Le chemin
(Kyo)
« Kanon ! Cesse de faire l’enfant et viens ! »
Il ne se lève pas. Quelle tête de mule, bon sang d’bon soir !
Pire que moi ! Et moi, je ne suis vraiment pas un cadeau tombé du
ciel. L’un des trois juges des enfers, voilà ce que j’étais.
Un juge qui s’est fait battre par un vulgaire chevalier d’or. Et
pas n’importe quel chevalier d’or ! Le jumeau disparu de l’un
d’eux qui avait manipuler dans l’ombre un dieu. Le dieu des mers
en plus. Et dire que je pensais que nous allions mourir tout les deux lors de
l’Explosion Galactique, et bien c’est raté. Nous voilà
au Groenland, et pas dans une situation tellement confortable. Dans un igloo
avec des Inuits dont on ne comprends pas le langage et un professeur qui étudie
la faune (je me demande bien laquelle…) et la flore. Voilà des
jours que nous sommes coincés tout les deux dans ce pays, enfin si on
peut appelé ça un pays et si on peut dire coincé. Le professeur
a finit ses recherche et doit rentrer à New York. Il nous a promit, à
tout les deux, de nous ramener dans notre pays natal, après que je lui
ai expliqué notre situation, en mentant de temps en temps. C’est
vrai quoi ! Q’est ce qu’elle dirait, cette bonne âme,
si elle savait qu’elle est en présence d’un Spectre d’Hadès
et d’un chevalier d’Athéna ! Il nous prendrait sûrement
pour des fous. Mais bon. Mentir n’a jamais tué personne et en plus
nous n’avons aucun moyen, tout les deux, de se barrer d’ici. J’ai
décidé de mettre mes vieilles rancunes et mon sale caractère
de côté, le temps que l’on quitte cet endroit, mais Kanon
n’a pas tellement l’air de vouloir bouger d’ici. On dirait
qu’il a envie de mourir. Je lui ai promis que nous allions rentrer en
Grèce, mais je crois bien que ce mince espoir, que moi et les Inuits
lui ont donné, de retrouver son pays natal s’est échappé
depuis un moment de son cœur…
Regarde toi, assise dans l’ombre,
À la lueur de nos mensonges,
La main glacées jusqu’à l’ongle…
Je n’ai pas envie de bouger. Rhadamanthe veut me faire sortir de l’igloo,
mais il n’en est pas question. Je ne veux pas ressortir dans cette immensité
où ne règne que le froid et la glace. Jamais je ne retournerai
en Grèce. Jamais, si Athéna y est, ne m’accordera son pardon
pour tout ce que j’ai fait. J’avais sa confiance, mais rien d’autre.
Et puis, si elle a réussi à ramener tous les autres, jamais je
n’aurai non plus le courage de les regarder en face. Le destin m’a
maintenu en vie, mais à quoi bon ? À quoi bon me redonner
une seconde chance, si c’est pour atterrir au Groenland avec Rhadamanthe
et tous ces complexes qui m’empêche de vivre. Je n’en peux
plus, j’ai envie de tout arrêter, de mourir.
Je sens quelque chose me tirer par le bras et en même temps de mes réflexions.
C’est Rhadamanthe. Il me tire et me traîne dehors, non sans mes
protestations et quelques coups qu’il évite sans mal. Finalement,
me voilà dehors. Il fait jour et le soleil brille sur la neige, me faisant
mal aux yeux. Un vent frais souffle sur nous et je me colle au spectre.
« Petite nature !
- Je suis habitué au soleil et à la chaleur, moi. Je n’ai
jamais vécu aux enfers.
- Comme si les enfers étaient quelque chose de malsain.
- C’est le lieu où vont les morts. Je ne vois pas ce que ça
a de gaie.
- Au lieu de me critiquer indirectement, tu devrais essayer de faire un effort
et de t’habituer un peu au climat, parce que nous sommes toujours pas
sortis Groenland, loin de là !»
