Chapitre 6 : "Le froid de la lame"
J' en savais à présent plus sur ce fameux Aioros,
l'ancien chevalier d'or du Sagittaire, le vil traître dont l'acte insensé
avait plongé le Domaine Sacré dans cette période de trouble
que nous traversons en ce moment...
Mû me l'avait dépeint comme un homme juste et bon, un digne chevalier
d'Athéna en quelque sorte...mais il y avait dans cette histoire quelque
chose qui me tracassait...
Pourquoi un être aussi bon aurait-il tenté de tuer la toute jeune
réincarnation de la Déesse? Qu'est-ce qui a bien pu pousser
cet homme, jadis considéré comme le plus noble des chevaliers,
à agir de la sorte?
Mmm...vraiment, tout ceci était trop obscure et compliqué pour
que je m'en préoccupe davantage...et après tout, le Pope m'avait
confié un tout autre rôle...je n'avais pas le temps de m'appesantir
d'avantage sur cette sombre affaire...et je n'en avais guère l'envie
d'ailleurs...
Le temple du Sagittaire venait juste d'être traversé et comme
je m'y attendais, nous ne trouvâmes rien d'intéressant là-bas...mis
à part des murs, des colonnes et des dalles à perte de vue...Même
pas l'once d'un cosmos...Aioros le Sagittaire était donc bien mort...
C'est comme si ce moment avait été solennel...Mû était
resté silencieux et son visage s'était fait encore plus digne.
Quant à moi, j'avais à mon tour décidé de ne pas
parler alors que nous traversions ce temple aux allures sépulcrales...
Les seuls bruits perceptibles étaient ceux de nos pas et des ronflements
discrets de Phaéton...
A présent, se dressait au loin le temple du Capricorne,
la dixième maison du Zodiaque dont le gardien, m'avait expliqué
Mû, n'était autre que Shura, l'homme qui avais mis Aioros à
mort il y avait de cela plus d'un an maintenant...
A quoi pouvait donc bien ressembler ce Shura? Qui pouvait donc être
cet homme qui réussit à se débarrasser d'un de ses frères
d'armes?
_Regardez Seigneur Gigar...Voilà le temple de Shura,
le chevalier d'or du Capricorne...me dit Mû...Il a sûrement senti
nos cosmos et doit déjà nous attendre...
_J'espère que nous aurons moins de problèmes avec Shura que
nous n'en avons eu avec ce Milo...rajoutai-je.
_Shura se considère comme le plus fidèle et le plus brave de
tous les chevaliers d'Athéna...nombreux sont ceux qui voient en lui
le plus féroce guerrier du Sanctuaire...mais pour moi, la seule image
qu'il reflète est celle d'un fanatique...me confia Mû.
_Vraiment? Est-il si dangereux que ça?
_Plus encore...et de toute façon, il faut l'être pour réussir
à éliminer un chevalier de la trempe d'Aioros...conclut Mû...
_Je vois donc que face à lui, nous allons devoir nous montrer aussi
prudent qu'avec Milo...fis-je.
_Non...voyez-vous, bien qu'infiniment orgueilleux, Shura, et cela je vous
l'ai dit, se considère comme le plus intègre des chevaliers
sacrés, et lorsqu'il sera mis au courant de votre visite, il se fera
une joie, voire un honneur, de vous laisser passer...ce sera comme si il avait
rempli une mission de plus...son devoir de chevalier l'empêcherait de
vous retenir plus qu'il ne le faut...termina Mû.
_Soit, alors...allons trouver ce Shura...
Une lame...Une lame faite de l'acier le plus pur...Voilà comment m'apparut
Shura du Capricorne, quand je le vis pour la première fois.
Son regard triomphant n'avait d'égale que les formes dynamiques de
son armure d'or...Sa posture, fière et droite comme un i, ainsi que
l'aspect légèrement bestial que lui conféraient les deux
longues cornes dorées sur son casque, ne faisaient que renforcer cette
nervosité presque palpable qui se dégageait de lui...
Shura, le chevalier du Capricorne, se tenait là, et l'aura qui se dégageait
de lui était presque tétanisante...
