Chapitre 8 : "Derrière le masque"
Ca y était! Je venais de traverser les douze maisons du Zodiaque, rencontrer
leurs gardiens respectifs et réussit enfin à atteindre le Palais
du pope...
Enfin..."Atteindre" était un bien grand mot
car il nous restait tout de même encore plusieurs minutes de marche
avant d'arriver à destination...
Manifestement, c'est là que Phaéton et moi-même allions
être logés...dans le palais de Sion...
Peut-être même allais-je avoir le droit d'occuper la luxueuse
chambre qui était jadis la mienne...
Je me mis alors à rêver: m'imaginant revoir avec plaisir les
magnifiques décorations du temple, sentir à nouveau toutes ces
odeurs qui m'étaient si familières, toucher ces tentures et
ces marbres qui m'avaient toujours fasciné par leur beauté,
leur perfection...
J'avais passé dans ce palais de nombreuses années,
à servir Athéna, à ma façon soit, mais enfin...
Durant toutes ces années, dix-sept pour être précis, j'avais
vu ma propre personnalité changer: j'étais devenu dur, implacable,
certains vous diraient même "sans foi ni loi"... Cela, je
le devais à ce palais, et à l'attrait qu'il avait exercer sur
moi!
Moi, l'apprenti chevalier, celui qui avait failli, qui n'avait pas sus réveiller
l'armure, je me rendais compte qu'il n'était pas nécessaire
d'être l'un d'eux, pour réussir...
Lorsque l'on vivait dans cette demeure, lorsqu'on se voyait confier tant de
fabuleux pouvoirs ( comme ceux de commander, de décider, de juger),
il était alors possible de tout posséder!!
Aaaah...S'il n'y avait pas eu ce malheureux incident de parcours...c'est moi
qui, aujourd'hui, siégerait sur le trône de cet incapable!
_Je présume que vous devez appréhender à
l'idée de cette rencontre...
Le chevalier d'or, cet Aphrodite des Poissons, cet être étrange
qui nous escortait, venait de me tirer brutalement de ma rêverie...
_Oh? Et bien je...je ne sais pas vraiment...bredouillai-je.
_Et bien si c'est le cas...c'est une réaction tout à fait normale...Après
tout, cela fait tout de même vingt ans que vous et lui n'avez pas été
confrontés à nouveau...
Le chevalier Aphrodite semblait en savoir long à mon
sujet. Se pouvait-il qu'il se soit renseigné sur moi? Qu'il ait mené
sa propre enquête?
Si tel était le cas, alors il devait sûrement être au courant
de...
Cette perspective me glaça soudain le sang...
_Nous nous sommes séparés en...mauvais termes...hum...continuai-je,
à demi-mot.
_Je suis au courant...je sais tout cela Seigneur Gigar...me répondit
immédiatement le douzième chevalier d'or, un fugace sourire
aux lèvres.
Un léger blanc vint s'abattre sur notre discussion, puis
il reprit:
Ne vous en faîtes pas...Je ne suis pas homme à juger les personnes
sur leurs actes passés...qu'elles regrettent, bien évidemment...n'est-ce
pas Seigneur Gigar?
Aphrodite ne se dépareillait pas de ce malicieux sourire
qui, m'était avis, devait être au combat une arme aussi redoutable
que ses roses!
Quelle assurance ce chevalier pouvait afficher! Plus que de l'assurance même,
il s'agissait d'arrogance! Il se savait invulnérable, intouchable,
insaisissable...et rayonnait littéralement d'une éblouissante
confiance en lui...
Au lieu de répondre à sa question, je me mis à
le dévisager longuement: je n'avais jamais vu quelqu'un comme lui...
Il avait l'air presque irréel tellement il ne semblait appartenir à
notre monde, je veux dire par là celui des mortels...
Les traits de son visage étaient si pures, si dénués
d'une quelconque imperfection, que j'en revenais sans cesse à me demander
à quel monde il pouvait bien appartenir... Celui des Dieux?
Sans conteste, cet homme avait dans la physionomie comme dans le regard, quelque
chose de...mmm...à proprement parler "divin"!
Cet être, au visage de femme, cet énigmatique chevalier, l'un
des douze hommes les plus redoutables du Sanctuaire, dégageait une
aura toute aussi étrange que lui-même, à la fois pleine
de douceur mais aussi de cruauté...
"Cruauté"...A n'en pas douter, et à
en croire les dires de Mû de Jamir, celui qui nous avait escorté,
Phaéton et moi, jusqu'à la maison des Poissons, le chevalier
Aphrodite devait en faire preuve lors de ses duels, à priori toujours
" à mort", qui l'opposaient aux ennemis du Sanctuaire.
Ceux-ci devaient sûrement tous tomber dans le piège...comme des
insectes volant trop près d'une de ces plantes carnivores, attirés
par son parfum enivrant, mais qui finissent inexorablement dévorés...
Qui pourrait se douter que derrière une apparence si douce, se cache
le plus brillant de tous les assassins du Sanctuaire?
Même sa façon de bouger, de se tenir, de se mouvoir, respirait
la grâce... je dirais même une certaine élégance,
comme seules peuvent en faire preuve les plus grandes dames de ce monde...
Attention...je ne veux pas dire par là que le chevalier
Aphrodite était...mmm...comment dire...efféminé...si
vous voyez ce que je veux dire...Il était juste plus gracieux, plus
léger, moins "pataud" ou "brute" que des guerriers
tels que Masque de Mort, Aldébaran ou Aïola.
Il ne respirait pas, comme ses frères, la "virilité",
au sens propre du terme... Aphrodite était différent, unique...et
si les nombreuses personnes qui peuplaient le Domaine Sacré semblaient
lui vouer une sorte d'admiration sans bornes, teintée aussi de crainte,
ses frères d'or devaient eux-aussi se tenir sur leurs gardes en sa
présence...
D'ailleurs, l'armure d'or qu'il portait était sans aucun
doute la preuve de cette puissance que je lui devinais...et tout comme celui
qui avait su élever son cosmos au point de s'harmoniser en tous points
avec elle, cette dernière brillait de mille éclats et dégageait
une aura de pure "majesté"...
L'armure des Poissons, la douzième armure du zodiaque...Jamais il ne
m'avait été donné de voir un plus bel habit...
Ses formes, gracieuses, à la fois chaleureuses et "aquatiques",
douces et "marines" s'épanouissaient aussi bien dans de généreuses
courbes que dans les arrêtes anguleuses des longues et majestueuses
écailles qui ornaient le casque, les bras et les cuisses du chevalier...
Décidément, quel étrange personnage pouvait être cet Aphrodite des Poissons, ce chevalier à la fois tout en douceur et en puissance...
Le jeune homme porta son regard myosotis sur ma personne:
_Allons, Seigneur Gigar, je vous trouve bien songeur...Vous devriez plutôt
faire montre d'une certaine joie... me lança le chevalier des Poissons.
Après tout, vous allez être fait Grand Intendant du Sanctuaire...ce
qui n'est pas rien...vous en conviendrez.
_Il est vrai que...bientôt je pourrai à nouveau servir Athéna
et...commençai-je.
Aphrodite me coupa très vite la parole:
_Athéna? Mmm...haha...Pour le moment, contentez-vous de servir notre
Pope...Athéna, elle, ne pourra qu'approuver...pouffa le gardien de
la douzième maison.
Que voulait-il bien dire par là? Sa phrase résonna
de longues secondes en moi... Qu'avait-il bien voulu dire par "Contentez-vous
de servir le Pope"?
Après tout, je cherchais quelque sous-entendu à cette phrase
qui n'en comportait peut-être même pas... Aphrodite avait sûrement
voulu souligner par là que la Déesse Athéna n'était
pour le moment qu'une toute jeune enfant et que de ce fait, elle ne pouvait
aucunement faire preuve d'assez de maturité pour pouvoir donner à
ses sujets des ordres cohérents...
Derrière nous, Phaéton, traînait le pas, continuant à
s'appliquer sur la joue la fleur de Lin dont le chevalier des Poissons lui
avait fait don...
Manifestement, il désirait rester le plus loin possible de celui qui
lui avait porté ce coup...attitude compréhensible ma foi, car
contrairement à son "altercation" avec le chevalier Milo,
là, il n'avait en aucun cas vu le coup venir...
Aphrodite avait frappé sans crier gare, tel un serpent sortant des
fourrés, et se jetant, gueule ouverte sur sa proie...
La blessure de Phaéton, qui allait sans aucun doute lui laisser une
profonde cicatrice, continuait tout de même de saigner, mais ne semblait
pas, contrairement à ce que lui et moi avions cru au départ,
avoir endommagé son oeil gauche.
Le chevalier d'or ne l'avait pas raté... Non seulement mon idiot de
sous-fifre, ce "larbin", n'avait déjà pas un physique
des plus avantageux mais maintenant il se verrait affublé d'une bien
laide cicatrice, sanglante signature à jamais gravée dans sa
chair...
Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer le ridicule duo que lui et moi allions
former: un vieil homme borgne et boiteux et son fidèle bras-droit,
un grand maladroit, teigneux et balafré...
Les sobriquets, lorsque nous aurions le dos tourné, allaient fuser...
Mais peu m'importait alors, et peu m'importe encore, alors que j'écris
ces quelques lignes...
Le chevalier des Poissons, qui se faisait notre escorte, tourna
la tête et porta son regard sur le malchanceux Phaéton, réprima
un sourire moqueur et dit:
_Allons Monsieur Phaéton...Ce n'est tout de même pas la fin du
monde, quelques points de suture et il n'y paraîtra plus.
_Arrghh...Mais cet homme est le diable en personne!! maugréa Phaéton.
Aphrodite fit fi de ne pas entendre, mais je me doute que la
remarque du lieutenant n'avait pu lui échapper...et il semblait que
le chevalier d'or, gardien de la douzième maison, n'en avait cure...
Sûrement n'était-il déjà que trop habitué
aux railleries et aux commentaires de toute sorte, notamment à propos
de son étonnante physionomie...
