Chapitre 24: Dieu ou Diable ?
«Lorsque je demandai à Lucifer pourquoi
il s’habillait toujours de noir il me répondit que c’était
pour ne pas être confondu avec Dieu »
Lady Némésis était restée figée dans la
position où l’accusation de la fillette l’avait surprise.
La révélation de sa féminité aux archanges qui
l’observaient lui était encore plus douloureuse que
le fait de revivre ces souvenirs de son enfance.
« On a pas besoin de toi !! »
La fillette lança une dernière fois cette invective avant de
fondre en larmes.
Dans un geste purement maternel Némésis la prit dans ses bras
et après avoir défait le corset qui lui permettait de porter
son aube en dissimulant sa poitrine, l’attira tendrement vers elle.
La petite fille parut choquée par cet élan de tendresse, elle
se serra plus fort contre celle qui était son avenir lointain et ses
sanglots se calmèrent.
Némésis elle aussi avait du mal à retenir ses larmes.
« Pourquoi n’es-tu pas morte Némésis ?
Les choses auraient été tellement plus simples pour nous deux… »
L’effusion entre les deux déesses de la vengeance se prolongea
un long moment, Némésis adulte prit la tête de Némésis
enfant dans ses mains et l’approcha de son visage.
- Ne t’inquiète pas petite, tu deviendras forte et tu n’auras
besoin de personne, jamais… mais tu devras oublier ton passé
comme tes parents.
- Je devrai oublier ma sœur aussi ?
- Oui tu devras l’oublier car jamais elle ne parviendra à te
retrouver. Oublie jusqu’à son nom car il n’existe plus.
Elle appartient à Hadès désormais.
Et la petite fille répéta pour la dernière fois le nom
de sa sœur jumelle qu’elle ne devait jamais revoir.
« El…Elysée… Adieu »
Ensuite, comme dans un rêve, Némésis revit impuissante
cette scène de son enfance qui avait scellé son destin.
Une main attrapa la petite fille par les cheveux et la souleva de terre.
L’auteur de cet acte était un homme de taille moyenne aux cheveux
blonds plaqués en arrière qui portait une armure de cuir. Ses
yeux blancs comme la neige révélaient ses origines.
Lady Némésis ne fit pas un geste pour défendre sa protégée,
pour se défendre, cette scène ne faisait que se répéter,
elle n’était qu’un fantôme…
La petite fille se débattait, donnait des coups de pieds et de poings,
tentait de mordre. L’homme parut s’en amuser.
- Caractère sympathique.
- Qui… qui êtes-vous ?!
- Mon nom est Ilya Muromets, je suis le chef du clan des Bogatyrs en Petite
Russie.
- Qu… qu’est-ce que vous allez faire de moi ?
L’homme éclata d’un rire franc, il posa la jeune Némésis
à terre puis lui tendit la main.
- Je vais t’emmener dans un pays magique très loin à l’Ouest.
L’imagination de l’enfant parut s’éveiller à
l’énoncé de cette dernière phrase.
- C’est un pays où vivent des rois ?
Ilya éclata d’un nouveau rire plus franc que le premier.
- Oui il y a des rois ! Ce pays est tellement grand qu’il en compte
9 ! Et je suis l’un d’eux ! Si tu viens avec moi tu
deviendras une princesse, mon histoire te plaît-elle ?
La jeune Némésis posa sa main dans celle d’Illya et l’archange
qui les observait de loin savait d’avance ce que cette alliance réservait
de bonnes choses et de moins bonnes…
Ils partirent au loin et lady Némésis resta longtemps prostrée
devant la tombe de ses propres parents versant des larmes pour ces personnes
qu’elle avait oubliées depuis longtemps. Elle pensait au hasard
qui faisait que toutes ces personnes qui avaient oublié les liens qui
les unissaient étaient aujourd’hui rassemblées.
Elle sentit alors une brûlure au niveau de son épaule, par quelques
bonds de côté elle se mit hors de portée et put distinguer
le visage de son adversaire.
C’était Uriel !
***
Odin ne comprenait pas vraiment par quel miracle en cherchant la chambre de
Zeus il était tombé dans un décor aussi semblable à
Asgard mais il était sûr d’une chose : l’archange
porteur d’une épée enflammée qui lui faisait face
n’était pas animé de bonnes intentions.
Saisissant l’épée de Balmung il se prépara à
recevoir le premier assaut.
La bataille s’engagea, violente, cruelle ! L’épée
de Balmung décrivait des cercles autour de son détenteur, rendant
toute attaque frontale impossible mais les flammes dégagées
par l’épée de l’archange forçaient le seigneur
d’Asgard à reculer constamment pour éviter d’être
carbonisé.
De son côté l’archange semblait anticiper chacune des attaques
d’Odin comme si celui-ci les lui avait déjà montrées.