Je tremblais comme une feuille en sa présence...et je me mis à
m'imaginer dans la peau d'un ennemi du Sanctuaire qui, par je ne sais quel
miracle, serait parvenu jusqu'à la dixième maison pour tomber
sur son gardien, prêt à l'affronter...Je sais que si j'avais
été cet ennemi, mon existence se serait arrêtée
là, devant le temple du Capricorne...et je me doute qu'Aioros dut ressentir
la même impression... il dut lui aussi se sentir aussi vulnérable
qu'un mulot devant un serpent...
_Chevalier Mû du Bélier, te serais-tu perdu au
cours d'une de tes nombreuses promenades? Ou bien ton but serait-il de faire
traverser à ces deux hommes le temple du Capricorne? Ainsi avait parlé
Shura.
_Toujours aussi perspicace Shura...je te présente le Seigneur Gigar,
nouvel intendant du Sanctuaire...et lui, sur mon dos, c'est Phaéton,
nouveau lieutenant de la garde...lança Mû.
_Drôle d'endroit pour faire une sieste...plaisanta le fier chevalier.
_Mmm...Disons que Monsieur Phaéton a du mal à tenir sa langue
et ainsi endormi, il ne risque plus de causer d'autres catastrophes...ironisa
Mû.
_Tu veux parler de cette explosion de cosmos que j'ai ressenti dans le temple
du Scorpion? Cet homme est-il fou au point de provoquer un chevalier d'or
dans sa propre maison?
Mû laissa échapper un léger rire et bien que toujours
endormi, Phaéton émit un grognement silencieux...
_Au fait, Shura, on ne te voit plus beaucoup ces temps-ci...J'ai l'impression
que tu préfères t'isoler dans ce temple plutôt que de
te confronter au véritable monde...me trompes-je?
La question de Mû venait comme de jeter un froid terrible sur notre
petit groupe...
Shura ferma les yeux quelques instants. Son air s'était fait encore
plus grave...
_Je ne vois pas de quoi tu veux bien parler...répondit le gardien de
la dixième maison.
_Tu as beau vouloir cacher tes véritables émotions, tu ne peux
me tromper moi, le spécialiste du psychisme...
_Mmm...Il est vrai que je suis en face de Mû de Jamir...mais je peux
t'assurer que je ne te cache rien Mû...car après tout, qu'aurais-je
à y gagner?
Je n'étais pas encore entré dans la conversation
et il était grand temps de le faire...je me devais de faire forte impression
à ce Shura...en usant de ma tactique favorite bien sûr: "les
compliments"!
_Shura...Shura...brave parmi les braves, digne parmi les dignes, puissant
parmi les puissants...est-il vrai que c'est vous qui êtes parvenu à
vaincre ce traître d'Aioros?
Le chevalier du Capricorne se tourna vers moi avec surprise...
_Oui...j'ai mis Aioros à mort il y a de cela plus d'un an maintenant...
Mû reprit la parole:
_Et c'est ça qui te gêne aujourd'hui...tu n'arrives pas à
te pardonner ce que tu as fait à celui qui a été pendant
longtemps ton meilleur ami, n'est-ce pas?
Shura écarquilla les yeux...Il semblait que les propos de son homologue
l'eussent quelque peu atteint...
Ainsi shura et Aioros étaient amis...les meilleurs amis qui soient...intéressant...peut-être
allais-je en apprendre plus sur ce mystérieux incident?...
_Mais tu te trompes Mû de Jamir, je ne regrette pas une seconde ce que
j'ai fait car je l'ai fait pour la seule et unique personne que je dois servir:
Athéna...et ami ou pas, un traître reste un traître! renchérit
le bouillant Shura.
_Comment cela a-t-il pu arriver? comment as-tu été contraint
de lever la main sur ton meilleur ami? insista Mû, qui je pense, s'aventurait
là sur un terrain glissant...
_Tu ne sais rien...tu n'étais pas là ce soir là...continua
Shura.
_Oui...j'étais en mission à l'extérieur du Sanctuaire...c'est
pourquoi j'aimerais que tu me racontes tout...moi aussi Shura, je voudrais
connaître la vérité!...s'exclama le chevalier du Bélier.
