CHAPITRE VINGT-QUATRE:

Quotidien et Découvertes, première partie

Mardi 1er juillet 1986 — 09 h 05

Cinnamon ouvrit un œil, puis s'étira. Aussitôt elle grimaça : tous les muscles de ses jambes et de ses cuisses lui faisaient horriblement mal. L'adolescente mit un petit moment à se rappeler d'où lui venait une telle souffrance et à se remémorer sa petite escapade dans les environs d'Athènes, jusqu'à ce lieu étrange. A l'idée de sa petite fugue, elle ne se sentit pas très satisfaite d'elle-même d'elle mais il n'était plus question de reculer, à présent.

Elle se redressa en gémissant et s'assit sur le lit. Pourrait-elle seulement marcher ? Aucune séance de sport ne l'avait laissée dans cet état. En se souvenant de ce qu'elle avait accompli pour être autorisée à rester sur ce domaine, elle ne put se défendre d'un sentiment de fierté et de joie. Le défi qu'on lui avait imposé, elle l'avait réussi, elle ! Elle, la pauvre fille, la moins que rien...

Le sourire qui illuminait son visage disparut brusquement lorsqu'elle songea à un détail de son parcours. Aussitôt elle se mit à trembler. Si la souffrance qui tiraillait ses membres lui donnait envie de rester couchée, l'autre douleur, au niveau du bas-ventre restait assez discrète, telle un lointain souvenir. Cependant ce que ce souvenir évoquait était suffisamment pénible pour que la jeune fille baissât la tête et serrât les poings très fort.

"Espèce d'andouille, on peut savoir à quoi rime cette comédie ? On croirait qu'il t'a tuée !"

Allons, ce n'était pas si grave ! Des millions d'hommes et de femmes faisaient cela tous les jours et toutes les nuits et ils ne s'en portaient pas plus mal. Peut-être était-ce elle qui avait un problème. Il fallait qu'elle passe au-dessus, qu'elle fasse comme si de rien n'était, alors seulement cela atténuerait un peu l'horreur de la situation...

"C'est ça ! Un mauvais moment à passer et après, on oublie ! Tu vois que ce n'est pas si terrible..."

Alors pourquoi se sentait-elle aussi mal ? Pourquoi son ventre se nouait d'angoisse rien que d'y penser ?

Elle se rendit dans la salle d'eau et prit un bain rapide. Elle en sortit très vite car elle ne supportait pas le contact de l'eau et de la mousse sur sa peau. Cela lui rappelait un autre contact.

Une fois séchée, elle mit la robe de lin beige et sortit. Elle avait fait quelques pas dans le couloir quand un serviteur vint à sa rencontre.

— Bonjour, fit Cinnamon.

— Son Altesse nous a prévenus que vous prendriez vos repas à l'office, répondit-il.

A l'office... avec les domestiques. Charmant. Quel rôle au juste lui attribuait-on ici ? N'obtenant aucune réponse à sa question, la jeune fille dût suivre l'homme jusqu'à la cuisine, immense, derrière laquelle se trouvait les communs.

A peine l'adolescente eut-elle franchit le seuil que les conversations s'interrompirent et que des yeux soupçonneux se braquèrent sur elle. Mal à l'aise, elle alla s'asseoir en bout de table, à l'écart, comme toujours.

Après le petit déjeuner, elle demanda à voir le Grand Pope mais on lui répondit qu'il ne souhaitait pas sa présence. Cinnamon ne comprenait plus rien. Elle était censée lui tenir compagnie, non ? En attendant, elle était désœuvrée...

Elle se promena un peu dans le Palais pour passer le temps, puis se souvint de l'invitation du Chevalier des Poissons. Et si elle allait lui rendre une petite visite ? Aussitôt dit, aussitôt fait ! La jeune fille quitta le Temple du Pope et se dirigea vers la douzième Maison.

Elle venait à peine d'arriver que le Saint sortit de derrière une colonne, un sourire aux lèvres.

