Chapitre 10 : Avant la tempête

 

-« Je ne partirais pas sans toi »

Lorsque Aiolia prononça ces mots, Marine su que son cœur lui appartenait. Mais ils n’auraient décidément jamais de temps pour s’aimer… L’armure d’or était revenue, comme pour sceller le destin de tous les protagonistes présents ce soir là. Shaïna avait prit l’attaque des trois chevaliers d’argent à la solde du Pope de plein fouet et gisait à présent inanimée, aux pieds de Seiyar qui tentait en vain de comprendre comment ils avaient pu en arriver là. Elle avait cherché à dire quelque chose mais n’avait pas achevé sa phrase. Pourtant, il sentait confusément au fond de lui-même, que cette chose qu’elle ne lui avait pas dite était d’une importance cruciale…

Dans le même temps, Saori arriva sur les lieux. Lorsqu’elle aperçut l’armure se poser entre Seiyar et un ennemi inconnu, sa flèche d’or dirigée droit en direction du sud, elle eut un pincement au cœur. Elle murmura dans la nuit…

-« Ayoros… tu es enfin revenu ! Après toutes ces années. Enfin tu es là chevalier »

Marine et Aiolia s’avancèrent vers Seiyar. Instinctivement, la femme chevalier alla vérifier l’état de sa compagne d’arme. Visiblement Shaïna avait essuyé un coup très violent, mais ses jours n’étaient pas en danger. Aiolia avança en direction de l’armure. Seiyar écarquilla les yeux.

-« Toi ? Mais que fais-tu ici ? Et …. Marine !!!! Dit moi que je rêve !! Tu es vivante !! »

-« Seiyar… il aurait peut être mieux valut que tu ne me vois pas ce soir… fâcheuse rencontre… j’imagine que tu vas me questionner sur les raisons de sa venue ici, et de l’intervention de ces chevaliers… »

Ce n’était pas une question, et Marine avait ponctué sa phrase en désignant d’un geste de la tête les trois corps étendus sans vie non loin de là, ainsi que l’armure, toujours immobile mais nimbée d’un intense halot lumineux. Le souffle provoqué par son arrivée avait littéralement laminé les sbires du Pope. Seiyar s’interrogea en effet sur les étranges évènements de la soirée.

-« Après le combat sur la plage, je t’ai cru morte. Pourquoi ne pas être restée pour attendre que je me réveille et me donner des explications ? Pourquoi avoir prit tant de risques en venant ici ? Et pour finir, qu’est-ce que Shaïna a contre moi ? On croirait qu’elle m’aime et me hait tout à la fois, ça n’a pas de sens ! Il y a autre chose, ce n’est pas la défaite de Cassios la vraie raison ! Et maintenant voilà que l’armure que nous croyions tous disparue réapparaît comme par magie, me sauvant par la même occasion de ces mercenaires ! Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer à la fin ?!»

Marine eu un regard en direction d’Aiolia. Elle lui ouvrit ses pensées.

-« Tu penses que je dois lui dire ? »

-« Fait ce que ton cœur te dicte. De toute façon,  maintenant il est trop tard… plus question de se cacher pour nous »

-« Il y a certaines choses que tu ignores Seiyar, des choses que nous aurions préféré te cacher. Depuis ton départ rien n’est comme avant. Le domaine sacré est la proie de complots en tout genre et le Pope fait régner la terreur. Des hommes meurent à son service au cours de missions dont même les chevaliers les plus émérites ignorent l’objectif. Mais il est clair qu’il en a un. Et nous avons toutes les raisons de croire qu’il cherche a… »

-« Qu’il cherche à s’emparer du pouvoir du Sagittaire ? »

-« Pas seulement Seiyar… »

La voix d’Aiolia avait raisonné dans la nuit, impérieuse et grave. Seiyar se tourna vers lui. Marine préféra le laisser poursuivre, trop affectée par les derniers évènements. Elle hésitait et ne voulait pas impliquer Seiyar… elle voulait le préserver, mais comme le disait Aiolia, c’était trop tard.