D'ailleurs, une question me vint alors immédiatement
à l'esprit:
_Dîtes-moi, chevalier...Pourquoi vous appelle-t-on Aphrodite? lui demandai-je.
_Haha...Je me doutais que vous me poseriez à un moment ou à
un autre, une telle question...Il est difficile pour une personne comme vous
de résister à sa propre curiosité...mais enfin...
_C'est que...il y a tout de même plus "guerrier", plus "viril"
comme nom...continuai-je.
_Oh...Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire...mais laissez
moi vous expliquez ceci... dit calmement mon interlocuteur.
_Hum...je vous écoute...
_Et bien, comme vous vous en doutez, ce nom, "Aphrodite", n'est
qu'un surnom, presque un pseudonyme...comme ces écrivains ou ces acteurs
de cinéma qui travaillent sous une identité secrète...Sachez
que de nombreux jeunes gens, lorsqu'ils deviennent chevalier, peuvent, en
signe de l'abandon total de leur vie passée et de leur dévouement
en cette déesse qu'il vont devoir servir pour le reste de leur existence,
changer de nom et de ce fait devenir quelqu'un d'autre: un individu nouveau,
chevalier d'Athéna avant même d'être un homme...
_Mmm...je vois... murmurai-je.
_D'ailleurs, parmi les chevaliers d'or que vous avez rencontré, certains
ont eux aussi choisi un nouveau nom...
_Je suppose que c'est le cas d'Aldébaran et de Camus...émis-je.
_Oui...Mais aussi celui de Milo et de Masque de Mort...qui a choisi son nom
avec beaucoup de goût, je dois dire...finit-il, un air amusé
dans les yeux.
_Mais...et vous? Pourquoi avoir choisi ce nom: "Aphrodite"? interrogeai-je.
En référence à votre beauté?
_Ma beauté? Oh non... Par Athéna! Me croyez-vous pédant
au point de me comparer moi-même à la déesse de la Beauté
en personne? Non...c'est absurde...D'ailleurs, cette "fameuse beauté"
dont on me targue, je ne m'en préoccupe guère...
_Vous voulez dire que vous vous en fichez? m'exclamai-je avec étonnement.
_Tout à fait...A quoi peut-elle me servir en combat? A rien! Mais cela
m'amuse de voir à quel point les gens peuvent confondre élégance,
raffinement et grâce, avec un narcissisme certain...
Là, je dois avouer que le chevalier m'avait surpris!
Je me l'étais imaginé apporter un grand soin à son aspect,
ne se sentant à l'aise que lorsqu'il était tiré à
quatre épingles...
_Mais...ça ne répond toujours pas à ma question...dis-je.
_En fait, voyez-vous Seigneur Gigar, ce sont les gens du Sanctuaire qui m'ont
donné ce nom... Paraît-il que les premiers jours de mon arrivée
au Domaine sacré, lors de ces nombreuses promenades qui me permettaient
d'en découvrir toujours plus sur ce lieu mythique, les quelques personnes
qui m'aperçurent, crurent voir en moi la déesse Aphrodite, venue
au Sanctuaire pour saluer le retour d'Athéna parmi les humains...me
confia-t-il, la voix rieuse.
_Voilà...je comprends maintenant...
_La nouvelle s'est très vite propagée et inutile de vous dire
à quel point a été grand l'étonnement de ces gens
lorsqu'ils ont découvert que "leur Aphrodite" n'était
autre qu'un des douze chevaliers d'or d'Athéna...et un véritable
garçon de surcroît...aha!
le chevalier d'or semblait s'amuser de cette situation...
_Mais cela ne vous gêne t-il pas d'être appelé ainsi à
présent? Ne trouvez-vous pas qu'un tel nom prête encore un peu
plus à confusion? lui demandai-je, curieux.
_Oh...Vous savez...ce nom ou bien un autre...Que l'on me nomme Aphrodite,
Satan, ou de quelque autre façon que ce soit, je reste toujours le
même...un défenseur de la justice avant tout...
Manifestement, cet homme se moquait éperdument de la façon dont on pouvait bien l'appeler...même si celle-ci, et cela je pense qu'il en était conscient, ne rendait pas honneur à son rang de guerrier...
_Le palais du Pope n'est plus très loin à présent...votre
calvaire, à Monsieur phaéton et vous, touche à sa fin...
_A qui le dîtes-vous...je me sens las de toutes ces marches gravies,
et sauf votre respect, de tous ces chevaliers en armures que nous avons dû
rencontrer...soufflai-je.
_Ahah... je vous comprends seigneur Gigar... je vous comprends tout à
fait! Il est vrai que la traversée des douze temples du Zodiaque n'est
pas une mince affaire...mais elle s'est cependant révéler inévitable
et ma foi fort instructive...continua Aphrodite.
_Inévitable? Instructive? Comment cela? le questionnai-je soudain.
Le chevalier d'or ferma doucement les paupières, lui
donnant un air sage, pensif, même s'il ne se débarrassait toujours
pas de cette expression presque sournoise, teintée aussi d'assurance.
_"Inévitable" car nous nous devions de vous tester, Monsieur
Phaéton et vous-même, mais aussi Mû de Jamir dont les rapports
avec notre maître se dégradent dangereusement... et les autres
chevaliers d'or que le Pope préfère avoir à l'il...
_Vraiment? Alors c'était donc ça? m'étonnai-je, ébahi...
_Et "instructif" car cette petite aventure nous a permis d'en apprendre
un peu plus encore sur le comportement de chacun...Nous savons par exemple
que monsieur Phaéton ne sait pas tenir sa langue, qu'il est totalement
inconscient au point de défier un homme aussi dangereux que Milo du
Scorpion et ce, dans sa propre demeure... Que vous savez, comme nous nous
en doutions, garder votre sang froid et vous sortir des pires situations...
_J'aurais dû m'en douter...Il s'agissait là d'un stratagème
pour nous tester...compris-je soudain.
_Mais cela nous a aussi permis de comprendre d'autres choses...Maintenant,
nous savons que même si Mû du Bélier ressent toujours une
certaine méfiance envers notre Pope, il est prêt à aller
jusqu'au bout pour servir Athéna, et de ce fait, il nous restera donc
fidèle...
_Et en ce qui concerne les autres chevaliers d'or?
_Oh...et bien nous savons à présent qu'ils prennent leur rôle
très au sérieux...je souhaite d'ailleurs bien du plaisir à
l'imprudent, au fou à lier, qui oserait tenter la traversée
des douze temples du zodiaque!!
A nouveau, Aphrodite dut réprimer un rire moqueur...Il
semblait s'amuser de la situation...même si je décelais dans
ces paroles une réelle admiration, mêlée à un profond
respect, envers ses frères en armure dorée.
_Au fait, vous dîtes que vous n'êtes au Sanctuaire que depuis
un an maintenant...
_C'est exact Seigneur Gigar...me coupa-t-il en rouvrant lentement les paupières.
_Vous n'avez donc eu que peu de temps pour faire la connaissance de vos homologues...je
me trompe? demandai-je.
_Tout à fait...d'autant que certains d'entre eux sont arrivés
bien après moi...mais j'en sais déjà bien assez sur eux...même
si tout nouvel élément est toujours bon à savoir...me
répondit l'éphèbe.
_Oui...vous dîtes les connaître...mais en réalité...que
savez-vous d'eux? Que savez-vous vraiment d'eux? continuai-je.
_Hum...en tout cas, plus qu'il n'en savent à mon sujet...
_C'est-à-dire chevalier?
_Et bien, par exemple, je sais qu'Aldébaran, le gardien du temple du
Taureau, est un redoutable chevalier, vif et puissant, même si je ne
vois pas en lui un adversaire à ma mesure... Je sais que de nombreuses
autres divinités paieraient cher pour pouvoir compter dans leurs rangs
un tel géant, alliant technique et force brute...
_Qu'en est-il de Masque de Mort?
_Hé...un bon bougre, malgré son mauvais caractère...Un
combattant sans pitié, un guerrier barbare et quasiment invincible...
Contrairement aux autres chevaliers d'or, je dirais même contrairement
à tous les autres chevaliers du Sanctuaire, je ne le déteste
pas...Il est même d'assez agréable compagnie lorsqu'on le connaît
suffisamment...ajouta l'adonis en armure dorée.
_Vraiment? m'exclamai-je, ayant décidément beaucoup de mal à
m'imaginer cette brute de Masque de Mort en "joyeux compagnon"!
_Oui...d'autant plus que je suis convaincu qu'il n'a même pas commis
le tiers des atrocités sans nom dont on l'accuse...
Là, je savais qu'Aphrodite se trompait...Avait-il vu, comme moi, ces innombrables visages apeurés, ornant les murs, le plafond et le sol du temple du Cancer?
_Aïola, le chevalier du Lion?
_Il est encore un peu jeune...il fonce tête baissée sans se soucier
du danger, tel un fauve qui se jette, griffes et crocs en avant, sur sa proie.
J'espère pour lui qu'il saura acquérir cette sagesse, tout du
moins ce sang froid, qui pour le moment lui fait défaut...même
si je décèle en lui une soif de justice inextinguible, quasi-égale
à la mienne et qui fera sans doute de lui, très bientôt,
un des plus grands héros du Sanctuaire.
_Shaka, le mystérieux chevalier de la Vierge?
_Je dois avouer que le gardien de la sixième maison du Zodiaque est
pour moi une véritable énigme...Il fait preuve d'une telle sagesse
que votre serviteur ne peut même pas, ne serait-ce que prétendre
arriver difficilement à le comprendre...Mais si ce qu'on dit sur lui
est vrai...alors personne au Sanctuaire, et je dirai même dans le monde,
ne serait en mesure de l'inquiéter...
_Et que pensez-vous du Vieux maître des Cinq Pics?