— Je suis heureux que tu aies pu venir, commença-t-il en avançant vers elle. Nous avons quelques petites choses à mettre au point, tous les deux. Je ne t'ai rien dit hier parce que tu étais épuisée mais, crois-moi, ça m'a sauté aux yeux...

— De quoi voulez-vous parler ? demanda Cinnamon, inquiète.

Avait-elle fait quelque chose de mal ?

— De ton apparence désastreuse. Tu as dû deviner que j'aimais les jolies choses et, bien que tu sois très mignonne, ton aspect négligé me donne des sueurs froides.

L'adolescente émit un rire qui était tout sauf joyeux.

— Mignonne, moi ? S'il vous plaît, ne vous moquez pas de moi, messire Aphrodite. Je déteste ça.

Devant sa réaction, le Chevalier ne réfléchit pas longtemps et, saisissant la jeune fille par le poignet, il l'attira doucement devant un grand miroir. Le cadre de ce dernier était fait de ronces sur lequel étaient piquées quelques rose de diverses couleurs. Aphrodite plaça Cinnamon devant la psyché tout en la tenant par les épaules.

— Que vois-tu ? s'enquit-il.

L'adolescente grimaça. Ce qu'elle voyait ? Une fille au teint trop pâle et dont la chevelure, à la couleur indéfinissable, était tout ébouriffée. Pourtant elle s'était peignée ce matin...

— Mon dieu, c'est vrai que je suis moche !

Le Saint éclata de rire. Cependant, ce n'était pas un rire cruel, comme Cinnamon en avait l'habitude. On aurait plutôt dit qu'il était amusé et... presque attendri.

— Tu ne devrais pas douter de toi comme ça, dit-il. Pour commencer, tu as un très joli visage et des yeux magnifiques. Par contre...

Il empoigna une mèche mordorée et continua :

— Qu'est-ce que c'est que cette horreur ?

— Pardon ? murmura la jeune fille, déroutée.

— Tes cheveux. Leur couleur est originale, je dirais même que ces différentes teintes font un effet exquis... Mais question texture... C'est bien simple, on dirait de la paille ! Et cette coupe ! Rassures-moi, tu te coiffes le matin ?

— Bien sûr que oui !

Aphrodite soupira comme s'il se trouvait devant un cas désespéré.

— Il va falloir que je t'apprenne à faire ça correctement. Je t'ai dit que tu étais mignonne et je le pense. Seulement tu pourrais être belle si tu t'en donnais les moyens. Et ça !

Cette fois, il avait saisit une des mains de Cinnamon qu'il leva à hauteur de visage.

— Les jeunes filles bien soignées ne se rongent pas les ongles ! Si je te revoie avec des mains dans cet état, ce sont mes roses noires qui s'en occuperont.

L'adolescente déglutit péniblement. Elle ignorait tout de ces fameuses roses noires mais la menace était très claire.

— Je ferai attention, promit-elle.

— J'espère bien. Je te donnerai tout ce qu'il faut, garanti cent pour cent naturel. On ne trouve rien de mieux sur le marché, tu peux me croire.

A présent, Aphrodite souriait. A moitié rassurée, la jeune fille lui rendit son sourire avant de se figer brusquement. Devant sa soudaine pâleur et ses pupilles dilatées par l'effroi, le Chevalier des Poissons demanda, avant même de se tourner vers l'intrus :

— Que me vaut le plaisir de ta visite, DeathMask ?

Celui-ci avança tout en haussant les épaules :

— Une convocation du Pope, répondit-il. Je suppose qu'il veut m'envoyer en mission. Et toi, dégage.

Cette dernière phrase s'adressant bien évidemment à elle, Cinnamon baissa la tête et se dirigea vers la sortie. Néanmoins, en passant à coté du Cancer, elle releva les yeux et attacha son regard au sien. Stupéfait par une telle audace, le Chevalier resta silencieux quelques secondes. Reprenant ses esprits, il fit un pas vers elle, le poing serré...

— Et où penses-tu qu'il va t'envoyer, cette fois, s'enquit Aphrodite comme si de rien n'était .

DeathMask se tourna vers lui.

— Aucune idée mais je sens que ce sera un carnage...