-« Aiolia, explique moi pourquoi tu es ici toi aussi ? Explique moi ce que cherche le Pope ? »

-« L’armure de mon frère n’est pas unique Seiyar. Regarde moi bien… celle que je porte… c’est la première fois que tu me vois avec n’est-ce pas ? Tu gardes le souvenir unique d’Aiolia l’ami, le grand frère, l’homme qui venait t’aider aux entraînements et parler avec ton maître. Tu portais sur moi le regard d’un enfant, avide de conquêtes et emplit d’idéaux propres à ton âge. Tu voulais ressembler au glorieux Aiolia. Mais en vérité je porte l’armure zodiacale du Lion, la cinquième armure d’or »

-« Tu veux dire que les armures sont au nombre de douze ? Comme les signes du zodiaque ? »

-« C’est exact !... mais en principe nous ne sommes pas censés sortir de l’enceinte du Sanctuaire. Si je suis ici c’est que le Pope m’a envoyé pour te tuer »

-« Quoi ????????... Mais… mais c’est insensé, pourquoi ferais-tu une chose pareille ? »

-« Arrête Seiyar, ce n’est pas ce que tu crois !! Aiolia ne te tueras pas, il voulait simplement s’assurer que mes jours n’étaient pas en danger… il voulait voir de ses propres yeux la princesse Saori »

-« Que lui voulez-vous ? »

-« Ne sois pas sur la défensive Seiyar,… je veux être certain qu’elle est bien la réincarnation de la déesse Athéna. Marine m’assure que c’est le cas mais j’ai vécu dans ma vie trop de trahisons, trop de coups bas pour croire en une frêle jeune femme. Et les enjeux au Sanctuaire sont bien trop grands… ça ne remet pas seulement en cause un contexte mais également plusieurs vies. Plusieurs destins… dont celui de mon frère… Ayoros !!»

-« Ayoros était ton frère ?!! Le chevalier à qui nous devons tous la survie d’Athéna ? »

-« C’est ce point que je cherche à élucider. Contrairement à toi je n’ai aucune certitude à ce sujet !»

-« Mais… ignores-tu que cet homme fut un héro ? Je t’en prie Aiolia, tu dois me croire !... Moi-même, à mon retour au Japon après ces cinq années d’entraînement intensif en Grèce, je refusais d’y croire, je refusais d’accepter son autorité. Mais nous l’avons vu, nous l’avons constaté de nos propres yeux ! Saori est l’enfant que ton frère a sauvée il y a treize ans, Saori et Athéna ne sont qu’une seule et même personne ! »

-« Comment te croire… »

-« Aiolia !!! »

-« Marine… je  t’en prie ne t’en mêle pas ! Pas maintenant… je dois savoir… je dois savoir si mon frère est effectivement un traître ou non !! »

La jeune femme sue qu’il était inutile de le raisonner. Sur ce terrain là, elle ne possédait aucune influence. Elle n’avait qu’un vague souvenir d’Ayoros. Lorsqu’Aiolia lui avait sauvé la vie et l’avait ramenée au Sanctuaire, elle avait habité chez lui, mais son frère aîné était souvent absent. Il parlait sans arrêt de lui. Leur complicité était un modèle de fraternité à part entière. Ils se ressemblaient en beauté et en puissance, les deux plus puissants… Ayoros était déjà un chevalier d’or alors que son jeune frère n’était qu’aspirant au titre. Elle se rappela les étincelles provoquées par le ricochement des rayons solaires sur l’or incandescent de son armure. Elle se souvînt que le frère d’Aiolia était divin, rayonnant… un ange destiné à se sacrifier. Un soir, Marine avait attendu pour rien. Elle avait attendu Aiolia pendant des heures avant de comprendre qu’il valait mieux rentrer. Quand elle l’avait croisé quelques jours après, il l’avait fixé d’un regard inerte, vide… elle se rappelle très bien s’être avancée vers lui et l’avoir bercé longtemps… Aiolia avait pleuré… aucune parole n’avait été échangée… seulement le silence. Ayoros était mort… Ayoros le traître. Et la rumeur s’était répandue, emportant avec elle l’innocence, les jours heureux… Elle reprit ses esprits.