Regarde toi, à l’autre pôle,
Fermer les yeux sur ce qui nous ronge,
On a changé à la longue…
Il baisse la tête comme un enfant qui vient de se faire gronder par
sa mère et se détache de moi. La douce chaleur, aussi petite soit-elle,
qu’il me procurait s’en va avec son corps. Je le regarde, surpris.
Il l’air d’avoir vraiment mal pris ce que je lui ai dis. Pourtant,
il n’y avait rien de méchant dans mes paroles, et puis en plus,
c’est lui qui s’est montré désagréable avec
moi ! Comme toujours d’ailleurs.
Il s’avance vers le groupe d’« esquimaux »
devant nous sans un mot. Je le rattrape et me plante devant lui.
« Bon maintenant, fini la comédie ! Tu vas me dire exactement
ce qui te tracasse et te met dans un état pareil ! Déjà
que tu n’as pas l’air d’être quelqu’un de très
sympathique, mais là, ça dépasse tout ! Et puis c’est
quoi, cette tête triste que tu fais à chaque fois que je te fais
une remarque alors que tu me cherches ! »
Il baisse la tête.
« C’est rien. C’est juste… que je me sens mal ici.
- Et comment tu expliques ton comportement face à mes remarques ?
- Je n’ai aucun compte à te rendre.
- Kanon !! On a marché durant des jours et des jours, j’ai
mis toutes mes rancunes et mon mauvais caractère de côtés
pour essayer de t’aider à avancer et toi tu ne fais aucun effort !
Je suis peut-être un spectre et malhonnête, c’est à
toi de voir, mais jamais je ne me moquerais de tes problèmes personnels si
tu en as !
- Ce n’est rien, je t’assure. »
Il me sourit timidement. Tiens, c’est la première fois que je vois
autre chose que de la tristesse sur son visage. Mon cœur se réchauffe
dans ma poitrine à cette vue. Je me mets à côté de
lui, entoure ses épaules de mon bras et le traînes jusqu’au
groupe qui a finit de ranger tout son matériel pour partir. Il se serre
contre moi, essayant sans doute de se réchauffer un peu plus. Ce n’est
pas pour me déplaire, j’aime le sentir contre moi. Jamais je n’aurai
pensé que je me serai attaché à ce point à un chevalier
d’Athéna, surtout celui qui a essayé de me tuer, il y a
à peine un mois.
On a parcouru le chemin,
On a tenu la distance,
Et je te hais de tout mon corps,
Mais je t’adore.
J’aime me sentir contre lui. Contre ce corps puissant et chaud, qui est d’ailleurs ma seule source de chaleur ici. Malgré les vêtements épais que les Inuits m’ont donnés, j’ai très froid. Ce qui est assez normal puisque je suis grec, j’ai toujours été habitué au chaud soleil méditerranéen. Au début, j’avais un peu honte lorsqu’il me collait à lui, mais j’avais froid, tellement froid que cette honte a vite disparue et c’est devenu une habitude. Il n’a jamais bronché, malgré que je me blottisse souvent contre lui, trop si j’avais été à sa place et lui à la mienne. Chaque soir, ou du moins au moment où l’on se couche, c’est toujours dans ses bras que je m’endors. Quel piètre chevalier je fais. M’endormir contre un spectre d’Hadès. Mais comme il me l’a dit tout à l’heure, il a mis ses rancunes de côté, et j’ai fais de même avec ma fierté. Nous marchons tous les deux depuis des jours dans ce pays gelé qu’est le Groenland. Il souffre du froid, comme moi, mais il ne dit rien. Il essaye de me réconforter malgré mon mauvais caractère. Je crois bien que… ce spectre est la deuxième personne… à m’avoir accepté… Et jamais je ne le laisserais partir sans l’avoir vraiment connu et remercier…
On a parcouru le chemin,
On a souffert en silence,
Et je te hais de tout mon corps,
Mais je t’adore
Nous avons marché toute la journée. Nous devrions bientôt arriver dans la ville de Qaanaaq. Il y a un aéroport là-bas, d’après ce que dit le professeur. Encore quelques jours de marche… Et tout sera fini…
Encore…