Au bout de quelques reprises les deux adversaires durent faire une pause pour
reprendre leur souffle.
Odin commençait à douter de sa victoire.
« C’est complètement fou ! Je n’ai jamais
affronté cet homme et pourtant il semble connaître toutes mes
techniques ! En plus je ne ressens plus le cosmos d’Arès,
que se passe-t-il donc dans ce palais ?! »
Un peu à l’écart, rendus invisibles par la tempête
de neige deux archanges commentaient le combat. Uriel ne cachait pas son enthousiasme.
- Formidable ! Grâce à tes illusions ce gêneur d’Asgard
va bientôt mordre la poussière !
- En es-tu sûr Uriel ? demanda Oblivion qui concentrait toute son
énergie dans le maintien des illusions qu’il avait crées.
- Cela ne fait aucun doute ! Némésis connaît toutes
les techniques d’Odin et celui-ci croit avoir affaire à moi,
du coup il ne sait plus comment riposter !
- Certes mais pour que mes illusions se maintiennent il faut qu’aucune
d’elles ne soit détruite et l’échec de notre embuscade
sur Hadès m’inquiète…
Pendant ce temps Odin était en mauvaise posture, ne sachant comment
éviter les flammes de l’épée de l’archange
il ne parvenait pas à riposter de manière cohérente.
Son adversaire prit alors appui sur ses jambes pour lancer une charge, Odin
crut que son heure était arrivée mais contre toute attente la
charge ne l’atteignit pas. L’archange n’était même
pas parvenu à couvrir toute la distance comprise entre eux et semblait
souffrir d’une blessure.
« Il a l’air d’être blessé aux jambes…
Exactement comme… Se pourrait-il que ? »
Pris d’un affreux doute le seigneur d’Asgard rengaina alors Balmung
dans son fourreau. Il passa alors une main dans sa chevelure et découvrit
une sorte de pierre précieuse de la taille d’un œil incrustée
sur son front. C’était l’œil de Wotan, cet œil
sacrifié qui lui avait apporté la sagesse.
Odin ferma son œil unique pour permettre à la pierre magique d’agir.
L’image de l’archange Uriel s’imposa d’abord à
ses yeux puis une autre image plus trouble vient se superposer à celle-ci,
celle d’une femme d’une extraordinaire beauté à
peine recouverte par l’aube d’un archange. Ses yeux émeraudes
et ses très longs cheveux blonds cependant ne pouvaient tromper son
rival.
« Une femme ?! Je comprends pourquoi Némésis
ne voulait pas revêtir sa véritable armure devant moi… »
Odin rouvrit son œil unique. Il sentit un moment d’hésitation
chez son adversaire du fait qu’il avait rengainé son épée.
« Je sais qui il est vraiment mais il… enfin elle ne me voit
pas tel que je suis. Que dois-je faire ? La tuer ? Elle n’est
pas responsable de ses actes… »
Némésis s’immobilisa pour invectiver celui qu’elle
croyait être Uriel.
- Uriel ! Comment as-tu osé ?! Toi, l’un des neuf rois
d’Utopia, comment as-tu osé jouer ainsi avec mes souvenirs ?!
Tu vas me le payer !!
Némésis se rua sur Odin comme une furie, sa rapière cassée
à la hauteur de son bras gauche. Odin ne bougea qu’à la
toute dernière seconde en plaçant le fourreau de son épée
en perpendiculaire à l’arme de Némésis, brisant
ainsi son élan.
- Il ne faut jamais sortir la lame du fourreau dans un intervalle aussi court !
Une experte de l’escrime comme toi devrait le savoir !
D’un geste précis il dégagea son fourreau d’un moulinet
et l’envoya dans la direction de Némésis qui n’eut
pas le temps de se retirer et fut touchée au nez.
Odin profita de cet instant de flottement pour tenter de convaincre son opposant.
- Tu ne vois pas qu’on te manipule ! Je ne connais pas cet Uriel !
Réveille-toi Némésis ! Aurais-tu déjà
oublié mon style de combat à l’épée ?
Némésis le dévisagea d’un regard sans aménité
et cette fois elle plaça sa rapière dans l’espace compris
entre l’index et le majeur de sa main droite.
- Qui que tu sois, je suis sûre d’une chose : l’illusion
dont je suis victime ne cessera que lorsque je t’aurai vaincu. Et même
si ce n’était pas le cas, tu as vu trop de choses que je voulais
cacher ! Alors prépare-toi !
Odin vit clairement son adversaire passer à l’assaut, il ne dégaina
pas l’épée mais commença à intensifier son
cosmos. L’armure de Balmung commença à émettre
une vibration mélodieuse tandis qu’une cosmoénergie glacial
l’enveloppait.