_Et bien écoute Mû de Jamir, écoutez tous les deux...Voilà
comment j'ai été contraint de tuer le meilleur ami que j'ai
jamais eu: Aioros du Sagittaire...
Ce soir-là, comme tous les soirs, je priais devant la statue d'Athéna
qui se trouve au centre de mon temple, j'étais en liesse car elle venait
de se réincarner parmi les hommes, ses fils... L'avenir s'annonçait
meilleur, même si cela présageait aussi le retour des guerres
saintes, mais à ce moment-là, je n'avais pas du tout la tête
à ça et seul l'instant présent comptait...
J'allais combattre aux côtés de ma Déesse et j'allais
lui prouver une nouvelle fois ma loyauté mais soudain j'entendis comme
un appel à l'aide...c'était un cosmos que je connaissais bien,
celui de mon frère d'arme Aioros...je sentais son énergie décliner
de plus en plus, il allait mourir...Je ne pouvais laisser mon frère
s'éteindre et c'est ainsi que je décidai de me diriger vers
le palais du Pope, d'où provenait ce cri de détresse...Là-bas,
je trouvai notre maître à tous, complètement désemparé...il
m'expliqua qu'Aioros s'était enfui en emmenant avec lui la toute jeune
réincarnation de la Déesse Athéna, qu'il avait bien tenté
de s'opposer à lui mais qu'Aioros n'avait pas été arrêté
par son attaque...
Il m'envoya donc poursuivre "ce traître", comme il l'avait
alors appelé...Je ne voulais pas y croire mais il me fallait le rattraper
pour le voir de mes yeux...
Je quittai le Pope dans le but de retrouver le chevalier du Sagittaire qui,
Sion m'en avait averti, avait emmené avec lui l'armure sacrée...Il
m'a été difficile de le retrouver car son cosmos se faisait
de plus en plus faible...
Se pouvait-il qu'un autre chevalier combatte au même moment ce fuyard?
Il était clair que deux puissants cosmos s'affrontaient, quelque part
dans le Domaine Sacré...
Il ne m'a pas été trop difficile de retrouver la trace du plus
brillant des deux... Pour la première fois, je rencontrai le gardien
de la douzième maison du Zodiaque, Aphrodite des Poissons, qui venait
de rentrer de son entraînement dans les terres gelées du Groenland...
Il m'expliqua que pour sa première journée au Sanctuaire, il
décida de visiter les ruines du Domaine, et c'est ainsi qu'il tomba
sur Aioros, blessé, qui s'enfuyait, tenant un enfant dans ses bras
et une clothbox sur son dos...Son instinct de chevalier le poussa à
arrêter Aioros mais celui ci l'attaqua, lui prétextant qu'il
n'avait pas de temps à perdre... Aphrodite engagea alors un combat
contre lui mais Aioros, une nouvelle fois, réussit à s'enfuir...
Cependant, l'éphèbe, cet étrange chevalier, m'assura
qu'après avoir enduré ses attaques, Aioros n'en avait plus pour
très longtemps à vivre...mais je savais qu'il en fallait plus
pour le vaincre, et la seule personne au monde capable de le battre, c'était
moi, Shura du Capricorne...Et puis, étant son ami le plus proche, je
connaissais les nombreux petits chemins que nous avions l'habitude d'emprunter,
enfants, lorsque nous voulions en cachette quitter le Sanctuaire pour explorer
le monde des hommes...
Je finis donc par retrouver Aioros qui s'apprêtait à fuir le
Domaine Sacré...Mais là, il ne s'agissait plus d'un jeu...Il
avait enlevé ce nourrisson qu'était alors Athéna et il
désirait emporter dans sa fuite l'armure d'or...c'était intolérable
et je ne pouvais le laisser faire...
C'est donc de toute ma puissance que je le frappai avec Excalibur mais j'avais
en face de moi un chevalier d'or et il parvint tout de même à
absorber une partie des dommages dus à mon attaque... C'est alors qu'il
me frappa, lui aussi de toutes ses forces, mais à cause de ses nombreuses
blessures, ne parvint pas à se débarrasser de moi pour de bon...