Une fois à l'extérieur du Temple, Cinnamon s'adossa à une colonne. Elle tremblait encore et son cœur battait à lui faire mal. Se retrouver en présence de cet homme... Envolée ses belles résolutions ! A présent elle n'était plus qu'un petit animal terrifié. Et comment avait-elle eu l'inconscience de le défier du regard ? Ça, c'était sûr, elle allait le payer. En effet, le Cancer sortit un peu plus tard et vint près d'elle. Tout près d'elle, trop.

Plaquée contre la paroi de marbre, complètement paniquée, Cinnamon osait à peine respirer. Cette seule proximité, en ravivant certains souvenirs, lui donnait envie de hurler. Déjà elle avait la tête qui tourne... Prenant son courage à deux mains, elle recroisa ce regard cobalt qui l'intimidait tant. Aussitôt elle sentit une douleur cuisante à la joue tandis que sa tête pivotait aussi violemment que si elle allait se détacher de ses épaules.

C'était la première gifle de sa vie, et certainement pas la dernière !

— Ça t'apprendra à lever les yeux en présence d'un Chevalier d'Or, dit DeathMask d'un ton étrangement neutre. Maintenant fiche le camp.

La jeune fille s'empressa de quitter les lieux, tête basse et la main pressée contre son visage. Une fois qu'elle se fut suffisamment éloignée, Aphrodite s'approcha de son frère d'armes.

— Tu y as été un peu fort : la pauvre petite a la joue toute rouge.

— Oh ça va, elle est pas en porcelaine. D'ailleurs ce n'était qu'une pichenette. Tu te prends peut-être pour son chevalier servant ?

— Et toi ?

Si le Cancer avait pu utiliser son attaque d'un seul regard, le Poissons se serait retrouvé à Yomotsu avant même de prononcer le mot rose. Guère impressionné par le coup d'œil assassin, Aphrodite poursuivit :

— Évite au moins de la frapper à l'intérieur de mon Temple, tu seras gentil.

Si le Chevalier du Verseau se contenta d'un simple signe de tête lorsqu'elle traversa son Temple, en revanche, son voisin l'attendait de pied ferme...

— Ah, te voilà, fit Shura lorsqu'il aperçut la jeune fille.

— Heu... vous désirez ? fit-elle en s'approchant.

— J'espère que tu as un peu de temps devant toi, j'aimerais te parler du lieu où nous vivons et surtout de Celle à qui nous devons tout cela.

— C'est-à-dire...

Cinnamon se rendit compte qu'elle n'avait absolument rien d'autre à faire que de suivre le Saint du Capricorne auprès de la statue d'Athéna. Et commença pour elle une interminable séance où Shura, voulant bien faire, lui expliqua en long, en large et en travers les qualités et les bienfaits de sa déesse bien-aimée. Devant son auditoire muet qu'il croyait captivé, Shura s'enflammait, haussait le ton et faisait admirablement vivre sa passion pour Athéna. Il ne remarqua pas le regard fixe de Cinnamon, signe qu'elle venait de s'échapper dans son propre univers. Lorsqu'enfin il la laissa partir, la pauvre avait l'impression que sa tête avait doublé de volume. Si quelqu'un prononçait encore le nom d'Athéna devant elle...

Le reste de la journée se passa dans un ennui total, la jeune fille n'osant pas déranger les autres Saints d'Or et n'ayant toujours pas reçu l'ordre de rejoindre le Pope. Pour cette dernière chose, elle ignorait totalement qu'il lui fallait s'en réjouir...

Jeudi 3 juillet 1986 — 16 h 45

Après s'être ennuyée pendant deux longues journées, Cinnamon décida de se prendre par la main et d'aller rendre visite aux Chevaliers d'Or. Toute seule. Après tout, elle l'avait déjà fait dans le sens inverse. Tout se passa bien, ces hommes surpuissants étaient pour la plupart fort sympathiques au fond. Si Shura avait exigé d'elle qu'elle récite sa leçon sur Athéna – en vain ce qui lui avait valu d'être chassée de son Temple – Camus l'avait laissée passer sans problème, comme à son habitude, et Milo l'avait accueillie avec un franc sourire. Celui de Shaka avait été plus discret mais néanmoins présent et il lui avait proposé de se reposer un instant à ses côtés. Une heure plus tard, il dut la réveiller car, prise par la sensation de bien-être, elle s'était littéralement endormie... Confuse, elle avait présenté ses plus plates excuses avant de gagner la Maison du Lion. Très bon accueil là aussi. Aiolia n'était pas du genre à faire des manières avec son rang.