« Je vais concentrer mon cosmos sur mon armure. Le froid devrait
ralentir ses mouvements et la glace limitera les effets de l’hémorragie
si je dois faire face à un second assaut. Mon armure, je te confie
ma vie ».
Némésis passa à l’attaque mais cette fois sans
prendre appui sur ses jambes.
« Elle ne va pas se servir de ses jambes… sa prochaine attaque
sera soit la comète angélique soit l’épée
arc-en-ciel, si c’est la seconde je suis mort »
Le nom d’une attaque crié à s’en faire exploser
les poumons, une comète lancée à bout portant, le bruit
d’un corps qui s’écroule, des illusions qui disparaissent
puis un nom crié par une femme : « Odin !! »
***
La voix de Rhéa était douce, suppliante, envoûtante, contrastant
violemment avec le lieu d’où elle provenait.
Hadès n’avait prononcé aucun mot depuis qu’il avait
rencontré sa mère. Il semblait maintenant indifférent
au sang qui s’écoulait autour de lui et perturbait ses sens.
Restant à distance de sa mère il semblait écouter religieusement
les paroles de cette femme qui lui ressemblait tant.
« Hadès, je sais que tu me détestes pour t’avoir
donné la vie, cette vie qui pour toi s’est résumée
à une longue solitude mais comprends-moi : j’aimais
ton père le roi Cronos et mon devoir en tant qu’épouse
était de lui donner un héritier. »
Le dieu des morts persista dans son mutisme. Sa mère en sembla troublée
car elle retourna son visage vers le sien et lui montra ses poignets dont
les veines étaient ouvertes.
« Regarde ce sang mon fils. Ceci est mon sang et mes larmes aussi.
Ce sang je le verserai jusqu’à la dernière goutte si nécessaire
pour obtenir ton pardon comme le dieu des chrétiens a donné
le sien pour le pardon de l’humanité »
Le sang continua de s’écouler comme jaillissant d’une fontaine
sous les yeux indifférents du dieu des morts. Rhéa se leva alors
et vint se prosterner devant son fils aîné. Ses yeux étaient
brillants de larmes.
« Je t’en prie Hadès, dis-moi ce que je dois faire
pour obtenir ton pardon »
Le dieu des morts consentit pour la première fois à répondre.
« Pourquoi m’as-tu préféré Zeus ? »
Rhéa parut surprise par cette question.
- Pourquoi l’as-tu sauvé lui et m’as-tu laissé à
Cronos ? Pourquoi la lumière pour lui et les ténèbres
pour moi ? J’étais pourtant ton premier né. Le premier
être vivant auquel tu as donné le jour.
- Pardonne-moi… Il brillait d’une telle lumière…
je n’ai pas pu me résoudre à l’abandonner.
- C’est vrai : je te déteste pour cela : tu m’as
donné la vie sans me donner l’amour.
Rhéa observa son fils avec une expression mêlée de douleur
et de terreur dans ses yeux aussi bleus que les siens et tout aussi tristes
en cet instant.
La peur qui s’était insinuée en elle la quitta aussi vite
qu’elle était venue.
Sans un mot elle posa ses deux mains ruisselantes de sang sur les joues de
son fils aîné. Celui-ci semblait en éprouver une certaine
gêne.
- Regarde-moi dit-elle simplement.
Hadès sentait la chaleur corporelle de sa mère s’insinuer
dans sa peau, lentement, doucement, lui rappelant des sensations depuis longtemps
oubliées.
- Regarde-moi bien Hadès. Ces yeux ne sont-ils pas de la même
couleur que les tiens ? Et ces cheveux, ne te rappellent-ils rien ?
En ce moment tu sens la chaleur de mes mains sur tes joues et tu commences
à te souvenir.
- Oui je me souviens à présent…
Rhéa l’attira plus près d’elle puis déposa
un baiser sur son front comme font les mamans pour encourager leur enfant
à dormir.
- Je ne t’ai pas donné d’amour ? Mais alors comment
pourrais-tu vivre aujourd’hui ? Même si tu l’as oublié,
le jour de ta naissance tu criais comme tous les nourrissons qui réclament
l’amour. A ce moment là je t’ai pris dans mes bras puis
je t’ai embrassé. Même si cela n’a duré qu’une
seconde je ne l’ai pas oublié et toi non plus.
Hadès semblait avoir abandonné toute prévention, sa tête
inclinait de plus en plus vers l’avant comme s’il était
sur le point de s’endormir tandis que la main affectueuse de Rhéa
caressait tendrement ses cheveux.
Dans cet instant d’intimité personne ne faisait attention à
un cosmos extraordinairement brûlant se déplaçant lentement
le long de la rivière de sang.
L’archange Uriel guidé par son compagnon se préparait
à porter un coup mortel au maître de la mort.