Je restai un petit moment à terre car Aioros était considéré
comme le plus puissant des chevaliers d'or et ses coups, portés à
la vitesse de la lumière, étaient dévastateurs...il aurait
pu venir m'achever mais je suppose qu'il était alors trop épuisé
pour tenter quoi que ce soit d'autre...
Il se contenta d'aller récupérer l'enfant et la clothbox puis
continua son chemin... Il m'ignorait, moi, son adversaire... Je le défiai
à nouveau et cette fois, Excalibur eut raison de lui... Ce traître,
l'enfant et la clothbox, tombèrent dans un précipice... J'avais
échoué: certes, j'avais vaincu Aioros le félon mais j'avais
aussi perdu Athéna!!!
Quel ne fut pas mon soulagement lorsque l'on m'appris, le lendemain, qu'on
avait retrouvé l'enfant, en bonne santé...ainsi que le cadavre
d'Aioros, un peu plus loin...
_Et seule l'armure sacrée du Sagittaire avait disparu, c'est ça?
demandai-je...
_Oui...Voilà comment s'est déroulé ce triste épisode
de l'histoire du Sanctuaire...mais comme je vous l'ai dit, je ne regrette
rien et si c'était à refaire, je recommencerais volontiers mais
cette fois j'y mettrais encore plus de hargne...
De la déception pouvait se lire dans les yeux de Mû,
le chevalier du Bélier aurait sans doute aimé entendre de la
bouche de Shura qu'il regrettait son acte...enfin...
Le chevalier du Capricorne enleva son casque, sans doute lui tenait-il trop
chaud...Il détourna ses yeux de nous pour les fixer sur l'horizon...
D'ailleurs, la vue, du haut de ce dixième temple, était magnifique
puisque de là, on dominait les 9 autres maisons...
_Maintenant, vous n'avez plus rien à faire ici...De plus, Camus doit
déjà vous attendre...alors faites-vite...
Mû acquiesça de la tête: il était temps pour nous
deux...euh...je veux dire nous trois...de nous diriger vers le temple du Verseau.
_Quel formidable personnage que ce Shura! m'exclamai-je.
_C'est vrai qu'il n' a pas son pareil au sein des quatre-vingt quatre chevaliers
du Sanctuaire! me fit écho Mû...
_Quatre-vingt quatre ? Vous m'avez pourtant dit qu'il existait quatre-vingt
huit chevaliers sacrés, lui répondis-je.
_J'ai dit quatre-vingt quatre?
_Oui...c'est ce que vous avez dit...je vous assure...
_Oh! J'ai sûrement dû exclure du lot les quatre armures non-identifiées...
"Armures non-identifiées"? Que voulait-il dire par là?
_Je ne comprends pas...de quoi parlez-vous?
_Et bien...même si Athéna, aux temps reculés de la mythologie
a dessiné et fait forger quatre-vingt huit armures, chacune en relation
avec l'une des constellations qui tapissent notre ciel, par les forgerons
du peuple dont je descends...et bien, toutes n'ont pas pu être clairement
identifiées...tenta de m'expliquer le chevalier Aries.
Que tout cela pouvait me paraître étrange! Il est
vrai qu'en additionnant douze armures d'or, vingt-quatre armures d'argent
et quarante-huit armures de bronze, on atteignait seulement le chiffre quatre-vingt
quatre... donc... il existait bien quatre habits de nature inconnue...
Comme cela était intriguant!
_Vous voulez dire que ces armures ne sont même pas classifiées?
demandai-je, stupéfait...
_Oui...c'est cela...Leurs pouvoirs sont inconnus...et on sait à peine
à quoi elles peuvent ressembler...rajouta Mû. De toute évidence,
leur puissance doit être grande...nous ne pouvons même soupçonner
leur véritable nature...
_Comment? Se pourrait-il qu'elles soient plus puissantes encore que les armures
d'or Mû?!? hurlai-je, avide d'en savoir plus.
_C'est une possibilité...mais je préfèrerais ne pas m'avancer
plus avant car mes recherches à leur propos sont encore loin d'être
complètes et je ne voudrais pas me faire l'écho d' éléments
erronés...m'avoua Mû du Bélier.
