Cette annexe, totalement inédite, rajoute quelques scènes aux premiers chapitres de la fic et apporte quelques éclaircissements supplémentaires. Bonne lecture !

Annexe 1 : Devenir mère

Partie 2: Grandir normalement

Jamir

Athena, les yeux plongés dans ceux de sa mère, tétait goulûment son sein. Elle avait à présent quatre mois et demi, et bientôt elle serait sevrée, mais, pour l’instant, Mû continuait à l’allaiter…

Elle était installée dans la chambre du bébé, assise dans un fauteuil, et aimait à regarder les fresques peintes par son apprenti sur les murs. Cet enfant la surprendrait toujours, elle savait qu’il avait un don artistique mais elle ne pensait pas que ce fût à ce point-là. Profitant qu’elle était encore au Sanctuaire, il lui avait fait la surprise…

Au-dessus du berceau était suspendue la bénédiction bouddhique que Shaka lui avait donné juste après la naissance, et elle avait installé quelques meubles dans la pièce qu’elle avait transformée en chambre de bébé. Elle se situait juste à côté de la sienne, et donnait sur la pièce à vivre de la pagode. Le calme ambiant apaisait Mû, qui parvenait enfin à retrouver son calme intérieur…

Une fois Athena repue, elle se rhabilla et, déposant la petite fille dans son siège transportable, elle alla travailler dans son atelier. Voilà comment se déroulaient ses journées, rythmées par les repas et les siestes de sa fille qui, à présent, restait davantage éveillée. De temps en temps, elle recevait la visite des autres chevaliers d’or, mais vivre en ermite dans la seule compagnie de son apprenti et de sa fille lui suffisait pour retrouver son équilibre…

Rodorio

Helena Alios, de temps en temps, tournait son regard vers le berceau où dormait le bébé que l’on lui avait confié un mois plus tôt. Un homme, venu sans aucun doute du Sanctuaire tout proche, le lui avait apporté en lui demandant de l’élever et en la prévenant de l’apparition probable de certains pouvoirs bizarres. Il n’en avait pas dit plus, mais elle avait accepté malgré cela. Elle ne savait pourquoi, mais cet enfant l’avait émue à la première seconde et elle s’y était attachée immédiatement, ainsi que son mari, Orestes, bourru mais qui, pour le bébé, savait trouver des trésors de patience. Le Ciel n’avait pas béni leur couple d’un enfant, mais ils priaient avec ferveur, et l’arrivée de Sion fut vécue comme le signe de la bienveillance de Dieu à leur égard…

On leur avait dit qu’il s’appelait Sion, nom qui n’était pas grec du tout mais avait plutôt une consonance asiatique. Cependant, l’enfant n’avait pas une apparence telle avec sa peau pâle, ses points sur le front et ses grands yeux violets. Un duvet bleu clair lui couvrait le crâne, mais c’était à part cela un bébé parfaitement normal fort occupé à boire son biberon, salir ses couches et hurler de temps en temps…

D’après ce qu’Helena en savait, il était extrêmement rare que des enfants viennent au monde au Sanctuaire d’Athéna, aussi, probablement, celui-ci avait-il été soigneusement éloigné de cet endroit où sa présence était hors la loi. Peut-être même n’avait-il aucun pouvoir…

En tout cas, il était bien trop petit pour qu’on puisse le savoir, et elle s’était prise de tendresse pour ce bébé orphelin – du moins le croyait-elle – qui avait besoin d’elle.

