CHAPITRE VINGT-TROIS :

Le Défi, deuxième partie



Maison du Cancer

A peine avait-elle fait quelques pas à l'intérieur du Temple qu'elle ressentit son atmosphère particulière. Si l'idée de se protéger un instant de la chaleur qui régnait à l'extérieur lui avait paru appréciable, à présent elle n'était plus très sûre de ce qu'elle devait penser. L'ombre et la fraicheur auraient dû la satisfaire, cependant elle ne pouvait empêcher une sourde inquiétude de s'infiltrer en elle. Cet endroit ne lui évoquait pas seulement une tombe gigantesque mais aussi...

L'adolescente laissa échappe un cri étouffé alors qu'elle tombait sur les genoux. A quatre pattes par terre, elle baissa les yeux... pour croiser un regard éperdu de douleur.

La surprise la rendit muette. Redressant la tête, elle se rendit enfin compte de ce qui lu avait échappé jusque là.

Le sol était recouvert de visages humains.

Cinnamon se releva et tourna sur elle-même. Ce n'était pas uniquement le sol mais également... les murs et même le plafond ! Des têtes humaines, partout... Il y en avait des centaines, peut-être plus, toutes figées dans une expression de souffrance ou de colère. En fait, malgré leur aspect grisâtre, elle paraissaient si réalistes que...

Le premier moment de stupeur et d'effroi passé, la curiosité reprit le dessus. Brusquement la jeune fille eut l'irrépressible envie de savoir de quoi ces figures étaient faites. Leur texture était-elle celle de la chair humaine ou de la pierre ?

Inspirant un grand coup à l'idée de ce qu'elle s'apprêtait à faire, elle s'approcha d'un pilier. Puis elle tendit l'index...

— Voilà une curiosité bien morbide.

Avec la très nette impression que son cœur venait de bondir dans sa poitrine, Cinnamon se retourna.

Un homme se détacha d'un coin sombre et fit quelques pas vers elle. L'armure dorée qui le recouvrait, aux formes agressives, tranchait singulièrement dans l'obscurité ambiante. A tel point que la jeune fille se demanda comment son porteur avait pu rester inaperçu aussi longtemps.

Ce dernier braquait sur elle un intense regard cobalt et elle dut lutter pour ne pas baisser les yeux. Combat contre elle-même qu'elle remporta une poignée de secondes avant d'incliner la tête, intimidée.

— Tu veux donc faire partie de ma collection pour t'y intéresser d'aussi près ? demanda-t-il. Ça peut s'arranger parce que je n'ai aucune intention de laisser une gamine se promener dans mon Temple.

— Je... Je ne fais que passer, bredouilla l'adolescente. Votre Grand Pope m'a donné rendez-vous dans son Palais, à condition que je traverse les douze Maisons...

— Et tu crois que je vais te laisser passer aussi facilement ? Notre cher Grand Pope a dû oublier de te préciser que chaque Chevalier d'Or était le maître absolu dans son Temple. Or je ne sais pas comment les autres se débrouillent avec les intrus, mais moi j'en fait mon quatre heures...

— Je n'ignore pas que vous êtes censés protéger vos Maisons contre les ennemis mais moi je n'en suis pas une ! Je ne suis pas venue vous envahir ou attenter à la vie de votre déesse. D'ailleurs, je ne possède aucun pouvoir.

— Entre nous, je m'en moque, répliqua-t-il avec un sourire cruel.

La violence qui émanait de cet homme était si palpable que l'adolescente recula, réellement effrayée. Si ce Temple ressemblait à une tombe, alors ce Chevalier était quant à lui un fauve prêt à bondir sur sa proie.

— Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, murmura-t-elle.

Elle qui devait traverser les douze Maisons se rendait compte pour la première fois de l'impossibilité de la tâche. Enfin, quelqu'un d'autre y serait peut-être parvenu mais elle... Elle était bien incapable d'aller au bout de ce qu'elle avait commencé. Pourquoi avait-elle accepté ce défi, se demanda-t-elle, oubliant qu'elle n'avait pas vraiment eu le choix. Pressée de fuir ce lieu si dangereux, Cinnamon se retourna et se mit à courir.

Elle s'arrêta net alors que le Saint d'Or se matérialisait devant elle.

— Qui t'a dit que tu pouvais partir ?

Ce qu'elle n'était pas parvenue à définir, elle le savait maintenant. Ce Temple était une immense toile d'araignée et elle, pauvre petite mouche, venait d'attirer l'intention du prédateur.

Le regard dont celui-ci l'enveloppait à présent, et les mots qu'il prononça, achevèrent de la glacer de terreur.

Chemin des douze Maisons 14 h 25

Le soleil qui se réverbérait sur les pierres blanches de l'escalier lui fit cligner des yeux. Une fois habituée à la luminosité, elle fit quelques pas à l'extérieur. Et faillit faire demi-tour pour se réfugier dans la fraicheur du Temple, tant la chaleur de cette fin juin était accablante. Elle n'avait jamais beaucoup apprécié le soleil de toute façon.

