Chapitre 18 : La proie du doute

 

Seiyar l’avait échappé belle. Aiolia avait bien faillit le tuer, prit au piège de la volonté maléfique du Pope. A qui devait-il son salut ? Pas à Athéna cette fois, il devait se rendre à l’évidence… mais bel et bien à son ennemi de jeunesse. Son cœur battait de façon désordonnée mais cela n’était pas dû à la fatigue. Il s’en voulait presque de n’avoir rien pu faire pour le sauver. La voix de Shaïna résonnait encore dans son esprit :

« Ta gentillesse te perdra Seiyar »

Oui elle avait raison, mais c’était plus fort que lui. Ne pas ressentir de tristesse à ce moment précis aurait été malvenu. Il aperçu l’entrée du prochain temple. Environnement emprunt de calme et de sérénité… paradoxe étrange avec l’agitation qui germait en lui de façon progressive. Tout s’effondrait alentour, toutes ses belles certitudes, sa confiance aveugle en son ami, le prestige du Sanctuaire, l’infaillibilité de la déesse… jamais il n’aurait soupçonné que Marine puisse pénétrer l’enceinte des temples sacrés… il ne pensait pas qu’elle se préoccupait d’Aiolia à ce point. Il aurait aimé la soutenir mais ne pouvait plus retourner en arrière. Une nouvelle fois, il devait accomplir son destin.

 

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Les pas de la femme chevalier étaient pesants, emprunts de gravité, au moment où elle s’apprêtait à quitter les douze temples. Passant près de la maison du bélier, elle croisa Aldébaran, le saluant d’un discret signe de la tête. La tristesse qu’elle dégageait en cet instant n’échappa pas au deuxième gardien, de même que l’état suspect de son armure. Bien qu’étant charpenté comme un roc, il connaissait la sensibilité des femmes et leurs tracas. Mais dans le cas du chevalier de l’Aigle, il trouvait son attitude inhabituelle.

-« Triste jour pour les roses… c’est bien ce que je pensais… »

-« Que dis-tu ? »

-« Tu as vu Aiolia n’est-ce pas ?... il aurait mieux valut ne pas revenir. Le Sanctuaire est devenu un endroit maudit !»

-« Non… je m’apprêtais à retourner monter la garde ! »

-« Ne joue pas à ça avec moi Marine… tu as toujours été forte tête mais je sais bien ce que tu éprouves. Et si je peux me permettre un conseil, rentre chez toi ! »

-« Tu me connais mal… je ne suis pas du genre à attendre patiemment les bras croisés. Surtout pas quand la déesse est en danger. Les sentiments… je ne suis pas censé en avoir, tu le sais !… »

Le Taureau fronça les sourcils. Il pouvait sentir une altération profonde au sein du cosmos de l’Aigle, signe de son désarroi. Pourtant il refusa de la pousser à bout… Elle avait d’avantage besoin d’un ami. Il cessa de la fixer et reporta son attention sur le toit de la première maison, légèrement en contrebas.

-« Bien entendu… je dois te laisser, Mü m’attends. Je suis censé lui rapporter un élixir de guérison pour sa patiente»

-« Sa patiente ? »

-« Shaïna est dans le coma. Shyriu a été contraint de l’empêcher de poursuivre sa route. Elle s’était mit en tête d’aider Seiyar à combattre le Pope… »

-« Comment s’est-elle retrouvée ici ??? Moi qui pensait avoir tout vu et tout entendu… voilà bien encore une histoire qui mènera l’ordre à sa perte ! »

-« Ca ne te ressemble pas de parler comme ça Marine… Tu devrais accepter tes sentiments au lieu de tenter de les renier !. Athéna n’a jamais ordonné de bafouer ses désirs… l’essentiel est de rester dans le droit chemin et de préserver la paix »

-« Que sais-tu de l’amour? »

Le silence dura quelques secondes avant qu’Aldébaran ne se décide à répondre en soupirant pesamment.

-« J’en sais suffisamment… »

Marine ne chercha pas à en savoir d’avantage. Le deuxième saint d’or était probablement plus sensible qu’il n’y paraissait et il n’avait soufflé mot à personne de son passé et de sa vie privée. Si Shaïna avait réussie à passer la barrière des temples, c’est qu’il avait dû lui arriver quelque chose de grave. Marine brisa le silence qui s’était installé.

-« Que lui est-il arrivé ? »

-« Je crois qu’elle s’est fait attraper par un des sbires du Pope à son arrivée. Je l’ai croisé alors qu’elle tentait de rentrer au camp ! »

-« Est-ce que tu sais qui l’a emmenée ? »

-« Non… mais Mü pense que c’est l’un d’entre nous. Etant donné que ton disciple et ses compagnons ont pu passer les premières épreuves et accéder à la cinquième maison, ils ont certainement réglé le sort du coupable ! »

-« Je l’espère… maintenant… excuse moi mais je dois partir »

-« Méfie toi quand tu rentreras… il semble que l’agitation se soit emparée du camp en votre absence. Je crains le pire ! »

-«Merci… »

Aldébaran hocha la tête d’un air sérieux et la regarda s’éloigner en silence.

-« Pauvre Marine… tout le monde ici sait quels sentiments la lient à Aiolia… mais les jours qui s’annoncent ne présagent rien de bon…arrivé un moment, il nous faudra  tous faire un choix…»

Cessant de remuer sa conscience, il se mit en route pour la maison du Bélier, où son ami l’attendait.

 

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Lorsque Shun et Shyriu accédèrent à la maison du Lion ils pensaient y trouver Seiyar, plus mort que vif. Pourtant, seul un pesant silence les accueillit. De légers bruits de pas se firent entendre, attirant leur attention.

-« Attention Shun, méfie toi !. Il s’agit sûrement du chevalier du Lion ! »

Andromède s’apprêtait à attaquer, lorsque la voix lourde du cinquième gardien leur parvînt.

-« Inutile de vous inquiéter… vous ne risquez rien ici ! »

-« Je ne comprends pas… où est notre ami Seiyar ? »

-« Seiyar est déjà en route pour la sixième maison, si j’étais vous je ne perdrait pas une minute de plus et irait le retrouver ! »

Le dragon questionna son ami du regard et une demi seconde suffit pour qu’ils prennent leur décision.