_Dokho de la Balance? Je l'ai rencontré une fois, au cinq anciens pics
de Chine d'ailleurs, et je dois dire qu'il m'a beaucoup impressionné...même
si je pense qu'il ferait mieux d'abandonner son armure à un chevalier
plus jeune...
_Au sujet de Milo du Scorpion?
_Aaah...Milo, quel splendide guerrier! Puissant, vif et fier, peut-être
même un peu trop d'ailleurs...Mais cela, vous avez pu vous en rendre
compte lorsque vous avez traversé sa demeure n'est-ce pas?
_Mmm...Disons que Phaéton pourrait vous en dire plus là- dessus...répondis-je,
moqueur.
A priori, Aphrodite, ce magnifique chevalier, avait un avis
bien tranché sur chacun de ses frères d'or...
_Vous connaissez aussi Shura du Capricorne n'est-ce pas?
_Bien sûr...Il a été le premier chevalier d'or que j'ai
rencontré ici, au Sanctuaire...je dois avouer que c'est en l'observant
que j'ai su faire fi de mes émotions et devenir, en combat, aussi implacable
que ce dernier...
_Tiens...Oui...D'ailleurs, le chevalier, gardien de la dixième maison,
m'a raconté que vous aussi, avez rencontré le défunt
Aioros...
_C'est la pure vérité...Je venais à peine d'arriver au
Sanctuaire d'ailleurs...Je l'ai surpris en train de s'enfuir lâchement,
emportant avec lui Athéna et l'armure d'or... Mais bien qu'encore inexpérimenté,
mon devoir de chevalier me poussa à arrêter ce félon,
même si manifestement, Aioros du Sagittaire m'était supérieur...
_Vous connaissiez alors les risques que vous encouriez?
_Oui...C'est vrai...mais je n'ai jamais été du genre à
m'effacer devant un ennemi...me répondit le guerrier aux cheveux bleus.
Le combat fut bref, mais même si Aioros, plus aguerri que je ne l'étais
alors, faisait preuve d'une incroyable agilité, il n'a pas été
en mesure d'esquiver totalement mes attaques...
_Vous voulez dire que...? demandai-je, comme suspendu à ses lèvres.
_Mmm...disons que mon aide, mon intervention, a contribué à
la victoire de Shura...du moins c'est ce dont je suis convaincu...
Ce qu'il venait de m'avouer était vraiment incroyable...Ainsi
Aioros aurait été "mis à mort" par deux chevaliers
d'or et non un seul?!?
_Mû avait donc raison...vous êtes réellement un guerrier
redoutable, chevalier Aphrodite...lâchai-je, véritablement impressionné
par cet homme, présent partout où une quelconque menace surgissait.
Je compris alors pourquoi Sion tenait tant que cela à
garder le chevalier des Poissons à ses côtés.
Aphrodite était manifestement sa carte maîtresse, son "dernier
atout" en cas de coup dur...et sa place, la douzième au sein du
parcours des douze maisons, semblait tout à fait appropriée
à un tel individu...
Si par miracle, des ennemis d'Athéna parvenaient à se frayer
un chemin jusqu'au dernier des douze temples, celui-ci saurait, de par son
étonnante créativité, de par sa ruse, mettre en oeuvre
tous les moyens pour les contrer...
_Mû, est un "doux-rêveur" mais n'en demeure
pas moins un chevalier d'or, un véritable expert dans l'art du combat...et
il sait voir le danger là où il a lieu d'être...En tout
cas, je lui retourne donc son compliment et je vous redirai ces mêmes
paroles que je lui ai adressé tout à l'heure: c'est un guerrier
juste, droit et loyal... Je le respecte car c'est un être bon...continua
Aphrodite.
_Même si vous semblez totalement opposés en bien des points,
n'est-ce pas? interrogeai-je.
_Oui...nous sommes différents...Mû cherche, en vain, des réponses
à des questions qu'il ne devrait pas même se poser... Je lui
ai dit tout à l'heure, et je vous le répète à
présent Seigneur Gigar, il ne sert à rien de rester les bras
croisés en attendant que ne survienne une nouvelle menace... La seule
façon de protéger ce qui nous est cher, le peu qu'il nous reste
encore, c'est d'aller toujours de l'avant, en détruisant "la mauvaise
herbe" directement à "la racine"...
Décidément, le chevalier d'or des Poissons avait
une façon de voir les choses, qui n'était pas sans me rappeler
la mienne...Ainsi, Sion acceptait dorénavant de telles idées?
Si c'était le cas, je ne pus alors pas m'empêcher de penser que
ce triste épisode, survenu il y a près de vingt ans et qui m'avait
valu mon éviction, n'avait en réalité pas servi à
rien, comme je l'avais cru durant toutes ces années d'exile...
Sion semblait avoir changé...Il n'était plus le même...Il
était, d'après les dires de Mû et Aphrodite, devenu plus
dur...
"Dur"...me revint alors à l'esprit l'image
du chevalier du Verseau, cet homme, constamment dissimulé derrière
un impénétrable masque d'impassibilité.
_Et...Comment voyez-vous le chevalier Camus? demandai-je.
_Camus...un noble et remarquable individu...Un guerrier aux pouvoirs terrifiants...Je
dois vous avouer que je n'aimerais pas avoir à m'y frotter de trop
près...On dit que le souffle glacial qu'il projète peut quasiment
tout geler...D'ailleurs, ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle ici, au Sanctuaire,
le "Magicien de l'eau et de la glace"...
Le temple, le Palais du Pope, se rapprochait de plus en plus,
et chaque pas que nous faisions nous libérait un peu plus encore, de
ce lourd fardeau, qui soit dit en passant, commençait à devenir
de plus en plus pesant...
C'est vrai après tout...Il est difficile pour un vieil homme de cinquante-trois
ans, de gravir ainsi autant de marches...
Ces marches...elles m'avaient parues presque infinies lorsque je les avais
aperçues pour la première fois, alors que je me trouvais devant
l'entrée du temple du Bélier.
Elles m'avaient amené à rencontrer ces hommes en armure dorée,
aux pouvoirs cosmiques, à ces êtres uniques qui avaient été
choisi par les Dieux, pour accomplir une mission capitale, de la plus haute
importance: protéger Athéna, et notre monde, par la même
occasion...
Mû, Aldébaran, Saga...ooooh? C'est vrai...Saga...
Il était un des rares chevaliers d'or que je n'avais pas rencontré
au cours de ce bref périple.
Et si j'avais réussi, non sans efforts, à obtenir quelques maigres
informations à propos d'Aioros, le Sagittaire, je n'avais quasiment
rien pu apprendre sur ce mystérieux Saga...
Mais peut-être Aphrodite, en savait-il plus à son
sujet?
_Le chevalier Saga...vous l'avez connu? lui demandai-je, à voix basse,
chuchotant presque, comme si je désirais que personne n'entende de
quoi nous allions parler, le chevalier d'or et moi...
_Saga des Gémeaux? Oh...non...désolé...Je ne pourrais
vous répéter à son sujet, que ce que l'on a bien voulu
m'en dire Seigneur Gigar...déclara Aphrodite, un air amusé dans
le regard, comme s'il désirait me cacher quelque chose et qu'il riait
intérieurement de mon ignorance.
_Voyez-vous, Mû a été très évasif à
son sujet...je sais seulement qu'il était un être d'une infinie
bonté...mais qu'il a lui aussi disparu peu de temps avant l'armure
d'or du Sagittaire...
Le gardien de la douzième maison du zodiaque posa sur
moi son regard teinté à la fois de douceur et de fourberie et
dit:
_Oui...On dit que Saga des Gémeaux était le plus noble de tous
les défenseurs d'Athéna, surpassant même Aioros sur ce
point...Les gens, au sein du Sanctuaire, le vénéraient presque,
tellement il était bon et généreux avec eux...
_Vraiment? A ce point-là?
_Tout à fait...D'ailleurs, si vous voulez en apprendre plus à
son sujet, je vous conseille d'aller faire un tour du côté de
la grande bibliothèque du palais...
_Ah? Et pourquoi?
_Et bien...Saga aimait beaucoup écrire et la plupart de ses écrits
sont encore entreposés, quelque part, au sein de la Grande bibliothèque...A
leur lecture, on se rend alors tout à fait compte à quel point
il pouvait être quelqu'un d'extraordinaire!!
_Et je suppose que sa disparition a dû marquer les esprits...tout autant
que la trahison d'Aioros...émis-je.
_Oui...mais d'une façon différente cependant...Car si de nombreuses
personnes ont pu être témoins de l'acte insensé du chevalier
du Sagittaire, il plane encore sur la disparition du chevalier Saga un épais
mystère...me répondit Aphrodite.
_Mmmm...Il est vrai qu'il est très inquiétant de voir que même
un puissant chevalier d'or comme ce Saga puisse disparaître si mystérieusement,
du jour au lendemain...rajoutai-je.
Aphrodite passa nonchalamment une main dans ses cheveux, puis
dit d'une voix quelque peu ironique:
_Hum...Les rumeurs vont d'ailleurs bon train sur cette, pour reprendre vos
propres mots, "mystérieuse disparition"... On a tout entendu
ici, au Sanctuaire... Certains affirment dur comme fer que Saga est mort,
foudroyé par Zeus pour avoir été trop "parfait",
d'autres pensent qu'il s'est donné la mort lui-même, ne pouvant
plus supporter cette pression quotidienne...mais il y a aussi plus farfelu...
_Comme? demandai-je.
_Ohh...On raconte que le chevalier des Gémeaux aurait trahit Athéna
pour rejoindre les rangs d'un de ses rivaux...comme Hadès ou Arès,
même si ces derniers sont toujours en sommeil... hahaha... ou même
qu'il aurait décidé de renoncer à ses vux de chevalier
et qu'il aurait choisi de vivre en ermite, loin des querelles des hommes...
_Ah... Et est-ce vraiment si impensable que cela chevalier?