Consciente néanmoins qu'il lui fallait continuer, elle prit son courage à deux mains et avança.

Elle était arrivée à mi-chemin du palier suivant lorsqu'elle s'arrêta pour souffler un peu. Quelle idée d'avoir construit un escalier aussi long ! Si au moins elle n'était pas aussi courbaturée... Chaque marche lui faisait solliciter des muscles douloureux comme si elle avait passé la matinée à pratiquer des mouvements de gymnastique violents. Elle n'osait pas imaginer l'état dans lequel elle se trouverait le lendemain... à condition qu'elle survive jusque là. Sans compter...

Non !

Elle ne voulait, ne devait paspenser à ça. Après tout, elle avait réussi, non ? Elle l'avait obtenue cette fichue autorisation alors qu'importait le reste ? Elle devait penser à la suite de son parcours. Se focaliser sur ce maudit escalier pour empêcher ses émotions de la paralyser, pour oublier la douleur.

(...)

Quelle douleur ? Et pourquoi tremblait-elle autant, pourquoi son cœur battait-il si fort ? D'où lui venait cette impression qu'il s'était passé quelque chose de grave — de très grave, cette sensation d'avoir été marquée au fer rouge ?

Fronçant les sourcils, elle demeura un instant immobile, les yeux dans le vague. L'accommodation qu'elle fit ensuite sur les degrés, devant elle, la déconcerta un peu plus. Que faisait-elle ici, où était-elle ? Un filet de sueur glacée coula le long de son dos lorsqu'elle comprit que ce n'était pas la question la plus importante. La vraie question, c'était...

Qui était-elle ?

Son esprit se débattait dans des interrogations sans fin, se perdait dans un néant effrayant. Son pauvre cerveau n'était plus capable de générer que du vide. Rien, elle ne savait rien... Comme si un quelconque dieu sadique avait effacé son existence d'un cruel coup de gomme.

Elle porta les mains à son visage et se força à respirer calmement. Pas de panique, tout allait bien. Ce n'était vraiment pas la peine de s'affoler : il lui suffisait de monter ces marches jusqu'au prochain... Temple ?

Ce fut comme si un voile se déchirait. La jeune fille abaissa les mains, découvrant ainsi ses yeux. Son cœur reprit un rythme normal tandis qu'elle retrouvait son identité. Cinnamon, elle s'appelait Cinnamon... et elle avait un défi à relever. Envahie d'un immense soulagement, elle soupira, sourit, et reprit son chemin.

Elle avait raison tout à l'heure. Ce qui s'était passé n'était pas si important, après tout. Si elle commençait à se plaindre pour une chose aussi naturelle que... que...

Finalement, il valait peut-être mieux qu'elle s'abstienne d'y penser.

Maison du Lion

Ce fut d'emblée que le propriétaire de ce Temple se présenta à Cinnamon. Le Chevalier Aiolia lui fit tout de suite une impression positive. Néanmoins, s'il souriait, elle ne manqua pas de remarquer une ombre dans ses yeux, à croire qu'il cachait un obscur secret.

Il devait penser la même chose car il demanda soudain :

— Est-ce que ça va ? Je te trouve assez pâle...

Cinnamon eut alors l'impression de se regarder agir comme si elle était une marionnette dont elle tirait elle-même les ficelles. Ce fut dans cet état second qu'elle s'entendit répondre avec assurance :

— Oui, oui, tout va bien. J'ai toujours eu la peau trop blanche, c'est pour ça.

Cette maudite peau blanche qui lui avait valu toutes sortes de moqueries. Elle n'aimait pas s'exposer au soleil, et alors ?

— Tu me rassures, dit le Lion. Un moment j'ai cru... Tout c'est bien passé avec le Cancer ? Je sais combien sa Maison peut-être effrayante.

Une fois encore la jeune fille sourit. Un sourire de pure façade.

— C'est vrai qu'on dirait un manoir hanté. Mais, non, je n'ai eu aucun problème... Après tout, je suis là, non ?

Menteuse ! fit une petite voix dans sa tête. Non, tu as raison, intervint une autre. Il ne s'est rien passé, rien de grave en tout cas, tout va bien. TOUT VA BIEN...

— Et bien, je ne vais pas te retenir plus longtemps. A moins que tu veuilles boire quelque chose ?

— Oui, un verre d'eau, s'il vous plait.

Aiolia disparut et revint très vite avec un verre d'eau fraîche. Cinnamon se rendit compte en buvant à quel point elle avait soif. Si seulement les autres Chevaliers pouvaient être comme lui !

— Je ne sais vraiment pas ce qu'il lui a pris à notre Pope pour te faire monter cet escalier... Enfin, si c'est un ordre... Mais ça ne me plait pas trop. Je devrais t'accompagner.