-« Merci chevalier… mais… »

Le regard de Shyriu se posa instinctivement sur le corps sans vie reposant entre les bras solides du Lion. Il ne pût s’empêcher de poser la question qui lui brûlait les lèvres.

-« Est-ce que cet homme est ?... »

-« Oui… cet homme m’a libéré… et a sauvé votre ami par la même occasion !... je dois assumer mes actes et ensevelir son corps… ce que j’ai fait est impardonnable ! »

-« … »

Les bronzes gardèrent le silence en signe de respect. Quelque chose d’autre s’était produit, mais cela ne les regardait pas. Les profondes crevasses qui marbraient de long en large la dépouille de Cassios traduisaient à elle seules la puissance de l’attaque qu’il avait reçu. Ils ne devaient pas s’attarder… malgré leur désir d’en savoir plus. Il fit signe à Shun mais Aiolia les retînt encore quelques instants.

-« Attendez !! »

-« … ? »

-« Avant de partir je dois vous mettre en garde. Le gardien de la prochaine maison est le chevalier de la Vierge, Shaka. En aucun cas vous ne devez le laisser ouvrir les yeux si vous voulez avoir une chance de vaincre !. N’oubliez pas non plus le septième sens… c’est la seule chose qui pourra vous sauver… »

Les deux compères remercièrent d’un signe de tête leur hôte et se mirent rapidement en route. Ils rejoignirent au plus vite Pégase, qui se préparait à combattre.

 

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Arsinöé ne voulait plus attendre. Elle voulait connaître le secret de cette chevalerie mystique. Elle voulait connaître les risques encourus par Camus et de quoi était fait sa vie. En vérité, elle savait peu de choses sur le Sanctuaire. Toutes les fois où elle se rendait chez le Verseau, c’était sous bonne escorte et elle ne voyait rien d’autre que les escaliers monumentaux, l’ombre nocturne de quelques temples et l’antre de son âme sœur. Jamais plus… jamais moins. Mais la conversation qu’ils avaient eu ensemble la veille de la séparation avait ravivé sa curiosité. Le vieux sage l’avait pourtant mise en garde.

Elle ne devait pas aller rendre visite à Shura maintenant. D’ailleurs rien ne garantissait qu’il fût l’ami de Camus. Elle se posa un instant pour réfléchir à la question. Elle réalisa brutalement qu’elle s’était mise en tête toute seule cette hypothèse, sans avoir l’occasion d’en vérifier la véracité. Pourquoi s’intéressait-elle à Shura ? Après tout, rien ne lui garantissait un accueil chaleureux. Elle décida de ne pas se poser plus de questions et prit la direction du mont sacré d’un air décidé.

Elle constata la grande agitation qui régnait aux pieds du domaine. Lorsqu’elle accéda au terre-plein supérieur qui dominait les arènes, elle vit des soldats aller et venir dans un vent de panique incontrôlé. Un miracle qu’elle soit arrivé là sans encombres !. Elle ne se rappelait pas avoir vu tout ça. Des temples magnifiques, immenses… un peu usés par le temps. Un escalier monumental, deux immenses arènes et ce qu’on aurait pu appeler un village intérieur, niché aux pieds de remparts étourdissants tant ils étaient grands. C’est au moment où elle s’avançait vers les marches de cette impressionnante acropole, qu’elle fut stoppée dans son dessein par le chevalier d’or du Bélier. A ses côtés, Arsinöé cru apercevoir un corps de femme étendu sans vie, mais elle n’eu pas le loisir de se demander de qui il s’agissait. L’homme à la chevelure mauve et à l’armure étincelante lui fit face, surpris de voir que la personne qui se tenait devant lui n’était qu’une simple jeune femme âgée de dix huit voir neuf ans, tout au plus. Il la questionna :

-« Je peux savoir où vous comptez aller comme ça ? »

-« Je voudrais passer. Je suis venir voir quelqu’un »

-« Puis-je savoir qui ? »

-« Je… Il s’appelle Camus… je viens voir le chevalier du Verseau »

En entendant les paroles d’Arsinöé, Mü faillit s’étouffer.

-« Camus !!? On ne vous a pas mit au courant de la situation j’ai l’impression !. Je regrette mais je ne peux vous laisser passer !!»

-« Je ne comprends pas. Je vous croyais un de ses amis. N’est-ce pas le cas ? »

-« Ecoutez… Camus ne serait pas tout à fait ravi d’apprendre que vous risquez votre vie inutilement en venant ici… il me semble que retourner auprès de votre famille serait une sage décision»

-« Je vous en prie… puisque vous le connaissez… je ne suis pas étrangère au domaine, je viens de  Rodario ! Et ce qui se passe ici nous concerne également il me semble !!... et pour la famille… et bien je n’en ai plus depuis longtemps !»

En entendant l’horrible évidence, Mü fut contraint de s’adoucir un peu. Si jeune et pourtant déjà seule face à la vie…

-« Camus ne vous à rien dit pour ne pas vous inquiéter. C’est la guerre ici !. Ouvrez les yeux… vous constaterez que le Sanctuaire est sous bonne garde… Je vous conseille de rentrer chez vous ! »

Une voix forte et un peu rude se fit entendre :

-« Du calme Mü ! Tu vas finir par nous l’effrayer… Il me semble avoir déjà vu ce petit oiseau là… »

Aldébaran s’était tourné en direction d’Arsinöé, observant la jeune fille d’un regard bienveillant. Immédiatement, la jeune femme le reconnut. Elle l’avait effectivement déjà croisé. Un jour où elle était venue chez maître Camus. Ils l’avaient tous deux surpris en compagnie d’une petite fille brune aux cheveux courts. Ils étaient assis au centre d’une belle pelouse verdoyante près de ce que le Verseau avait appelé « le jardin des Hespérides du Taureau ». Les laissant à leur discussion, ils avaient poursuivis leur route. Ce souvenir l’attendrit, à la fois parce qu’il lui ramenait des sensations de bonheur perdues et parce qu’elle se rendait compte des intentions protectrices du colosse d’or.