Une fois hors de chez lui, Cinnamon s'avança en direction du Temple du Taureau... lorsqu'elle s'arrêta, soudain mue par un tenace sentiment de peur.

Avant la Maison du Taureau, il y avait celle du Cancer.

La jeune fille, immobile sur le Grand Escalier, mit un petit moment avant de se rendre compte que le bruit qu'elle entendait était ses propres dents qui claquaient. Comme si un vent glaciale l'avait enveloppée, elle étreignit ses épaules avec angoisse. Elle ne voulait pas traverser ce Temple, elle ne voulait pas... Prête à faire demi-tour, elle s'arrêta.

Elle ne pouvait continuer à le fuir ainsi. Ce serait admettre qu'il s'était passé quelque chose entre eux, admettre qu'il l'avait... Elle secoua la tête. Elle se refusait toujours à penser au mot à quatre lettres comme si cela pouvait exorciser le passé. Ce qu'il lui avait fait ? Quelque chose qui arrivait tous les jours et à tout le monde, rien de plus et rien de moins. Vraiment pas de quoi en faire un drame. Elle n'était plus vierge, et alors ? La belle affaire ! Elle était vivante, elle avait réussi ce fameux défi qui consistait à grimper cet escalier interminable et à obtenir un droit de passage des Chevaliers d'Or...

A cette pensée, elle se souvint d'une chose que DeathMask avait dite avant de s'éclipser. Pourquoi ne pas le prendre au mot...

Avant même de réaliser ce qu'elle faisait, Cinnamon marchait dans la demeure du Cancer.

— Tiens, tiens, regardez qui voilà...

La jeune fille tressaillit et s'immobilisa alors que le Cancer apparaissait devant elle, un sourire cruel aux lèvres.

— Tu crois que je vais te laisser passer comme ça ?

Cinnamon prit son courage à deux mains et expliqua :

— C'est vous... Lors de notre première rencontre vous m'avez dit que je pouvais traverser votre Maison. Et je crois que j'ai bien gagné un droit-de-passage permanent...

Ses derniers mots n'avaient été qu'un murmure. Terrifiée, elle voulut les rattraper mais il était trop tard. Restait à espérer qu'il n'ait pas entendu... Vain espoir.

— Tu as un sacré culot de dire ça à un Chevalier d'Or. Tu en es consciente ?

Aussitôt la jeune fille inclina du chef, prudente. Il était tellement facile avec certains de se prendre une taloche...

— Je ne voulais pas vous manquer de respect, dit-elle très vite.

DeathMask s'approcha d'elle et, la prenant par le menton, lui releva la tête. Le cœur battant, Cinnamon plongea dans deux prunelles cobalt qui la fixaient avec un mélange d'attention et d'amusement. Très vite, le rouge lui monta aux joues et elle détourna les yeux, incapable qu'elle était de soutenir ce regard inquisiteur.

Sa terreur était palpable, le Cancer la sentait avec précision. Cependant, il pouvait également deviner sa détermination. Malgré sa peur quelque chose en elle la poussait à persévérer dans cette voie. Elle ne le savait pas encore, et pourtant elle continuerait à négliger son autorisation, même s'il devait la battre à chaque fois pour cela. Parce qu'elle pensait, non qu'elle estimait en avoir le droit.

— On dirait que tu ne manque pas de cran, mine de rien, murmura-t-il avant de la relâcher. C'est bon, tu peux traverser mon Temple quand tu veux. Je veux bien être gentil et t'accorder ce privilège mais la prochaine fois que tu en prends à tes aises, gare à toi !