-« Pardonne moi Seiyar… mais je ne peux que comprendre les sentiments d’Aiolia à l’égard de son frère… seul celui qui a enduré les mêmes tourments et la vindicte populaire peu comprendre… je ne prendrait donc pas partie, même si personnellement j’ai senti le cosmos divin d’Athéna »

Seiyar était dépité, Marine ne ferait rien pour raisonner Aiolia. Lui qui pensait que ce chevalier était le plus fidèle d’entre tous… il comprenait à quel point le passé avait pesé sur sa vie. Sa puissance devait être aussi intense que les émotions qui l’avaient jalonnées. Passionnées, emportées, violentes, incalculables. Le lion restait pensif, une main posée sur l’armure de son frère. Il cherchait une connection, le lien perdu…

-« J’ai du mal à admettre qu’elle soit venue pour te protéger Seiyar. Si Ayoros n’avait pas été mon frère, j’aurais presque été jaloux »

-« Jaloux ?... »

-« Oui… car par delà la mort, mon frère te reconnaît comme protecteur attitré de celle que tu nommes Athéna… ce qui veut dire… qu’il désapprouve mon jugement… n’est-ce pas mon frère ? »

L’armure se mit à étinceler puissamment,  émettant un son ressemblant à celui d’une clochette. Aiolia recula légèrement… il sentit une présence, douce et rassurante. Ils la ressentirent tous d’ailleurs. Marine reconnu la sensation… elle se leva et rejoignit Aiolia. Il la fixa, incrédule… avant de comprendre qui venait vers eux.

-« Accepte de l’écouter je t’en prie… écoute ce qu’elle a à te dire comme j’ai écouté et tu sauras… tu sauras où se trouve la vérité. Il n’y aura plus de dilemme dans ton cœur. Plus de haine. Aiolia… »

-« C’est la princesse ?... pourquoi accepterais-je cela ? »

-« Regarde moi… Aiolia… »

Elle saisi son menton et tourna son visage dans sa direction. Il la fixa d’un air presque suppliant. Il aurait voulut être ailleurs, ne plus supporter les tourments du passé, ne plus se poser de questions. Ne plus entendre parler d’Ayoros. Pourtant, la silhouette gracile qui se dessina devant lui après qu’il eut fermé les yeux, acheva de le décontenancer. Il trembla, comme si son corps était devenu trop lourd pour lui. Face au regard mauve de la jeune femme postée devant lui, le Lion sentit ses jambes devenir du coton.

Tout était duveteux, apaisant et profondément intense. La lumière dégagée par l’armure de son frère s’en alla retrouver celle dégagée par Saori. Sans chercher à comprendre, il s’agenouilla. Marine souriait… Seiyar s’approcha, soulagé lui aussi. Ses compagnons avaient suivi la princesse et attendaient patiemment, en retrait. Saori s’agenouilla à son tour et posa ses mains sur les épaules d’Aiolia qui baissait la tête.

-« Aiolia… cher chevalier du Lion… soit la bienvenue ici. Je suis Saori Kido mais avant toute chose, je suis la réincarnation d’Athéna ».

-« … »

-« Je sens le doute dans ton cœur… mais tu dois croire en ce que je vais te dire. Laisse moi te conter l’histoire de ton frère… qui t’a volontairement préservé en te laissant dans l’ignorance des évènements tragiques qui se sont déroulés cette nuit là… il y a treize ans… »

A l’évocation de ce fameux jour, le chevalier vacilla. Il releva la tête et fixa le visage de Saori. Ce qu’il vit dans son regard mit fin à ses doutes les plus profonds. Oui… il sut à cet instant précis qu’Ayoros avait effectivement sacrifié sa vie pour la sauver elle. Mais pourquoi lui ? Pourquoi ? Qu’avait-elle de plus pour passer avant lui ?... »

-« Pardonne moi Aiolia »

La voix d’Athéna avait raisonné dans la nuit. Stupéfait, Seiyar ne comprit pas pourquoi elle s’excusait.

