Chapitre XI

 

Aphrodite ne savait quel mot mettre sur ce qu'il ressentait.

Déception ? Dégoût ? … Découragement.

Comme une chape de plomb qui s'était abattu sur ses épaules. Il aurait dû se douter que ce ne serait pas aussi facile, mais a ce point…

-Dite… Ce n'est pas grave.

Une main sur son épaule, qui se voulait rassurante, mais ne faisait que le raidir davantage.

Le Poisson ferma les yeux. Il ne voulait pas en entendre davantage. Il aurait voulu que ca se fasse maintenant, pendant qu'il était en confiance, qu'il en avait le courage….

-Désolé, Shura.

Des excuses pour la situation lamentable dans laquelle il se trouvait tout les deux, pour le laisser en plan… Sauf si…

S'étant levé, afin de récupérer ses vêtements et de s'en aller loin d'ici, il changea soudain d'idée. Aphrodite se retourna, et se mit a genoux devant le Capricorne, toujours assis sur le lit.

-Je peux au moins faire cela pour toi…. Murmura le Poisson.

-Que … APHRODITE !

Shura lui attrapa le visage avant que son compagnon ne commette l'irréparable.

-Tu n'as rien a te faire pardonner, Dite… Je ne veux pas que tu fasses ce genre de chose…

-Mais, je pensais….

-Shhht….

Le Capricorne l'embrassa sur le front tendrement.

-C'est moi qui te doit des excuses… Je pensais qu'il suffisait que je sois là, pour que tu te sentes bien… Mais je me rends compte que je ne peux te faire oublier aussi facilement tout ce que tu as vécu… Il vaut mieux qu'on ne se précipite pas. Tu es encore trop fragile, Aphrodite…

Il lui caressa doucement la joue, comme pour appuyer ses dires.

-Prenons notre temps, d'accords ?

Aphrodite baissa la tête, pas totalement convaincu du discours de son ami, mais néanmoins résigné. Il se releva et embrassa à son tour son ami sur le front.

-Bonne fin de journée, Shura.


Lorsqu'Aphrodite arriva dans sa salle de bain, il se déshabilla entièrement, bandage compris, et se posa devant le miroir.

Il s'examina longuement, chose qu'il ne faisait pourtant jamais. De la racine de ses cheveux, jusqu'à la pointe de ses pieds. Toutes ses courbes, ses formes, tellement féminines…

Aphrodite était à l'image de la déesse dont il portait le nom : une belle femme.

Pourtant, cela le fit soupirer, et poser son front contre le miroir.

«Ta beauté est un don de la déesse Aphrodite, tu ne peux pas la renier, parce que c'est ainsi… Mais tu peux t'en servir comme une arme pour déstabiliser tes ennemis… »

-Je le sais, Maître…. Mais je n'y arrive pas.

Il repensa a Death Mask qui n'hésitait pas a se servir de sa force pour faire plier ses ennemis, et chanter les autres. La loi du plus fort… Le Cancer savait bien l'appliquer.

Auparavant, Aphrodite avait tenu le même discours, mais pas dans les mêmes formes. Il se contentait d'être le plus fort afin qu'on le respecte.

Et voilà qu'il se trouvait de l'autre côté de la barrière. Pour combien de temps encore ?

Il replia ses doigts lentement, jusqu'à former des poings. Puis balança le gauche dans le miroir, qui explosa en une pluie étincelante.

-ASSEZ !

D'être le jouet de ce sadique, d'être une créature aussi pathétique…

Il fallait qu'il se reprenne. Pas dans quelques jours ou quelques semaines, mais maintenant.

Comme mû par une nouvelle détermination, il se rhabilla, avant de sortir en courant de son temple.

Il n'était pas une chose fragile, bon sang !


-Death Mask du Cancer !

Ce dernier n'eut que quelques secondes afin d'éviter le poing tendu vers lui. Effectuant un pas de côté, il reconnu le Poisson.

-Qu'est ce que j'ai encore fait ?

-Viens te battre !

Tout en évitant les coups d'Aphrodite, le Cancer se demandait quelle mouche avait piqué son collègue. Comme il s'était réveillé il y a peu, il n'avait pas encore effectué son quota de mauvaises actions du jour.

A moins qu'Aphrodite n'ait décidé de régler ses comptes avec le Cancer, ici et maintenant…

Prenant refuge sur un bout de colonne en marbre, vestige de la dernière guerre, Death pu contempler le Poisson de toute sa hauteur, bras croisés contre son torse.

-Les combats entre Chevaliers sont interdits.

-C'est celui qui passe son temps a me chercher qui dis ça ?

