif tant que Perséphone ne s’était pas manifestée…

    Dès lors, Poseidon résida de nouveau de façon quasi-permanente dans le Sanctuaire sous-marin, préparant ses plans de bataille…

    Un nouveau général…

    La nuit est tombée sur le sanctuaire sous-marin, et Sion sommeille dans son lit…au milieu de la nuit, quelque chose le réveille. Il tourne la tête en tout sens, et se rend vite compte que ce n’est pas de sa chambre que provient la source de son réveil.

    Il enfile une tunique au dessus de son pantalon de nuit, et se téléporte directement là d’où vient l’énergie qu’il a senti…

    Il ouvre les yeux après sa téléportation, et voit devant lui un Pilier des Sept Mers, qu’il reconnaît comme étant celui de l’Océan Indien…Mais l’énergie ne vient pas de là, elle émane d’un homme étendu à terre. A son contact, Sion sent son aura s’allumer mais il se maîtrise vite…

    L’homme commence à bouger, et il ouvre les yeux…Sion peut alors voir qu’il a la peau bronzée, des cheveux noirs, et qu’un point fait de poudre rouge marque son front…

    Il regarde Sion et demande, dans la langue commune aux marinas qu’il utilise sans avoir l’air de s’en rendre compte :

    « Où suis-je ? »

    Sion se demande lui aussi d’où il vient…pourtant, l’énergie qu’il dégage prouve une chose : il s’agit là d’un marina. Sion sourit et répond dans la même langue :

    « Vous êtes au sanctuaire sous-marin, mon ami, ne craignez rien, personne ne vous fera de mal ici… »

    L’homme a l’air complètement perdu…soudain, quelque chose dans son aura attire le regard de Sion : il y voit fugitivement l’image d’une lance…et pas n’importe laquelle, celle qui va avec l’Ecaille du Général de Chrysaor, qu’il a souvent observée dans la Salle des Ecailles...

    Alors la clarté se fait dans l’esprit de Sion : cet homme est la réincarnation du Général de Chrysaor, mais il ne comprend pas encore bien ce qui lui arrive. Sion l’aide alors à se relever, et l’emmène auprès de Sorrente et d’Illia, les Généraux en titre, et de Thétis, qui vient de s’apercevoir qu’il n’est plus dans sa chambre…

    Ils font asseoir l’homme, et parviennent à lui faire dire son nom : Indra…Sion sourit : Indra de Chrysaor, les deux s’accordaient bien…de plus, Indra était le dieu suprême dans la religion dravidienne, et c’est un nom qui allait bien à un Général destiné à commander…

    Indra semble alors se secouer, lève alors les yeux, et regarde Sion avant de s’agenouiller et de dire :

    « Votre Majesté Poseidon, je… »

    Sion ne peut s’empêcher de sourire et dit :

    « Je ne suis pas Poseidon, je ne suis que son fils cadet, Sion…et vous vous appelez Indra, c’est bien cela ? »

    L’homme acquiesce et dit :

    « J’ai l’impression de ne pas savoir réellement qui je suis…j’étais rickshaw-walla (tireur de pousse-pousse) à Calcutta, et, un jour, quelque chose m’a poussé à aller vers la mer…j’ai senti quelque chose s’allumer en moi, comme si plusieurs vies s’incarnaient dans mon corps, et je suis tombé à la mer…je me suis retrouvé ici, parlant cette langue qu’il me semble connaître depuis toujours mais que je ne comprends pas…il semblerait que je sois la réincarnation du général de Chrysaor, mais je ne sais pas d’où je tiens cette certitude… »

    Sion acquiesce :

    « Oui, et vous vous êtes réveillé au moment où nous avons le plus besoin de vous…une nouvelle guerre se prépare contre Perséphone, Athena et nous lutterons ensemble… »

    Les yeux d’Indra s’écarquillèrent, preuve supplémentaire qu’il disait vrai :

    « Altesse…mais Athena est notre ennemie !

    -Plus maintenant, je vous expliquerai pourquoi…pour l’instant vous allez vous reposez, Illia et Sorrente vont vous montrer votre chambre, ce sont vos égaux, ils sont respectivement Général du Pacifique Sud et Général de l’Atlantique Sud… »

    Indra hocha la tête et s’inclina ensuite profondément devant Sion, puis les trois Généraux sortirent…Thétis resta avec Sion et lui dit :

    « Tu n’aurais pas dû sortir seul…

    -Je suis en mesure de me défendre maintenant…et je savais que cette aura ne m’était pas hostile…il sera perdu encore quelques jours et il sera en mesure de prendre ses fonctions, je l’aiderai… »

    Il sort et lève les yeux vers la mer, au dessus de lui…L’aube est en train de pointer, et il n’a plus envie de dormir…il dit à Thétis :

    « Tu feras préparer un messager un peu plus tard dans la matinée, je vais écrire une lettre…

    -Où veux-tu l’envoyer ?

    -Au Royaume d’Asgard, à la princesse Hilda…nous allons faire notre possible pour que cette guerre ne l’atteigne pas, mais son royaume borde le nôtre et je préfère qu’elle sache… »

    Thétis sourit intérieurement : Sion prenait ses responsabilités de prince, il pensait aux autres avant de penser à lui-même, aux conséquences possibles de ses actions…et elle savait aussi qu’il appréciait Hilda.

    Sion rentra dans sa chambre, s’assit à son bureau et rédigea une lettre pour Hilda, l’informant des récents événements…il en rédigea une autre pour Bud, qu’il savait être le seul Guerrier Divin vivant, rempart contre le mal dans cette région.

    Ceci fait, il s’allongea sur son lit pour se reposer encore un peu, mais ne retrouva pas le sommeil…la guerre qui s’annonçait allait encore être meurtrière, aussi bien dans les âmes que dans les corps, mais elle était nécessaire. Et, en tant que prince, il devrait veiller sur la vie de ses troupes, les empêcher de s’exposer inutilement, et payer le plus possible de sa personne…

    Il se leva, s’habilla et sortit… le jour commençait à inonder de sa lumière le temple sous-marin, mais le soleil n’était pas encore levé. Sion se faufila jusqu’à la Salle des Ecailles, et resta un long moment à méditer là, s’imprégnant de toute la puissance qui était contenue là…

    Quand il en sortit, le soleil d’un jour nouveau, miracle sans cesse renouvelé, inondait le palais…Sion sourit, et y vit un présage heureux, jamais le parti de l’obscurité ne vaincrait, il ferait tout pour cela…