Elle s’avança vers Aldébaran, tout à coup un peu gêné face au sourire éclatant qu’elle lui adressa, au grand désespoir de Mü. Connaissant par cœur son compagnon d’armes, il se doutait que la partie serait difficile à remporter. La petite était bien trop déterminée à son goût et il semblait évident qu’elle ne renoncerait qu’après avoir épuisé tous ses atouts. En l’occurrence, le regard du Bélier se posa sur celui du Taureau qui, désireux d’aider la belle à la bouille adorable, se laissait déjà embobiner et n’approuva pas. Mü fit la moue. Ce n’était ni le moment, ni l’endroit !!. Les deux complices le fixèrent d’un air suppliant. Exaspéré, le Bélier piqua une colère noire. 

-« Non non et non !! »

-« Mais quoi enfin ?!! Je voulais juste aider !. Et la guerre n’empêche pas d’être galant envers les jeunes filles … Allé, quoi… Mü, laisse lui une chance !. Qui sait où nous serons demain ou même dans dix ans !. Et puis le danger n’est pas chez Camus !… elle n’a rien à voir avec tout ça… »

Arsinöé se cacha derrière le Taureau. Elle fixa Mü de son regard d’acier et s’exclama :

-« Vous au moins,  vous êtes compréhensif !! »

Mü haussa les sourcils d’un air navré.

-« Ca suffit !! Vous ne me ferez pas prendre ce risque !. Aldébaran !!... tu es ridicule. Elle ne passera pas, un point c’est tout !. D’ailleurs je dois retourner immédiatement auprès d’Athéna… et toi tu ferais mieux de reprendre ton poste, on ne sait jamais !»

Arsinöé écarquilla les yeux.

-« Athéna ? La déesse !!? C’est donc pour elle que maître Camus fait tant de mystère ? »

-« Je te conseille de tenir ta langue petite… et encore une fois je le répète : rendre chez toi »

Le regard du chevalier d’or pénétra celui d’Arsinöé.

-« Oui, je te conseille de partir car ici c’est la mort qui t’attend… ou la peine… »

L’espace d’un instant, elle eu la sensation d’avoir perçu un message subliminal. Comme si le chevalier lui avait parlé par la pensée, uniquement à travers le regard. Elle cligna des yeux et secoua la tête pour reprendre contenance. Mü s’était éloigné… ne restait que le vent. Aldébaran se trouvait bien embarrassé. Mü avait prit la fuite ou plutôt… il le laissait régler ce problème à sa manière. Il avait l’habitude des jeunes en général. Mais il fallait avouer que le cas était particulier. Jamais il n’aurait pensé que Camus dissimulait dans ses tiroirs une beauté pareille. Il tenta d’en savoir plus.

-« Pourquoi tiens-tu tant que ça à revoir le chevalier du Verseau ? »

-« Camus est l’homme que j’aime… depuis que ce conflit est déclaré il n’est plus le même. J’aimerais être auprès de lui. C’est ma place… »

-« Pardonne l’attitude de Mü, mais il a dit vrai au sujet de la situation ici. La guerre n’est pas une chose que l’on peu prendre à la légère !. L’amour n’est pas pour les chevaliers… ou alors au bon moment… je ne crois pas qu’aujourd’hui soit un jour propice à une rencontre… comprends-tu ? »

Arsinöé se baissa et s’assit sur une des marches de marbre. Elle passa ses bras sous ses genoux et appuya son menton sur leur extrémité d’un air songeur. Aldébaran resta debout, de peur de s’attendrir. 

-« Que voulais-tu savoir de Camus ? »

-« Tellement de choses… pour être totalement franche, j’ai parfois l’impression de n’égayer que ses nuits… »

Le chevalier du Taureau déglutit. Cette petite allait finir par le rendre nerveux…

-« … j’aimerai connaître le secret de votre ordre. Savoir quoi faire pour l’aider à mieux supporter la solitude propre à sa mission. J’aimerais qu’il me parle d’Athéna et des raisons de ce conflit… j’aimerais savoir où je vais… savoir si notre amour à un avenir ou non… je… j’en suis venue à souhaiter être en danger pour qu’il se décide à me rejoindre… mais vous me direz sûrement que c’est une réaction puérile… »

-« Tu attends peut être beaucoup de lui ? Les chevaliers d’or restent des hommes… peu au fait des choses du monde extérieur… nous n’avons que peu d’expérience en matière de sentiments… même si… tu sais je vais te confier une chose : il y a quelques années de ça j’ai connu une jeune fille, elle était un peu plus âgée que toi… au départ elle ne voyait en moi qu’une sorte de grand frère un peu trop protecteur, un mentor… quelqu’un qui lui donnait de bons conseils et la poussait à s’entraîner»

-« Que s’est-il passé ? »

-« Elle a été attaquée alors que je me trouvais en mission à l’étranger… »

-« Mais je croyais que vous n’aviez pas le droit de sortir du Sanctuaire ?!! »

-« Sauf sur ordre du Pope, qui est notre autorité tutélaire après la déesse. On nous avait signalé des rôdeurs venus du monde souterrain. La guerre entre les dieux et les hommes… ou plutôt entre le bien et le mal dure depuis la nuit des temps. Nous avons des pouvoirs extraordinaires qui nous rendent plus solides que la plupart des êtres humains mais nous n’en restons pas moins des hommes faits de chair et de sang… nous pouvons mourir n’importe quand… et restons soumis à la volonté divine »

-« Comment avez-vous réagit après ça ? »

-« J’étais effondré, j’en voulais à mes camarades… certains étaient au courant de mon amour pour elle. Mais bien entendu c’est arrivé à un moment où elle était seule et isolée. J’ai fini par comprendre avec amertume que l’amour n’était pas fait pour moi… ou plutôt pour nous… »

-« Je… je suis désolée pour ce qui est arrivé… Comment s’appelait-elle ? »

-« Elle s’appelait Livia »

-« C’est un beau prénom… la mythologie dit toujours que les demi dieux sont guidés par l’aigle de Zeus, qui leur montre la route… ou par une guerrière aussi forte qu’un homme qui leur ait donné en guise de porte bonheur. J’aimerais qu’il me guide ou qu’il enlève ce sentiment que j’ai en moi. Si je pouvais m’empêcher d’aimer, tout serait plus simple… en vérité je n’ai pas accepté d’être mise sur la touche. Ne pas être impliquée dans la vie de la personne à qui l’on tient c’est pire que tout !»