-« Pardonne moi de t’avoir enlevé ton frère… »

Aiolia sentit des larmes s’écouler sur ses joues. Il en eu à peine conscience. Il fixa l’armure… quelque chose apparut. La silhouette du frère tant aimé se dessina dans la nuit… Saori se releva et se dirigea vers lui.

-« Tu as décidé de veiller à nouveau… ton âme vit à travers l’armure… Ayoros… Ayoros tu m’as sauvé la vie. Ton sacrifice n’aura pas été vain. Je te jure sur mon sceptre, d’assumer désormais pleinement ma charge. Moi, Athéna, je vais me rendre au Sanctuaire et faire justice. Je te le promets »

L’apparition se mit à sourire tendrement. Saori fut la seule à entendre la suite… et se mit à sourire tendrement elle aussi. Elle se troubla et se prit à s’imaginer aux bras de son sauveur. Seiyar lui ressemblait, il vivait aussi un peu à travers lui.

-« S’il avait fallu le refaire je l’aurait fait. Vous êtes devenue une magnifique jeune femme. Ma fidélité vous est acquise à jamais… Athéna… ma déesse… ma lumière… »

-« Si je pouvais te retenir… si je pouvais te ramener à la vie…»

-« Athéna… veille sur mon frère. Il est bon et puissant… il sera le meilleur de tes chevaliers. Promets moi… Saori… »

-« Ayoros… Ayoros ne part pas !!!»

L’apparition disparue, laissant derrière elle, un arrière goût de nostalgie. Saori versa une larme, alors qu’ Aiolia tombait à genoux.

-« Mon frère… mon frère, pardonne moi d’avoir douté… aujourd’hui je comprends enfin que tu n’étais pas un traître. Tu fus et tu resteras un grand chevalier, le meilleur d’entre tous ! ».

Il se releva et fixa la jeune femme aux cheveux mauve qui baissait la tête et fixait le sol avec gravité. Elle perçut l’avancée vers elle d’Aiolia et reprit contenance. Elle ne devait pas être triste… Ayoros lui avait laissé son frère et plus que tout… elle avait Seiyar. Celui-ci s’était posté près de Shaïna, la tenant contre lui, secondé par Marine qui appréhendait l’échange entre son homme et la princesse. Les deux se fixaient avec inquiétude, mais la tension retomba rapidement lorsqu’Aiolia reçut sur lui la cosmo énergie d’Athéna. Elle émana du corps de Saori tel un voile, pénétrant dans son âme et s’y installant, mêlant les souvenirs retrouvés du frère perdu, à ses propres émotions à elle. Il fut touché en plein cœur et lui jura fidélité. L’armure d’or, toujours postée à leur côté, se remit à vibrer et à émettre un cosmos doré.

-« Mais que se passe t-il ?!! Regardez !!! »

-« Par tous les saints, mais qu’est-ce qu’elle fait ?? »

-« La flèche !! Princesse, regardez la flèche !! »

-« Elle émet un rayon d’énergie qui file tout droit en direction du Sanctuaire ! »

Une ligne précise fendit le ciel nocturne, dégageant un souffle rapide qui fit s’envoler les feuilles alentours. La flèche resta ainsi pointée pendant un moment, avant de s’éteindre et de demeurer inerte. Une étoile se mit à briller dans le ciel, tel un point de repère. Saori s’avança.