— Non ! Je veux dire... Ne vous inquiétez pas, messire Aiolia, ça ira. C'est à moi de relever ce défi, et à moi seule. Je n'aurais aucun mérite si un Chevalier m'aidait dans cette tâche. Bon, je ferai mieux de partir, maintenant. Merci pour l'eau.

— Je t'en prie...

Le Lion la regarda s'éloigner. Ah si seulement il pouvait monter avec elle pour la protéger ! Qu'est-ce que c'était que ce défi stupide que le Pope avait inventé ? Ils n'étaient pas tous aussi conciliants que lui.

Aiolia secoua la tête.

— Bonne chance, murmura-t-il.

Maison de la Vierge

La politesse exigeait qu'elle se fasse remarquer mais quelque chose lui disait que l'homme avait parfaitement conscience de sa présence. Les yeux fermés, il lévitait au-dessus d'un... siège en forme de lotus géant, ses longs cheveux blonds soulevés par une brise invisible. La sérénité et la force spirituelle qui se dégageaient de lui étaient à ce point écrasantes que tout mot aurait paru dérisoire.

Désirant néanmoins le saluer avant de traverser son Temple, Cinnamon se laissa glisser à terre et baissa la tête.

Il se passa alors quelque chose d'étrange. Peu à peu, elle sentit chacun de ses muscles se relâcher et s'alourdir. Ses paupières papillonnèrent jusqu'à refuser de s'ouvrir et sa respiration elle-même se fit plus lente. Elle avait l'impression de s'endormir. Pourtant son esprit restait lucide : bien qu'elle gardât les yeux fermés, elle sut que le Chevalier venait de cesser sa lévitation pour s'installer à sa hauteur, en face du lotus.

— Ta présence ne me dérange pas mais il me semble que tu as encore du chemin à parcourir, commença-t-il.

Cinnamon ouvrit les yeux. Elle se sentait incroyablement détendue.

— Je vous demande pardon. J'ai dû m'assoupir une ou deux secondes, messire...

L'homme sourit :

— Mon nom est Shaka. Et cela fait plus d'une heure que tu t'es présentée devant moi.

— Hein ? Je veux dire... pardon ?

Ce n'était pas possible. Elle avait à peine fermé les yeux qu'il lui avait adressé la parole !

— C'est la première fois que cela t'arrive ? demanda-t-il, sans préciser s'il parlait de la méditation ou de l'absence qu'elle venait d'avoir.

— Je... je crois, répondit-elle.

Shaka resta silencieux un instant avant de poursuivre :

— Il te reste encore six Maisons à traverser. Ce n'est pas plus mal que tu aies pu te reposer un peu.

— Est-ce que ça veut dire... Messire Shaka, vous me laissez passer ?

— Je n'y vois aucune objection.

Il n'y avait en effet aucun danger à la laisser rejoindre le Palais du Pope. Cette fille n'avait aucune intention belliqueuse et ne possédait aucun pouvoir. Et puis, elle était si polie. Elle, elle savait comment se comporter face à un Saint d'Or : c'était agréablement surpris qu'il l'avait vu s'incliner devant lui avec respect.

— Merci messire Shaka.

— Ne te fais pas d'illusion, les gardiens des autres Maisons ne seront peut-être pas aussi conciliants. Quoi que si tu es parvenue jusqu'ici...

Le sourire s'effaça et une ombre traversa le regard bleu mauve.

— Dois-je en conclure que cela n'a pas été si facile ?

L'adolescente ferma les yeux. Elle était devenue livide et un tremblement presque imperceptible la parcourait.

Shaka l'observa un moment sans mot dire. Il avait bien perçu le trouble de la jeune fille lorsqu'elle était arrivée. Pour dire la vérité, elle lui avait paru si perturbée qu'il avait été stupéfait de la voir s'abandonner aussi rapidement à une transe si profonde. Avec une inquiétude grandissante, il avait clairement senti son esprit lui échapper, glisser entre ses doigts spirituels comme une écharpe de brume. Le corps devant lui avait été sur le point de se transformer en coquille vide.

Le Saint de la Vierge s'était résolu à intervenir et avait constaté avec soulagement qu'elle n'avait aucune difficulté à reprendre conscience. En revanche, elle ne s'était apparemment rendue compte de rien.

A la réflexion, n'était-il pas compréhensible qu'elle ait cherché à s'évader de cette façon ? Il n'avait pas fallu très longtemps à Shaka pour deviner ce qui avait pu la mettre dans un tel état. Il suffisait de savoir quels Temples elle avait déjà dû traverser. En particulier l'un d'entre eux. Qu'avait-elle été obligée de faire pour être autorisée à passer ? En fait, il s'en doutait très bien. C'était une jeune fille blessée, plus encore mentalement que physiquement, qui s'était présentée devant lui. Malgré ce qui lui était arrivé, elle continuait son parcours... Cela dénotait un certain courage. Cependant il fallait bien qu'elle craque à un moment ou un autre. Lorsqu'il avait vu tout à l'heure son regard terni par les souvenirs et sa pâleur soudaine, il avait été certain qu'elle se mettrait à pleurer. C'était une question de seconde. Elle allait craquer.