-« Les demi dieux ? De qui parles-tu ? »

-« De vous autres… les chevaliers… »

-« … Arsinöé… si Camus ne reviens pas te chercher très vite je crains qu’une autre personne le fasse… »

-« De qui parles-tu ? »

-« … tu le sauras bien assez tôt. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas. Ma porte sera toujours ouverte à ceux qui en ont besoin… »

-« Je comprends… je ferais mieux d’y aller… s’il tient vraiment à moi il me gardera en sécurité jusqu’à ce que tout ça soit terminé… Mais… »

-« Mais quoi ? »

-« J’aimerai tellement lui apprendre ce qu’est la vie en dehors d’ici…»

Aldébaran avait de la peine pour elle. Comment lui faire comprendre que jamais Camus ne quitterait ces lieux ?. Comment lui montrer l’ampleur de leur devoir et le risque encouru ?. Ils pouvaient mourir à tout moment, sans avoir le temps de saluer leurs proches… ce qui explique pourquoi les chevaliers étaient la plupart du temps orphelins… pas d’attaches, pas de sentiments… pas de souffrances. Mais c’était sans compter sur le destin et les tours qu’il jouait parfois.

-« Bien… Arsinöé… En tant que chevalier d’or je me dois d’assurer la protection de toutes les personnes liées de près ou de loin au Sanctuaire… Rodario est aussi sous notre protection. Je vais te raccompagner »

La jeune femme se rendit compte qu’elle avait perdu. Elle ne pourrait pas voir Camus, ni Shura… si Aldébaran savait se montrer compréhensif, il n’était pas fou au point de vouloir enfreindre les règles. Elle jeta un dernier regard derrière elle comme pour tenter de voir le visage tant espéré, mais elle était bien trop loin… elle se résigna.

-« … inutile de me raccompagner chevalier… je trouverais la route seule… mais merci pour la leçon…»

-« … »

Il la laissa s’en aller, un peu triste ne n’avoir rien pu faire pour l’aider. Une fois la silhouette lui rappelant celle d’une autre jeune fille disparue à l’horizon, il s’en alla rejoindre le Bélier. Il le trouva aux côtés d’Athéna, toujours étendue aux pieds des marches sacrées. La flèche d’or enfoncée plus profondément que quelques heures plus tôt dans sa poitrine. A l’endroit de l’impact s’était formée une tâche rougeâtre, signe que les chairs étaient déjà profondément atteintes. Aldébaran s’agenouilla.

-« Alors ? Elle a finit par accepter de partir ? »

-« Je l’ai persuadé d’attendre la fin du conflit… sans évoquer la possibilité que Camus soit blessé… »

-« Ou peut être même tué s’il persiste à vouloir affronter son disciple… »

Le Taureau n’insista pas sur le sujet. Chaque chevalier semblait avoir un conflit à régler avec le destin… des problèmes épineux surgissaient chez les uns et les autres, réveillés par un conflit qui s’avérait stérile et sans aucun sens. Les yeux noisette du chevalier se posèrent avec appréhension sur la flèche imbibée de sang.

-« Comment va-t-elle ? »

-« Pour le moment elle se maintient dans un état intermédiaire qui lui permet de suivre la progression de Seiyar et des autres chevaliers de bronze… mais d’heure en heure son pouls s’affaiblit et cela n’annonce rien de bon »

-« Et Shaïna ? Comment va-t-elle ? »

-« Je ne me fais pas trop de soucis à son sujet… à l’heure qu’il est, elle doit déjà être éveillée… »

 

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Intérieur de la maison du Bélier

-« Bon sang… me voici encore allongée dans un endroit que je ne connaît pas !. J’ai vraiment le chic pour me mettre dans des situations pas possible ! »

Elle se redressa et posa pieds à terre. La tête lui tournait. Elle porta la main à son visage pour vérifier que le masque s’y trouvait toujours… ses doigts touchèrent le métal froid, ce qui la rassura. Sa première pensée fut pour Seiyar. Elle se souvenait avoir rêvé de lui…

Observant les lieux, elle fut impressionnée par la décoration épurée mais majestueuse de l’endroit. Elle réalisa qu’elle se trouvait probablement dans l’une des douze maisons du Zodiaque… le signe qu’elle distingua sur l’une des corniches ne laissait aucun doute. Elle se trouvait bel et bien dans la maison du Bélier. Mais comment était-t-elle arrivée là ?!.

-« Je ferais mieux de rentrer… »

Elle bu le verre d’eau que l’on avait posé là à son attention, se leva et s’éloigna en silence vers le camp.

 

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Temple de la Vierge…

-« Imbéciles, vous pensiez réellement pouvoir me vaincre ?!!! Honte à ceux qui ont osé pénétrer ce sanctuaire de paix !. Par la toute puissante sagesse du Bouddha, je m’en vais châtier votre désobéissance ! Par le Trésor du ciel !!! »

-« Par les météores de Pégase !! »

-« Par la fureur du dragon !!!!! »

-« Par la chaîne nébullaire !!!!!!!! »

Les trois attaques ne firent à nouveau qu’effleurer l’armure éclatante du sixième saint d’or. Toujours confortablement installé en position du Lotus, Shaka narguait ses adversaires depuis son piédestal, les yeux clos par le déni de la haine, alors même qu’il infligeait à ses hôtes la pire des souffrances. Seiyar fut touché au plus profond, ses sens ne répondants plus à ses injonctions mentales… plus d’odorat, plus de goût, plus de touché… il tremblât. Shyriu résistât plus longtemps. Il l’interpella, alors que Shun se relevait courageusement.

