Chapitre 11 : Bas les masques

 

Shaïna ouvrit les yeux, sans se rappeler correctement des évènements de la veille. Elle regarda autour d’elle et constata que la pièce dans laquelle elle se trouvait ne lui était pas du tout familière. Ca sentait le luxe ostentatoire et le matelas sur lequel elle était allongée était bien trop moelleux pour être le sien. Un mouvement la fit sursauter. Elle s’assit dans le lit un peu trop vite, ce qui provoqua chez elle un léger étourdissement. Sa tête continuait de la faire souffrir, preuve que le coup qu’elle avait reçu, n’avait pas été donné de main morte. Quelqu’un se précipita vers elle et traversa la pénombre de la chambre sous la forme d’une silhouette masculine qui ne lui était pas inconnue.

-« Non, ne bouge surtout pas ! Tu es encore très faible, tu devrais rester allongée !»

-« Mais ?... Seiyar ?!! Que fais-tu là ? Et où sommes nous ? »

-« Ca va, ça va, du calme !. S’il te plaît écoute moi calmement pour une fois et je vais t’expliquer »

-« Dépêche toi avant que je ne pique une crise ! »

-« Tu as été la cible de trois chevaliers d’argent qui sont intervenus au moment ou tu te battais avec moi. Tu ne te souviens pas de la forêt et de l’arrivée de l’armure d’or ? »

Shaïna tenta comme elle put de se souvenir, mais son esprit était embrouillé, comme si quelqu’un avait volontairement effacé ses souvenirs, ou du moins, ceux qui auraient pu être gênant, mais qui ?

-« Ecoute… je me rappelle très bien t’avoir parlé, nous nous sommes battus et ensuite un choc impressionnant. Après ça je ne me souviens ni de la suite, ni de la venue de l’armure. Mais comment peut-elle être revenue  ici d’ailleurs ?!!! C’est impossible !!! »

-« Elle est intervenue pour me protéger des sbires envoyés par le Pope »

-« Alors il a osé ??? Il ne m’a pas fait confiance !! »

-« Que veux-tu dire ? C’est lui qui t’a envoyé pour me tuer ? Enfin… je ne comprends plus… Aiolia a été envoyé également pour me tuer et… »

-« Le chevalier d’or du lion ?!! Il est ici ??? Alors en plus de ne pas m’accorder sa confiance, le Pope m’aurait envoyé ce traître ?!! »

-« Il n’est pas un traître ! Il y a certaines choses que tu dois savoir. Aiolia n’est pas venu pour me tuer. En réalité il avait pour mission de t’éliminer si ça tournait mal »

-« Je ne peux y croire. S’en est trop ! A quoi je sers moi, dans tout ça ? Je sers de menu frottin ? D’appât ? On m’envoie comme une charogne à la mort alors que je n’étais pas venue ici pour ça !»

-« Pourtant tu étais là pour me tuer. Vas-tu encore tenter de me tuer maintenant ? »

Shaïna était perdue. Elle le regarda d’un air triste, osant enfin plonger son regard dans celui cristallin du chevalier de bronze. La peine qu’il lu sur son visage, trahit son incapacité à réaliser la mission qu’on lui avait confiée. Elle ne pouvait pas le tuer, il le sentait. Mais il sentait aussi sa peur. Oui, elle avait peur de retourner là bas, comme Marine avant elle. Le Sanctuaire qu’il avait connu n’existait plus. Elle était tellement perturbée qu’elle ne fit pas attention au fait qu’elle n’avait plus de masque. Seiyar le saisit sur la table de chevet, et le lui tendit.

-« Tiens… si c’est lui que tu cherches !»

Elle regarda la main tendue vers elle et le masque, mais ne bougea pas. Elle détourna le regard.

-« Laisse… tant que je suis ici je n’en ai plus besoin. De toute façon, tu as déjà vu mon visage il y a longtemps !! Cette mascarade ne sert donc plus à rien »

Il reposa négligemment le masque métallique sur le chevet de bois.

-« Je t’ai fait de la peine, je m’en rends bien compte… cependant comme je te l’ai dit hier je ne pensais pas que le fait d’avoir vu ton visage soit un crime. J’étais un enfant affamé qui ne demandait qu’à obtenir de quoi dîner. Si j’avais su que tu serais confrontée à un tel dilemme, je ne me serais pas risqué près du camp des femmes chevaliers !. Si je t’ai blessé, je m’en excuse… »

A la fois surprise et agacée par la sollicitude du jeune homme, Shaïna tenta de se lever.