Elle ouvrit les yeux.

Shaka sursauta intérieurement. Les iris de l'adolescente étaient aussi claires qu'un ciel d'été et son esprit avait retrouvé le calme qui l'habitait après la méditation. Son sourire était doux et sincère.

— Facile, non, dit-elle, faisant référence à la question qu'il lui avait posé plus tôt. Pourtant je suis là et j'ai bien l'intention de continuer.

Elle se leva, imitée par le Chevalier.

— Je m'appelle Cinnamon. Vous rencontrer à été un plaisir, messire Shaka. J'espère qu'on se reverra.

Sur ces mots, elle esquissa une révérence avant de se diriger vers la du sortie du Temple. Shaka la regarda s'éloigner, songeur. Quelle fille étrange ! Une telle maîtrise de soi chez une gamine ordinaire... Il ne pensait pas que cela pouvait exister.

Maison de la Balance

A l'instar des Temples du Bélier et des Gémeaux, celui-ci était apparemment inoccupé. Cependant, si Cinnamon ne ressentait aucune présence humaine en ces vastes lieux, elle n'en frissonna pas moins. En effet l'atmosphère était... pas malveillante du tout, non. Et pourtant la jeune fille se sentait assez mal à l'aise. Elle avait presque l'impression que son professeur allait surgir de derrière un pilier pour la gronder. Elle se souvint alors de sa petite fugue et déglutit péniblement. Si jamais on la retrouvait ou, pire, si le Pope estimait qu'elle n'était pas digne de vivre au Sanctuaire et qu'il décidait d'appeler... ses parents par exemple ? A quel sermon aurait-elle droit ?

S'arrêtant un instant, l'adolescente pensa pour la première fois à ceux qu'elle laissait derrière elle. Ses parents, elle n'avait rien contre eux, au contraire. Elle les aimait. Seulement elle n'en pouvait plus de cette vie. Elle voulait autre chose, quelque chose de radicalement différent. Le Domaine Sacré correspondait tout à fait à ce quoi elle aspirait secrètement. Et ces Chevaliers si charismatiques et apparemment si puissants... Elle les appréciait déjà, enfin presque tous. En repensant à l'un d'entre eux, son cœur se mit à battre plus vitre et son ventre se noua d'angoisse. Ne pas penser à lui, ne pas penser à ce qu'il lui avait fait. Faire comme si de rien n'était, comme si ce n'était pas grave, cela valait mieux.

Une fois calmée, elle reprit son chemin dans la lourdeur de l'atmosphère. Lourd, voilà le mot qu'elle cherchait. Pas menaçant mais oppressant comme un maître d'école qui vous ferait la morale.

Elle ne voulait plus qu'on lui fasse la morale.

Elle se mit à courir pour sortir le plus vite possible.

Maison du Scorpion

A peine avait-elle fait quelques pas dans la salle principale du Temple qu'un éclair rouge vint frapper le sol à ses pieds, brisant la dalle. Cinnamon poussa un cri et sursauta, un bras levé à hauteur du visage. Le cœur battant, elle remarqua pour la première fois la lueur dorée dans un coin.

— Qui crois-tu être pour oser pénétrer ainsi dans la demeure du Scorpion ?

Il y avait un homme au sein de cette lumière. Effrayée par son ton, l'adolescente bredouilla :

— Heu, je... je suis...

— Et bien ? fit l'individu en avançant vers elle. Aurais-tu perdu ta langue ? Il faut pourtant une certaine audace pour oser s'aventurer chez un Chevalier d'Or.

La lueur diminua et ne subsista autour de l'homme en armure qu'une faible luminosité. Ce dernier fixait la jeune fille avec des yeux de la couleur d'un ciel d'été. Malheureusement pour elle, son regard était froid et impitoyable. Comment allait-elle s'en sortir ?

— Je n'ai aucune audace, messire. Votre Grand Pope m'a demandé de le rejoindre dans son Palais et je lui obéis, c'est tout. Vous pouvez me barrez la route, mais si je ne réussis pas, on ne pourra pas dire que je n'ai pas essayé.

Le Saint eut un petit sourire.

— Qu'est-ce qui te fait croire que tu mérite de passer ? demanda-t-il, toujours sévère.

Elle réfléchit un instant et répondit d'une petite voix :

— Heu, je suis arrivée jusque là...

— Et tu vas repartir tout de suite. N'oublie pas que je ne suis pas obligé de te laisser passer.