DeathMask savait pertinemment que l'adolescente le craignait, il n'avait donc pas cédé face à une gamine irrespectueuse qui se serait moquée du Saint d'Or qu'il était. De plus, Cinnamon étant une "invitée" au Sanctuaire, elle avait d'office une liberté presque totale et pouvait de fait passer par les Maisons du Zodiaque.

Néanmoins, que la jeune fille s'en rende compte ou non, le Chevalier aurait toujours connaissance de son passage dans son Temple. Ils le savaient tous, lorsqu'il y avait un intrus. Il ne faisait que lui éviter de sempiternelles demandes.

DeathMask se rappela alors se dont il avait été témoin, la raison pour laquelle il acceptait aussi facilement de la laisser traverser sa Maison.

Il vient de passer dans la salle de bain et, lorsqu'il revient dans la chambre, reste stupéfait devant le spectacle qui s'offre à ses yeux. L'adolescente est assise sur le lit et fixe sa propre main avec une attention particulière. Sa main qui est couverte de sang. Puis elle porte ses doigts à sa bouche, les suce consciencieusement. Le liquide rubis paraît la fasciner. Soudain elle s'aperçoit de sa présence et sursaute. Elle prononce alors les seuls mots qui lui viennent à l'esprit :

— Je suis désolée pour les draps...

Il vient de la prendre de force et elle est désolée d'avoir sali les draps ! DeathMask éclate alors de rire et c'est à ce moment qu'il accorde :

— Félicitation. Tu as gagné le droit de traverser le Temple du Cancer. Traîne pas trop, ajoute-t-il avant de s'en aller.

Plus tard, caché derrière une colonne, il espionne la jeune fille. Celle-ci lui a dit non mais, pas une seule fois, elle ne l'a imploré ou supplié de l'épargner. Et elle n'a pas pleuré non plus. Le Chevalier est persuadé qu'elle se retenait face à lui mais qu'elle craquera en se croyant seule. Aussi l'observe-t-il en secret, attendant la crise de larmes qui ne tardera sûrement pas...

Son attente reste vaine. Plus que cela, même. Interloqué par une telle audace, il la voit s'approcher d'un mur, regarder à droite et à gauche, puis toucher du doigt l'un des visages, très vite, avant de s'enfuir en courant. Elle ne cesse de courir qu'une fois arrivée à la sortie, sans se douter un seul instant que le Cancer l'a suivie.

Une fois qu'elle est partie, DeathMask éclate de rire.

Palais du Grand Pope

Dimanche 6 juillet 1986 — 18 h 05



En ce début de soirée, Cinnamon remarqua une étrange agitation au Palais. Gardes et serviteurs baissaient la tête avec respect et se collaient aux murs chaque fois qu'un Chevalier d'Or passait dans les parages. Il devait se passer quelque chose.

Poussée par la curiosité, la jeune fille suivit Milo devant grandes portes ornées d'étranges armoiries... et se retrouva dans une salle immense, à la décoration spectaculaire. Tête levée et bouche bée, elle observait les hologrammes dorés qui scintillaient sur les colonnes de marbre blanc, puis baissa les yeux sur la table faite du même matériau, et où les signes zodiacaux étaient gravés à chaque place. Mais qu'est-ce que c'était que c'est endroit ?

— Qu'est-ce que tu fiches ici, toi ? fit une voix qu'elle connaissait bien. Allez, ouste, dehors !

Passe encore que cette gamine ait obtenu le droit de fréquenter le Zodiaque d'Or, mais qu'elle se permette de pénétrer dans un lieu aussi élitiste que la salle du Crusos Sunagein...

L'adolescente hésita, indécise.

— Et elle est sourde, en plus ? Dégage avant que je ne me fâche pour de bon !

— Elle va s'en aller, DeathMask, déclara Shaka calmement. Il n'est pas nécessaire d'user de violence pour si peu. A moins que tu ne soies incapable de te contrôler...

Cette fois, il était vraiment en colère. Il allait répliquer lorsque son regard croisa celui de l'intéressée. Grisée par le sentiment d'impunité que lui avait procuré le Saint de la Vierge, elle soutenait son regard. Ce qui aurait déjà dû lui valoir un aller simple pour l'Autre Monde, cependant elle ne s'arrêta pas là. Se sentant protégée par la présence des autres Chevaliers, elle oublia toute prudence et commit une erreur mortelle.