-« Seiyar !! Relève toi !! Ne baisse pas les bras !! »

-« Je… je… »

-« Attention Seiyar, méfie toi de lui !! »

-« Eh bien chevalier Pégase, que t’arrive t-il ? Commencerais tu enfin par comprendre que tous les crimes que tu as commis jusqu’ici vont signer ta perte ?? »

-« Qui… Qui es-tu pour me juger ?? »

-« Tu oses me le demander ??... Le chevalier de la Vierge a toujours été depuis la nuit des temps, un des plus purs serviteurs d’Athéna !. Mais je sers avant tout Bouddha, le bienheureux. Lui qui a comprit que toute haine sur cette terre devait être anéantie »

-« Tais toi !!! Tu dis ça alors que tu passes ton temps à éliminer de pauvres innocents !! »

-« Chevalier Andromède… ton frère et toi ne vous ressemblez décidément pas du tout… je n’ai pas besoin d’ouvrir mes yeux pour savoir à quoi tu ressembles… »

-« Que veux-tu dire ?? Tu as connu mon frère ?? S’il était là je doute qu’il te laisserait maudire la justice de la sorte !! »

Shaka se mit à rire. Ses cheveux resplendissaient comme des fils d’or, l’armure était parfaitement taillée pour lui, épousant avec grâce les courbes presque féminines de son corps de saint. Cet homme pouvait aussi bien être Dieu que le diable… il fallait se méfier. Shun pensa à son frère.

-« S’il parle d’Ikki ça ne peu vouloir dire qu’une chose : c’est lui qui l’a attaqué sur l’île de la mort, ainsi que l’a pressentit Saori ! »

-« Ah ah ! Maintenant que tu connais la vérité Andromède… finissons-en ! »

-« Non, attends !! Tant que je serais vivant, tu ne toucheras pas à un seul de ses cheveux !! »

-« Quoi ? Encore toi ?!!! »

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Camp des femmes chevaliers, aux pieds du Sanctuaire…

Marine avait atteint le village sans encombres, désireuse d’aider les bronzes à sauver Saori. Pourtant, elle savait ne pas être de taille face aux chevaliers d’or. Elle décida finalement de s’entraîner, en surveillant de loin la suite des évènements. Elle commanda à l’armure d’argent de l’Aigle de reprendre sa forme première. Un éclair bleu parsemé d’étoiles l’entoura et les pièces de sa cuirasse retournèrent dans l’urne de protection. Presque nue dans la moiteur de l’été, Marine ôté son masque et s’approcha du métal encore chaud de son cosmos.

-« Tu es bien mal en point mon armure… tu as été blessée dans ton métal comme je l’ai été dans ma chair… il me faudra t’emporter jusqu’à Mü pour qu’il te répare… pour le moment je dois te laisser… »

En guise de réponse, l’armure se mit à tintinnabuler comme autant de clochettes, ce qui fit sourire la femme chevalier. Epuisée, fatiguée par les évènements, elle se laissa tomber sur son lit de fortune, inspirant et expirant profondément. A peine avait-elle fermé les yeux que le sourire d’Aiolia envahit ses pensées. Inutile d’essayer de dormir… elle se releva lentement et chercha du regard ses habits d’entraînement. Elle se dirigea vers sa commode pour en sortir une minute plus tard des bandelettes de lin épaisse, qu’elle serra autour de ses mains endolories par l’ascension de Star Hill.

Elle pensa à Shaïna, songeant que le réveil de sa rivale serait plus dur que sa léthargie. Plus dur à cause de ce qu’elle avait vu dans la maison du Lion. Un corps gigantesque étendu sans vie dans les décombres. Le corps de Cassios. Comment la jeune femme accuserait-elle le coup ?. Marine avait souvent surprit le colosse et son maître pendant les entraînements. D’elle ne se dégageait que sérieux et précision. Pas un signe d’affection… rien. Par contre il était évident que chez Cassios, quelque chose de plus existait. Elle pensa encore au Lion. A l’heure qu’il est il devait être en route pour le cimetière où il enterrerait le corps. Elle ne voulait pas songer à ça. Pas tout de suite du moins. Elle décida qu’il valait mieux s’éclipser pour retrouver le calme intérieur. Si cela était encore possible. Une fois changée et rafraîchit, elle se rendit aux arènes. La situation sur place était pire que tout. Un désordre sans fin régnait et une grande agitation. Elle croisa  un des gardes passant près d’elle et l’arrêta.

-« Que se passe t-il ici ? »

-« Maître… vous êtes en vie ?!! »

-« Là n’est pas la question. Dit moi plutôt ce qui s’est produit pour que la débâcle se soit emparée du camp ?! »

-« C’est terrible ! Le Pope a ordonné de faire assassiner toutes les recrues qui avaient un lien avec les chevaliers d’or ! »

Faisant mine de ne rien savoir, Marine demanda :

-« Comment ?!! Mais il a perdu l’esprit ?!! Pourquoi aurait-il ordonné une telle chose ?»

-« Nous essayons de nous préserver comme nous pouvons mais cela reste difficile ! Il a donné cet ordre dans le doute car il est persuadé que des traîtres sont rentrés incognitos au Sanctuaire sans en avoir reçu l’autorisation !. Comme personne n’a pu lui ramener ces fameux traîtres, il a donné l’ordre de purger la zone, persuadé que nous lui mentions et qu’il finirait par les trouver, en utilisant la force… mais c’est la pure vérité, aucun homme ne sait de qui il s’agit, ni où ils peuvent se trouver !. C’est une injustice ou alors un prétexte pour nous punir d’avoir prit les armes ! »

Marine réfléchit aux propos du garde et réalisa terrifiée que les traîtres qui étaient recherchés n’étaient autre qu’elle-même, Aiolia et Shaïna. Pour faire simple : les personnes qui étaient revenues vivantes du Japon. Ainsi, le Pope était t-il toujours à leur recherche !. Mais c’était se cacher derrière de faux prétextes, car il savait qu’Aiolia était ici, ainsi que Shaïna. La vérité se fit jour en elle : il la cherchait elle. Mais pourquoi. ?. Pour elle, la raison véritable de cette attaque imminente était la volonté de plus en plus accrue du Pope de dominer le Sanctuaire dans sa totalité, éliminant ses propres sbires si besoin… mais pour se méfier ainsi de tout et de tout le monde, Saga devait commencer à se sentir menacé. C’était bon signe… Seiyar et les autres chevaliers avançaient. Ils étaient sur la bonne voie, elle en était persuadée. Fixant le garde qui n’avait toujours pas bougé, elle ajouta :

-« Avez-vous organisé une défense ? »

-« Oui maître… Votre retour ne pourra que nous encourager. Ils agissent dans l’ombre pour mieux nous surprendre mais leur dernière vague d’assaut a pu être repoussée ! »

-« Bien. Je retourne aux arènes. Si besoin est tu sais où me trouver ! »