C'en était trop ! Après ce long chemin, cet interminable escalier qu'elle devait gravir dans la chaleur de cette fin juin, ce qui lui était arrivé dans la Maison du Cancer... En plus, se rappela-t-elle, c'était aujourd'hui son anniversaire, elle venait d'avoir quinze ans. En guise de cadeau, on l'obligeait à disputer un défi stupide où sa vie était en jeu. Et voilà qu'elle devrait faire demi-tour ?

— Non, je ne partirai pas ! s'exclama-t-elle sans savoir d'où elle puisait le courage de s'opposer à un Chevalier d'Or qui pouvait la broyer comme une brindille. Faites ce que vous voulez, je traverserai ce Temple, quoi qu'il m'en coûte. Peu importe si vous me tuez, je ne repartirai pas.

— Bon, très bien. Comme tu voudras. On va voir si tu seras aussi fière dans une poignée de secondes...

Et il tendit le bras. Interdite, Cinnamon vit l'ongle de son index s'allonger et prendre une teinte rouge vif. Il fallait qu'elle se sauve, qu'elle court très vite loin de ce fou furieux ! Au lieu de cela, elle croisa les bras avec un air déterminé, comme devant le Saint du Taureau, et attendit. Il allait la pulvériser mais elle ne céderait pas, elle ne céderait...

Un rayon rouge jaillit et se dirigea droit sur elle. Elle n'eut pas le temps de se demander si cela ferait mal. Derrière elle, un pilier explosa en un point précis.

Tremblante et livide, la jeune fille ne baissa pourtant pas les yeux et vit avec stupéfaction son tortionnaire se fendre d'un large sourire.

— On peut dire que tu as du cran, toi ! fit-il. Allez, ne fais pas cette tête-là. Tu crois vraiment que j'aurais lancé mon attaque sur une petite gamine comme toi ?

— Vous... vous n'êtes pas fâché contre moi, alors ?

— Et pourquoi le serais-je ? Je voulais juste voir si tu étais déterminée à réussi cette épreuve, c'est tout. Le résultat de ce petit test m'a convaincu. Tu as du courage, tu mérites de passer.

Cinnamon faillit s'évanouir devant un tel renversement de situation. Cet homme n'était donc pas un ennemi ?

— Je m'appelle Milo.

— Et moi...

— Cinnamon, oui je sais. On s'est passé l'information. Tu ferais mieux d'y aller, maintenant, je t'ai assez retenue. La prochaine Maison est inhabitée, il ne t'en restera plus que trois. Si tu veux un conseil, le courage c'est bien mais n'oublie pas d'être respectueuse. Très respectueuse. Enfin, tu verras par toi-même...

Cinnamon prit enfin congé et se dirigea vers la sortie, encore abasourdie par sa mésaventure.

Maison du Sagittaire

Vide, telle fut l'impression que ce Temple donna à Cinnamon. Comme ceux du Bélier, des Gémeaux et de la Balance. A la différence des deux derniers, cependant, elle en ressentait pas la moindre présence ou atmosphère particulière. C'était à croire qu'il n'y avait jamais eu personne ici.

La jeune fille en profita pour souffler un peu et se reposa quelques minutes avant de reprendre sa route.

Maison du Capricorne

Elle avait presque traversé la salle principale lorsqu'elle vit une ouverture. Pensant qu'il s'agissait de la sortie, elle accéléra le pas pour se retrouver... dans une autre vaste pièce.

Cinnamon s'arrêta, bouche bée.

Une statue, non deux statues se dressaient devant elle. La première représentait une femme qui tendait à la seconde, un homme agenouillé, ce qui ressemblait à une épée. Qui cela pouvait-il bien représenter ? En tout cas, l'artiste avait fait du bon travail, tant les traits des deux personnages leur donnaient une impression de vie. Il ne fallait pas beaucoup d'imagination pour voir ces statues se mettre soudainement à bouger et quitter leur socle...

— C'est magnifique, souffla l'adolescente, impressionnée.

Elle tendit la main vers la statue de la femme pour en caresser le marbre quand...

— Touche-la et ce ne sera pas seulement les mains que tu perdras mais aussi la tête.

Mais qu'est-ce qu'ils avaient tous ? Lentement, Cinnamon se retourna et se retrouva face au Chevalier du Capricorne... lequel la fixait avec sévérité.

— Pardon, fit-elle, je ne voulais pas l'abîmer.

— Peu importe. Cette statue n'est pas là pour être touchée par n'importe qui. Est-ce que tu sais au moins ce qu'elle représente ?

La question avait été posée avec une pointe de mépris et la jeune fille se raidit. D'accord, elle avait toujours été ce que ses camarades appelaient une "pauvre fille", cependant elle commençait à en avoir assez d'être considérée comme quantité négligeable. Elle valait quand même mieux que la boue des chaussures de ce type, non ?

Brusquement, ce que lui avait dit le Grand Pope se rappela à sa mémoire. Ici, c'était le Sanctuaire d'Athéna, la déesse grecque. Donc...