« Il est en mon pouvoir, Uriel, prépare-toi à frapper. »
Sûr de lui, l’archange du rayon lumineux ne prêtait plus
aucune attention aux phrases que la mère et le fils continuaient à
échanger.
Rhéa continuait à distiller des paroles de tendresse dans l’oreille
de son enfant retrouvé, elle l’étreignait toujours avec
émotion lorsque avec la même voix douce il demanda :
-Ah réponds-moi s’il te plaît. Comment se nomme le monstre
qui a osé t’utiliser pour m’atteindre ?
La main du dieu se referma lentement sur la garde de son épée
tandis que son visage s’approchait de plus en plus de celui de Rhéa,
sa bouche et son oreille étant pratiquement au contact.
Uriel s’immobilisa instantanément en sentant le cosmos de sa
victime s’accroître.
« Non c’est impossible ! Il n’a pas pu me repérer ! »
La voix furieuse d’Oblivion retentit à ses oreilles, balayant
toute hésitation : « Qu’est-ce que tu attends
pauvre pomme ?! C’est maintenant qu’il faut frapper ! »
« Oui tu as raison, pour Zeus et notre pays, Hadès doit
mourir ! »
Trop absorbés par leur attaque conjuguée aucun des deux archanges
n’avait prêté attention au dernier échange entre
Hadès et Rhéa. L’épouse du roi Cronos avait en
effet pris son enfant dans ses bras et commencé à déverser
dans son cœur toute la tendresse dont elle était capable. Mais
aucune réponse ne lui parvint.
« Hadès, tu m’écoutes ? »
Rhéa n’eut pas le temps d’achever sa question, les images
que lui renvoyaient ses yeux étaient plus floues, lorsqu’elle
les abaissa vers le visage de son fils, celui-ci n’y était plus,
à la place se trouvait une longue lame d’acier qui lui perforait
l’estomac.
Hadès était celui qui tenait cette épée.
« Si je t’écoute un peu. »
Uriel s’était arrêté net, frappé de stupeur
par la scène à laquelle il venait d’assister : un
fils tuant sa propre mère ! L’étonnement d’Oblivion
égalait au moins le sien.
-Incroyable ! Ne pouvant frapper ce qu’il ne pouvait voir, il a
préféré tuer sa propre mère et ainsi briser l’illusion
dont il était victime ! Comment a-t-il pu garder une telle lucidité ?!
Mais ses réflexions furent brutalement interrompues : une souffrance
intense le traversa, le faisant se plier en deux comme si l’on venait
de lui porter un coup dans l’estomac. Comprenant en un éclair
ce qui allait se produire, il interpella brutalement Uriel.
-Va t-en ! Pars tout de suite ! Maintenant qu’il a détruit
une de mes illusions je ne pourrai pas maintenir les autres très longtemps !
-Mais je peux encore…
-Tu ne peux plus rien ! Hadès a surmonté cette épreuve,
nous n’avons plus le droit d’intervenir !
En effet la rivière de sang commençait à s’évaporer
pour révéler la véritable apparence de l’Olympe.
Penché sur sa mère, le fils aîné hésitait
à gratifier une illusion de cette phrase qu’il n’avait
jamais été capable d’énoncer auparavant.
« Je…Maman… »
Il allait dire quelque chose… ses lèvres s’étaient
ouvertes pour énoncer un mot… mais à ce moment précis
le corps de Rhéa commença à se disloquer.
Le dieu des morts eut un geste inattendu : approchant ses lèvres
du visage de Rhéa, il embrassa ses lèvres avec ferveur. Les
yeux de celle qui avait tenu le rôle d’une reine brillèrent
alors d’un nouvel éclat et ce fut le dernier souvenir qu’elle
laissa au maître de la mort avant de redevenir poussière d’étoiles,
le laissant à nouveau seul.
« Archanges, vous vous jouez cruellement de nos sentiments pour
protéger Zeus mais je devrais sans doute vous être reconnaissant :
ma véritable mère est morte il y a très longtemps, morte
de chagrin en voyant ses enfants s’entredéchirer. Elle n’a
jamais su que je lui avais pardonné, grâce à vous j’ai
pu lui dire au revoir.»
***
-Je ne suis pas pire que mon frère tu sais.
Depuis que l’assaut d’Hadès avait commencé Pandore
allait de surprise en surprise : au lieu de donner des ordres et de se
préparer le maître de l’Olympe semblait décidé
à lui faire les honneurs de sa demeure. L’Olympe était
un domaine immense, d’aucuns prétendaient que sa surface dépassait
celle de la Terre elle-même mais la comparaison s’arrêtait
là car le domaine céleste était infiniment plus beau
que la terre des hommes.