Je rentre dans l’igloo fraîchement construit. Ah, qu’il fait froid. Les Inuits sont rassemblés à l’intérieur et Rhadamanthe est assit dans un coin avec une couverture sur lui. Comme à mon habitude, je me dirige vers lui et me blottit contre son corps. Il s’écarte de moi. Surpris, je me demande, ce qu’il fait. Il me prends les épaules et pose ma tête sur ses genoux. Il déplie la couverture posée à côté de lui et me recouvre avec. Soulagé qu’il ne me repousse pas, je m’allonge, me recroquevillant quand même pour ne pas avoir trop froid. Il commence doucement à me caresser les cheveux d’une main, l’autre est posée sur mon épaule. Depuis quand quelqu’un ne m’a-t-il prodigué de tels gestes si tendres ? Trop longtemps. Depuis que Saga m’a enfermé, en fait. Il a été la seule personne à avoir vraiment fait attention à moi, malgré tout ce que l’on disait. Il m’aimait et je l’aimais comme les frères que nous étions. Mais c’était toujours lui le meilleur. Toujours. Il remplissait ma vie, mais toujours d’une façon négative pour moi. Il ne m’a jamais, malgré tout son amour, rendu heureux. Et là, en sentant Rhadamanthe me caresser les cheveux, je ne peux m’empêcher de me sentir bien, serein. Je souris et prends sa main sur mon épaule. Je la serre dans la mienne.
Je vis dans une maison de verre,
À moitié remplie de ton eau,
Sans s’arrêter,
Le niveau monte…
Tu prends ma main dans la tienne et la serre doucement. Est-ce un remerciement ? Je pense que oui. Maintenant, j’en ai la preuve, tu n’as reçu que rarement des gestes de tendresse, malgré que tu aies eu un frère. Ou du moins, ils ne te rendaient pas heureux. Moi, ton ennemi, je te caresse les cheveux, et tu l’acceptes sans broncher. Tu vas jusqu’à me prends ma main pour me remercier. Kanon… Tu commences à devenir vraiment dépendant de moi. Suis-je vraiment une personne en qui tu as confiance ? Ou est-ce simplement parce que tu as froid que tu viens te réfugier vers moi ? Je n’en sais rien, mais tout ce que je sais et dont je suis sûr, c’est qu’une fois que nous serons sortis d’ici, tu me quitteras pour ne plus jamais me revoir. Je ne suis rien pour toi, un étranger … Mais tu t’accroches à moi parce que tu es seul, tu n’as personne sur qui compter, maintenant que tu es ici. C’est mal ce que je pense, mais c’est l’impression que tu me donnes…
Je suis le fantôme qui s’égare,
Je suis l’étranger à ton cœur,
Seulement regarde, comme on est seul…
Je me réveille. Ma tête est sur quelque chose de chaud et une
autre est posée dessus. J’ouvre les yeux et tourne doucement la
tête. Rhadamanthe est légèrement penché en avant,
les yeux fermés. Il dort. Je ne l’ai jamais vu dormir, encore moins
sous cet angle.
L’igloo est vide. Les Inuits ont dû sortir, j’entends des
voix dehors. Je reporte mon attention sur lui. Doucement, je me retourne. Sans
m’en rendre vraiment compte, je lève la main vers son visage. Je
m’arrête. Mais… qu’est ce que j’allais faire ?!
Je deviens complètement malade ma parole ! Je laisse tomber ma main
sur mon front. Je suis un peu chaud. Bizarre… Je me redresse et me relève,
sans le réveiller. Je sors.
Mais qu’est ce qui m’a pris ? Pourquoi est ce que j’ai
voulu lui toucher le visage ? Et pourquoi… pourquoi il se laisse
faire, quand je me colle à lui ? Il n’est pas d’une
nature très sociable, et pourtant, il m’a caressé les cheveux
pour m’endormir… Ce pourrait-il que… ? Non c’est
impossible. Mais et moi ? Est-ce vraiment que de l’amitié
que je ressens pour lui ? Amitié… Depuis quand est-ce que
je le considère comme un ami ? Depuis le début… Je
crois… Depuis qu’il s’intéresse à moi, à
mon bien-être…
On a parcouru le chemin,
On a tenu la distance,
Et je te hais de tout mon corps,
Mais je t’adore.