Elle lui tira la langue.

DeathMask !!

Cinnamon sursauta lorsque la voix du Pope résonna, déchirant le silence comme l'aurait fait un coup de fouet. Pétrifiée d'effroi, la jeune fille prit enfin conscience de la scène.

Juste devant elle se tenait le Cancer, le regard étincelant, le poing serré à quelques centimètres de son visage. Parfaitement visible de tous sauf de sa cible, il avait bondi sur elle avec la très nette intention de lui pulvériser la tête... et avait stoppé net à l'ordre de son supérieur.

Livide, son cœur battant de façon désordonnée sous l'effet d'une terreur rétrospective, Cinnamon recula. Arrivée auprès du maître du Sanctuaire, elle murmura :

— Merci, monseigneur...

— Cinnamon, quitte cette salle immédiatement ! la rabroua le Pope d'un ton cinglant. Tu n'as rien à faire ici ! Je ne devrais même pas avoir à te le dire .

Les yeux de la jeune filles miroitèrent. Mortifiée tant par la remontrance que par l'intonation employée, elle baissa la tête. L'impression de n'être plus qu'un misérable insecte était si forte, le sentiment de rejet si douloureux, qu'elle ne retint ses larmes qu'à grand peine.

Elle quitta la pièce sous le rire moqueur de DeathMask.





Arènes du Sanctuaire réservée au Saints d'Or

Lundi 7 juillet 1986 — 12 h 00



Sans pouvoir se contenir, Cinnamon se leva et applaudit. Le spectacle que venait de lui offrir le Lion et le Poissons était de toute beauté. Certes, l'entraînement n'était pas fait pour faire joli mais qu'est-ce que cela avait été esthétique, avec ce nuages de roses rouges qui tourbillonnait et ses éclairs aussi meurtriers que dorés qui émanaient du félin...

— Bon, à qui le tour, dit Milo en regardant autour de lui.

— Personnellement, je commence à avoir soif, répondit DeathMask qui n'avait pas quitté des yeux la jeune fille. Cinnamon, de l'eau !

L'adolescente se figea. C'était la première fois que l'un des Chevaliers d'Or lui donnait un ordre direct. Que devait-elle faire ? Obéir, bien sûr. C'était compté sans les autres Saint d'Or.

— Et puis quoi encore ? fit le Scorpion.

— Va la chercher toi-même, ton eau, Cinnamon n'est pas une esclave ! s'insurgea Aiolia.

Le Cancer eut un étrange sourire.

— Ah ouais, vraiment ?

Ne voulant surtout pas être cause de leur dispute, Cinnamon s'empressa d'accepter.

— C'est bon, ça ne me dérange pas. Je peux le faire. La fontaine n'est pas très loin...

Alors qu'elle leur tournait le dos pour se diriger vers la fontaine en question, elle entendit la voix de DeathMask qui disait :

— Tu vois, ça ne la dérange pas de jouer les boniches.

Elle baissa la tête et respira profondément. Mais qu'est-ce qu'il avait après elle, à la fin !

Lorsqu'elle revint avec une bouteille d'eau, le Cancer se fit un plaisir de la reverser sur le sol. Motif : à présent il voulait une bière bien fraîche. Tachant de garder son calme, Cinnamon refit demi-tour.

Quand elle arriva enfin, tous les Chevaliers d'Or étaient partis. Déçue et malheureuse, elle resta là avec sa bouteille de bière lorsqu'une main la saisit.

Le regard goguenard, DeathMask la décapsula et but une longue gorgée avant de dire :

— Si tu veux te rendre utile ici, apprends à être un peu plus rapide. Sauf si ça ne te dérange pas d'être un poids mord...

Il finit la bière, puis :

— Allez fiche le camp, fit-il alors une lueur moqueuse dans le regard.

Cinnamon ne se fit pas priée et se sauva aussi vite qu'elle put.