—Bien sûr que je sais. Il s'agit d'Athéna et de... de...

L'adolescente s'interrompit, rouge de confusion. Elle ne savait rien de l'autre statue ! Il s'agissait certainement d'une autre figure mythologique mais laquelle ? Cet homme allait la prendre pour une inculte !

— En, fait, j'ai seulement reconnu Athéna, fit-elle d'une toute petite voix.

Le Chevalier eut un sourire méprisant.

— Et je parie que tu ne sais même pas qui elle est, dit-il.

Il était temps de se rappeler de ses leçons.

— Athéna est la déesse de la guerre et de la sagesse. Elle est devenue la protectrice de l'Attique le jour où elle a fait pousser un olivier, jugé plus profitable que l'étalon qu'avait offert Poséidon. Son animal est la chouette et... j'ai dit qu'elle était aussi la déesse de la sagesse ?

— Oui, en fait, tu ne sais rien.

— Mais...

Le Chevalier fronça les sourcils et Cinnamon se souvint des paroles de Milo. Aussitôt, elle baissa la tête.

— Je vous prie de m'excuser. C'est vrai que je ne connais pas très bien la déesse Athéna. Peut-être pourriez-vous m'apprendre ?

— Tiens donc. Tu crois peut-être que j'ai du temps à perdre avec une gamine ?

La jeune fille garda la tête baissée mais se mordilla la lèvre. Le Saint du Capricorne soupira.

— Bon, tu peux passer, accorda-t-il. Dépêche-toi avant que je ne change d'avis.

— Merci, messire...

— La prochaine fois que tu passeras ici, je serai obligé de te parler d'Elle. Je ne vais tout de même pas te laisser aussi ignare.

— Trop généreux...

— Quoi ?

— Je veux dire que c'est très généreux de votre part, messire, et je vous en remercie.

Et Cinnamon se hâta de partir.

Maison du Verseau

Cinnamon avançait en étreignant ses épaules. Elle qui voulait de la fraîcheur, elle était servie ! Il faisait plus froid ici que dans les autres Temples. Soudain elle s'arrêta net en poussant un cri étouffé.

Le Chevalier du Verseau se tenait près d'une colonne et regardait passer la jeune fille avec, semblait-il une certaine indifférence puisqu'il ne s'était pas manifesté. Indécise, l'adolescente émit un petit :

— Bonjour.

Il venait de faire un signe de tête ou c'était elle qui avait rêvé ? Il était si immobile !

— Je... il faut que je traverse votre Maison, s'il vous plaît, pour aller au Palais du Pope, reprit-elle.

L'attitude glaciale de cet homme la mettait tellement mal à l'aise qu'elle continua :

— Et j'irai au Palais, vous pouvez en être sûr. Peu importe ce que vous avez décidé de me faire. Je ne sais pas quel test vous me réservez mais je traverserai ce Temple !

Toujours aucune réponse. Frustrée, la jeune fille s'exclama :

— Vous entendez ? Je vais passer votre Maison que vous le vouliez ou non. Personne ne m'arrêtera.

— Mais ce n'est pas mon intention.

Surprise, Cinnamon resta coite. Qu'avait-il dit ?

— Tu étais déjà si énervée en arrivant ici que tu n'as pas pris la peine d'attendre ma décision, poursuivit-il. Je n'ai aucune raison valable de t'arrêter dans ta quête, par conséquent, tu peux passer.

Et comme si la discussion était close, le Chevalier se détourna et se dirigea vers les profondeurs du Temple, probablement vers ses appartements.

— Hein ?

C'était le comble ! Le seul avec le Lion qui la laissait passer sans difficulté et il avait fallu qu'elle se ridiculise ! Décidément quelle idiote elle faisait !

Elle venait de quitter sa Maison.

Camus sortit de derrière un pilier et tourna la tête en direction des Temples précédents.

"Tu avais raison, Milo. Elle semble bien déterminée."

Son ami lui répondit également par télépathie, grâce à son cosmos :

"Perso, je la trouve amusante dans le genre."

"Oui."

Maison des Poissons

Le Chevalier des Poissons l'attendait sur le parvis de son Temple, un étrange sourire aux lèvres et une rose rouge à la main. Lorsque Cinnamon arriva à sa hauteur, elle considéra le visage aux traits fins et les beaux cheveux couleur de ciel puis elle dit :

— Bonjour, madame.

Le Saint émit un petit rire et la détrompa aussitôt :

— Sache, jeune fille, que je suis un homme, dit-il.

Les joues de l'adolescente s'empourprèrent. Non mais quelle gaffeuse ! Pourvu qu'il ne lui en veuille pas !

— Je vais t'accompagner jusqu'au Palais, continua-t-il.

— Pourquoi ? Vous devez seulement décider si vous me laissez passer ou pas, non ?