-« Seiyar, Shryriu, Shun, Hyoga !! Dans une semaine nous partons pour le Sanctuaire ! »

 

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-« Alors… toujours rien ? Aucune nouvelle ? »

-« Non Monseigneur… je pense que le chevalier du lion n’a pas dû exécuter les ordres… c’est la seule explication possible, sinon pourquoi mettrait-il autant de temps à revenir ? »

-« Tais toi canaille !!! Et Shaïna ?!!! Par les dieux infernaux, ne peut-on compter sur personne ici ?!!!!!! »

-« Mais… mais vous savez bien Grand Pope que nous … »

-« Ca suffit !!!!!!!!!!!!!!!!! Hors de ma vue, chien !! Qu’on m’appelle Milo !!! »

-« B.. B… Bien Majesté !! »

Après avoir piqué une colère noire, le Pope se retira dans ses appartements. De rage, il s’en prit à tout ce qui se trouvait autour de lui. Les meubles valsèrent dans les coins, un bruit sourd s’échappa lorsqu’il brisa la porcelaine posée sur sa table, renversant le vin, les fruits, les ouvrages étalés. Un hurlement de rage clôtura sa crise, comme les portes de sa maison. Il fixa les urnes d’or…

-« Maudit sois-tu Ayoros !! Tu es revenu pour rien !! Cette fille ne se dressera jamais contre moi tu entends ?!! jamaiiiiiiiis !!! »

Un éclair zébra le ciel, le faisant sursauter. Le tonnerre fit trembler le marbre du temple. Il se releva et pesta contre la tempête qui s’annonçait.

-« Va au diable !!... »

 

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-« Chevalier du Scorpion !! »

L’homme qui s’avançait imprudemment dans l’antre de la maison du Scorpion était essoufflé. Les battements de son cœur, traduisaient sa terreur profonde, mais il insista.

-« Chevalier Milo du Scorpion, le Pope demande à vous voir »

Une voix résonna en écho depuis le centre de la bâtisse de marbre.

-« Approche !!... »

-« Me voici… »

Lorsque Kryssos entra dans la chambre du chevalier d’or, il le trouva en charmante compagnie… visiblement, les mœurs de Milo ne connaissaient pas de limites. Quatre femmes portant le bracelet de servilité, remit dès leur plus jeune âge aux servantes du domaine sacré, étaient  assises autour de lui. La première lui massant les épaules, la seconde servant du vin, la troisième jouant de la harpe et la quatrième sur ses genoux. Un toussotement se fit entendre, Milo n’était pas d’excellente humeur.

-« Le Pope exige de me voir dis-tu ? »

-« Oui chevalier… il semble qu’au Japon les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu »

-« Il « semble » dis-tu ?... Ah AH AH !!! Laisse moi rire Kryssos !! Le Pope aurait dû se méfier, je le lui avais dit !! Et qu’attend t-il de moi maintenant ? MMh ?? Que j’aille ramasser les pots cassés? Que je transforme son échec en victoire ? Que je fasse la sale besogne à sa place ?!!! »

-« Je… vous devriez vous rendre au Palais »

-« Idiot !! Hors de ma vue, tout de suite !!! »

-« … »

L’homme s’éclipsa rapidement. Milo se leva à contrecoeur, non sans avoir embrassé à pleine bouche la servante assise sur ses genoux, puis alla revêtir son armure. C’est avec appréhension qu’il grimpa les marches menant au palais, l’une après l’autre.

 

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-« Qu’allons nous devenir maintenant ? »

Dans la chambre que Saori lui avait prêté pour la nuit, Marine s’inquiétait. Les bras passés autour du torse d’Aiolia qui l’avait rejoint pour discuter des évènements à venir, la tête reposant contre son dos, elle avait posé sa question avec anxiété, consciente qu’à cause de ce qui s’était passé devant l’hôpital, ils étaient devenus des renégats. Il fixait quelque chose par delà l’horizon, posté devant une des fenêtres, l’air déterminé. Il prit conscience de la chaleur dégagée par la jeune femme, nichée contre lui. Il posa ses mains sur les siennes et se retourna.