Au lever du soleil les nuages prenaient une couleur d’or inimitable
qui ne les quittait que lors de son coucher un mois plus tard mais il n’y
avait pas que cela : les 12 cités olympiennes bâties par
les gigantesques cyclopes et immaculées de toute violence depuis la
Gigantomachie reflétaient la lumière de l’astre solaire
sur leurs immenses domaines chacun d’une couleur différente :
rouge pour Arès, rose pour Aphrodite, bleu pour Poséidon…
Mais la couleur dominante de cet arc-en-ciel était sans conteste celle
du maître de l’olympe : la plus pure la plus immaculée
et la plus blanche qui se mélangeait avec toutes les couleurs secondaires,
les assimilant, leur donnant plus de force et de brillance chaque fois que
le soleil dardait ses rayons et cela aussi longtemps que le désirait
le maître des cieux.
Trop éblouie par le spectacle multicolore qui s’offrait à
elle pour prêter attention à la question qui lui était
indirectement posée, Pandore admirait ce magnifique domaine.
Amusé par sa candeur, le roi des dieux vint se placer à son
côté et s’adressa à elle d’une voix suave
qui dissimulait une cruelle ironie.
-La beauté d’un lever de soleil est irremplaçable n’est-ce
pas ?
Pandore s’écarta légèrement en sentant la présence
de son geôlier mais dans ce geste il y avait beaucoup moins de crainte
qu’auparavant.
-Tu étais faite pour le soleil, je l’ai su dès le premier
jour où je t’ai vue, lorsque ma sœur Déméter
est venue te présenter à nous le jour de tes 15 ans.
La jeune fille prit une expression rêveuse en se remémorant ce
souvenir d’une époque si lointaine, comme pour Athéna
les souvenirs de sa vie dans les temps mythiques lui revenaient sous la forme
d’intuitions parfois douces mais le plus souvent violentes.
Zeus savait très exactement quels sentiments agitaient le cœur
de la jeune fille et il se faisait d’avance une joie de les briser tous,
lentement, subtilement comme il l’avait fait avec Prométhée
en le forçant à regarder le martyr des hommes.
-C’est sur ce même balcon que mon triste frère t’a
donné ton premier baiser, je m’en souviens très bien :
tu voulais échapper au contact de mes sujets et il se trouvait là
à ce moment. J’espère que ce baiser donné ne fut
pas le dernier.
Pandore aurait voulu répliquer quelque chose, lui envoyer une preuve
irréfutable qui démonterait cette affirmation mais aussi loin
qu’elle sonde sa mémoire elle ne pouvait saisir un seul souvenir
de bonheur, tout était gris et terne.
-Je… je ne sais pas.
Zeus la prit doucement par l’épaule et l’invita à
la suivre le long du balcon qui bordait toutes les fenêtres du palais.
-Non la vérité c’est que tu ne t’en souviens pas.
Mais ne t’inquiètes pas : j’ai aidé ma fille
à se souvenir de sa mission en prenant l’apparence d’un
vieil homme qu’elle croyait son grand père alors je peux faire
de même pour toi.
Pandore tenta d’échapper à l’étreinte du
dieu mais elle n’y parvint pas, elle dut donc se résigner à
le suivre et à l’écouter.
-La première chose que tu dois savoir est que tu es Perséphone
comme Saori est Athéna et Julian Solo est Poséidon, nul ne peut
aller contre cela même si tu n’en as pas conscience.
-Si je suis Perséphone, pourquoi est-ce que je ressemble si peu à
la déesse blonde que j’ai vue dans mes rêves ?
-Cette déesse dont tu parles est morte ou du moins son corps n’existe
plus.
-Comment est-elle morte ?
-Tu dis te souvenir de tes rêves alors tu dois te souvenir de ce que
t’a répondu mon frère quand tu lui as demandé de
te prendre avec lui.
-Il a dit « Je suis le dieu qui domine la mort, si tu restes avec
moi c’est comme si tu abandonnais la vie »
Un sourire cruel flotta quelques secondes sur les lèvres du maître
des cieux.
-Et sa prédiction s’est réalisée : la fragile
Perséphone qui depuis son enfance ne vivait que pour Hadès a
perdu la vie par sa faute.
-Vous mentez !
Devant tant de hargne, le sourire de Zeus s’élargit encore.
-En effet, Hadès n’est pas responsable de ta mort, il en est
l’auteur.
-Comment ?
Cette fois l’interlocuteur de Pandore prit un air légèrement
mélancolique, comme s’il s’apprêtait à énoncer
une triste vérité dont il aurait été le témoin.