J’ouvre les yeux. Kanon n’est plus là. C’est certainement
ça qui m’a réveillé. Il avait de la fièvre,
hier soir, je l’ai sentis quand il s’est mit contre moi. Je l’ai
allongé sur mes genoux pour surveiller un peu sa température et
elle a baissée, au fur et à mesure de la nuit. Je n’ai pas
beaucoup dormi, d’ailleurs. Je me lève et sort dehors. Kanon est
debout près de l’entrée. Il ne doit pas être sortit
depuis longtemps. Je m’approche doucement.
« Kanon, ça va ?
- Oui… je vais bien.
- Tu es sûr ? »
Je pose ma main sur son épaule et il s’en dégage vivement.
Je le regarde sans comprendre, stupéfait.
« Ka… Kanon… Qu’est ce qu’il y a ? Je
t’ai fait quelque chose de mal ?
- Non, il n’y a rien !
- Alors pourquoi tu es énervé ? C’est à cause
d’hier soir ?
- Non, il n’y a rien.
- Il n’y a rien, il n’y a rien… Hier, tu avais de la fièvre
et maintenant tu es énervé !
- De la fièvre ? » S’étonne-t-il en se retournant.
Son visage est étonnement calme, par rapport à d’habitude
et à son humeur.
« Oui, de la fièvre. Mais apparemment, elle a baissé,
lui réponds-je en mettant ma main sur son front.
- Dis-moi, Rhadamanthe… Est-ce que je suis toujours un ennemi pour toi ? »
Je reste coi. J’ai mal entendu ou… il vient de me demander si nous
sommes ami, avec ses mots à lui ?… Je mets ma main sur mon
front. Non, je n’ai pas de fièvre…
« Qu’est ce qu’il y a ?
- Rien, si se n’est que ta question m’étonne. Depuis quand
ce genre de chose t’intéresse ? D’habitude, tu m’envoie
promener à chaque fois que je te parle gentiment et tu ne viens vers
moi que lorsque que tu as froid !
- J’en suis désolé.
- Tu me considères comme ton ami, alors ?
- C’est pas que ça m’enchante tellement d’avoir un
spectre comme ami, mais oui. »
Une bouffée de joie me réchauffe le cœur et un sourire s’étire
sur mes lèvres.
« Alors tu vas me dire ce qui te tracasse ?
- Profiteur.
- Tu viens de me faire l’aveu du siècle ! Un chevalier d’or
ami avec un spectre, ça se voit pas tout les jours ! Allez, raconte
moi tout ! »
Je passe mon bras autour de ses épaules et l’amène derrière
l’igloo que nous avions construit avec les « esquimaux »
la veille.
On a parcouru le chemin,
On a souffert en silence,
Et je te hais de tout mon corps,
Mais je t’adore.
Il m’entraîne derrière l’igloo. Il veut savoir ce
qui me tracasse, il veut me connaître… À quand remonte la
dernière fois que quelqu’un s’est montré aussi intéressé
à ma personne ? Je n’en sais rien et je ne veux pas y réfléchir.
Je m’appuie contre la paroi de l’édifice de glace.
« En fait, ce qui me gêne, c’est toi, Rhadamanthe. Depuis
que je suis tout petit, j’ai toujours été considéré
comme le jumeau de Saga. C’est vrai, je l’étais, mais pour
les autres, le mot « jumeau » ne voulait pas dire « frère
identique », mais « ombre, reflet ». Nous étions
toujours comparé, tous les deux. J’entendais : « Mais
qu’est ce que vous ressembler tout les deux ! Mais c’est fou
ce que vos caractères sont différents ! », ou
bien « Je me demande bien comment Saga peut supporter un frère
comme Kanon ! J’aurai honte de lui, à sa place ! »,
ou encore « - Saga est un vrai ange, par rapport à son jumeau !