-« Oui… »

 

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Temple de la Vierge…

-« Toi ?!! Je te croyais mort… ou du moins… je pensais que mes avertissements t’avaient servis de leçon !. Visiblement je me suis trompé ! »

-« Et non tu vois, le Phénix à pour réputation de ne jamais céder face à la mort, quelque soit les blessures. Et tu vas regretter amèrement d’avoir osé t’attaquer à mes amis ! »

-« Tu désires te battre ? Si tu es en vie tu le dois uniquement à l’intervention inopinée d’une force exemplaire. Mais je ne peux pas croire qu’Athéna ait choisi de t’aider et te permettre de vivre, après tous les meurtres que tu as commis !! »

-« Mais peut être t’es-tu trompé justement !. Si tu ouvrais les yeux, tu comprendrais qu’Athéna est avec nous et non de votre côté ! »

-« Ca suffit s’en est trop !! Tu désires que j’ouvre les yeux ? Et bien tu vas être exaucé ! »

Seiyar qui n’avait pas encore perdu tous ses sens, se releva péniblement et tendit la main vers son ami.

-« Non… surtout pas Ikki !!! »

Trop tard ! Shaka ouvrit les yeux lentement. Une lumière aveuglante inonda l’ensemble du temple, percutant les bronzes par la même occasion. Seiyar fut balayé par le souffle produit. Andromède fit barrage avec sa chaîne. Ikki fit un bond de géant et s’abrita derrière une colonne alors que Shyriu gisait déjà inerte sur le sol. Aiolia l’avait dit « ne le laissez surtout pas ouvrir les yeux ». Tous se sentirent transportés dans une sorte d’univers parallèle entre le paradis et les enfers, un lieu où résonnait des chants liturgiques en langue mystique. Des mantras, des incantations, un parfum d’encens… les fleurs et les rires pour sombrer l’instant d’après dans le magma incandescent des mondes souterrains.

-« Illusion, ce n’est qu’une illusion !!! Shun !!! Lance ta chaîne sur lui, c’est le moment où jamais !! »

Andromède s’exécuta. Le projectile s’en alla droit sur l’objectif, mais à quelques centimètres du visage de Shaka, la chaîne retomba inanimée, comme si la sérénité intérieure du saint lui avait ôté toute volonté de lui nuire.

-« Impossible, je ne peux pas le croire !! Ma chaîne ne réagit plus !! »

-« Et bien… il semble que vous ayez enfin compris. Jamais vous ne pourrez nous vaincre… la justice divine est de mon côté ! »

Le chevalier d’or s’était levé, avançant vers eux d’un pas assuré mais emprunt de puissance. Shun recula.

-« Reste derrière moi mon frère… Seiyar n’est plus en état de combattre et Shyriu est inconscient… ne reste que nous deux pour vaincre cet homme. Ecoute moi bien maintenant. Je veux que tu déploies toutes tes forces pour arriver à la prochaine maison. Pendant ce temps j’assurerais tes arrières en combattant Shaka !! »

-« Mais Ikki. Jamais je ne te laisserais, je …. »

-« Ca suffit !! Je ne suis pas revenu du monde des morts pour voir mon frère s’abaisser à de la sensiblerie !. Tu vas te dépêcher et faire ce que je t’ai dit ! »

-« Bien… »

Shun s’exécuta, non sans avoir hésité une dernière fois. Shaka fronça les sourcils.

-« Tu ne crois tout de même pas que je vais laisser ton frère se payer ma tête !!! Il ne passera pas !!! »

-« Je t’en empêcherais !! »

Shaka déchaîna son énergie et la projeta sur Andromède. Au dernier moment cependant, les flammes incendiaires du Phénix de feu s’interposèrent.

-« Non mais c’est pas vrai, dites moi que je rêve !! »

-« Je viens de te le dire : jamais je ne te laisserais toucher à mon frère !. A présent je suis prêt à t’affronter, Shaka !! »

 

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Portes de Star Hill…

Se rendant au camp, l’Ophiuccus croisa Mü. Elle lui adressa un signe de tête et le remercia.

-« Merci de m’avoir soigné chevalier du Bélier… je crois plus sage de rentrer maintenant… »

-« Que ta route soit paisible. Bon retour ! »

Elle s’éloigna calmement, essayant de limiter la douleur dont elle sentait toujours les effets lancinants, à mesure qu’elle descendait les dernières marches du temple. Shyriu n’y avait pas été de main morte, mais elle s’en remettrait. Elle songea à sa stupidité. Elle aurait dû savoir que jamais Seiyar ne la laisserait faire. Et puis cela aurait été insensé. Quel pourcentage de réussite aurait-elle eu face aux chevaliers d’or ?...

Elle se demanda où était l’homme qui faisait battre son cœur en ce moment. Avait-il réussi à franchir la sixième maison ?. Elle l’espérait de tout son cœur, sans trop y croire… elle se retrouvait dans la même situation que sa compagne d’armes. Marine était-t-elle encore vivante ?.

Elle atteignit l’instant suivant les bains réservés aux femmes. L’heure n’était certes pas à la coquetterie, mais une étuve bien chaude serait le moyen idéal pour se délasser. Elle avait besoin de réfléchir tranquillement, loin de l’agitation ambiante. Le lieu était plutôt raffiné… un des rares édifices antiques de cette partie du Sanctuaire, orné de caryatides aux seins nus. Deux grands bassins amplis d’eau chaude s’offraient à la vue des visiteurs. Le lieu était uniquement réservé aux femmes chevaliers, sous la surveillance express de la grande prêtresse. Aucun homme ne pouvait pénétrer ici, pas même les chevaliers d’or. Mais aujourd’hui, l’endroit semblait désert.

Shaïna était endolorie. Elle ôta ses vêtements avec difficulté et glissa dans le liquide fumant en savourant les effets produits sur sa peau avec délectation. Elle ferma les yeux et fit le vide dans ses pensées. Une présence vînt pourtant troubler son désir de paix.

-«Tiens donc !! Si je m’attendais à ça ! »

-« !!!!!!!! »

-« Ne crains rien !. Ce n’est que moi… »

L’interpellée recula lentement, l’eau recouvrant à demi son buste. Marine sortit des vapeurs d’eau… depuis l’opposé du bassin.