-L’amour le rendait faible, sa puissance déclinait. Le monde
avançait et il voyait qu’il n’en ferait jamais partie s’il
continuait de consacrer sa vie à te protéger. Un conflit éclata
avec Déméter soutenue par quelques dieux, les 108 spectres eurent
aisément le dessus mais les humains avaient été les premières
victimes de cette guerre. Tu lui demandas de te laisser partir et il finit
par accepter mais quand tu revins à lui il avait changé, l’amour
dans son cœur avait fait place à l’orgueil, l’ambition
le dévorait. En te voyant il a senti ses sentiments renaître
avec sa faiblesse alors, sans un mot, il a pris ta vie.
-Vous mentez !!
-Oh je ne dis pas que ce fut un choix facile pour lui. Je ne doute pas non
plus qu’il en ait éprouvé de la peine, cela a probablement
dû lui briser le cœur. Cependant tu connais suffisamment mon frère
pour savoir que ses actes même les plus abjects trouvent toujours une
justification. Mais les faits sont là : l’assassin de Perséphone
fut Hadès et malgré toutes les excuses que l’on pourra
lui trouver, cet acte démontre qu’il est un être foncièrement
mauvais.
Bien que moralement détruite par cette révélation, Pandore
tenait vaillamment tête au roi des dieux et choisit d’abattre
sa dernière carte.
-Si Perséphone était un poids pour lui, pourquoi
aurait-il choisi d’avoir Pandore à son côté ?
-Ce ne fut pas un choix mais une punition. Un meurtre appelle toujours justice
et quel plus beau châtiment pour un homme que d’avoir à
son côté celle qu’il aime pour l’éternité
sans jamais pouvoir le lui dire ? C’est moi-même qui ai soufflé
cette idée au tribunal des dieux.
Sur ces derniers mots, le roi des dieux saisit le bras de celle qui était
en théorie la réincarnation de sa fille pour l’emmener
un peu plus loin. Pandore ne saisit que quelques secondes plus tard ce que
ce geste avait de protecteur lorsque le mur auquel elle était
adossée s’écroula sous l’impact d’une comète
angélique.
***
Oblivion vaincu, les illusions créées par lui ne lui survivraient
plus longtemps.
Autour de Némésis et Odin les plaines du grand Nord qui avaient
servi de théâtre à leur dernier affrontement étaient
en train de disparaître de pair avec la neige. Mais pour le dieu nordique
le mal était déjà fait.
Ne parvenant pas à se décider à tuer une femme, le seigneur
d’Asgard avait choisi de recevoir l’attaque de celle-ci de plein
fouet, espérant à raison que cela dissiperait l’illusion
dont elle était victime. Son plan avait fonctionné à
la perfection à un détail près : son armure n’avait
pas encaissé toute la force de l’attaque, il gisait donc à
quelques mètres de là, inconscient, une femme blonde portant
une aube d’archange penchée sur lui.
Némésis bien que vraisemblablement désolée d’être
la cause de cette blessure n’en perdait pas pour autant son sang froid :
après avoir vérifié que le ni le dos ni la nuque n’avaient
été touchés, elle mit Odin en position assise puis ayant
posé ses mains sur ses épaules, le secoua assez rudement d’avant
en arrière provoquant son réveil instantané.
Odin ouvrit lentement les yeux puis porta vivement la main à son estomac.
Apercevant Némésis il se força à sourire.
-Je ne sais pas comment tu m’as réanimé mais j’aurais
préféré le bouche à bouche…
La jeune femme lui sourit en retour, visiblement soulagée.
-Ca n’aurait pas été désagréable en effet,
pour une prochaine fois peut-être mais il me semble que le temps presse
aussi…
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase car Odin lui saisit très
fermement le poignet droit pour l’empêcher de partir.
-Attends. Tu viens de manquer de me tuer pour la deuxième fois aujourd’hui
et de me ranimer de façon plutôt brutale. En plus de ça
je découvre que tu es une femme et surtout tu as lâché
un nom lors de notre duel « Uriel » alors je pense que
tu me dois une explication.
La réponse de Némésis fusa tandis qu’elle essayait
de s’arracher à l’étreinte du dieu nordique.
-Uriel est un des trois seigneurs des archanges de Zeus, il a utilisé
ses pouvoirs pour m’obliger à te combattre de façon à
ne pas se salir les mains, cela te suffit-il ?
-Il serait temps de cesser de mentir, tu ne crois pas ?
-Qu’est-ce que tu veux dire ?
Odin planta son regard dans celui de Némésis.
-Tu n’es pas plus archange que je ne le suis et avant le début
de notre duel je t’ai entendu parler d’un pays gouverné
par neuf rois dont l’un s’appellerait Ilya. Il est inutile de
tenter de cacher la vérité plus longtemps : votre rôle
n’est pas de protéger Zeus et vous ne venez pas de l’Olympe.
Si tu ne me donnes pas une explication je ferai tout mon possible pour perturber
le duel auquel vous autres archanges attachez une telle importance. Alors
parle !