Mais cette réponse, vous devez commencer à me
connaître maintenant, était loin de me satisfaire...il m'avait
dit lui-même effectuer des recherches à leur sujet...et il s'agissait
tout de même de Mû de Jamir, "celui qui parle aux armures"...qui
d'autre que lui aurait pu me renseigner un jour sur ces quatre mystérieux
vêtements?
_Voyons Mû...vous pouvez essayer de me berner...mais avec moi ça
ne prendra pas...Vous rendez-vous compte de ce que vous faîtes? Vous
m'intriguez au possible avec cette histoire d'armures inconnues et puis soudain
vous décidez qu'il n'est plus temps d'en parler...
Mon petit numéro sembla émouvoir le chevalier...une
moue de résignation vint animer son visage, trop souvent impassible...
_Mmm...Ne vous vexez pas Seigneur Gigar...Il y a seulement que je ne possède
que très peu d'informations les concernant et...
Aaaah! Que cet homme pouvait être lent! Je n'attendais
qu'une chose...qu'il me dise tout ce qu'il savait sur ces quatre reliques...
Imaginez le pouvoir que me confèrerait ne serait-ce qu'une seule
de ces armures! Personne au Sanctuaire ne les a encore approché...
Personne ne sait les reconnaître...peut-être serais-je le premier
à m'en emparer?
Peut-être aussi qu'une seule de ces armures a plus de valeur que les
douze armures d'or réunies?
_Voyez-vous...je ne crois pas trop m'avancer en affirmant que trois d'entre
elles ne sont autres que les armures de la Carène, du Lynx et de la
chevelure de Bérénice...me confia le chevalier du Bélier,
à voix basse, comme pour que personne ne l'entende...
_Vous en êtes certains?
_Quasiment...oui...Il y a de cela quatre mois, en flânant dans la grande
bibliothèque du Palais de mon maître, je suis tombé, par
le plus grand des hasards, sur un très ancien texte sacré, caché
très précautionneusement entre deux pages d'un épais
recueil de poèmes consacrés aux chevaliers Eaque et Adonis,
rédigés par le désormais légendaire poète
et musicien Amphion de la Lyre...Je dus manipuler ce "trésor"
avec soin afin de ne pas en détériorer l'état qui était
déjà, vous devez vous en douter, en sursis...
_Et? Qu'y avez-vous découvert? demandai-je, impatient, comme accroché
à ses lèvres...
_Le texte avait été rédigé dans une sorte de grec
ancien codé et je mis plusieurs nuits blanches à en saisir certaines
bribes...continua doucement le calme Mû.
_Allons Mû...dites moi enfin ce que vous y avez appris!...Manifestement,
je ne tenais plus en place, il me fallait moi aussi connaître le secret
que renfermait ce parchemin...pamphlet ou je ne sais quoi...
_Voyons seigneur Gigar...tout vient à point à qui sait attendre...
(Je compris à ce moment que Shaka n'était pas le seul maître
ès citations du Domaine sacré...puis il continua, enfin...)
Il y était écrit qu'au moment de la création des armures,
sur le continent de Mû, Zeus, qui vous le savez n'est autre que le père
d'Athéna, vint, incognito, se tenir au courant des "manigances"
de sa très chère enfant... Quelle ne fut pas sa surprise de
découvrir que les armures qu'avait fait forger la Déesse de
la Guerre n'avaient rien à envier à celles des Marinas de son
frère capricieux, Poséidon...
Les enfants d'Héphaistos,le Dieu des forges, avaient bien travaillé
et Zeus en fut agréablement surpris, soudain soulagé quant à
l'issue de la bataille que se livraient alors les deux Sanctuaires...
Le Dieu des Dieux, le maître de l'Olympe, retourna ensuite dans son
Domaine et loua les étonnants pouvoirs de sa fille à tous ses
sujets, réunis autour de sa table...Mais Abel, qui venait juste de
revenir de son exil de huit ans dans la vallée de Tempé après
avoir vaincu Pytho, s'offusqua que son père n'ait sur le moment d'yeux
que pour Athéna et ses "armures sacrées"...