-« Toi ?... »

-« Je ne pensais pas te trouver ici… je pensais être seule… »

-« Je vois que nous avons eu la même idée… décidément tu seras toujours à suivre mes pas… »

Marine fit la moue. La réflexion n’était pas très amicale, mais elle décida de passer outre, sans s’offusquer.

-« J’avais besoin de calme… as-tu vu l’état du camp ? Là bas dehors c’est la panique. Le Pope nous a fait chercher ! »

-« Peu importe toute cette violence… j’ai perdu un être cher aujourd’hui… et je ne peux en vouloir au destin cependant… »

Les lieux se prêtaient à la confidence… Shaïna se détendit à nouveau et reprit sa place près du rebord, appuyant sa tête de façon à caller sa nuque agréablement. Marine fit de même, à distance respectueuse. L’air embaumait de vapeurs citronnées, de légers nuages s’échappant de l’eau, agitée ça et là de doux clapotis. Toutes deux étaient déjà venues plusieurs fois en ce lieu. Il était convivial et protégé de l’extérieur. Il arrivait parfois que certaines de leurs compagnes d’armes viennent y prendre du bon temps… sous leurs regards désapprobateurs. Même parmi les femmes chevaliers, il y avait des lesbiennes… chose plutôt mal vue en général mais qui ici, palliait le manque d’affection masculine. Aujourd’hui par chance, aucune n’était présente. Shaïna gardait le silence. Elle aurait voulut que Marine comprenne sa peine face à la mort de Cassios… et plus encore… elle aurait voulu lui confier ses sentiments pour Seiyar, mais elle hésita.

-« A quoi penses-tu ? »

-« Si j’étais toi je ne chercherais pas trop à savoir… »

-« Ca m’intéresse… déposons la hache de guerre tu veux… laisse moi un peu souffler… »

-« Toi ? Souffler ?... Ah !! Laisse moi rire !! Tu es la première à te lever aux aurores pour exercer tes poings ! »

-« Tu m’espionnes maintenant ?!! »

-« Tu es plutôt bien faite !... Je comprends mieux pourquoi le Lion te regarde avec des yeux de merlan frit ! »

Marine prit assez mal la remarque et se redressa.

-« Retire immédiatement ces paroles ou tu vas me payer ça ! »

-« Ohh !! Susceptible en plus !! Ca ne m’étonne guère… quand on n’a pas sa dose de câlins journalière on est nerveuse, pas vrai ?!! »

Devenue rouge de honte, l’Aigle fut près d’elle en quelques brassées, l’attrapa par les cheveux et tira dessus jusqu’à la faire plier.

-« Qui te dis que je fréquente Aiolia ?!!! Hein ?? Qui ?!!»

-« Eeeeh !!! Ça va, ça va… !!! Arrête un peu ton cinéma tu veux !! Ça se voit comme le nez au milieu de la figure !! »

Marine relâcha sa prise… tout à coup consciente de la véracité des propos de l’Ophiuccus. Shaïna en profita pour se dégager. Sa poitrine lui faisait mal…

-« Imbécile, tu as serré trop fort !! N’as-tu aucun respect pour mes instants de repos ?! »

-« Excuse moi… je ne sais pas ce qui m’a prit. Mais c’est toi aussi !!! Avec cette façon que tu as toujours de vouloir défier les gens et reporter sur eux ta colère !!. De quoi m’accuses-tu ? D’aimer un chevalier ??? D’avoir entraîner Seiyar ??? »

Quand Marine prononça le nom du chevalier de bronze, Shaïna resta coite un moment, percutée de plein fouet par la dure réalité. Oui elle en voulait à Marine, mais pas pour les raisons qu’elle venait d’invoquer. Non… Elle lui en voulait d’être celle qu’elle avait toujours voulut être, d’avoir é&té pendant si longtemps proche de l’homme qui habitait ses pensées. Elle se radoucit et reporta la conversation sur elle.

-« Si tu es venue ici j’en déduis que tu as eu toi aussi ton « quart d’heure de gloire », n’est-ce pas ? »

-« Je ne tiens pas vraiment à en parler… »

-« Tu devrais pourtant, ça te ferais probablement du bien ! »

-« Rien ne me dit que je peux toujours avoir confiance en toi ! »

-« Tu as oublié toutes nos escapades nocturnes, lorsque nous allions nous baigner la nuit dans la rivière qui surplombe le Sanctuaire alors que cela nous était interdit ? »

-« Je n’ai pas oublié… nous étions petites toutes les deux… »

-« Mais il te suivais déjà à la trace… A croire que vous avez également grandis ensemble, lui et toi ! »

-« C’est un peu le cas, en effet… »

-« Marine, je vois que tu restes volontairement évasive à son sujet… Tu ne veux pas en parler, comme toujours… toi si fière, si indépendante !.. Mais d’expérience crois moi, ça te perdra…»

-« Je ne vois pas de quoi tu parles ! Est-ce que je te demande quels sont tes sentiments pour mon disciple ?! »

-« … »

-« J’ai vu juste n’est-ce pas ? »

-« … il est temps que je sorte de là, sous peine d’avoir la peau toute fripée. Je ne tiens pas à ressembler à la prêtresse ! »

-« Tu fuis… »

-« Non… je te propose de retrouver nos vieilles habitudes… un combat amical aux arènes, ça te dit ?! 

Marine réfléchit un instant. L’eau était bien chaude… elle se sentait bien. Mais elle finit par accepter.