-« Mais qu’est-ce que tu fais ? Attends, je vais t’aider !! »

-« Laisse moi !! »

Elle refusa son aide et entreprit d’enfiler ses chaussures, posées au bas du mur de la chambre, seule. Encore très faible, elle vacilla. Cette fois c’est Seiyar qui s’énerva.

-« Arrête Shaïna !! Laisse moi t’aider bon sang ! »

-« … Laisse moi je te dis !!… »

-« Non ! Tu es peut être charmante mais aussi têtue comme une mule !. Personne ne t’empêchera de repartir si c’est ça qui t’effraie !! »

-« Tu es sérieux ? Comment les chevaliers de bronze pourraient-ils épargner une femme telle que moi, envoyée par le Pope pour exécuter ses plans ?... vous auriez tords de vous priver d’un tel trophée ! »

-« Ce que tu dis me choque !. Je ne peux en croire mes oreilles, c’est mal connaître les chevaliers d’Athéna !. Et c’est mal me connaître… »

Il la tenait par un bras, d’un air déterminé. Elle le fixa à nouveau et vit qu’il ne mentait pas. Elle baissa d’un ton.

-« Ta bonté te perdra Seiyar, Marine te l’a déjà dit. Pourquoi te soucierais-tu de moi alors que j’ai souhaité ta mort plus que tout ? »

-« Parce que je tiens à toi »

-« ?!!! »

Jamais elle n’aurait pensé entendre une chose pareille. Elle avait souhaité un millier de fois se retrouver dans cette situation. Le moment où il lui dirait qu’elle ne lui était pas indifférente, où elle pourrait enfin entrevoir l’espoir de laver son honneur en faisant le choix d’aimer et pas de tuer. Elle constata sa détermination.

-« Sais-tu vraiment dans quoi tu t’engages Seiyar ? »

-« Je t’avoue que non. Je ne connais rien à l’amour. Mais je suis sûr d’une chose : on ne laissera personne te faire du mal »

-« Tu ne sais pas ce que tu dis… je dois rentrer en Grèce. Si je ne rentre pas c’est la mort assurée, malgré tout !. Que je parte ou que je reste le Pope enverra des assassins… ou me tueras à distance »

-« Quoi ?. Comment un homme ordinaire pourrait-il accomplir une telle chose ? »

-« C’est justement là que le bas blesse Seiyar. Vous ignorez qui est véritablement le Pope ! »

-« Parce que toi tu le sais peut-être ? Qu’est-il advenu de toi Shaïna ? Je te croyais bonne au fond… Marine et toi étiez amies par le passé. Alors je t’en prie, si tu as un tant soit peu de sentiments pour moi, je te demande de me dire ce que tu sais !»

 

Elle baissa la tête, craignant ce qui allait suivre.

-« Je ne peux pas trahir le Sanctuaire… »

-« Tu le servirais au contraire !!. Car qui sert Athéna, sert la justice !. Qui est vraiment le Pope ? Quelle est l’étendue de son pouvoir ? »

Shaïna devait choisir son camp, le moment était venu. Elle ne pouvait plus reculer.

-« Le Pope n’est pas l’homme que tu as connu. Arlès a été assassiné !!»

La nouvelle fit chez lui l’effet d’une bombe !.

-« Comment ?!!! Mais qui a pu faire une telle chose ?!! »

-« Saga ! »

-« Saga ? Mais qui est-ce ? »

-« Je t’ai dis ce qui était arrivé, mais je ne peux t’en dire plus. C’est tout ce que je sais !. Saga possède un pouvoir gigantesque, un pouvoir dont je n’ai jamais pu constater l’étendue, mais qui s’apparente facilement à celui d’un chevalier d’or. Ce qui est anormal, c’est cette sensation d’être menacé en permanence, comme si un pouvoir maléfique s’était ajouté à ses capacités propres »

-« Que veux-tu dire ? Tu penses que Saga pourrait avoir obtenu l’appui d’une puissance démoniaque ? »

-« Je n’en sais rien, mais ça ne m’étonnerait pas !!. Quand j’ai été convoquée avant ma venue ici, j’ai très bien perçue cette atmosphère pesante et sombre. J’en avais des tremblements, comme si d’un seul mouvement il avait pu me rayer de la carte. Cet homme ne souffre aucune concurrence et personne ne connaît ses véritables origines, qui il est et d’où il vient. Crois moi quand je te dis que c’est une folie. Votre entreprise est vouée à l’échec, même si cette fille que tu protèges dit être la déesse Athéna !!»

-« Elle l’est réellement »

Shaïna se baissa pour enfiler ses chaussures. Il la laissa s’appuyer sur lui. Elle ne répondit pas.