_Et bien... Après avoir lu quelques lignes du journal que tenait Saga,
mais dont seuls les personnages haut placés comme vous ou moi ont accès,
je peux vous affirmer que le chevalier des Gémeaux n'était pas
du genre à renier Athéna pour un quelconque autre Dieu , ou
à tourner le dos aux hommes...
_Oui...je suppose qu'il s'agissait là d'un chevalier exemplaire...D'ailleurs,
n'était-il pas lui aussi, tout comme Aioros, perçu comme un
hypothétique futur Pope?
Le chevalier d'or réprima un discret sourire...
Mais que signifiaient toutes ces petites manières à la fin?
J'avais la très nette impression que le chevalier des Poissons était
au courant de choses que j'ignorais, et que c'est de cela dont il s'amusait...
_Tout à fait...Il y a encore peu, notre Pope Sion songeait fortement
à céder sa place à un autre, plus jeune...Et c'est sur
Aïoros, mais aussi sur Saga, que son choix s'est porté... Quoi
de plus naturel après tout? Ils étaient les plus âgés,
les plus expérimentés, mais aussi les plus sages...d'autant
plus que la majeure partie d'entre nous n'avait pas encore revêtu leur
armure sacrée...
Donc, comme je vous le disais, Sion, notre maître à tous, hésitait
terriblement entre ces deux chevaliers, les meilleurs de notre ordre...
_Mais Sion a toujours été de nature indécise...ajoutai-je,
ironiquement.
_Je suis bien d'accord avec vous Seigneur Gigar, car finalement, à
hésiter indéfiniment, notre Pope se retrouve à présent
sans successeur...car vous connaissez comme moi le sort tragique de ces deux
chevaliers...poursuivit Aphrodite.
Soit, celui qui m'escortait m'en avait appris un peu plus sur ce Saga...mais j'avais comme l'impression de ne pas en savoir assez...même si j'avais la certitude que j'entendrais à nouveau parler du mystérieux chevalier des Gémeaux, et ce peut-être plus vite que ce à quoi j'aurais pu m'attendre...
Je tournai à nouveau la tête vers Aphrodite, m'attendant
à croiser une fois encore son regard azur mais ce dernier était
déjà fixé vers cette immense bâtisse qui s'offrait
à présent à nos yeux: la Demeure du Grand Pope!
_Nous y voilà messieurs...Vous voyez...A force d'efforts, vous y êtes
parvenus...s'exclama le jeune homme aux cheveux bleus...
_Enfin...souffla Phaéton...Pas trop tôt...Je commençais
à croire que ces marches allaient nous conduire aussi haut que le mont
Olympe!!
Aphrodite sourit à la remarque acerbe de mon lieutenant...puis se tourna
aussitôt vers moi, d'un geste vif et gracile.
_Revenir ici après vingt longues années...N'est-ce pas trop
intimidant Seigneur Gigar? me demanda-t-il, amusé.
Je ne saurais, encore aujourd'hui, alors que j'écris ces lignes, si ce fut à la fatigue ou à la peur de me retrouver à nouveau face à lui, que je dus cela, mais une boule vint se nouer dans ma gorge, rendant à peine audible tout son sortant de ma bouche.
Cependant, je réussis à lui répondre ceci:
_Une étrange impression...rien de plus, rien de moins...
Le chevalier se contenta de regarder vers le sol, puis de sourire comme il
l'avait fait si souvent depuis que nous marchions côte à côte,
c'est-à-dire près d'une bonne heure...
C'est d'un élégant geste du bras qu'il nous invita, Phaéton
et moi, à nous avancer vers la gigantesque porte d'entrée de
cette non moins gigantesque demeure...
Elle n'avait pas changé...encore identique à celle de mes souvenirs...Après tout, à quoi m'attendais-je? Ce somptueux temple était là, magnifique, immuable, depuis des siècles et des siècles, voire des millénaires... Comment aurait-il pu changer en seulement vingt ans?
Mais Sion, lui, ne l'avait-il pas fait?
Le simple fait de revoir ces imposantes colonnes de pierre me firent revenir en mémoire des scènes de mon passé...à l'époque où j'étais l'un des hommes les plus influents du Domaine Sacré, craint de tous...
Nous montâmes les quelques robustes marches qui précédaient
cette gigantesque porte dont deux gardes protégeaient l'accès,
tenant chacun une vouge, qu'ils avaient croisé afin d'appuyer leur
barrière.
L'un d'eux nous dévisagea longuement, Phaéton et moi, avant
de revenir sur le chevalier d'or.
_Seigneur Aphrodite, dit-il de sa voix grave et rocailleuse, le Pope vous
attend...
L'autre garde coupa son homologue:
_Et une fois de plus, il sera heureux de voir que vous avez accompli votre
mission!
Comme je l'aurais parié, l'éphèbe ferma
les paupières, dans une expression de profonde satisfaction... décidément,
que cet homme pouvait être imbu de lui-même!
Je décidai de ne pas m'attarder d'avantage sur ce détail agaçant
et emboîtai le pas à Phaéton qui s'empressa de pénétrer
dans la gigantesque demeure du pope dès que les deux gardes nous eurent
laissé passer.
A peine avait-il posé un pied à l'intérieur que le jeune
lieutenant s'écria, pressant toujours fortement contre sa joue la précieuse
fleur de Lin qui semblait, comme l'avait dit Aphrodite, soulager bien des
maux...:
_Ohhh...Mais c'est absolument magnifique!!!!!!
_Hum, Il est clair que nos chers temples du Zodiaque, à nous chevaliers
d'or, font bien pâle figure en comparaison de cette sublime demeure...lâcha
le gardien de la douzième maison, un brin désabusé.
Quant à moi, j'étais encore sous le choc...
Non, comme je l'avais pressenti rien qu'en le voyant de l'extérieur,
rien n'avait changé ici... pas même cette froide odeur de pierre,
de marbre, caractéristique des vieilles églises...
_C'est fou...Tout est exactement comme dans mes souvenirs...chaque chose est
à la même place...dis-je, ébahi devant le magnifique tableau
sur lequel mon unique oeil s'était attardé...
C'était, (comment aurais-je pu l'oublier, moi qui avait
passé des heures, durant ma prime jeunesse, à le contempler...?)
un portrait du précédent Grand Pope, Alresha, qui avait mené
les chevaliers d'Athéna à prendre les armes pour contrecarrer,
en mille sept-cent quarante-trois, les plans du perfide et non moins terrible
Hadès!
Ici et là, des gardes se promenaient dans le somptueux couloir damé
d'innombrables plaques de marbre, rendant son sol terriblement glissant, du
moins pour un vieillard tel que moi...
Chaque bruit que nous faisions était amplifié
au centuple, de sorte qu'ici, rien ne passait inaperçu, pas même
le plus silencieux des chuchotements...
Sans se retourner vers nous, Aphrodite s'engagea dans la grande allée
principale, nous invitant ainsi à le suivre.
Phaéton ne se fit pas prier et moi non plus d'ailleurs...Pourquoi attendre
plus longtemps? Nous avions traversé douze maisons, chacune protégée
par un terrible et puissant gardien, gravi un nombre infini de marches pour
enfin parvenir jusqu'ici...
Je me devais de laisser cette appréhension de côté...il
était temps pour moi de renouer avec le pouvoir, je le savais...
Ce moment allait être le mien, celui de Gigar, l'homme qui va réconcilier
le Domaine Sacré avec l'ordre et la discipline!
Devant nous, le chevalier se mouvait toujours avec la même
grâce, le rendant presque aérien tant ses pieds semblaient décoller
du sol.
Je ne pus m'empêcher d'opposer sa démarche à celle de
Phaéton, mon sous-fifre, qui soit dit en passant, faisait tout autant
preuve de légèreté qu'un buffle ou qu'un ... chimpanzé...
Quel étrange cortège nous devions bien former! Si je n'avais
pas été aussi anxieux à ce moment-là, j'en aurais
sûrement beaucoup ri sur le moment mais déjà, mon esprit
était ailleurs, je ne pensais plus qu'à une seule chose, qu'à
un seul être: Sion du bélier, l'actuel Grand Pope, celui qui
m'avait jadis renié et banni du Sanctuaire, mais aussi celui là-
même qui m'avait fait chercher il y a peu, m'envoyant ce chevalier d'argent
pour me ramener à lui...
Avait-il changé au point de refaire appel à moi, celui qui l'avait
trahi il y a de cela près de vingt ans maintenant? Avait-il été
transformé à un tel point qu'il avait décidé de
me pardonner mes crimes passés et me donner à nouveau toute
sa confiance?
Toutes ces questions venaient s'entrechoquer avec violence dans mon esprit,
me coupant du reste du monde, de l'extérieur... de sorte que je ne
me vis même pas pénétrer dans la luxueuse "salle
du balcon" où Sion, notre hôte, nous attendait.
Mon cur battait à tout rompre...Il était
là, assis sur son trône, à nous regarder derrière
son sombre masque...
Que pensait-il à ce moment-là?
Cela, j'aurais payer cher pour le découvrir...oh ça oui...
C'était lui, Sion...Je l'aurais reconnu entre mille...
Son aura de pure bonté le trahissait...Jamais, au cours de ma vie,
il ne m'avait été donné de ressentir une cosmo-énergie
si douce, si pleine de respect aussi...
Mais contrairement au gargantuesque temple qui lui servait de demeure, quelque
chose avait changé en lui...
Je ne saurais dire exactement quoi, mais il s'était transformé...
C'était à n'en point douter...
Durant toutes ces années à son service, je n'avais jamais vu
son visage...seulement ce masque bleu, sombre comme la nuit...
Ce triste masque était toujours là...mais le casque qui le fixait
à son visage, lui, était différent...
Si jadis, doré, il brillait de mille feux, il était à
présent du pourpre le plus sanglant qu'il m'eut jamais été
donné de voir...
Sa toge, d'un blanc immaculé, dénotait avec la partie supérieure
de son habit, elle aussi d'un rouge profond, presque agressif...