-« Nous allons rentrer. Demain à l’aube nous partirons »

-« Es-tu certain que ce soit le bon choix ? A toi il ne fera rien… moi c’est différent… »

-« Tu viendras avec moi demain. Si tu refuses je t’emmènerais de force. Le premier qui tente de poser la main sur toi auras de mes nouvelles »

-« Est-ce que tu serais prêt à risquer ton honneur de chevalier pour me préserver ? »

-« Tu as ôté ton masque… c’est à moi de veiller sur toi maintenant »

-« Tu veilles déjà sur moi… depuis longtemps… »

Il la serra contre lui. Marine se sentait bien. Une brûlure suspecte lui incendia les reins. Que lui arrivait-t-il ? C’est la première fois de sa vie qu’elle se sentait aussi bizarre. Aiolia ne disait rien. Il semblait en pleine réflexion, mais sa chaleur et l’odeur de sa peau lui tournait la tête. Un parfum de soleil, un léger goût salé, le bois, l’odeur de la sève. Elle commença a avoir chaud.

-« Excuse moi… »

Il desserra son étreinte, conscient de l’étouffer un peu. Elle lui arrivait aux épaules et partit dans ses songes, il n’avait prit garde à ses gestes. Elle alla s’asseoir sur le rebord de la fenêtre, se débarrassant de son masque par la même occasion.

-« Il est tard… nous devrions nous reposer. Je te suivrais demain… mais promet moi de me laisser si jamais le Pope intervient. Ta vie est trop précieuse. Athéna a besoin de toi… tu dois convaincre tes camarades du Sanctuaire du bien fondé de sa mission. S’ils refusent de te croire ils deviendront des ennemis… combien seront de notre côté ?... »

Il s’approcha d’elle et s’assit à son tour.

-« Milo refusera de me suivre. Il est persuadé que la déesse réside au domaine sacré. J’ai eu beau lui expliquer… il a une confiance aveugle en la personne du Pope. Mu et Dokho sont sages, mais j’ignore s’ils participeront à la bataille. Quoi qu’il en soit ils seront fidèles à la justice, nous pouvons donc considérer qu’ils seront de notre côté. Shura, Angelo et Aphrodite seront avec le Pope… Aldébaran est du genre indépendant. J’ignore de quel côté il se rangera, mais il est juste lui aussi. Il saura voir où est la vérité et où est le mensonge »

Elle le fixa, peu convaincue du succès de leur entreprise. Aiolia l’interrogea à son tour du regard.

-« Seiyar ne viendra pas tout de suite. J’ai convaincu Saori de préparer d’avantage leur voyage. Nous ne pourrons assurer leur protection lorsqu’ils iront au Sanctuaire, ils nous faudra jouer la comédie »

-« Mais que diras-tu au Pope lorsque nous serons rentrés ? Il va te convoquer et voir que tu as menti »

-« Je peux toujours lui faire croire que tu es morte »

-« Il lit dans les pensées »

-« Et moi je peux les lui cacher. Je ne le laisserait pas faire »

Elle se leva d’un bond pour lui faire face, soudain très en colère. Une main sur sa hanche, l’autre faisait de grands gestes en l’air, preuve de sa profonde inquiétude.

-« Je ne suis pas sotte !!! Je sais parfaitement ce que tu as l’intention de faire Aiolia ! Tu vas te rendre là bas et lui poser un ultimatum. Bien entendu il refusera… mais s’il fait venir les autres pour provoquer un combat, seul tu ne seras pas de taille ! C’est de la folie pure !!»

-« Le Pope connaît les règles de la chevalerie, et s’il faut me battre je me battrait équitablement. Je n’ai pas peur de l’affronter »

-« Un combat de cent jours, à épuiser vos cosmo énergies pour vous éliminer entre chevaliers d’or ?!! On n’a jamais vu ça auparavant, ce serait bafouer votre honneur, bafouer la fraternité qui régnait entre vous et… et moi je ne pourrais rien faire !! Rien du tout !!! »

Elle avait crié ses paroles sans s’en rendre compte. Un sanglot lui échappa, qu’elle regretta immédiatement. Aiolia se leva à son tour et la saisit par la taille avec urgence, faisant taire la jeune femme à l’aide d’un baiser vertigineux.