-Je risque ma vie si je te dis la vérité. Uriel ou Oblivion
n’auront aucune hésitation à m’exécuter.
-Ils sont déjà passés à l’acte et n’hésiteront
pas à recommencer ! En nous aidant tu es devenue leur ennemie,
et puis… et puis cela doit être dur de garder un secret pendant
si longtemps sans jamais pouvoir le confier.
Némésis envisagea un moment Odin comme un ennemi potentiel,
ses yeux dévièrent dangereusement vers son épée
posée à quelques mètres d’elle puis sans raison
apparente son expression changea du tout au tout et elle décocha à
son compagnon son plus charmant sourire.
-Oh et puis zut ! Tu as raison, c’est vraiment trop lourd de ne
jamais pouvoir rien dire et puis maintenant ce n’est qu’une question
de minutes avant le grand final ! Alors écoute-moi bien car je
vais te révéler ce que je sais sur Utopia et les 9 rois.
***
Le maître de la mort s’immobilisa et tout son corps se raidit
comme s’il venait d’apercevoir un fantôme.
- Que fais-tu là ?
Un homme de taille moyenne vêtu d’un manteau en fourrure de loup
émergea de la pénombre.
- Quel accueil glacial monseigneur… il faut dire que les circonstances
de notre dernière séparation n’étaient pas non
plus très chaleureuses.
- Je sais Loki, je n’aurais pas dû te laisser la vie sauve ce
jour là. Pour l’avoir blessée tu auraîs mérité
de souffrir mille morts.
Pour calmer la nervosité que faisaient monter en lui ces souvenirs
humiliants, le dieu malin commença à se gratter le nez.
- Je suppose que vous faites allusion à cette jeune fille, Pandore
je crois…
- Je t’interdis de prononcer son nom !! La dernière fois
tu ne dus la vie sauve qu’à son désir !!
Un sourire malsain déforma les lèvres du dernier des Vanes en
constatant qu’il avait touché le point sensible.
- En parlant de Pandore, savez-vous ce qu’elle est devenue ?
Hadès était trop fin pour ne pas soupçonner une quelconque
malice de la part de son ennemi aussi se concentra-t-il pour repérer
une éventuelle trace du cosmos d’Oblivion synonyme d’illusion
mais non il n’y avait rien que Loki et lui.
Devant l’inertie de son interlocuteur celui-ci enchaîna donc.
- Seigneur Hadès, je suis venu de très loin pour vous conter
une histoire, la voici : les petits dieux qui étaient chargés
de protéger votre domaine sur Terre ont trouvé plus fort qu’eux,
la belle qu’ils étaient partis chercher dans un royaume enneigé
s’est envolée vers le ciel en compagnie d’un beau prince
charmant…
Jusque là Hadès n’avait que distraitement écouté
les élucubrations du dieu malin et son regard se portait plutôt
sur le cou de celui-ci comme s’il calculait mentalement le nombre de
coups qu’il lui faudrait pour le trancher. Mais Loki avait un atout
maître.
- … Le beau prince a laissé les gardiens… endormis…
peut-être pour toujours. Quant à la belle… peut-être
s’est-elle endormie aussi… son beau prince la réveillera
sans doute d’un baiser… à moins qu’il n’aille
directement à la conclusion du conte.
Si Loki s’attendait à provoquer une réaction violente
de la part de son vis-à-vis, il dut être déçu.
Le seigneur du Meikai n’avait pas bougé d’un cil :
son épée était toujours posée dans sa paume, immobile,
son opulente chevelure occultant l’expression de ses yeux. Pourtant
il y avait comme une dissonance dans ce tableau, comme une couleur trop vive
dont le peintre eût par mégarde maculé son œuvre.
Ce détail sauta tout de suite aux yeux de Loki qui approchant délicatement
sa main de celle du dieu l’éloigna doucement de la lame pour
l’examiner.
- Oh quel malheur, vous vous êtes coupé ? Vous aurais-je
troublé ?
Avant qu’il n’ait eu le temps de savourer son triomphe, le traître
sentit une douleur affreuse lui traverser la main, comme si toutes ses phalanges
venaient d’exploser en même temps. Il n’eut cependant guère
le temps de s’apitoyer sur son sort car une question fusa immédiatement
à ses oreilles.
« Pourquoi ? »
Loki eut du mal à comprendre la question aussi dut-elle être
répétée deux fois et ponctuée d’un nouveau
cri de douleur.
- Pourquoi un démon de ton genre vient-il m’annoncer l’enlèvement
de ma sœur par Zeus ?
Hadès relâcha la pression le temps nécessaire à
Loki pour retirer ce qui restait de sa main.