Sion bougea, se mit à pleurer, et elle se leva pour le prendre dans ses bras avant de le nourrir…

Les mois, puis les années passèrent, et les jumeaux se développèrent de façon conjointe. Dès vingt mois, leurs pouvoirs se réveillèrent et ils commencèrent à grandir plus vite. Mû était en mesure d’exercer sa fille à maîtriser ses pouvoirs, mais Sion, au grand effroi d’Helena, dut apprendre lui-même. C’était un enfant calme, presque contemplatif, ressemblant en cela à sa mère, qui pouvait passer des heures dehors à jouer dans la poussière, seul ou avec d’autres enfants. Ses pouvoirs étranges lui attiraient la curiosité des gens, et sa nourrice lui disait sans cesse de se méfier d’eux, de ne pas utiliser ses pouvoirs en public, elle avait peur de le voir stigmatiser par les autres villageois, vite enclins à voir le mauvais œil dans ce qu’ils ne comprenaient pas…

Contrairement à sa mère, qui conservait sa peau pâle malgré le soleil dévorant de l’altitude, Sion, sans doute par influence paternelle, bronzait et, à quatre ans, il arborait une peau hâlée, contrairement à sa sœur qui avait plus hérité du côté maternel. Ladite sœur était la coqueluche des chevaliers d’or, et elle aurait pu leur faire faire ses quatre volontés si elle l’avait voulu. Ils venaient de temps en temps à Jamir pour rendre visite à Athena et à sa mère, et la déesse respectait le besoin de calme de son chevalier d’or du Bélier, qu’elle n’obligeait pas à revenir au Sanctuaire pour l’instant…

Utilisant les méthodes enseignées par son maître Shion, elle apprenait à Athena à se servir de ses pouvoirs, mais la petite fille, impulsive et vive, y mettait parfois de la mauvaise volonté. Soupirant, Mû se demandait alors ce qu’elle avait bien pu faire à Bouddha. Malgré son caractère bien trempé, Athena grandissait et progressait, sous le regard dévoué et bienveillant de Kiki, l’apprenti de sa mère et lui aussi son esclave, qui l’adorait et s’occupait d’elle depuis sa toute petite enfance. Quand elle était bébé, Athena aimait tirer sur ses boucles rousses, et l’apprenti se laissait faire en souriant…

Rodorio

Sion, quatre ans, était assis sur le seuil de la maison de ses parents nourriciers. Helena lui apporta son verre de lait et lui demanda :

« Tu ne veux pas aller jouer avec les autres ? »

L’enfant leva son regard sur sa nourrice et secoua la tête :

« Non, je suis bien comme ça… »

Helena soupira…les gens avaient bien remarqué que Sion était différent, bien plus grand que les enfants de son âge, et ses pouvoirs étranges le faisaient montrer du doigt par certains des villageois. Elle aurait bien voulu en parler à quelqu’un au Sanctuaire, mais à qui ? De plus, elle n’avait pas l’autorisation d’y rentrer. Elle y envoyait une fois par mois une sorte de rapport sur les progrès et la croissance de Sion, mais nul encore n’était venu se soucier du petit garçon abandonné…

L’enfant jouait tranquillement avec de petites pierres, se servant de ses pouvoirs pour les faire tourner et retourner devant son visage, pensif. Bien trop mûr pour son âge, il se demandait souvent pourquoi ses parents l’avaient laissé seul et pourquoi il avait hérité de ces capacités étranges, dérangeantes et qui lui faisaient peur.

Un homme, vêtu d’une pèlerine noire descendit alors la rue. Il resta un bon moment à observer Sion puis s’approcha en disant :

« Suis-je bien chez Orestes Alios ? »

Sion pouvait voir briller son regard sombre, qui ne le quittait pas, et répondit, l’instinct sur ses gardes :

« Qu’est-ce que vous lui voulez ? »

Helena, qui se trouvait dans le salon, entendit la voix de Sion et sortit. L’enfant, effrayé, se mit immédiatement derrière elle, cherchant la protection de celle qu’il considérait comme sa mère…

Elle sortit et dit :

« Que voulez-vous à cet enfant ? Je suis Helena Alios, sa nourrice…»

L’homme dit alors :

« Je viens parler de lui, justement…puis-je entrer ? »

Méfiante, Helena accepta et le fit entrer dans sa cuisine pimpante et rutilante. L’homme s’assit et dit :

« Je viens chercher l’enfant Sion pour l’emmener au Sanctuaire, où sera sa place désormais, il est temps qu’il commence à s’entraîner… »