Il décida donc de se rendre sur Mu afin d'asperger de son sang quatre
des plus belles armures qu'il trouva...Les quatre habits sacrés, baignés
du sang divin du dieu du Soleil, de la musique et de la poésie changèrent
soudain d'aspect pour devenir encore plus beaux. Puis il quitta l'île,
emportant avec lui les objets de son larcin, chacuns dans sa clothbox, dans
le temple de Corona, en plein cur de son Sanctuaire, à Delphes...
Là, il choisit ses quatre meilleurs guerriers et leur remit à
chacun une de ces magnifiques armures dont émanait la lumière
du Dieu Soleil...
Les chevaliers d'Abel étaient nés...
Ce dernier, satisfait du résultat, vint trouver son père et
décida de lui offrir, en gage de son profond respect et amour, les
quatre guerriers revêtus de leurs armures...
Cependant, Zeus, qui voyait tout, ne fut pas dupe et reconnût, malgré
leur nouvelle forme, certaines des protections créées par sa
fille...
Le Dieu des Dieux en fut indigné et chassa son propre fils de son royaume,
qui emporta avec lui ses soldats en armure...
_Vraiment? Quelle histoire incroyable! Je n'aurais jamais pu me douter qu'Abel
avait dérobé quatre des quatre-vingt huit armures sacrées
de sa sur Athéna! m'écriai-je, encore sous le choc.
_Après cela, Abel et son père ont longtemps été
en froid...J'ai eu beau chercher des textes apprenant un peu plus de choses
sur lui et ses guerriers mais mes recherches ont été la plupart
du temps infructueuses...à croire que les archivistes du Sanctuaire
cherchaient à passer cette histoire sous silence... Je me demande bien
pourquoi d'ailleurs...
_Tout cela est si étonnant...mais vous dîtes que vous êtes
parvenu à identifier trois de ces armures...comment diable avez vous
donc fait? lui demandai-je, curieux...
_Et bien, au dos du texte sacré, se trouvait une courte inscription
que j'ai, là aussi, eu bien du mal à traduire...si je me rappelle
bien, cela disait quelque chose comme cela...:
"sur le vaisseau qui l'emmenait à Rome, loin des
siens,
La belle se saisit d'une mèche de ses cheveux
Et la peigna longuement.
Puis, avec la Félinité d'un chat, se redressa
et se jeta dans le fleuve, encore rouge du sang des morts."
_Pardonnez mon ignorance , chevalier d'or mais...cela n'a aucun
sens...je veux dire...il n'y a aucun rapport avec les quatre armures du Dieu
Soleil...constatai-je.
_Et bien, seigneur Gigar, c'est là que vous vous trompez...car il s'agit
ici d'un message codé, caché...de sorte que le profane ne puisse
comprendre les informations qu'il contient...murmura Mû.
_Vraiment? Mais en quoi ce vers peut-il nous en apprendre plus sur ces fameux
habits divins?...
Décidément, l'esprit, hautement aiguisé, de Mû,
naviguait dans des hautes-sphères auxquelles je n'avais pas accès...
_Il est vrai, qu'à première vue, ces quelques courtes phrases
n'ont pas vraiment de rapport avec ce qui nous intéresse mais voyez-vous,
et comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure à Monsieur Phaéton,
il faut savoir porter son regard au-delà de ce qui est seulement apparent...
Si vous le voulez bien, étudions ce vers d'un peu plus près.
Arrêtons nous en premier lieu, sur le mot "Vaisseau"...il
peut paraître anodin de prime abord mais il s'agit là d'un indice
important. En effet il fait référence à une des quatre-vingt
huit constellations que constituent les ciels boréal et Austral.
_Une des constellations? Le mot "vaisseau" aurait-il quelque chose
à voir avec une des armures sacrées? m'écriai-je, étonné.
_Oui...et parmi toutes ces constellations, seules trois d'entre elles peuvent
s'y référer: les constellations des Voiles, de la Poupe et de
la Carène, qui se trouvent toutes trois dans le ciel austral. Or, les
armures de la Poupe et des Voiles, sont toutes deux passées entre mes
mains, afin que je les répare...j'en conclus donc que...
_...La première des 4 armures divines serait celle de la Carène...c'est
cela? demandai-je, content de moi.
Le chevalier Mû plissa les paupières et me sourit.