-« Très bien. Va pour un combat !! »

 

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Palais du Verseau…

-« Hyoga… »

-« Hmm ?? »

-« Je ne pensais pas que tu serais si facilement vaincu par le chevalier des Gémeaux… tu me déçois, après l’entraînement intensif que tu as subit en Sibérie… »

-« Maître ?? »

-« Qui d’autre mon cher Hyoga ? Qui d’autre te connais de la sorte ?... tu es dans la maison du Verseau »

-« Mais… mais je ne comprends pas. J’étais avec Shun et les autres dans la maison de Saga et je… »

-« Oui… tu as bel et bien traversé l’espace temps »

-« Bon sang… alors j’ai atterrit ici alors que Seiyar et les autres sont peut être déjà morts à l’heure qu’il est ? »

-« Oui… et je ne compte guère plus te laisser de chances ! »

 

 

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Palais du Pope…

-« Maître !! Maître !! »

-« De quoi s’agit-il ?!!! »

-« Le chevalier du Capricorne a quitté son poste… il désire vous parler ! »

-« Comment ?!! Et bien qu’attends-tu ?!! Fais le entrer ! »

-« Oui. Bien maître ! »

L’homme qui pénétra dans la salle d’audience du Pope lui était familier. Le casque qui nimbait son front d’une aura dorée ne laissait aucun doute…

-« Shura du Capricorne votre Altesse, à votre service ! »

-« A mon service ?. C’est toi qui à une requête à me soumettre on dirait ? »

-« En effet… je sollicite une permission pour me rendre au village de Rodario »

-« A Rodario, alors que nous sommes sur le pied de guerre ?. Non, impossible ! »

-« J’ai tout lieu de croire que certains traîtres se cachent au village, parmi les habitants. Il est de mon devoir, au moment où mes compagnons d’armes défendent notre cause, d’en profiter pour démasquer ces traîtres. Je serait de retour au moment voulu, n’ayez aucune crainte à ce sujet ! »

-«Je me demande bien ce qui t’attire là bas, pour que tu sois si pressé d’y aller ! »

-« Rien de plus que mon devoir… »

Le Pope était perplexe. Comment le croire ?... il sentait qu’en lui se faisait jour un conflit. Shura était pourtant un de ses plus surs chevaliers. Il ne devait pas douter de lui, ou bien il finirait par ne plus avoir confiance en lui-même !. Quelques minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles il tenta de sonder l’esprit de Shura. Mais à sa grande surprise… il n’y trouva que le vide.

-« Hmmm… Bien, c’est entendu !. Mais fait moi ton rapport au plus vite, ne traîne pas en chemin ! »

-« Ce sera fait maître ! »

Sitôt la permission accordée, le saint s’en alla par là où il était venu. Saga s’assit à nouveau. Son trône lui paraissait bien solitaire, sa mission bien lourde à porter…

 

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Si le Sanctuaire est majestueusement imposant et renvoi sur le marbre de ses temples, le soleil de midi…

… il existe en son sein un endroit plus morose. Un lieu de repos éternel où les tombes se compte par centaines…

… combien de guerriers sont tombés ici ? Combien parmi eux, on eu la chance d’admirer le sourire d’Athéna ?...

… la pierre est usée par le temps, certaines inscriptions ne sont même plus visibles. Seul au cœur de cet espace consacré, un chevalier à l’armure dorée essuie la sueur qui perle sur son front. Transporter le corps de Cassios ici ne fut pas une mince affaire. L’y ensevelir fut une torture… expiation personnelle… ouverture d’une plaie béante qui mettrait probablement du temps à cicatriser. Le geste est précis, emprunt de respect… La main experte s’en va briser la roche pour former une pierre digne de ce nom. Quelques gestes suffisent pour y graver le nom du guerrier

Cassios

Soudain, une voix surgit au cœur de l’instant funeste…

-« Pauvre Cassios. Moi qui pensais qu’il serait aussi indestructible que les rocs qui entourent le Sanctuaire… je m’étais trompée. Marine avait raison… j’ai été aveugle… pourquoi courir après un amour impossible alors qu’un homme simple et généreux était toujours à mes côtés ?... les êtres humains sont idiots… »

Aiolia la fixa avec amertume, à l’instant où elle tomba à genoux face à la dalle de pierre glacée. Il chercha à s’éclipser mais la femme chevalier l’interpella.

-« Pourquoi ?... il n’avait rien fait pour ça !!!!!!!! »

La douleur était clairement lisible sur le visage du Lion au moment où il fit marche arrière et se retourna. Les yeux baissés reprirent tout leur éclat pour rencontrer le masque. L’Ophiuccus pouvait y lire la peine et le regret. Bizarrement, la détresse de ces yeux là répondait à la sienne et c’est sans un mot qu’elle se leva pour s’approcher de lui prudemment. Le fixant à travers son masque, elle osa :

-« Tu l’as tué à la place de Seiyar n’est-ce pas ?... Pourquoi ? »

-« Je te croyais éprise de lui… tu devrais être soulagée… c’est Seiyar que le Pope m’avait demandé d’éliminer… parce que je n’étais plus moi-même… j’ai succombé à son attaque et le hasard à choisit que ce serait l’âme de Cassios et pas celle de Pégase qui rejoindrait Elisium. Si j’avais pu empêcher ça je l’aurais fait…»

-« Tu n’as aucune excuse… Cassios était mon élève !!! Qu’aurais-tu fais si Marine avait perdu le sien par ta faute ???!!! Hein ?!!!»

Aiolia fronça les sourcils, profondément blessé dans son orgueil de chevalier… dans son corps d’homme…

-« J’assume les faits… Je ne souhaitais pas ce qui est arrivé ! »

-« Non bien sur… jamais plus je ne le reverrais désormais. Jamais plus… »

Son regard lui était inévitable mais devenu hagard, effrayé… Elle fixa une dernière fois la pierre fraîchement installée et baissa la tête en signe de résignation. Aiolia demeura silencieux, ne sachant quoi dire ni faire. Une dernière fois il fit amende honorable.

-« Pour la dernière fois. Je te demande de pardonner mon geste. J’ai désormais une dette envers toi… »

-« Une dette… à quoi bon !… »

C’est sur cette dernière remarque que la femme aux cheveux émeraude déserta les lieux. Le vent s’était levé, synonyme de tourments à venir. Le Lion s’approcha de la tombe à son tour, seul au milieu des morts. Il songea qu’un jour prochain ce pourrait bien être lui, allongé là-dessous… pensée amère… Ayoros aussi était parti. En route pour l’autre monde… un monde plus juste ? Elision ? Peut-être serait-il puni pour n’avoir pas su préserver l’amour autour de lui. Mais il lui restait des raisons d’avancer. Marine, Seiyar, la défense du Sanctuaire… et Athéna. Après tout il était venu au monde pour ça. C’est ce qu’il avait toujours fait… quelques pétales . s’échappèrent du bouquet improvisé que la femme chevalier avait déposé quelques minutes plus tôt.

Qu’adviendrait-il d’eux ?...