Il abaissa sa capuche noire, et Sion put voir que l’homme, nonobstant son apparence sombre, avait au contraire des yeux verts brillant de gentillesse et des cheveux châtain clair bouclés, quelque peu en désordre. Il devait avoir vingt-quatre ou vingt-cinq ans, tout au plus, et souriait légèrement. Il jeta un regard à Sion et acheva : 

« Je m’appelle Ideos, chevalier d’argent de la Carène, et je serai son maître là-bas… »

Ideos observa un moment Sion. Se pouvait-il que cet enfant eût seulement quatre ans ? Il était bien grand pour son âge. Et que signifiaient donc ces points sur son front ? Il ne pouvait absolument pas supputer son origine ethnique, mais son instinct lui disait que cet enfant était particulier, il ne pouvait dire pourquoi…en tout cas, la déesse semblait lui accorder une grande importance, puisqu’elle le lui avait confié en disant bien qu’il fallait qu’il en prît grand soin…

Sion, alors, laissa tomber son air de petit fier à bras et se précipita dans les bras de sa mère nourricière, la seule personne, avec Orestes, qui lui eût jamais témoigné de l’affection. Helena sentit les larmes lui monter aux yeux et lui dit :

« Non, Sion, tu dois aller avec lui, ton destin n’est pas de rester ici… »

Mais Sion ne voulait pas comprendre, et resta cramponné à Helena. Pourquoi serait-il retourné dans cet endroit qui n’avait pas voulu de lui à sa naissance ? Après tout, ils l’avaient confié à Helena et Orestes, pourquoi voulaient-ils le reprendre à présent ?

Ideos lui dit :

« Notre déesse m’a dit que tu avais un grand destin devant toi, jeune Sion, et c’est d’elle que viennent mes ordres… »

La déesse Athéna n’était pour Sion qu’une entité, quelque chose de bien au dessus de lui qu’il n’avait jamais vu, mais Helena lui avait enseigné le respect pour elle. Il se serra davantage contre sa mère nourricière, refusant encore ce grand destin auquel on voulait l’astreindre. La nourrice dit alors :

« Ne pourrions-nous le garder encore cette nuit, pour qu’il puisse faire ses adieux à mon époux ? Vous pourrez venir le chercher demain… »

Ideos regarda l’enfant blotti contre la femme, et hocha la tête, comprenant que cela se ferait davantage en douceur s’il accédait à sa requête. Il se leva, s’inclina et dit :

« Je reviendrai le chercher demain matin, faites en sorte qu’il soit prêt… »

Et il sortit. Sion, alors, se blottit contre la poitrine d’Helena, de grosses larmes coulant sur ses joues. Elle le serra davantage contre elle et lui dit :

« Allons, ne pleure pas, rien ne dit que tu ne seras pas heureux là-bas…et je suis sûre que la déesse Athéna t’autorisera à venir nous voir de temps en temps… »

Pourtant, même cette idée suffit peu à consoler Sion, qui pleura encore beaucoup pendant la soirée et qui fit pleurer Orestes, qui s’était aussi attaché à lui. Pourtant, au matin, il fallut bien, son petit baluchon en main, qu’il suive Ideos…

Helena l’embrassa, le bénit et le laissa aller, le cœur gros mais persuadée qu’il suivait là le destin que les dieux avaient choisi pour lui…

Ideos traversa le rideau de réalité, que Sion, par ses pouvoirs, perçut, et, arrivant par le haut, lui montra le Sanctuaire :

« Voici où tu vas vivre à présent…là haut se trouve le temple d’Athéna ainsi que le Zodiaque d’or, défendu par les douze chevaliers d’or que tu rencontreras peut-être. Je t’emmène au temple de la déesse, elle a souhaité te rencontrer, puis je te mènerai au camp d’entraînement où tu habiteras… »

Sion, ébahi, ne dit pas un mot mais les questions se bousculaient dans sa tête. C’était donc ici, dans cette énorme place grouillante de monde, qu’il était né, peut-être pourrait-il y retrouver ses parents ? L’espoir gonfla son petit cœur d’enfant, et il suivit Ideos d’un pas moins lourd…