Elle manqua de tomber à la renverse, tant l’étreinte l’avait prise de court. Elle sentit quelque chose de chaud émaner de lui… il lâcha ses lèvres pour s’attaquer à sa nuque. Elle ouvrit grand les yeux.

-« A… Aiolia !??! »

Il ne répondit pas. Un millier de frissons prirent d’assaut sa colonne vertébrale, diffusant d’agréables picotements au creux de ses reins. Sans qu’elle puisse rien faire, son cosmos s’intensifia à son tour, se mêlant à celui du chevalier, lancé à la conquête de sa chair comme si une rage violente s’était emparée de lui. Elle voulait lui dire d’être raisonnable, de cesser ses caresses, mais toute volonté l’avait quitté. Un soupir lui échappa lorsqu’elle sentit un léger mordillement sur le lobe de son oreille. Elle s’accrocha à lui, sentant les mains de l’homme suivre la cambrure de ses reins. Il la regarda, les yeux embués d’or. Il lui sembla que ce fut la première fois qu’elle le voyait vraiment.

-« Qu’est-ce que… qu’est-ce qui te prend ? »

-« J’aimerais rester… »

Les battements de leurs cœurs se firent plus prononcés. Les joues de la jeune femme se teintèrent d’un magnifique rouge incarnat. Elle tremblait, impossible de lui cacher ce qu’elle voulait au plus profond. Elle ferma les yeux et se laissa aller.

-« Alors reste… »

Leurs bouches se retrouvèrent avec un plaisir non dissimulé. Ils ôtèrent leur vêtement avec une douceur infinie, tinté par endroit d’élans de rage pure. Il caressa sa peau comme s’il était perdu dans un moment d’intense dévotion, ses mains glissant sur la poitrine douce, le ventre musclé, les jambes fines. Trop longtemps ils avaient tût leur amour, trop longtemps il avait eu envie de goûter à ce corps magnifique. Combien de fois l’avait-il regardé combattre, combien de fois avait-il rêvé d’elle en secret ? Combien de fois avait-il renoncé à lui dire ? Et enfin, en cet instant, elle était sienne.

Elle l’attira à elle, s’allongeant sur le lit qu’on lui avait prêté. Il hésita un instant, avant de glisser sur elle avec douceur. Leurs peaux se touchèrent, impatientes, avant de s’unirent dans un soupir de satisfaction. Marine ferma les yeux. Pour la première fois de sa vie elle se sentait vivante, pas esclave de son masque, ni des règles imposées par la grande prêtresse. Elle se laissa guider, se laissant caresser, adorer, embrasser. Aiolia était d’une extrême douceur, à la fois fougueux et passionné. La sensation d’être sur un nuage. Elle se surprit elle-même, s’entendant gémir plaintivement, écoutant le son rauque de la respiration de l’homme contre son cou. Elle ferma les yeux, baignant dans cet abîme de plaisir et de douceur, griffant sans s’en rendre compte, le dos arqué du chevalier, tant il la comblait de bonheur. Ses mains masculines s’emparèrent de sa taille et elle se retrouva sur lui, son bassin ondoyant inconsciemment d’avant en arrière tandis qu’elle gardait les yeux fixés sur lui. Ils ne se lâchèrent pas du regard, pas une seule fois. Il caressa aux creux de ses paumes la poitrine offerte, expirant à son tour sous la torture. Il ferma les yeux, arrivant au bout de ses limites. La brûlure devînt plus vive, plus intense, la chaleur augmenta. Marine se cambra, féline, sa timidité balayée par la déferlante qui s’empara de leurs corps. Leurs cosmos explosèrent dans une étincelle, les unissant de la plus douce des façons. Il la serra contre lui, la couvrant de baiser, avant qu’elle ne s’endorme dans ses bras. Lorsqu’il fut certain que sa compagne se fut endormie, il sombra à son tour dans les bras de Morphée. Demain serait une longue journée…