Contrairement à ce que j'aurais pu penser, il n'avait pas l'air anxieux...et
sans doute le fait de me retrouver ne le perturbait pas plus que je n'aurais
pu l'imaginer...
A sa droite, une bouteille de vin et un verre à moitié vide reposaient sur une petite table, signe de son apparente décontraction...
Le chevalier des Poissons affichait un air de contentement certain,
sans doute était-il toujours ainsi lorsqu'il se présentait devant
son maître...
Immédiatement, il mit un genoux au sol, puis nous lança, à
Phaéton et à moi un regard froid, lourd de sens...nous invitant
à faire comme lui.
C'est ce que nous fîmes nous aussi sans attendre, bien que je ne comprenne
pas réellement l'utilité de ce geste...
C'est vrai, j'avais servi Sion durant dix-sept années et il ne m'avait
jamais semblé enclin à tant de mise en scène... Il arrivait
effectivement à ses serviteurs de se prosterner devant lui, mais il
ne leur en tenait jamais rigueur si ceux ci venaient à manquer à
cette forme de politesse mais aussi de révérence...
_Et bien chevalier, tu en as mis du temps à m'amener
ces deux invités... lança Sion, brisant ainsi le léger
silence qui semblait avoir envahi chaque parcelle, chaque recoin de l'immense
salle dans laquelle nous étions reçus...
_Oui Grand Pope...Mais vous savez comme moi que le Seigneur Gigar est un vieil
homme malade...On dirait qu'il a dû laisser sur son île le dynamisme
et la robustesse qui le caractérisait jadis...Cela mis à part,
il a été loin d'être un boulet, et en cela, je le félicite...lui
répondit Aphrodite.
J'aimais de moins en moins la façon dont cet homme parlait de ma personne...Etre un chevalier d'or ne permettait pas tout, et cela, j'allais à tous le leur faire rentrer dans le crâne, aussitôt que j'aurais pris mes nouvelles fonctions!
Si le chevalier des Poissons, lors de notre toute première
rencontre, m'a fait très forte impression, je dois bien avouer qu'à
présent, à chaque fois que je le croise, il ne m'inspire que
la plus intense des répulsions...
Toujours là où je l'attends le moins, j'ai l'impression qu'il
épie chacun de mes faits et gestes...Même lorsque je ne le vois
pas, je sais qu'il est là, non loin, tapi dans l'ombre, à m'observer
pour le compte de ce vieux bouc de Sion...
Fais le beau Aphrodite...Souris...Souris tant que tu en as encore le cur...
Lorsque je prendrai le pouvoir, tu devras me servir avec dévotion et
respect...Je te le promets...
L'homme au visage dissimulé derrière son sombre
masque reprit:
_Ne te moque pas Aphrodite! N'oublie pas qu'en terme d'âge, je dépasse
de loin ce cher Gigar...hum hum...
Le chevalier des Poissons plissa les yeux, de façon enjouée:
_Veuillez excuser ces commentaires taquins Seigneur Gigar, il ne s'agissait
là que d'une plaisanterie...
Puis Sion continua de sa voix grave, une voix que j'avais beaucoup
de mal à reconnaître d'ailleurs...
_Je vous salue donc tous les deux, Gigar et Phaéton...J'espère
que vous saurez vous montrer dignes de la tâche que j'ai décidé
de vous confier...
Mon imbécile de sous-fifre répondit aussitôt:
_Vous ne serez pas déçu ô Grand Pope, je peux vous jurer
sur mon honneur de mettre en oeuvre tous les moyens pour vous satisfaire pleinement...
_Bien...Mais de toute façon, ton devoir est simple: tenir informé
ton supérieur de tout ce qui pourrait nuire à l'équilibre
du Domaine Sacré et gérer au mieux les différentes troupes
et escouades de mes soldats!
_Ce sera fait mon maître...ce sera fait...et...
Cette larve n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Déjà,
le Pope reprenait la parole:
_Soit, tu es alors fait Lieutenant en chef de mes armées...En cela,
je te donne un certain pouvoir de commandement vis à vis de tous les
soldats du Sanctuaire: guerriers de base, chevaliers de bronze et d'argent...
Maintenant, va et laisse nous seuls! Tu as du travail!
Phaéton releva la tête, et son visage se déforma en une
grimace de douleur...Il est vrai que bien que le feu de sa blessure eut été
calmé par la fleur de lin dont Aphrodite lui avait fait don, celle-ci
restait béante et donc sûrement encore très douloureuse...
De plus, une certaine incompréhension pouvait se lire
sur son visage déjà déformé par la douleur...
Je n'avais rencontré Phaéton que quelques heures auparavant
mais il me semblait déjà bien le connaître...En un très
court laps de temps, j'avais pu me rendre compte qu'il pouvait être
à la fois fourbe, agressif, fielleux, retors, mauvais mais aussi terriblement
fier...
Cette dernière caractéristique l'avait même poussé
à défier le puissant Milo, un des douze chevaliers d'or, un
des douze plus redoutables protecteurs d'Athéna, lui qui n'était
pas même parvenu à endosser une simple armure de bronze...
Et c'est justement cette même fierté mal placée qui le
poussait sûrement, à ce moment même, à se sentir
froissé par les paroles du Pope, qui lui ordonnait expressément
de nous quitter...
Mais Phaéton n'était pas fou au point d'exprimer
son mécontentement devant le Pope en personne...même s'il s'était
montré assez imprudent pour défier un chevalier d'or et être
frappé par un autre...
C'est pourquoi, mais seulement après m'avoir adressé un autre
de ses regards de bête traquée, il se releva et se dirigea vers
la porte qui menait à la sortie.
Cependant, avant qu'il n'ait quitté la pièce,
le Pope lui adressa ces quelques mots:
_Et surtout, à l'avenir, veille à ne plus agir inconsidérément...Tu
éviteras ainsi de t'attirer les foudres des plus puissants de notre
ordre...
Le lieutenant garda le dos tourné mais avait marqué un léger
arrêt, le temps de recevoir de plein fouet la dernière remarque
de son maître, puis disparut.
Enfin! J'étais à présent débarrassé,
et même si ce n'était que pour peu de temps, de ce boulet!...
Il s'en était allé, sûrement faire soigner sa triste blessure,
nous laissant seuls tous les trois, le Grand Pope, le chevalier d'or et moi-
même...
_Gigar...Quelle joie de pouvoir enfin te retrouver...glissa
le Pope, d'une voix fort douce et mélodieuse, qui contrastait nettement
avec celle qu'il avait employé pour s'adresser à cet idiot de
Phaéton.
Je dois avouer qu'à ce moment précis, je ne savais plus vraiment
quoi lui répondre...et quant à cette boule dans ma gorge, elle
se faisait de plus en plus dure.
_Et bien mon secrétaire? Aurais-tu perdu ta voix? Jadis, il me semble
que tu étais plus loquace?
_C'est que...que...tentai-je en vain de dire.
Le Pope continuait à parler de sa voix à la fois
grave et douce, me fixant avec attention, derrière son sombre masque.
_Mmmm...Sûrement te sens-tu encore coupable...ou peut-être honteux?
Tu ne sembles pas te pardonner cette faute que tu as commise il y a si longtemps
maintenant, n'est-ce pas? me demanda le plus haut représentant d'Athéna
sur Terre.
Enfin, ça y était...Il y venait...Il n'avait pas
oublié bien sûr...
Il n'avait pas oublié cette folie que j'avais commise il y a près
de vingt années de cela...
Pensais-je réellement qu'il aurait pu chasser de son esprit une telle
chose? Non bien sûr...Il était le Grand Pope et ce qui m'avait
valu d'être conduit en exil, il n'avait pas pu l'oublier...
Tous mes souvenirs de cette époque vinrent comme me submerger alors
que je levais brièvement les yeux pour les plonger dans les siens,
du moins dans les deux trous vitreux de son masque...
Mais?... Comment pouvait-il m'avoir pardonné? Comment pouvait-il avoir décidé de me redonner une chance, surtout après m'avoir dit ces mots si durs il y avait vingt ans de cela?!?
A l'époque, comme vous le savez, j'occupais la fonction
de "Grand Secrétaire à la Chambre du Pope", un titre
bien pompeux pour définir le rôle simple que je tenais en ce
temps là...
En effet, après avoir échoué lamentablement à
ma formation de chevalier, j'avais intégré l' entourage privé
du Pope, grâce à mon maître, qui m' avait recommandé,
à défaut de pouvoir m'offrir une armure...
Puis, m'étant fait très vite remarqué pour mes divers
talents, Sion m'avait alors confié ce poste, qui faisait en quelque
sorte de moi, une sorte de petit "ministre"...
Comme je vous l'ai dit, mon rôle était simple: j'étais
là pour conseiller le Pope ou gérer de façon la plus
habile qui soit les diverses ressources du Sanctuaire...
Mon pouvoir était grand...Mais pas assez à mon goût...
Nombreux étaient ceux qui auraient payer cher pour se
retrouver à ma place, mais moi, je désirais plus!
Plus je me familiarisais à mon rôle de secrétaire et plus
j'étais obsédé par cette seule et unique chose: le Pouvoir.
Aujourd'hui encore, il m'obsède...je le pensais définitivement
hors d'atteinte mais depuis peu, tout me paraît à nouveau possible...
Toujours est-il qu'à l'époque, celui qui avait le pouvoir, c'était
lui: Sion, ce maudit vieillard!
Et bien sûr, plus le temps passait et plus j'étais consterné
par la façon dont cette vieille loque l'utilisait...Il avait entre
ses mains une force, un pouvoir sans limites, mais il était trop bête
pour en faire bon usage!
Bien que le Sanctuaire, à l'époque, ne comptait encore aucun
de ces chevaliers d'or, le Pope avait tout pouvoir sur ces incroyables surhommes
qu'étaient les chevaliers de bronze et d'argent! Celui qui commandait
à des guerriers d'une telle envergure, pouvait s'offrir le monde!!!!
Or, Sion n'avait pas compris cela...