Ideos, alors, lui désigna l’escalier qui serpentait parmi les Temples du Zodiaque et dit :

« Nous passerons par ici… »

Sion n’avait pas assez d’yeux pour regarder tout ce qui se présentait à lui, les colonnes de calcaire, de marbre et le palais du Grand Pope où la déesse vivait ordinairement. Ideos se fit annoncer, et la lourde porte d’or et de bronze s’ouvrit sur l’énorme salle du trône. Devant eux, petite au milieu de cette magnificence, de cette débauche de draperies précieuses, d’or, d’argent, d’électrum et de bronze trônait, vêtue d’un péplos blanc, l’incarnation d’Athéna sur Terre. Ideos s’approcha à distance respectueuse, puis s’inclina, incitant du geste Sion à faire de même…

Mais la déesse se leva, s’approchant de l’enfant qu’elle avait, pour la paix du monde, soustrait à sa mère. Effectivement, son sang divin ressortait dans sa taille anormale pour son âge ainsi que dans son aura particulière, mais elle pouvait sentir qu’il n’y avait rien à craindre de lui. Il ressemblait indéniablement à son père, mais beaucoup chez lui rappelait sa mère, la forme de ses yeux, sa peau assez claire et aussi les deux points sur son front. Le bébé qu’elle avait quitté voici des années était maintenant un beau et fort petit garçon, dépositaire d’une puissance qu’il allait devoir apprendre à maîtriser. Les yeux violets pailletés de bleu-vert de l’enfant étaient remplis de crainte mais aussi d’une certaine curiosité et d’un peu de tristesse. Elle lui sourit et lui dit :

« Bienvenue au Sanctuaire, Sion… »

Elle lui sourit pour dissiper ses craintes et continua :

« Tu as dû t’apercevoir que tu avais des pouvoirs particuliers, et il est temps pour toi d’apprendre à les maîtriser. Ideos sera ton maître et il te guidera dans ce long processus… »

L’enfant n’osa rien dire, et il s’inclina en guise d’acceptation. La déesse acheva :

« Si tu as le moindre problème, tu peux venir m’en parler… »

Ideos, comprenant que l’entrevue était finie, posa sa main sur l’épaule de l’enfant qui salua encore et le suivit, encore ébahi d’avoir rencontré une déesse qui, pourtant, n’en avait guère l’air. En effet, à dix-huit ans, elle ressemblait à une adolescente humaine dans la primeur de sa beauté….

Le chevalier d’argent emmena le petit garçon dans la maison qu’ils habiteraient tous les deux. Il lui fit signe de poser son baluchon auprès du lit de bois qui serait à présent le sien avant de lui dire :

« Très bien, Sion, change-toi, nous allons commencer l’entraînement… »

La déesse était restée assise sur son trône, songeuse. Revoir Sion lui rappelait qu’elle avait impitoyablement séparé un petit garçon de sa mère, et ce n’était pas franchement quelque chose dont elle était spécialement fière. Pourtant, il le fallait, lui susurrait sa conscience, mais elle n’était plus bien sûre d’avoir fait le bon choix. Elle soupira et son côté divin reprit le dessus, effaçant pour un temps les doutes qu’elle ressentait…

Jamir

Mû, assise sur une pierre, observait sa fille tout en tenant une lettre du Sanctuaire qu’elle venait de recevoir. Athena était en pleine méditation, mais le tressautement de son sourcil prouvait qu’elle n’y était pas réellement. Mû eut un léger sourire en coin, mais ne l’interrompit ni ne lui fit remarquer. A cinq ans, la ressemblance d’Athena avec elle s’était accentuée, mais elles n’avaient pas le même caractère. La petite fille, née sous le signe du Bélier comme sa mère, possédait un caractère bien trempé, buté et impétueux qui désarmait parfois Mû et lui tirait quelques soupirs…

Si Athena avait fait d’énormes progrès dans l’utilisation et la maîtrise de ses pouvoirs congénitaux, sa mère devait parfois développer des trésors de patience pour réussir à l’enseigner correctement. Sa fille possédait une opiniâtreté et une impulsivité remarquables, et il était parfois bien difficile de lui faire comprendre ce qu’elle attendait d’elle. A côté de cela, c’était une petite fille tendre, qui n’aimait rien tant que se glisser dans le lit de sa mère le matin et s’asseoir sur ses genoux pour qu’elle lui fasse la lecture.