– Oui, c’est le jour et la nuit ! ». Toujours on
me comparait à lui, encore et encore… On ne retenait même
pas mon prénom. Deux personnes seulement ont fait attention à
moi. La première, c’est mon frère. Saga a toujours été
là pour moi. Il a essayé de me réconforter de toutes ces
remarques qui me blessaient au plus profond de moi-même, même si
je n’en montrais rien. Il prenait soin de moi et me montrait à
quel point il m’aimait. Mais jamais, malgré ses gestes de tendresse,
je n’ai été vraiment heureux. Même si la personne
auquel je tenais le plus au monde était avec moi, je n’étais
pas satisfait. Pourquoi ? Parce que l’on continuait à me comparer.
Encore et encore… Toujours Saga l’ange tombé du ciel et moi
le diable sortit des enfers. Je lui en voulais. Malgré ses belles paroles,
il n’a jamais arrêté ces critiques, comme si ça lui
plaisait de me voir triste… Comme si c’est ce qu’il voulait,
me garder rien que pour lui, comme un objet précieux. Avec le temps,
je me suis habitué à être vu comme l’ombre de Saga,
son reflet dans le miroir. La preuve, on ignorait que Saga avait un frère
jumeau qui était le second chevalier des gémeaux. Je crois bien
que seul mon frère, mon maître et le grand pope de l’époque
étaient au courant. Tu dois sans doute te dire : « C’est
ton passé qui te tracasse à ce point ? Et ça ne m’explique
pas pourquoi tu as aussi mal réagis à ma remarque de la veille
! » C’est pourtant simple. Tu es la deuxième personne
à t’être intéressée à moi. J’ai
toujours l’habitude de croire, à chaque fois qu’une personne
me parle et surtout lorsqu’elle me critique, qu’elle connaît
Saga et qu’elle m’a comparé à lui juste avant de m’avoir
parlé. C’est peut-être bizarre, mais je tiens beaucoup à
toi car tu ne m’as pas rejeté comme n’importe qui l’aurait
fait, surtout dans cette situation. Alors, quant tu hausses la voix quand tu
me parles, je ne peux m’empêcher de penser que tu ne me considères
que comme le jumeau de Saga, que je suis moins bien que lui, et ça me
fait mal…
- C’est vraiment ce que tu penses ?
- Oui… »
Moi, j’ai toujours été considéré comme un
diable et Saga comme un ange.
Encore…
C’est vraiment ce qu’il pensait… D’un côté,
ça me fait mal pour lui, mais d’un autre, ça me prouve qu’il
tient à moi… et ça, ça me rend heureux. Sans réfléchir,
j’entoure soudainement ses épaules de mes bras et le sert contre
moi.
« Je t’aime Kanon… »
Ce n’est qu’un murmure, mais je sais qu’il l’a entendu.
Je ne sais pas depuis combien de temps je m’en suis rendu compte, mais
ça n’a pas d’importance. Je l’aime, c’est tout.
Je suis un spectre d’Hadès qui aime un chevalier d’Athéna,
je devrais avoir honte de mes sentiments, surtout pour un homme. Gays…
un vrai honte pour moi, l’un des trois juges. Mais non, au contraire,
j’en suis fière. À quoi bon rester enfermé toujours
dans le même lieu en côtoyant toujours les mêmes personnes ?
Cette vie aux enfers était peut-être faite pour moi, mais…
Kanon a sûrement plus besoin de moi que le monde des morts.
Une drôle de sensation me tire de mes pensées. Je sens quelque
chose entourer ma taille, une autre se caler contre ma tête et un liquide
tiède couler dans mon cou. Doucement, le corps du chevalier est secoué
par des sanglots qu’il n’arrive pas à contenir. Je lui caresse
le dos. Décidément, tout ce chemin parcouru dans ce pays gelé
n’aura pas été vain. J’aurai connu Kanon, l’homme
que je détestais autrefois de tout mon être, mais que j’aime,
aujourd’hui, plus que tout.
On a parcouru le chemin,
On a tenu la distance,
Et je te hais de tout mon corps,
Mais je t’adore.