 

Saori…

 

Elle n’avait jamais eu l’occasion de la voir de ses propres yeux, mais Seiyar semblait lui vouer une sorte de dévotion particulière. Qu’est-ce que cette femme avait de plus qu’elle ? Un manoir, beaucoup d’argent ? … son cœur se serra. Avait-elle mal interprété les paroles de Seiyar lorsqu’il disait tenir à elle ?.

-« Quelque chose ne va pas ? »

-« Non… non tout va bien »

-« S’il te plaît, regarde moi »

-« … »

-« Regarde moi Shaïna… »

Elle finit de nouer ses sandales et se tourna à nouveau vers lui. Il fut bouleversé en voyant qu’elle pleurait. Loin d’en éprouver de la honte, la jeune femme avait accepté de laisser son carcan de guerrière au placard, pour se montrer dans son plus simple appareil, celui d’une femme. Une femme amoureuse et vulnérable qui savait que l’homme auquel elle tenait ne lui appartiendrait jamais totalement. Elle se prit à envier Marine… pourtant, elle aussi devait savoir que tôt ou tard, tout chevalier de l’ordre en vient à choisir la déesse. Au final, celles qui s’attachent aux chevaliers du zodiaque y laissent des plumes. Cette aventure méritait t-elle d’être vécue ? Jusqu’où était-t-elle prête à souffrir pour le garder ? Serait-elle assez forte pour ça et survivrait-elle suffisamment longtemps pour le savoir? Pourtant, quelque chose en elle lui criait de ne pas laisser passer l’occasion, elle était trop belle.

-« Seiyar, j’ai… j’ai envie de t’embrasser… »

-« Mais je… »

-« Je t’en prie, accorde moi au moins ça. Je n’aimerais pas disparaître, sans savoir ce que ça fait de recevoir un baiser »

Elle tremblait, un peu honteuse d’avoir osé lui demander une chose pareille. Quant à lui, il fut totalement décontenancé par son changement d’attitude. L’instant d’avant, elle voulait le tuer et voilà qu’à présent elle lui demandait de l’embrasser !. Il bredouilla, mal à l’aise.

-« Je… je n’ai jamais fait ça »

-« Moi non plus… c’est important ? »

-« Je… je pense pas, non… »

Shaïna fut attendrie par autant de maladresse. Elle se laissa guider par son instinct. Embrasser quelqu’un que l’on aime, ça ne devait pas être très compliqué. Elle s’approcha de lui doucement et posa une main sur sa joue. Seiyar s’approcha à son tour, légèrement sur ses gardes, et leurs lèvres se frôlèrent pour un baiser chaste. Mais l’intensité ressentie par les deux à cet instant précis, les secoua comme un électrochoc. Ils reculèrent d’un même mouvement, comme si le contact de leurs bouches les avait brûlé. Shaïna se sentait libérée, mais elle ne pouvait rester.  Le préserver lui, le préserver autant que possible et gagner du temps pour leur permettre de venir au Sanctuaire. Elle devait gagner du temps.

-« Je dois partir maintenant… merci pour ton baiser Seiyar »

-« Je… est-ce que tu dois vraiment partir maintenant ? Je veux dire… Tu ne veux pas attendre que le jour soit levé ? »

-« C’est mieux que je parte maintenant… »

Elle alla chercher le masque, toujours posé sur la table de nuit et lui jeta un dernier coup d’œil avant de le placer sur son visage à nouveau. Lorsqu’elle ouvrit la fenêtre de la chambre et se prépara à sauter à l’extérieur pour repartir, Seiyar posa une main sur son bras droit.

-« Promet moi que je te reverrais »

Le masque se tourna vers lui. Elle resta silencieuse un instant puis s’exclama, d’un ton redevenu ironique.

-« Tu crois qu’on vit éternellement Seiyar ?!! On se reverra, j’y compte bien !! Ah ah ah !! »

Il tenta de la suivre du regard à travers les premières brumes matinales, mais ce fut peine perdue. Elle était déjà loin…

 

_____________________

 

 -« Marine… il est temps pour nous… »

La voix avait surgit au creux de ses rêves dans un agréable murmure, caressant au passage sa nuque et l’épaule découvertes. Il la contempla un moment comme pour graver à jamais l’image de la femme qu’il aime dans sa mémoire, puis passa une main dans ses cheveux. Il la serra contre lui alors qu’elle s’éveillait, encore chamboulée par le plaisir qu’il lui avait donné. Elle se retourna pour se nicher dans l’étau chaleureux de ses bras. Elle murmura contre lui…

-« J’aimerais que cet instant ne finisse jamais… »

Il embrassa ses cheveux.