-Et aujourd'hui , on dirait que les rôles sont inversés, petit Poisson

Un coup de pied sur la colonne fit descendre le Cancer de son perchoir, qui atterrit un peu plus loin, après un joli salto arrière. Il fut grandement surprit de remarquer une lueur combative dans le regard d'Aphrodite. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'était apparut.

Un sourire s'élargit sur le visage de l'Italien.

-Tu espère me battre afin d'effacer ton passé honteux par la même occasion ?

Aphrodite stoppa net ses mouvements.

-Comment tu…

-Tu es si facile à comprendre, que ça en devient mignon…

-Je te déteste ! Hurla Aphrodite en tentant de le frapper.

Le Cancer lui bloqua le bras, le retourna dans le dos, et s'installa sur le dos du Poisson. Sans le lâcher, il se pencha a son oreille.

-Tu te souviens de ce que je t'ai avoué ? … Je t'aime, Aphrodite. Comme tu es, pour ce que tu es. Pardonne mes manières un peu brusques, mais j'ai été éduqué avec la loi du plus fort. Lorsque je désire quelque chose, je le prends… Et toi aussi, tu agissais de la même façon.

Lentement, il relâcha son emprise sur le bras d'Aphrodite et se releva.

-Mais quand tu dis que tu me hais… Ça me fait plus mal que tes coups de poings.

-Comédien minable ! J'en assez de tes mensonges ! Je ne suis plus dupe !

-Tu disais pourtant que je devais te mériter… Pourquoi ce changement soudain d'attitude ? C'est en rapport avec Shura ?

Aphrodite se mordit la lèvre inférieure.

-Ha ! Il a tenté de te baiser et ça n'as pas marché !

-Espèce de….

Death Mask éclata de rire. Aphrodite était si maladroit, tellement facile a manipuler…

Le Poisson chancela soudain, laissant juste le temps au Cancer de le rattraper

-Tu ne nourris toujours pas correctement ? Demanda ce dernier en fronçant les sourcils.

-Ce n'est pas tes affaires…

-Tu es maigre comme un clou ! C'est quoi ces bras rachitiques ? Et tes fringues, tu flotte dedans !

-Ne me touche pas !

Le Poisson voulu lui assener une claque, mais il se rendit compte qu'il n'avait aucune force. Il se sentait comme dans du coton, avec un mal de tête lancinant en prime.

Les paroles du Cancer le fit réfléchir. A quand remontait son dernier vrai repas ?

Il se sentit soudain soulevé de terre, blottit dans les bras de son collègue du Zodiaque.

-Repose-moi… Murmura Aphrodite.

-Parce que tu te sens capable de remonter toutes ces marches ?

-Cesse de m'humilier !

L'auguste postérieur du Chevalier des Poissons heurta soudain le sol marbré. Furieux, Aphrodite se frotta le bas du dos, tout en grimaçant de douleur.

-Démerde-toi, alors, fit Death en commençant l'ascension des marches.

-Grosse brute…


Lorsque le Chevalier des Poisson arriva enfin à son temple, il était littéralement épuisé. C'était comme s'il venait de livrer une bataille contre plusieurs ennemis à la fois, sans son armure… Ou qu'il était redevenu enfant et devait monter plusieurs fois par jours ces maudites marches, dans le but de s'entraîner a être endurant.

Une fois a destination, il se dirigea tout droit vers son lit, et s'écroula dessus, heureux de goûter enfin au repos. Cependant, au bout d'une dizaines de minutes, une odeur des plus appétissantes vint titiller son odorat. Il se dit qu'il devait sans doute rêver… Mais son estomac se chargea de le ramener a la réalité en émettant un bruit assez bruyant.

En ronchonnant, Aphrodite se leva, se laissant guider par les effluves de nourriture…

Qu'Est-ce que Death Mask foutait dans sa cuisine, en train de s'agiter devant les fourneaux, comme une sorcière devant ses chaudrons une nuit de Sabbat ?

S'appuyant contre le mur, ses doigts pinçant l'arête de son nez, Aphrodite dû faire de grands efforts afin de ne pas exploser.

Aussi, ce fut d'une voix dépourvu de chaleur humaine qu'il s'adressa au Cancer.

-Ici, c'est chez moi… Tu n'as rien à y faire.

Seul le bruit des ustensiles s'entrechoquant lui répondit. Death Mask ne daigna même pas se tourner, lui montrant obstinément son dos.

Un, deux, trois…

D'un pas rapide, Aphrodite se retrouva a ses côtés et lui saisit l'épaule.

-Je te par…

-Ne me dérange pas quand je cuisine ! Si tu ne sais pas quoi faire, occupe toi des patates !