Mû acheva de lire la lettre de la déesse qu’elle tenait, qui matérialisa la crainte qu’elle avait depuis un certain temps : dès que la petite fille aurait six ans, elle devrait retourner au Sanctuaire avec elle et reprendre ses obligations pendant qu’Athena serait entraînée par un des maîtres féminins. Pour une petite fille qui n’avait jamais connu que le microcosme de Jamir, la transition risquait d’être rude et difficile et surtout, en étant honnête avec elle-même, Mû devait bien s’avouer que pour elle aussi ce ne serait pas une partie de plaisir. Ici, loin de tout, dans son univers familier, elle avait pu se laisser aller, s’occuper de sa fille en mère presque normale, ce qui lui serait refusé au Sanctuaire. Là-bas, pas question d’avouer sa féminité ou sa maternité, sa vie redeviendrait presque comme avant. Non, pas comme avant, la naissance de sa fille avait irrémédiablement changé la donne, et elle le savait très bien…

La voix d’Athena la tira de ses pensées :

« Maman, j’ai fini de méditer… »

Mû sourit légèrement et dit :

« Non, Athena, tu ne méditais pas vraiment, je le sais, mais c’est fini pour aujourd’hui… »

La petite fille se leva, et vint à sa mère pour l’embrasser avant de lui demander :

« Maman, où est-ce qu’il est mon papa ? »

Aie ! La question qu’elle craignait depuis des années venait d’arriver. Athena avait dû lire que les enfants avaient un papa et une maman, aussi lui répondit-elle :

« Il n’est pas là, il est loin d’ici… »

Comment expliquer à cette petite fille que son père était un dieu enfermé dans une urne ? Le plus tard elle le saurait, mieux cela vaudrait. En attendant, elle parut se satisfaire de la réponse, mais sa mère, qui la connaissait bien, savait que, bientôt, cela ne lui suffirait plus…

Sanctuaire

Ideos croisa péremptoirement les bras, toisant son élève à genoux dans la poussière :

« Allons, Sion, debout… »

Une lueur de rage apparut dans les yeux de l’enfant, mais ne dura pas longtemps. Pourtant, le maître, en deux temps trois mouvements, se retrouva par terre, propulsé là par les pouvoirs psychokinésiques de Sion. L’enfant se releva, sourit et dit, tendant la main à son maître :

« Excusez-moi, maître… »

Ideos rit et dit :

« Je te pardonnerai si tu ne fais pas cela trop souvent, Sion… »

Cet enfant le surprenait de jour en jour. Non content de posséder des pouvoirs psychiques importants, Sion possédait leur contrôle partiel et une endurance presque surhumaine. Il avait à côté de cela un caractère calme et contemplatif et n’aimait pas à se battre. Ideos se posait beaucoup de questions à son sujet, mais la déesse refusait de lui dire quoi que ce soit, insistant juste sur le fait qu’il devait prendre le plus grand soin à l’éducation de cet enfant.

Sion, à cinq ans, était un beau et fort petit garçon qui s’était étoffé musculairement. Ses cheveux affligés de l’épi paternel avait poussé, et étaient retenus par un bandeau qui masquait le double point de son front. Pourtant, Ideos l’avait remarqué, mais, par chance, n’avait jamais fait le rapprochement entre ceux de Sion et ceux de sa mère. Mû était bien revenue au Sanctuaire plusieurs fois depuis qu’elle avait emmené Athena vivre à Jamir, mais, comme beaucoup, il n’avait jamais vu certains des chevaliers d’or, bien qu’ils ne fussent plus que cinq à présent. Le seul qu’il connaissait vraiment était Aldébaran, le chevalier d’or du Taureau, il eût été difficile de ne pas le remarquer…