-« Tout à une fin amour… nous devons partir. Nous ne devons pas oublier notre mission»

-« Oui… notre mission comme tu dis »

Elle avait dit ça d’un air las, comme si elle avait souhaité être une femme ordinaire tout à coup. Elle s’arracha à l’étreinte à contrecoeur et s’assit sur le rebord du lit. Elle tourna la tête et vit qu’il la regardait, la tête appuyée sur une main.

-« Laisse moi prendre une douche et nous y allons »

Elle allait se lever quand il l’attrapa par la taille et la ramena sous les draps en souriant.

-« Laisse moi la prendre avec toi alors… »

 

 

 

Une heure plus tard, les deux chevaliers étaient sur le départ. Avant de remettre son masque, Marine l’interrogea.

-« Devons nous les prévenir? »

-« Il est plus sage d’éviter. Plus tôt nous serons rentrés, mieux ce sera. Tu es prête ? »

-« Je dirais même plus que ça. Je suis déterminée ! »

-« Bien… alors c’est parti ! »

Aiolia la prit dans ses bras (sa vitesse était supérieure à celle de Marine) et s’éloigna du manoir des Kido, à la vitesse de la lumière. Déterminé lui aussi, il prit la direction du Sanctuaire, non sans avoir une pensée pour l’armure du Sagittaire et pour son frère.

 

___________________

 

Palais du Pope…

 

-« Je soupçonne le chevalier du lion de vous avoir menti pour aider les bronzes et s’assurer du sort du chevalier de l’Aigle. Ils ont toujours été très proches, donc cela ne m’étonnerait guère si mes suppositions se confirmaient »

-« Milo… tu es malin mais je n’accuserais pas un de mes chevaliers sans preuve »

-« Il me semble qu’en tant normal ce genre de détail ne vous embarrasse guère… »

-« Hmpf !!... Si tu veux bien, garde tes remarques désobligeantes pour toi… Que font les autres ? »

-« Tous sur le qui vive Altesse. Mu est revenu il y a peu mais le vieux maître est toujours introuvable. Angelo est partit faire une ronde sur la côte pour surveiller les allées et venues, mais pour l’instant rien n’est à signaler »

-« Et Shaka ? Que fait-il ? »

-« Le chevalier de la Vierge est entré en méditation. Il semblerait qu’il ait à s’occuper d’un importun nommé Phénix »

-« Phénix dis-tu ???!!! Je le croyais disparu suite à sa trahison !!! C’est à cause de lui que nous avons perdu Docrate !»

-« … je pense que vous n’avez pas à vous inquiéter… il lui aura régler son compte rapidement »

-« Bien… je ressens la présence des autres chevaliers…ils sont à leur poste… tu peux te retirer maintenant »

Milo fit une révérence et s’éclipsa, soulagé d’en avoir finit avec le Pope. Bien que celui-ci lui accordât sa confiance, il restait méfiant quant à son identité, s’interrogeant sans cesse sur ses intentions. Il pensa à Shura, le Capricorne. Il songea…

-« Voilà plusieurs jours que Shura n’a pas quitté son poste. Il semble encore plus déterminé qu’avant. Personne n’a pu oublier la trahison d’Ayoros… il sait que le moment approche où nos idéaux viendront rencontrer ceux de ces traîtres de chevaliers. C’est une valeur sure… je ne peux m’empêcher pourtant de soupçonner une trahison encore plus vile… le Pope ne m’a pas tout dit…j’ai tout intérêt à rester prudent. Il ne fait pas bon traîner dans les parages par les temps qui courts »

Lorsque le Pope s’en alla prendre du repos il fut saisit d’horreur en passant près des urnes d’or, jalousement conservées dans ses appartements privés. L’armure la plus précieuse entre toutes manquait à l’appel !.

-« Disparue !!!!!!!!! Non, c’est impossible !!!! »

 

. . .

Non loin de là, en plein océan Atlantique, une lumière dorée agitait les flots tranquilles. L’armure d’Ayoros reposait paisible, attendant son heure.

. . . 

-« Ils sont partis… »

-« Que dites-vous ? »

-« Aiolia et Marine sont partis, ainsi que le chevalier de bronze d’Ophiuccus. J’espère seulement qu’ils resteront de notre côté, nous aurons grand besoin d’eux lors de l’affrontement final. Seiyar… l’armure a disparue. As-tu une idée de l’endroit où elle aurait pût se rendre ? »

Il fixa la princesse avec gravitée, se préparant comme Shyriu et Hyoga l’avaient faits deux jours plus tôt, à lui révéler les paroles de Shaïna. Saori ne sembla pas surprise.