Durant l'invasion nazie, il avait préféré
rester les bras croisés, en simple spectateur, choisissant la neutralité
et n'intervenant de façon occasionnelle, que lorsque la situation le
réclamait...
S'il l'avait voulu, il aurait pu éviter ce conflit, il aurait pu éviter
que des milliers et des milliers d'innocents ne soient tués...
Une poignée de chevaliers de bronze aurait suffit...et pourtant, il
avait décidé de ne point intervenir...
Je me rappelle alors qu'au Sanctuaire, sa politique de neutralité
ne faisait pas l'unanimité... Nombreux étaient ceux qui étaient
favorables à une intervention des chevaliers sacrés...mais lui,
cet idiot, ne voulait rien entendre...
Pourquoi a-t-il agi ainsi? Il n'a jamais daigné me l'expliquer...Sans
doute n'estimait-il pas nécessaire de se justifier devant moi, un "sous-homme",
un pauvre perdant qui n'était pas même parvenu à revêtir
une armure de bronze...
Enfin, toujours est-il que, comme vous le savez, les fils d'Hitler finirent
par perdre la guerre et durent se retirer hors de Grèce mais aussi
de tous les autres états qu'ils avaient annexé, faisant taire
les nombreuses voix qui s'élevaient alors contre Sion et sa politique
de retrait...
Les années passèrent, inexorablement, et je dus
assister, en témoin impuissant, à ce que j'appelle la débâcle
du Sanctuaire...
Durant presque dix ans, je vis les lois du Domaine Sacré, jusqu'alors
immuables, incontestables, être remises sans cesse en question pour
enfin disparaître...
Tout changeait: Les femmes apprentis chevaliers côtoyaient de plus en
plus leurs homologues masculins, les jeunes disciples nouaient des relations
fortes, basées sur l'"amitié" (Par Athéna,
comme je peux haïr ce mot!!!), le respect et non plus la crainte comme
c'était le cas dans le temps, avec leurs maîtres...
Chaque jour, des dissidents s'enfuyaient du Domaine Sacré, sans qu'on
ne lance contre eux une quelconque chasse divine, et de plus en plus de personnes
extérieurs à notre ordre venaient s'agglutiner, poussées
par la curiosité, tout autour de nos frontières...
Je ne pouvais plus supporter cette situation...Tout nous échappait:
le Sanctuaire d'Athéna, berceau des chevaliers sacrés, fidèles
serviteurs de la déesse de la Guerre, n'était plus que l'ombre
de lui même...
Tout cela par la faute d'un pantin, un vieil imbécile trop gâteux
pour faire preuve d'une once de fermeté!
C'est pourquoi, lors de l'année mille neuf-cent cinquante-quatre,
je décidai de ne pas laisser la situation se dégrader d'avantage
et d'agir en conséquence...
Il me fallait agir vite et bien, trouver une façon de le renverser,
de lui prendre sa place...
Oui, vous avez bien entendu...J'avais décidé de lui ravir son
trône, j'avais décidé de devenir Grand Pope!!!
Je mis plusieurs mois à me préparer, afin de ne
pas commettre d'erreurs et de trouver des complices de valeur, des hommes
totalement dévoués à ma cause, sur lesquels je pourrais
compter en toute occasion...
Ces hommes, je les avais trouvé en la personne de Quasar et Brahé,
respectivement chevaliers d'argent du Centaure et des Voiles, deux puissants
guerriers, qui comme moi, jugeaient notre Pope trop effacé...
Ces deux-là étaient craints de tous et leur comportement leur
avait déjà valu plusieurs avertissements...On les jugeait souvent
bien trop violents, trop extrémistes dans leurs propos ou leurs actes.
Nombreux étaient ceux qui auraient aimé les voir chassés
du Domaine Sacré mais eux n'en avaient que faire, continuant à
agir comme ils l'entendaient.
C'est cette détermination à suivre leur propre voie, leur propre
façon de voir les choses, qui me fit les trouver.
Ce qu'il faut que vous sachiez, c'est qu'à l'époque,
bien que je siégeais à une place ma foi très importante,
je n'avais aucun pouvoir sur les chevaliers de bronze et encore moins d'argent...et
c'est pourquoi il me fut assez difficile, du moins au début, de me
faire entendre d'eux...
Car bien entendu, ces deux brillants guerriers ne voyaient en moi qu'un de
ces bureaucrates, un de ces ratés, tout juste bons à rester
toute la journée le postérieur sur une chaise...
Mmmm...mais je pris ceci comme un défi supplémentaire et cela
ne m'empêcha pas, bien au contraire d'ailleurs, de leur exposer mon
plan...
Je me rappellerai toujours de ce jour où, la peur au
ventre, j'étais venu les trouver, près d'une vieille baraque
en ruines, où ils avaient l'habitude de se reposer...
Ils m'avaient lancé les regards les plus noirs qui soient, des regards
que même Masque de Mort aurait été incapable d'imiter,
puis m'avaient demandé de m'identifier, sous peine d'être "carbonisé"
sur le champs...
Héhé...Les présentations se firent ainsi...et au fur
et à mesure de notre discussion, je les trouvais de plus en plus "charmants"...
Bien qu'ils s'agissait d'étonnants guerriers (parmi les plus puissants
des chevaliers d'argent), ils n'étaient pas d'une grande finesse d'esprit
et il me fut facile de les amadouer, leur promettant richesses et pouvoir
s'ils servaient ma cause. De plus, cette haine, grandissante, qu'ils éprouvaient
envers notre soi-disant maître, ne faisait que faciliter mon plaidoyer...
Et, vers la mi-Juin, tout était prêt...Mon plan
reposait sur de solides bases...J'avais à mon service deux des plus
terribles chevaliers d'argent du Sanctuaire et la victoire ne pouvait pas
m'échapper!!!
Tout avait été mis sur pied, aucune fausse note n'allait être
commise: j'avais planifié avec mes deux acolytes la marche à
suivre, soudoyer le garde qui gardait la chambre du Pope et fait s'éloigner
ceux qui d'habitude traînaient dans les environs...
Tout avait été prévu...Sion n'aurait d'ailleurs jamais
dû s'en tirer à si bon compte...à croire qu'Athéna
elle-même veillait alors sur lui...
Bref, nous nous étions retrouvés sur le coup des
onze heures, Quasar, Brahé et moi, alors que la nuit avait déroulé
son noir manteau sur le Domaine Sacré...
Mes deux complices étaient méconnaissables, enroulés
comme ils l'étaient dans de longues capes qui leur cachaient le visage,
de sorte qu'aucun témoin gênant ne puisse les identifier au premier
coup d'il...
Quant à moi, j'avais opté pour quelque chose de plus simple
puisque je m'étais simplement contenté de revêtir une
toge plus discrète que celle que je portais à l'accoutumée,
afin de moins attirer les regards...
Nous n'eûmes aucun mal à pénétrer
le temple du Pope, car comme vous le savez, j'y avais mes quartiers et le
garde à l'entrée n'eut d'autre choix que de me laisser entrer,
même si j'étais accompagné de deux personnes un peu trop
suspectes à ses yeux...
Accéder aux appartements de Sion fut encore plus facile car, comme
je l'ai précisé plus haut, j'avais grassement soudoyé
le garde, afin qu'il nous laisse discrètement entrer...
Et nous le vîmes, lui, Sion...
Je me rappellerai à jamais de cette scène...Il
était là, assis sur une simple petite chaise, penché
sur un vieux bureau de bois vernis, sans doute en train de rédiger
ses mémoires comme je le fais moi-même aujourd'hui...
Il avait été surpris par notre venue et c'est avec peine qu'il
avait réussi à remettre le masque qu'il avait l'habitude de
porter mais qu'il ôtait dès que plus personne n'était
susceptible de voir son visage.
"Gigar? Mais voyons...Que viens-tu faire ici à une
heure aussi tardive, et sans te faire annoncer de surcroît? Mais surtout,
qui sont ces deux hommes dont je ne peux voir les traits?!?"
Ainsi avait parlé Sion et à ses questions je n'avais rien voulu
répondre, me sentant soudain presque mal à l'aise de vouloir
porter la main sur celui qui m'avait recueilli et offert un destin... Même
si alors, je ne pensais plus qu'à une chose: lui ravir ce futur qu'il
m'avait volé et m'en offrir un autre!!!!
De leur côté, Brahé, qui avait le pouvoir
de masquer son cosmos aux yeux des gens, et Quasar le bouillant chevalier
du Centaure, riaient aux éclats et leurs voix fortes raisonnaient à
travers toute la pièce.
C'est d'une voix triomphante qu'ils avaient dit quelque chose comme cela avant
de jeter au loin, d'un geste brusque, leurs longs manteaux:
"Ahaha...Alors Sion, notre Pope, tu es donc usé par les années
au point de ne pas reconnaître deux de tes meilleurs sujets?!?
L'ancien chevalier du Bélier était alors rester
coi durant de longues secondes, se demandant sûrement de quoi il en
retournait réellement et c'est d'une voix tremblante que je ne lui
connaissais pas qu'il lâcha:
"Aaah...je vois...Il arrive que même les plus inoffensives brebis
ne viennent à se transformer en loups pour finalement dévorer
leur berger..."
Quasar ne s'était pas fait prier pour lui répondre
ceci:
"Oui grand Pope, l'heure est venue pour toi de laisser la place à
ceux qui sauront diriger le Sanctuaire mieux que tu ne l'as fait jusqu'alors!"
Et Brahé de continuer:
"Dès que nous nous serons débarrassé de toi, nous
serons les seuls et uniques maîtres du Sanctuaire!!!"
Comment? Et moi dans tout cela? M'avaient-ils oublié?
C'est dans la stupeur et l'étonnement le plus complet que je me saisis
du bras de Quasar:
"Mais?!? N'oubliez pas que c'est moi qui doit devenir le nouveau maître
du Domaine Sacré? N'oubliez pas que c'est grâce à moi
que vous avez pu vous frayer un chemin jusqu'à sa chambre!!!!"