— En effet. Seulement je sais aussi ce que veut le Grand Pope. Ils n'ignore pas qu'aucun Chevalier d'Or ne te prendrait suffisamment au sérieux pour t'empêcher de passer. Donc en te lançant ce défi, il espérait bien te voir réussir. Il t'a donné rendez-vous au Palais, non ? Je vais donc t'y conduire.

— Merci mais je préfère y aller seule. J'ai fait ainsi tout ce chemin, cela m'ôterait toute crédibilité si j'étais accompagnée pour la fin.

A nouveau le Chevalier sourit.

— Tu t'es tout de même bien débrouillée. On peut dire que, pour une fille de ta condition, tu as remporté une belle victoire. Dis-moi, ce n'était pas trop difficile de "convaincre" ces messieurs ?

Cinnamon baissa la tête et pâlit.

— Je m'en doutais, murmura-t-il.

. Puis, plus haut :

— Laisse-moi deviner. Le Cancer, n'est-ce pas ? Il t'a touchée ?

Cette fois l'adolescente rougit violemment et détourna le regard, manifestement très mal à l'aise. L'homme remarqua également qu'elle se tordait nerveusement les doigts et n'insista pas. Il avait sa réponse.

— Si tu désires te rendre au Palais, je ne te retiens pas. Tu peux y aller, accorda-t-il en s'effaçant.

Comme la jeune fille passait près de lui, il ajouta :

— Mon nom est Aphrodite. N'hésite pas à venir me rendre visite.

Palais du Grand Pope 20 h 15

— J'avoue que je m'attendais pas à te voir réussir.

Installé sur son trône, le maître du Sanctuaire toisait la jeune fille, debout devant lui.

— Comme quoi tout est possible, dit-elle avec un demi-sourire.

— Ne sois pas aussi présomptueuse ! Si tu es là, c'est uniquement parce que personne n'a jugé bon de te barrer la route, répliqua-t-il. Une petite chose aussi insignifiante que toi... Non, je voulais parler de la montée des marches. Assez ardue lorsqu'on n'a pas l'habitude de l'exercice physique, n'est-ce pas ? Tu as prouvé que tu avait de l'endurance. J'apprécie.

Déroutée, Cinnamon préféra ne rien répondre. Cet homme avait l'art de souffler le chaud et le froid...

— je t'avais dit qu'une personne étrangère au Domaine Sacré ne pouvait fouler ces lieux saints. Cependant, comme tu as remporté notre petit... pari, je vais honorer ma parole et te permettre de vivre ici. Tu auras l'immense privilège de fréquenter le Zodiaque d'Or et de côtoyer l'élite de la Chevalerie d'Athéna. Au moins pour quelques temps. Tu me tiendras compagnie : je suis certain que tu sauras me divertir...

Le ton doucereux du Pope fit frémir l'adolescente et elle sursauta quand il éleva brusquement la voix en la pointant du doigt :

— Mais tant que je ne me serai pas lassé de ta présence, je t'interdis formellement de quitter cet endroit ! Si tu franchis ne serait-ce que d'un centimètre les limites du Sanctuaire, je te ferai mettre à mort par l'un de mes Chevaliers... Est-ce que c'est clair ? Alors ?

— Oui, oui... C'est très clair, Grand Pope...

— Monseigneur !

— Oui, monseigneur, s'empressa-t-elle d'obtempérer, le cœur battant.

— Bien, fit-il, apparemment radouci. Tu es intelligente, tu sauras où se trouve ton propre intérêt... Garde !

Répondant à l'injonction, la lourde porte s'ouvrit, livrant passage à un soldat qui s'inclina respectueusement.

— Emmène cette jeune personne dans ses appartements.

— Oui, Votre Altesse !

Cinnamon fit une révérence et suivit le garde.


Le garde la conduisit assez loin, dans ce qui semblait être la partie la plus reculée du Palais. Il s'arrêta enfin devant un petit escalier en bois, dans un coin, qui menait à une porte faite du même matériau. Puis il prit congé. Cinnamon hésita un instant et entra.

Une fois la porte refermée, la jeune fille s'adossa au battant, les yeux clos et une main crispée sur son ventre. Elle ne prêta aucune attention à la chambre qui lui avait été impartie. Elle avait encore trop mal : assez atténuée au cours de la journée, la douleur venait de se réveiller. Elle eut soudain l'impression que ses vêtements la serraient de trop, l'étouffant. Soudain très lasse, elle se déshabilla entièrement et jeta un regard désabusé sur la petite culotte tachée de sang qui gisait sur le sol.

Doucement, l'adolescente glissa le long de la porte et posa la tête sur ses genoux qu'elle avait entourés de ses bras.

Elle ne pleurait pas : sans larmes ni sanglots, elle essayait seulement de calmer les battements affolés de son cœur.