Comme on parlait du loup, le massif Taureau d’or, passant par là, avisa Ideos, qu’il connaissait. Il vint le saluer, mais resta médusé lorsqu’il vit Sion. Le bandeau de l’enfant s’était déplacé, et laissait voir ses deux points. Ses grands yeux violets remplis de crainte le fixaient, et il s’était comme recroquevillé face à l’impressionnante carrure d’Aldébaran…

Le Taureau, revenu de sa surprise, lui demanda :

« Comment t’appelles-tu, mon garçon ? »

L’enfant lui répondit, d’une petite voix :

« Je m’appelle Sion, j’ai cinq ans et demi… »

Alors le doute qu’Aldébaran avait ressenti se fit certitude : cet enfant était le fils cadet de Mû, le frère jumeau de la petite Athena. Que faisait-il là ? Seule la déesse pourrait répondre à sa question, il fallait qu’il aille la voir…

Sion ressemblait à sa mère enfant, lui qui l’avait connue ainsi, il avait le même air perpétuellement concentré et interrogateur, la même petite ride sur le front qu’elle avait toujours lorsqu’elle ne comprenait pas quelque chose. Il avait cependant hérité des cheveux bleu clair broussailleux de son armateur de père, qu’il portait assez courts par commodité. Il ressemblait beaucoup à sa sœur jumelle, en tout cas…

Aldébaran, malgré sa surprise, se força à sourire et dit à Ideos :

« Tu as là un bien élevé et courageux élève, Ideos… »

Le chevalier d’argent sourit, n’ayant pas remarqué le trouble du Taureau d’or. Aldébaran, une fois qu’il eût échangé quelques banalités avec le maître, n’eut rien de plus pressé que de grimper au pas de course les marches qui menaient à la salle de la déesse. Il s’y fit admettre et, courbant sa haute taille pour s’agenouiller, dit :

« J’ai rencontré voici quelques minutes Ideos de la Carène et son petit protégé, Sion. Ai-je bien perçu ? Est-il vraiment le frère jumeau d’Athena et donc le fils de Mû ? Pourquoi le lui avoir caché ? Elle aurait mérité de l’élever, non ? »

La déesse observa le Taureau d’or et répondit :

« Oui, il est né huit minutes après sa sœur jumelle, mais j’ai dû l’occulter dès sa conception car il a une aura presque purement marine. Je l’ai confié pendant quatre ans à une famille nourricière de Rodorio, puis je l’ai confié à Ideos pour qu’il l’entraîne. Ce petit a hérité des pouvoirs psychokinétiques de sa mère, et il a appris seul à les contrôler, mais il a encore besoin de pratiquer… »

Elle avait débité cela sur un ton monocorde, mais il pouvait percevoir qu’elle avait regretté d’avoir séparé Sion de sa mère. Aldébaran dit :

« Mais Sion n’est plus une menace, à présent, vous pourriez le confier à Mû maintenant… »

La déesse secoua la tête :

« Non, nous ne savons pas ce qui peut advenir, je préfère le garder ici, sous contrôle…peut-être, lorsqu’il grandira et que nous serons sûrs qu’il ne lui arrivera rien, le confierons-nous de nouveau à sa mère, mais je préfère ne pas le lui dire pour qu’elle ne se fasse pas d’illusions. Vous aussi devrez garder le silence… »

Aldébaran n’était pas d’accord avec ce raisonnement, mais la déesse conclut :

« Il est cruel de séparer une mère de son enfant, il est donc mieux qu’elle n’en sache rien… »

Cela signifiait que l’entretien était terminé. Le Taureau d’or se releva et sortit, le cœur lourd. L’hérédité de cet enfant le poursuivrait-elle si longtemps ? L’aura de Sion ne présentait rien de menaçant, au contraire. Pourtant, il n’avait d’autre alternative que de suivre l’ordre donné par la déesse, bien qu’il eût envie d’écrire à Mû pour la mettre au courant…

A SUIVRE