-« J’ai senti en effet que le Pope n’était plus le même homme, mais j’attendais confirmation. Il est intéressant de remarquer que parmi nos ennemis certains se rallieront peut être à notre cause »

-« Si vous aviez révélé votre identité plus tôt princesse, certaines morts auraient pu être évitées »

-« Je ne savais pas tout… longtemps mon grand père m’a tenue dans l’ignorance de ma véritable nature. Athéna ne s’est manifestée à moi que tardivement, même si je sentais au fond de moi, une force particulière qui m’animait. J’ai conscience de l’ampleur du sacrifice demandé. Vous tous devez savoir que nous risquerons nos vies en allant au Sanctuaire. C’est pourquoi j’insiste pour que les préparatifs soient scrupuleusement planifiés. On ne peu pas se permettre d’échouer sitôt arrivés ».

-« Oui, je suis d’accord avec vous… nous sommes tous prêts à mourir si le devoir l’exige, cependant… nous ignorons quelles forces nous attendent une fois là bas »

Shyriu avait parlé avec sagesse, fort des enseignements reçus en Chine, inquiet pour celle qu’il y avait laissé. Shunreï l’attendrait, quoi qu’il arrive, mais il l’avait prévenue. L’issue du combat pouvait être fatale. Tel était leur destin. Il se rappela leur dernière conversation, la veille de son retour au Japon.

-« Tu repars déjà ?... le vieux maître m’avait prévenue, je ne devrais pas m’inquiéter autant. Tu es un chevalier après tout, j’y était préparée »

-« Ma vie est consacrée à la préservation de l’humanité… et des personnes qui me sont chères. A part le maître, toi, mes compagnons et Athéna je ne peux compter que sur moi-même. L’occasion ou jamais de ramener l’ordre au Sanctuaire »

-« J’aimerais parfois ne t’avoir jamais rencontré »

-« Pourquoi dis-tu ca ? »

-« Aimer un chevalier demande des sacrifices différents des vôtres, mais tout aussi importants. Je prie pour toi chaque fois que je te sens en danger. Et à chaque fois mon cœur se fend à l’idée de ne plus jamais te revoir »

-« Shunreï… »

Oui… aimer un chevalier demandait des sacrifices. Il se jura de revenir aux cinq pics vivant, ne serait-ce que pour la serrer à nouveau dans ses bras.

 

--------------------------

-« Tu as peur… »

-« Pourquoi serais-je effrayée ? »

Camus était étendu sur une banquette en coton blanc, la tête posée sur oreiller de plume, une frêle jeune femme réfugiée dans ses bras. La chaleur avait encore été intense ce jour là. Depuis le temple du Verseau, perché sur les hauteurs de la colline sacrée, on pouvait observer les étoiles. Arsinoé les contemplait aussi, songeant avec inquiétude aux jours à venir. Il la serra plus fort et lui indiqua la voûte céleste.

-« Regarde Arsinoé… tu vois cette étoile là haut ? C’est la constellation du Cygne »

-« Quel est cette étoile plus brillante que les autres ? Là au centre ? »

-« C’est Deneb… l’étoile principale de la constellation. On l’appelle aussi la Croix du Nord. En juin, un triangle se forme entre le cygne, l’aigle et la Lyre.Peut être un présage… On l’appelle le Triangle d’été. Il est formé par Deneb, Altaïr et Véga »

Il ne put s’empêcher de penser au chevalier de l’Aigle… et par la même occasion, aux propos échangés une heure plus tôt avec Milo. Quant au cygne, il lui rappela le disciple du seigneur Cristal. Il fronça les sourcils…

-« Maître Camus, à quoi songez vous ? »

La voix fluette échappée de la gorge douce de sa compagne, extirpa le chevalier d’or de ses réflexions.

-« Maisà rien du tout voyons… je pensais aux jours à venir. Rien de grave, ne t’inquiète pas »

-« J’ai peur de vous perdre seigneur… pardonnez mon impudence mais j’aimerais parfois être certaine de vous garder »

-« Allons, allons… tu t’égares… dois-je te persuader par un autre moyen que tes inquiétudes sont inutiles ? »

Sa remarque déclencha chez Arsinoé, un rire fluet. Camus mit fin à la conversation en l’embrassant sous le ciel toujours immobile. Pourtant, au Nord, Polaris brillait d’un éclat rouge sang. Bien qu’absorbé par ses gestes, Camus en prit conscience. Alors qu’il basculait sur un corps consentant, il eu une pensée pour Hyoga.

-« Ne viens pas ici Hyoga, ou c’est la mort assurée… Si tu persistes à protéger une chimère tu trouveras la mort sur ta route »