PROLOGUE 2/2



Vendredi 3 avril 1987 - 11 h 58

Sanctuaire sous-marin. Temple de Poséidon



Des Chevaliers de Bronze. De vulgaires et minables Chevaliers de bronze. Décidément, il aura été sous-estimé toute sa vie… Mais tout cela allait changer. Grâce à la désinvolture de ces imbéciles, la victoire n’en serait que plus aisée, même s’il s’était réjoui à l’idée de voir les “nobles“ Golds Saints en difficulté face aux Généraux.

Tout à ses pensées, le gardien du Pilier de l’Atlantique Nord pénétra dans ses appartements privés. Le temps que les morveux avancent plus avant dans le royaume sous-marin, il pouvait se permettre une visite de courtoisie. Histoire de vérifier que tout allait bien.

Une fois la porte soigneusement fermée derrière lui, il s’approcha d’une petite table et y déposa son casque. Percevant un léger bruit de pas derrière lui, il se retourna vivement… et reçut dans ses bras une adolescente qui s’y jeta littéralement.

Surpris, il hésita un instant avant de la toucher.

— Que me vaut cet honneur ? demanda-t-il.

Il s’était habitué à son comportement fantasque mais savait aussi à quel point le contact physique pouvait la rebuter. Il se souvenait encore de sa crise de nerf lorsqu’une fois, il l’avait effleurée par inadvertance. En revanche, si c’était elle qui en prenait l’initiative, elle pouvait se montrer assez… affectueuse. Apparemment, c’était l’un de ces moments.

— Tu me manques, ça fait trop longtemps que tu es parti, répondit-elle, les bras toujours noués autour de son cou.

— C’est vrai, j’ai été absent quoi… une heure ? ironisa le Dragon des Mers.

Pour toute réaction, la jeune fille se blottit davantage contre lui. Le bras de l’homme enserrait sa taille fine pendant que son autre main remontait dans son dos. Un instant, elle se perdit dans l’épaisse chevelure aux reflets mordorés.

— Kyko… murmura-t-elle soudain.

Ah c’était ça. Il se disait aussi…

Il la repoussa violemment. Tombée à terre, elle leva sur lui de grands yeux où l’azur le disputait à l’améthyste. L’étonnement qu’il lut dans ce regard l’irrita au plus haut point. Après tout ce qu’il lui avait fait, comment pouvait-elle encore soupirer après lui ?

— La folie schizophrène je connaissais déjà, mais le coup de la folie masochiste on ne me l’avait jamais fait !

— Pourquoi t’es fâché ?

Nous y voilà. La moue boudeuse, la lèvre tremblante… Jusqu’à l’intonation de la voix qui évoquait plus celle d’un bébé de quatre ans que d’une adolescente qui en avait presque seize.

— Je ne suis pas fâché. J’ai simplement autre chose à faire que de jouer les gardes-malade.

Sur ces mots, il se détourna et tendit les mains vers son casque.

Ce fut alors qu’elle se mit à hurler.

Kanon !!!

Elle n’eut pas le temps de le crier deux fois et se retrouva plaquée contre le mur, prisonnière du Dragon des Mers qui la fixait d’un air menaçant.

— Refais ça encore une seule fois et je te montrerai la différence qu’il y a entre lui et moi, gronda-t-il.

La peur était visible dans les yeux de la fille, cependant ce fut d’un ton très calme qu’elle chuchota :

— Je la connais déjà la différence.

Puis elle s’exclama d’un air plus léger :

— Ah tiens, Seigneur Poséidon !

Le cœur battant, le Général fit volte-face, prêt à fournir toutes sortes d’explications plus ou moins plausibles… quand il se rendit compte qu’ils étaient toujours seuls dans la pièce.

— Espèce de…

Il tenta de l'attraper mais la jeune fille lui échappa dans un éclat de rire et sortit. Se forçant à respirer profondément, Kanon la suivit dans le couloir. Et se figea net.

Isaak du Kraken se trouvait également dans les parages, non ? Parce qu’il avait la très désagréable impression que ses artères se mettaient à charrier des blocs de glace…

Devant lui se tenait Julian Solo et, à ses pieds, l’adolescente agenouillée en une gracieuse révérence.

C’était l’un de ses pire cauchemars qui se réalisait. Elle et lui, ensemble ! Tout mais pas ça, n’importe qui mais pas elle ! Avec son caractère imprévisible, elle était bien fichue de tout balancer… Voilà pourquoi il préférait la garder dans ses appartements. Peut-être y avait-il moyen… S’il s’arrangeait pour lui porter un coup en douce... Avec la vitesse de la lumière, hop, ni vu ni connu… Restait le jeune Solo. Même si Poséidon ne s’était pas encore réveillé en lui, il restait capable de percevoir l’utilisation d’un cosmos. D’ailleurs comment expl…

— Dragon des Mers, comment as-tu osé ? demandait justement le dit Julian.

— Seigneur Poséidon ?

— Me cacher cette perle ! J’estime pourtant avoir le droit de savoir ce qui se passe dans mon royaume.

La perle en question adressa au maître des lieux un adorable sourire empreint de timidité. Puis elle tourna la tête vers Kanon, et celui-ci ne fut pas sans remarquer la malice qui brillait dans le regard bleu mauve. Nul doute qu’elle avait parfaitement conscience de ce qu’il avait failli faire.

Elle ne perdait rien pour attendre.

Solo exigeait une réponse. Soit. Kanon lui répondit la première chose qui lui passa par la tête :

— Ce n’est que ma jeune sœur, Seigneur Poséidon. Cinnamon.