Je continuais à me cramponner à son bras, désespérément,
comme si un tel geste allait me faire quitter ce mauvais rêve dans lequel
il me semblait me perdre de plus en plus...
Malgré mon étreinte, somme toute assez ridicule pour n'importe
quel chevalier, Quasar n'eut aucun mal à me projeter loin de sa personne,
m'envoyant atterrir avec fracas au beau milieu d'une vieille commode en chêne.
"Tu es ridicule...Pensais-tu vraiment que Brahé
et moi allions te céder ce que nous désirons le plus au monde:
détenir la force absolue?!!!
Tu n'es rien de plus pour nous qu'un de ces pantins désarticulés,
une de ces larves qui ne se plaisent qu'à ramper!!!!"
Alors que je me relevais péniblement de ce tas de morceaux
de bois brisés au milieu duquel j'avais atterri, je me rendis compte
que j'avais une nouvelle fois échoué!
Mes alliés m'avaient trahi, ils avaient décidé de s'attaquer
au Pope eux-même et de ne pas partager avec moi ce pouvoir qu'ils allaient
s'octroyer...
De son côté, Sion continuait à mettre ses
agresseurs en garde:
"Ce que vous vous apprêtez à commettre est ce qu'un chevalier
peut faire de plus grave et de plus déshonorant: se révolter
contre Athéna!"
Mais Le pope avait beau tenter de les dissuader de commettre cette folie,
ses deux agresseurs n'en avaient que faire: ils étaient venus pour
le tuer, lui ravir sa place et s'emparer du Sanctuaire, et ne comptaient y
renoncer sous aucun prétexte !
Ils n'avaient plus rien d'humain...dans leurs yeux dansaient les flammes de
la folie...
Quasar esquissa un petit sourire sadique avant de lancer:
"Que les Flammes de l'Enfer te consument Sion!!!!!!"
le chevalier d'argent s'était concentré un bref instant avant
de projeter sur celui qui était jadis son supérieur, une salve
de boules de feu incandescentes...
Brahé, quant à lui, affichait sans honte un air de satisfaction
totale, même si, quelques instants après, ce sourire le quitta
aussi vite qu'il était apparu.
Les rougeoyantes flammes qu'avaient projeté Quasar finissaient par
disparaître, libérant à notre vue le Pope, complètement
indemne, comme si le coup du chevalier d'argent ne l'avait atteint...
"Mais?!? Par quel prodige? J'ai réduit bon nombre de mes adversaires
en cendres avec une telle attaque!!!!" s'était exclamé
le chevalier du Centaure.
Sion semblait avoir retrouvé toute l'assurance, teintée
de calme, qui le caractérisait si souvent. Il avait gardé ses
bras le long de son corps, comme s'il n'avait fourni aucun effort pour stopper
le coup de son agresseur.
"Et bien, vous semblez surpris chevaliers -même si je ne devrais
déjà plus vous appeler ainsi-, vous semblez avoir oublié
que je suis Sion de Jamir, chevalier d'or du Bélier et Grand Pope,
choisi entre tous par Athéna, notre mère, pour régner
sur son Sanctuaire...et que malgré mon âge avancé, je
suis toujours capable de vaincre une centaine de renégats tels que
vous!!!"
La voix de Sion s'était faite grave, presque effrayante...
Mais ses deux opposants, bien que quelque peu refroidis par cette démonstration,
n'envisageaient toujours pas de tourner les talons et ainsi d'abandonner leurs
rêves de gloire et de richesse, en même temps que leur titre...
Pour ma part, je restais bien à l'écart du combat, de sorte à ne recevoir aucun coup...car même si ma place au Sanctuaire d'Athéna semblait quelque peu compromise, je tenais encore par dessus tout à la vie...
"Aaarggh...ce n'était qu'un coup de chance, rien de plus...Cette fois, tu vas devoir subir la colère de deux chevaliers d'argent, et non un seul!!!!" hurlait Brahé, le chevalier des Voiles, dont les mains semblaient comme entourés de minuscules volutes de fumée bleue.
Les deux chevaliers d'argent s'étaient mis en position
d'attaque, un nouvel assaut allait être lancé...
Sion se contenterait-il, cette fois, de parer leurs offensives combinées?
En tout cas, alors qu'une magnifique aura de couleur dorée était
soudain apparue pour finalement tournoyer tout autour de son corps, il rajouta
ceci:
"Voyons...Votre entêtement ne vous fait pas honneur, pas plus que
votre manque de lucidité...Vous auriez beau me frapper mille fois que
vos misérables arcanes ne parviendraient pas même à fissurer
mon mur de cristal..."
Même si je ne pouvais pénétrer le regard de celui que j'avais tenté moi aussi d'assassiner, je compris en le voyant que son choix avait été fait, et que malgré l'attachement certain qu'il éprouvait pour ces deux hommes qui étaient jadis des brebis de son propre troupeau, il n'allait pas jouer la passivité...Au contraire, je le sentais déterminé à les punir, et ce par la force...
La tension était à son comble...Je savais le pouvoir des chevalier d'or incommensurable, mais Sion, qui n'était plus tout jeune et surtout sans son armure d'or, allait-il pouvoir tenir longtemps face à deux des chevaliers d'argent les plus puissants du Domaine Sacré?
Je n'eus cependant pas le temps de me poser plus longtemps la question car soudain, dans l'air, une sorte de vrombissement se fit sentir...
De minuscules éclairs bleutés semblaient fissurer
l'espace, dans un léger bruit de crépitement...et c'est une
véritable brèche, puis une seconde, qui s'ouvrirent, sortant
de nulle part, comme déchirant notre réalité même...
Les deux agresseurs du Grand Pope restaient bouche bée. Quant à
moi, je portais à mes yeux le revers de ma main afin de me protéger
de cette éblouissante lumière, étourdissante, aveuglante,
alors qu'une voix venait de retentir:
"Ce n'est pas à vous d'intervenir Grand Pope...Laissez-nous châtier
nous même ces renégats!"
La voix s'était faite puissante, vibrante, presque solennelle, comme
pour dissiper cette irradiante lumière alors que les deux brèches
semblaient se refermer, laissant apparaître deux mystérieuses
silhouettes.
Je plissais les yeux afin de mieux les apercevoir...
Deux magnifiques guerriers venaient de faire irruption, sans crier gare, dans
la chambre du Pope, pourtant interdite d'accès à quiconque n'était
pas invité par le plus haut représentant d'Athéna lui-même.
"Euros, chevalier d'argent du Triangle Austral, et Notos, chevalier de
bronze du Triangle...pour vous servir Grand Pope."
Alors qu'ils déclamaient leurs identités, me revint en mémoire
une vieille histoire concernant deux frères chevaliers, séparés
dans leur prime jeunesse, mais ayant réussi, après bien des
efforts à être réunis pour servir Athéna...
Il s'agissait là seulement de chevaliers d'argent et de bronze, loin d'atteindre, du moins en apparence, le pouvoir des chevaliers d'or mais ces deux guerriers, au même titre que Quasar et Brahé, étaient réputés pour compter parmi les plus redoutables des chevaliers d'Athéna...
Euros, celui qui avait pris la parole, semblait être le
plus âgé. Il avait ce regard digne qu'affichent les défenseurs
de la justice, comme c'est aussi le cas chez des guerriers tels que Shura,
Camus, Aïola ou encore Milo...
Son armure resplendissait d'un splendide vert bleuté, qui ne faisait
que renforcer cette impression de majesté qui s'échappait de
lui.
Son frère, Notos, quant à lui, paraissait plus jeune, beaucoup
plus jeune même...puisque le chevalier d'argent qui l'accompagnait semblait
être d'au moins dix ans son aîné...
Son armure, bien que moins couvrante, rayonnait littéralement, aveuglant
tout ceux qui auraient oser porter le regard sur elle...
Notos et Euros, ces deux mystérieux guerriers, n'avaient
d'yeux que pour leurs adversaires...Plus rien ne comptait à part leurs
ennemis, ces hommes, anciennement chevaliers d'Athéna, qui avaient
tenté de porter la main sur leur père...
Ils ne semblaient pas m'avoir remarqué...et en cela, je ne pouvais
que louer les Dieux...
"Veuillez nous excuser de faire ainsi irruption dans vos
quartiers mais nous avons senti un fort mouvement de cosmos en direction de
votre chambre...c'est pourquoi, pressentant le danger, nous nous sommes permis
d'intervenir..." avait rajouté calmement Euros, le chevalier d'argent.
La surprise de Sion avait dû laisser la place à un certain soulagement,
du moins c'est ce que je crus deviner en le voyant soudain abandonner sa position
de défense, se relâchant totalement, comme si tout danger était
définitivement écarté...
En face, les deux chevaliers renégats commençaient
à perdre patience:
"Aaarrrrhhh! Soyez maudits misérables! Pensez-vous réellement
que nous ayons à fléchir devant un si ridicule duo de chevaliers?
Dont un de bronze de surcroît?" avait craché Quasar.
Et Brahé,à son tour, ne s'était pas fait
prier pour faire écho aux dires de son acolyte:
"Cette fois, il est temps de passer aux choses sérieuses! Pope,
tu ne pourras te cacher derrière ces deux pantins éternellement!"
La tension semblait soudain atteindre des sommets alors que
l'air, tout autour de nous commençait à frémir et à
se réchauffer, comme en ébullition sous l'effet de la chaleur
que dégageaient les quatre cosmos qui s'intensifiaient dangereusement,
au fur et à mesure que les secondes défilaient...
Tout se passa alors très vite mais je me souviens tout de même
avoir entendu quelque chose comme ceci alors que chacun réservait à
son adversaire directe la plus terrible de ses bottes secrètes...:
"Que les flammes de l'Enfer te consument!!!!!!"
"Perd toi à jamais à travers une autre dimension!!!!!!"
"Blizzard d'argent, lamine mon ennemi!!!!!!"