_Tout à fait, et étant donné qu'il n'existe aucun plan
de cet habit, que personne n'a jamais vu quelqu'un l'endosser...nous pouvons
raisonnablement en conclure qu'elle fait effectivement parti des armures qu'Abel
déroba à sa sur.
_C'est surprenant Mû, votre sens de la logique vous honore...
Le chevalier Aries, gardien de la première maison, était d'une intelligence rare...son incroyable pouvoir, à en croire les dires de ses frères d'or, lui venait en particulier de cet esprit lucide, posé et toujours en éveil.
_Cette fois, seigneur Gigar, arrêtons nous sur la phrase
"La Belle se saisit d'une mèche de ses cheveux" et essayons
de la comprendre...
Cela ne vous rappelle-t-il pas l'histoire de cette princesse juive du nom
de Bérénice qui, forcée par Titus, un empereur de la
Rome antique, dut quitter les siens et gagner le "centre du monde"
afin d'y épouser ce dernier? me demanda Mû.
_Je crois savoir où vous voulez en venir...cette phrase-clé
serait en fait le deuxième indice permettant de déterminer quelle
est la seconde des quatre mystérieuses armures? En l'occurrence celle
qui est placée sous le signe de La Chevelure de Bérénice...n'est-ce
pas? lançai-je, alors que cela, je venais de le déduire moi-même...
Mû, mon interlocuteur, fut surpris par ce brusque accès
d'intelligence...il avait comme l'air satisfait, peut-être heureux de
savoir qu'un autre que lui s'intéressait à ces mystérieux
trésors...
Mais Mû, mon ami...si tu savais quelles sont les raisons pour lesquelles
je veux m'approprier ces habits sacrés...ton sourire s'effacerait vite
de ton visage...
_Cette fois c'est vous qui m'étonnez Seigneur Gigar...je
vois que votre sens de la logique n'a rien à envier au mien...ahah...mais...pourriez
vous me dire quelle est la troisième des quatre armures?
_Voyons Mû, une fois que l'on s'est essayé à l'exercice,
il n'y a rien de plus simple...c'est le mot "félinité"
qui cette fois, fait office d'indice...et nous conduit bien sûr, comme
vous l'avez dit tout à l'heure, à en conclure que c'est l'armure
du Lynx, la troisième pièce du puzzle...
_Bravo...je dois avouer que vous me surprenez...mais tout à l'heure
je vous ai aidé...Vous sentez-vous capable de déterminer quelle
est le quatrième habit à présent?
La Carène, La chevelure de Bérénice, le
Lynx... il me restait un indice à élucider...mais là,
c'était tout autre chose...Mû ne s'était pas prononcé
sur la question et...
_Je vois que vous séchez...c'est normal, celui qui a codé ce
texte a fait en sorte que peu de ceux qui essaient de le déchiffrer
ne puissent arriver à leur fin...après tout, il est ici question
d'habits sacrés qui vont sûrement même jusqu'à dépasser
le pouvoir des armures d'or et...
_NON...C'est faux, rien ne peut dépasser l'incroyable puissance des
armures d'or!!!!
Une voix venait de retentir dans nos curs comme dans nos esprits...une voix qui s'était faite grave et dure, glaçante...
Puis, chose incroyable, et même impossible en cette saison,
des flocons de neige commencèrent à tomber du ciel...
Loin de rafraîchir notre peau trop longtemps brûlée par
la morsure du soleil, cette neige d'une blancheur éclatante ne faisait
que nous "abîmer" un peu plus, tellement elle était
froide au toucher...
A qui devions nous pareille manifestation? Je savais que nous
n'aurions pas à chercher bien longtemps...
Il ne pouvait s'agir que de...
_Camus, chevalier d'or du Verseau et gardien du onzième temple du Zodiaque...comprit
Mû.
Sa maison était encore loin mais déjà, il nous annonçait
sa présence...
Je ne savais pas ce qui m'attendait, plus loin, mais la chambre du Grand Pope,
et mon avenir avec elle, nous tendaient les bras...
Encore deux maisons à traverser, deux chevaliers à rencontrer...
Mon rêve, lui, n'était pas plus éloigné que cela...
Fin du chapitre six...