D'abord estomaqué, le Poisson tenta de répliquer, lorsque Death Mask lui enfourcha une cuillère pleine dans la bouche.

-…C'est…bon…

-Émincé de veau a la crème, énuméra le Cancer d'un sourire pas peu fier. Maintenant, laisse-moi bosser.

Soumis, Aphrodite alla s'asseoir a la table, pour la première fois encombré de toutes sortes d'ingrédients. Il se fit une petite place pour ses coudes, posant ainsi son visage dans ses mains en coupe. Silencieux, il observa le remue-ménage du Cancer, son visage sérieux, son regard concentré, ses gestes minutieux, orchestrés…

-C'est prêt.

Aphrodite cligna des yeux. Il n'aurait su dire depuis combien de temps il était perdu dans sa contemplation, mais la table était débarrassé et mise. Devant lui, un plat fumant, prêt a être dégusté. Il releva la tête vers le Cancer, qui semblait attendre.

-Goûte.

Lentement, Aphrodite saisit la fourchette, piqua dans un morceau de veau, et porta le tout a sa bouche. De longues minutes s'écoulèrent, sans qu'aucun des protagonistes ne prononcèrent un mot. Jusqu'à ce que Death Mask s'exprime, un peu inquiet.

-… C'est mauvais ?

Aphrodite secoua la tête.

-C'est très bon… Mais tout seul, c'est un peu triste, non ?

Le Cancer eut un sourire et s'installa en face du Poisson, avec une assiette supplémentaire. Le reste du repas se déroula un peu plus bruyamment, Death Mask faisant la conversation pour deux, tandis qu'Aphrodite se contenta d'hocher la tête.

Lorsqu'ils eurent terminés, le propriétaire des lieux proposa un petit digestif : un thé a la rose de sa fabrication, sans doute pour le remercier du repas.

-… Il sent fort ton truc… Fit l'Italien en reculant légèrement de la table.

-Ce sont les roses, c'est normal.

Sans doute un peu rassuré par l'explication, Death porta la tasse a ses lèvres. Le goût était appréciable, cependant il détecta d'autres saveurs. Il n'y avait pas que de la rose dans ce breuvage… Sauf qu'il était déjà en train de dormir sur la table lorsqu'il s'en rendit compte.

Aphrodite eut tout juste le temps de rattraper la tasse de porcelaine avant qu'elle ne se brise sur le sol.

-Imbécile, murmura-t-il.

Il reposa l'ustensile sur la table, et approcha son index en direction du front de son collègue. Une légère pichenette, mais aucune réaction, lui apporta un sourire de satisfaction.

Il n'était pas le Chevalier aux roses empoisonnés pour rien, même s'il s'était contenté d'un puissant somnifère dans le thé de l'Italien. Lui-même l'avait ingéré sans que cela n'est aucunes conséquences pour son organisme.

Enfin… Enfin, il tenait là sa vengeance.

-Tu pensais qu'il suffisait de se montrer attentionné, de me faire quelques petits plats pour tout effacer ? … Tu m'as pris pour qui ?

Une nouvelle fois, il tapota le crâne de Death Mask. Comme un chat jouant avec une souris.

-J'avais une chance d'avoir une nouvelle vie, et tu as tout gâché… Qu'Est-ce que je vais faire pour te punir ? Death Mask… Vilain garçon.

Aphrodite se leva, et saisit son collègue sous les bras. Il le traîna de la table de la cuisine, jusqu'au lit de sa chambre. S'installant a ses côtés, il lui retira ses chaussures, puis, sa chemise, et enfin son pantalon.

En tailleur, bras croisé contre son torse, il observa le corps endormis de l'Italien. Ses muscles bien dessinés, les quelques cicatrices de guerre… Il passa un doigt dessus. Lentement… Un frisson se fit soudain sentir du fond de ses entrailles. Quelque chose qu'il ne connaissait pas…Dont il n'avait jamais eut l'occasion.

Il se mordilla la lèvre inférieure, les joues empourprées.

Il se sentait étrange… Il avait peur. De ce qu'il ressentait…

Il… Elle n'avait pas le droit.

Aphrodite porta ses mains a son visage, afin de le camoufler. Aux yeux de qui ? De Death Mask endormis sur son lit ? Ou de son propre regard ?

Pour la première fois, le Poisson se sentait… femme.

-Saleté. C'est encore de ta faute. Entièrement.

Il se pencha vers le Cancer, les larmes aux yeux.

-Je te déteste… au moins autant que je me hais…

Doucement, il lui effleura les lèvres. Viles tentatrices…

A suivre…