Un peu plus tard, elle se leva et s'enveloppa dans le peignoir de soie blanche qui avait été abandonné sur l'unique chaise. Puis elle entreprit d'explorer son nouveau territoire.

La chambre était assez petite mais propre, et ses murs blanchis à la chaux lui conféraient suffisamment de clarté. Une commode en pin noirci, un fauteuil et le lit en bois d'olivier constituaient le seul mobilier. A demi dissimulée par des voilages de coton écru, la fenêtre donnait sur l'est. Remarquant une porte, la jeune fille alla l'ouvrir et resta un moment sur le seuil de...

— C'est pas une salle de bain, c'est un placard !

La pièce exigüe pouvait en effet tout juste contenir un lavabo et une minuscule baignoire à sabots. Et elle n'avait pas de fenêtre. Au moins aurait-elle droit à un peu d'intimité. Tout de même, il était difficile de croire qu'un palais aussi vaste ne disposait pas d'une salle de bain plus grande. Si on voulait qu'elle se sente comme le parent pauvre que l'on relègue dans une chambre isolée, c'était réussi...

Elle s'intéressa ensuite au contenu de la commode. L'une des chemises de nuit qu'elle renfermait était une mousseline si légère que l'adolescente eut l'impression d'effleurer un souffle. Comment oserait-elle porter une chose pareille ? Elle n'était pas transparente mais presque... Remettant le vêtement vaporeux à sa place, elle examina les robes. L'une d'entre elles était blanche, avec des bretelles. La jupe était peut-être un peu courte mais l'ensemble était très joli dans sa simplicité. Une autre tenue était en coton beige avec une encolure assez large et des manches très courtes.

Cinnamon ferma un instant les yeux et huma le parfum délicieux qui émanait du linge. Un parfum de... Poussant un bref cri de surprise, elle se mit à fouiller et ne tarda pas à trouver une rose rouge séchée, placée là comme entre les pages d'un livre. La senteur qu'elle exhalait était bien trop odorante pour qu'il s'agisse d'une simple fleur. La jeune fille se rappela la rose qu'elle avait vu dans la main d'Aphrodite.

— Oh messire Aphrodite... murmura-t-elle, les larmes aux yeux devant une si délicate intention. Merci, mais alors...

Tout cela avait été préparé alors qu'elle se trouvait encore sur la route des douze Maisons. Son arrivée et son installation au Palais avaient donc été prévues, comme l'avait prédit le Chevalier des Poissons ? En tout cas, celui-ci lui avait offert un bien beau cadeau de bienvenue.

La petitesse de la baignoire ne l'avait pas empêchée de prendre un bon bain. Trop bon, d'ailleurs. Après ce qui lui était arrivé, elle aurait dû s'ouvrir les veines de désespoir ou encore se noyer... Au lieu de cela, elle s'était prélassée dans l'eau chaude et parfumée – à la rose évidemment – sans même se frotter la peau jusqu'au sang. Elle avait vraiment une drôle de mentalité. "Je n'ai pas le moindre sens de l'honneur ou alors je suis d'une lâcheté crasse" avait-elle songé tandis que ses muscles endoloris se détendaient.

Ensuite elle avait revêtu une chemise de nuit bien sage et s'était glissée dans le lit dont la parure de coton blanc était brodée à la main. Épuisée par une journée si longue et éprouvante, elle avait à peine posé la tête sur l'oreiller moelleux qu'elle avait sombré dans un sommeil sans rêves.

Mais, apparemment, pas si profond que cela.

Réveillée en sursaut, Cinnamon ouvrit les yeux. L'obscurité qui régnait dans la chambre ne lui permettait pas de distinguer quoi que ce soit. Cependant, si elle était momentanément aveugle, elle n'était pas sourde.

Il y avait quelqu'un dans le couloir.

Son rythme cardiaque s'accéléra lorsqu'elle comprit qu'il s'agissait de deux hommes, manifestement plongés dans une violente dispute. Effrayée, la jeune fille assista à la querelle sans pour autant en comprendre la teneur. Le premier individu, dont le ton était d'une douceur inquiétante, provoquait et encourageait, cherchait à convaincre. Le second résistait et protestait, chuchotant avec force : Non... Non ! Ces mots étaient les seuls que Cinnamon parvenait à discerner dans ce duo de voix aux timbres différents, et cependant étrangement semblables. Peut-être ces deux hommes étaient-ils frères...

Ils finirent par s'en aller. Du moins, c'est ce qu'elle supposa une fois que le silence s'installa. De longues et angoissantes minutes s'écoulèrent. Terrifiée, le cœur battant à tout rompre et le drap rabattu par dessus la tête en un abri dérisoire, l'adolescente mit longtemps à retrouver le sommeil.

Ce genre de scène devait se répéter plus ou moins régulièrement au cours des nuits suivantes, et elle prit une dimension encore plus terrifiante lorsque Cinnamon découvrit le secret de son hôte.