Que c’est bon… Que c’est bon de se sentir aimé…
De sentir ces bras vous entourer, vous réchauffer, vous protéger…
J’aurai tant voulu le connaître plus tôt… Si ça
avait été le cas, je ne serai certainement pas allé dans
le mauvais chemin. Je ne me serai pas senti aussi seul… abandonné…
« Rhadamanthe… Je t’aime aussi… »
On a parcouru le chemin,
On a souffert en silence,
Et je te hais de tout mon corps,
Mais je t’adore.
Je lui prends la main. Ça y est, nous sommes dans l’avion qui
va nous ramener en Grèce. Nous les avons déjà prévenus
de notre arrivée, et apparemment, tout le monde est là-bas. Les
chevaliers divins, d’or et Athéna. D’après ce qu’ils
nous ont écrit, dans leur lettre d’il y a deux jours, ils seraient
tous tombé comme nous dans des endroits pas possibles. Mû est tombé
dans un métro parisien, Aldébaran dans la forêt amazonienne,
Saga tout au sud de l’Afrique, Masque de mort en Chine, Aiolia en Sibérie,
Shaka dans les Ramblas en Espagne, Dohko à Pompéi, Milo sur le
mont Everest, Shura à côté des grandes pyramides d’Egypte,
Aioros dans un avion atterrissant en Grèce, Camus dans désert
australien, Aphrodite en plein dans la mer Méditerranée et les
cinq autres au Japon : Seiya à Tokyo, Shiryu à Aomori, Hyoga
à Nagoya, Shun à Okinawa et enfin Ikki à Kyoto. C’est
vraiment à tomber par terre. Nous avons bien ri, Kanon et moi quand nous
avons lu la lettre. Il est d’ailleurs de meilleure humeur depuis que nous
sommes à New York, ce qui est assez normal, d’ailleurs. Et tout
ça, c’est grâce à ce professeur. Sans lui, nous serions
toujours paumé au Groenland. C’est lui d’ailleurs qui nous
paye notre voyage pour la Grèce. Comme quoi, il y a des gens biens, sur
Terre. Et je me souviendrait toujours de son nom : Pascal Lestrade.
« On arrive bientôt.
- Oui, vivement qu’on descende, j’ai le mal de l’air.
- Petite nature ! »
Il tourne la tête vers moi et me sourit. Il approche son visage et je
l’embrasse.
On a parcouru le chemin,
On a tenu la distance,
Et je te hais de tout mon corps,
Mais je t’adore.
L’avion atterrit. Enfin de retour chez moi. Nous descendons de l’appareil
et rentrons dans l’aéroport. Nous prenons et nos bagages et sortons.
Il fait beau et chaud dehors. C’est comme si le soleil nous souhaitait
la bienvenue en Grèce. À tout les deux. Rhadamanthe et moi. Un
spectre et un chevalier qui ont parcouru une partie du Groenland pour revenir
dans ce pays chaud où je suis né et où j’ai grandi.
Rhadamanthe avance vers un taxi, me tenant toujours la main.
On a parcouru le chemin,
On a souffert en silence,
Et je te hais de tout mon corps,
Mais je t’adore.
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J’ouvre les yeux. Où suis-je ? Question bête,
réponse bête : dans ma chambre. Je tourne la tête. Kanon
dort à côté de moi, agité dans son sommeil. Doucement,
je tente de la réveiller en l’appelant doucement. Il ouvre bientôt
les yeux, transpirant légèrement.
« Ça va ?
- Ça peut aller… J’ai fait drôle un rêve…
- Quoi comme rêve ?
- J’ai revu tout ce qui s’est passé, lorsque nous sommes
tombé au Groenland, il y cinq ans. Et ce qui était bizarre, c’était
que j’entendais… comme un chanson… en même temps…
Tu sais, celle que Milo nous a faite écouté, hier soir…
- La chanson « Le chemin » de Kyo ?
- Oui c’est ça.
- Effectivement, c’est un drôle de rêve, que tu as fait »,
souris-je.
Je m’approche de lui et lui enlace la taille.
« Hé !
- Allez, encore une fois…
- Ça fait déjà trois fois depuis hier soir !
- Bah on va battre le record ! »
Je l’embrasse.
Encore…
Puis encore une fois.
Encore…
Puis une autre…
Encore…