"Porte dimensionnelle!!!!!!"
Un gigantesque flash...Puis plus rien...
J'avais fermé les yeux de peur d'être blessé...et
quand je les rouvris, ce fut pour tomber nez à nez avec un bien triste
spectacle...
Les chevaliers du Triangle et du Triangle Austral étaient toujours
debout et semblaient indemnes, même si Notos, le plus jeune, se tenait
avec force le bras gauche, roussi et calciné...
Au sol, gisait Brahé, entièrement brûlé, que je
ne pus d'ailleurs reconnaître qu'à la forme de son armure, rougie
et racornie...
A priori, et par je ne sais quelle ruse, les chevaliers protecteurs
du Pope étaient parvenus à retourner contre le chevalier des
Voiles, la puissance dévastatrice de son partenaire Quasar...
Quant à ce dernier, il ne restait absolument aucune trace de lui, ni
même de son cosmos...Sans doute l'un des deux frères l'avait
enfermé à jamais à travers une autre dimension, dont
ils semblaient avoir les clés...
Tout était fini...Ma tentative, mon misérable "coup d'état", avait échoué...
J'avais commis l'erreur de sous-estimer mes adversaires et de surestimer mes "alliés"...et c'est ce qui avait causé ma perte...
Je me rappellerai toujours de leur regard accusateur, lourd
de sens, alors que Notos, de son bras encore valide, m'aidait à me
relever...
Les paroles de Sion, alors, avaient été comme des poignards
qui me transperçaient de part en part, blessantes, humiliantes:
"Gigar, mon secrétaire...Je ne saurais trouver les mots pour t'exprimer
ma profonde affliction...J'avais une entière confiance en toi, j'avais
remis entre tes mains un très grand pouvoir...malheureusement, tu n'as
su t'en contenter et très vite, il t'en a fallu beaucoup plus, au point
de vouloir m'assassiner pour satisfaire tes désirs de conquête!
Ce soir, Athéna pleure non seulement la mort de deux de ses fils mais
aussi la disparition d'un de ces protégés...Tout comme moi,
elle t'avait donné sa confiance et mis en toi tous ses espoirs... Ma
peine, en cette triste et sombre nuit, ne saurait trouver de réconfort,
pas même dans les bras de celle que je sers...mais même si les
lois du Sanctuaire sont claires et indéfectibles, que tout traître,
quel qu'il soit, mérite la mort, je ne peux me résigner à
te voir finir de la sorte...
C'est pourquoi, j'ai décidé que rien de ce qui est advenu ce
soir ne devra quitter ces murs...Notre silence, à nous trois, scellera
à jamais ce triste épisode de ton parcours... En échange,
tu devras à jamais quitter ce lieu sacré, ne point en révéler
la situation à quiconque et ne plus y revenir, sous peine de te voir
affublé d'une chasse divine... Cette sentence est indiscutable car
c'est Athéna qui parle par ma bouche..."
Et voilà, c'est ainsi que je fus chassé du Sanctuaire,
ce lieu mythique qui m'avait vu grandir...
Je ne connaissais rien d'autre, et pourtant il me rejetait soudain, me jugeant
indigne de fouler son sol sacré...
J'avais été conduit au dehors de ses limites par un simple garde,
que Sion avait mis dans le secret...car ni Euros, ni Notos n'avait accepté
de m'escorter hors du Domaine sacré, estimant sûrement que je
n'étais même pas digne d'un tel honneur...
Puis, s'en suivirent, comme vous le savez, vingt longues années
d'exil, quasiment seul, totalement coupé du monde, sur une minuscule
île, non loin de celle de Chypre...
Le destin, avec moi, avait été cruel...
Mais après ces vingt longues années, j'étais de retour
au devant de la scène...et rien ni personne, pas même la volonté
d'Athéna elle-même, ne pourrait m'empêcher d'atteindre
le but que je me suis, il y a longtemps, fixé...
Le chevalier des Poissons me jetait, de temps à autres, de rapides
regards narquois, alors que le Pope continuait à parler de moi, cherchant
à se remémorer les décisions que j'avais prises, et qui
avaient été bénéfiques pour le Sanctuaire...
Je le sentais presque joyeux, heureux de me retrouver, moi, qui, vingt ans
auparavant, avait fomenté son propre assassinat...
Sion, à n'en pas douter, avait été comme transformé par toutes ces années...Mon absence y était-elle pour quelque chose? Devions-nous, au contraire, ce brusque changement de personnalité à l'apparition de nouveaux chevaliers d'or? Ou tout simplement au retour d'Athéna?
_En tout cas, te voilà fait ce soir Grand Intendant Gigar...Veille cependant à ne pas me décevoir cette fois-ci...déclara l'homme au visage dissimulé derrière son sombre masque.
Enfin...Il avait prononcé les paroles que je brûlais
d'entendre...j'étais devenu Grand Intendant...la première marche
menant au Pouvoir suprême venait d'être gravie...
_N'ayez crainte Grand Pope...je ne saurais m'écarter de la voie que
vous me permettez d'emprunter...je suis votre obligé...lui répondis-je
d'une de ces voix mielleuses à souhait dont j'avais l'habitude.
Sion ne tarda pas à ajouter:
_Ton pouvoir est grand...tout autant que ta responsabilité...Tu es
fait chef de mes armées...Les chevaliers de Bronze et d'argent, sauf
ordre contraire de ma part, devront t'obéir au doigt et à l'il
et ne jamais chercher à contester tes ordres... En revanche, je te
tiendrai responsable de tout trouble qui viendra secouer le Domaine Sacré...
qu'il s'agisse de révolte, d'une intrusion quelconque ou de quelque
autre problème que ce soit...
Ces dernières paroles eurent tôt fait d' amoindrir la joie qui s'était emparé de moi à l'annonce de ma nouvelle fonction...mais après tout, je n'avais que faire de toutes ces mises en garde car je ne commettrais pas à nouveau les mêmes erreurs...
La machine venait de se lancer...
J'allais accomplir ma tâche, servir cet idiot du mieux que je le pouvais,
et prendre le temps de trouver, cette fois, le moyen adéquat de m'octroyer
ce pouvoir dont je rêve tant!!!!!!
Athéna elle-même devra reconnaître mon génie, la
débarrassant de Sion, ce faible, qui ne fut pas même capable
de la protéger des griffes d'un traître qui voulait l'enlever
et la conduire hors des limites du Domaine Sacré.
La planète entière allait enfin connaître l'existence
des chevaliers...
les gens du Monde entier se mettraient à les craindre et à les
respecter, redoutant plus que tout le châtiment que réservent
les serviteurs de la Déesse de la Guerre à tous les fauteurs
de troubles!!!
L'ordre allait revenir dans ce monde en perdition, divisé par le chaos
et la guerre, la peur et la bêtise...
Mais pour cela, pour que tous ces rêves deviennent réalité,
il me faut encore un peu de temps...
Le jour viendra où chaque être vivant connaîtra et redoutera
le nom de "Gigar"!!
!
Ce jour viendra...Bientôt...
Note du 27 Février 1987 , jointe à ce journal
Saga,
Comme vous le savez, Gigar, votre intendant, a une fois de plus échoué...
Le chevalier de Bronze dont il vantait les mérites n'a pas été
plus efficace que les défunts chevaliers d'argent, envoyés pour
punir ces renégats que sont le chevalier Pégase et ses complices...
D'après de sources sûres, je sais que le chevalier Phénix
serait de retour parmi ceux qui furent en premier lieu ses ennemis...
Soit, le pouvoir de ce jeune blanc-bec est somme toute ridicule, en comparaison
du nôtre, à nous, chevaliers d'or, mais il pourrait constituer
pour Mademoiselle Saori Kido et son groupe de traîtres un allié
de poids...
En ce qui concerne Gigar, il semble avoir totalement disparu, même si
je sais qu'il a survécu à la contre-offensive des chevaliers
de bronze...
M'est avis qu'il n'osera plus jamais fouler, ne serait-ce que d'un pied, la
terre sacrée de notre Sanctuaire...
C'est pourquoi je me suis permis de fouiller ses appartements, à la
recherche d'un indice nous permettant de le retrouver...
Et, à ma grande surprise, j'y ai trouvé ce petit journal, que
je vous fais parvenir et que j'ai pris un plaisir certain à parcourir...
Pour être honnête, il se révèle d'un intérêt
limité même si je vous conseille tout de même d'en lire
les soixante-quinze premières pages, dans lesquelles il relate son
retour au Sanctuaire après ses vingt années d'exil, mais aussi
sa rencontre avec les chevaliers d'or...
Il est par ailleurs intéressant de remarquer qu'il avait vu juste au
sujet du chevalier du Bélier, Mû de Jamir, qui a finalement décidé
de nous quitter...
Il est aussi amusant de constater que malgré son esprit tortueux et
son relatif bon sens, il n'a pas été en mesure de vous démasquer,
même s'il avait décelé en "vous", un étrange
changement...
Je pense d'ailleurs que personne encore, au sein même du Domaine Sacré,
n'envisage la supercherie...
A priori, seuls Masque de Mort du Cancer, Shura du Capricorne, dont les remords
à propos de son "fratricide" l'ont poussé à
mener sa propre enquête, et votre serviteur, sont dans le secret...
De plus, je profite de cette petite note pour vous rappeler que Saori Kido,
source de tous nos maux, et ses chevaliers protecteurs, s'apprêtent
à "attaquer" le Sanctuaire...
Rassurez-vous, ils n'ont absolument aucune chance de traverser la maison du
Taureau (à moins que son gardien, Aldébaran, ne finisse par
nous trahir à son tour...), mais si par je ne sais quel miracle, ils
parvenaient à atteindre la douzième maison, je me ferais une
joie de les anéantir...même s'il ne s'agit là que de jeunes
enfants...
La concrétisation de notre idéal de paix et de justice est à ce prix...
Avec ma profonde et totale dévotion.
Aphrodite des Poissons