- Quelle question… mais pour vous voir souffrir naturellement. Seigneur
Hadès, vous ne pouvez savoir à quel point je vous hais, vous
mais aussi Odin. Malgré vos grands discours vous n’êtes
finalement qu’un lâche qui envoie des assassins régler
ses affaires sous des prétextes fallacieux ! Je suis le dernier
membre de la famille des Vanes, ma fille Hell était la dernière
chose qui me restait dans ce monde et votre Hypnos l’a endormie à
jamais… pour votre bon plaisir !
Un sourire ironique déforma les lèvres de Loki malgré
la douleur. Hadès quant à lui ne semblait pas préoccupé
outre mesure par ces accusations.
- C’est pour me dire cela que tu es venu jusqu’ici ? Je n’ai
que faire de tes accusations : Hell, Aegir et maintenant toi, vous avez
tous voulu me faire obstacle alors que ma lutte n’était pas dirigée
contre vous. Ils en ont payé le prix, voilà tout.
Loki se releva péniblement, il n’y avait aucune peur dans ses
yeux lorsqu’il toisa Hadès.
- Non effectivement, mon rôle est celui de messager. Je viens de la
part des 9 rois qui gouvernent le royaume de votre père.
Cette fois Hadès paraissait vraiment intrigué.
- Le royaume de mon père ?
Loki devait tellement souffrir en cet instant qu’il ne songea même
pas à ménager son effet.
- Oui majesté. Aux confins du monde, là où la mer rejoint
l’astre de la nuit et celui du jour, se trouve une île enchantée
que le roi Cronos appela « l’île des Bienheureux »
ou Utopia, le royaume de l’Utopie.
- Qui es-tu donc, Loki ?
Le dieu malin était à nouveau en position de force, il aurait
pu tout révéler mais il préféra réciter
ce qu’on lui avait appris depuis qu’il était arrivé
à Utopia.
« Notre nom est Légion car nous sommes nombreux. »
Cette citation fut immédiatement complétée par le dieu
des morts :
- « Du diable nous venons et au diable nous retournons ».
C’est la réponse que fit un homme envoûté par un
démon au Christ qui tenta de savoir qui il était. Seriez-vous
donc le diable ?
Loki sembla hésiter entre plusieurs possibilités mais finalement
jouer au plus fin avec Hadès ne pouvait aboutir à rien et Caliban,
le troisième roi d’Utopia, avait été très
clair : Hadès devait savoir, absolument tout.
- Je te hais tellement Hadès… je te hais pour ce que tu as fait
à mon peuple. Je te déteste encore plus que tous les olympiens
réunis bien qu’ils aient fait des autres panthéons leurs
esclaves. Mais mon maître, lui, semble t’apprécier. Aussi
je vais devoir te révéler ce qu’est Utopia et la raison
de ma présence.
Un court silence passa avant que le dieu déchu ne s’exécute
finalement.
- Utopia est un royaume enchanté, cette île est née de
la volonté du roi Cronos qui voulait en faire le point de départ
d’un nouvel âge d’or. il voulait y fonder une nouvelle humanité
mois corrompue que celle-ci, il souhaitait que la douleur fût bannie
de cette Terre de façon à ce que tous les hommes puissent vivre
en harmonie avec le concept qui les définissait. Dans les temps mythologiques
seuls quelques rares élus furent autorisés à y séjourner
mais lors de la défaite du roi Cronos, Utopia se coupa du monde et
se divisa en 9 royaumes correspondant aux 9 concepts principaux censés
définir l’essence de l’être humain.
Loki se préparait à enchaîner mais Hadès préféra
le couper avant de le voir entrer dans des considérations théologiques.
- Je ne vois toujours pas quel est le rapport avec moi.
Son interlocuteur ne sembla pas outre mesure affecté par cette interruption.
- Utopia est un royaume enchanté gouverné par 9 des plus grandes
puissances qui existent sur cette planète mais depuis les temps mythiques
il nous est interdit de conquérir le monde tant que nous ne le faisons
pas au nom de notre souverain légitime. Celui-ci, vous le savez, fut
votre père le roi Cronos et depuis sa disparition le choix doit s’opérer
entre ses fils. Poséidon étant défait, il ne reste plus
que Zeus et vous-même. Utopia a besoin d’un souverain, majesté.
Ce duel entre Zeus et vous-même nous est apparu comme le moyen le plus
approprié de procéder à une élection. C’est
pour cette raison que les archanges Uriel et Oblivion ont jugé bon
de s’occuper de ceux qui vous accompagnaient et auraient pu gêner
votre duel.
- Les archanges sont donc tous des espions d’Utopia ? Cela veut
dire que tes neuf rois désirent que Zeus soit leur souverain ?
- Non majesté. Seuls les rois connaissent leur identité respective.
Je vis à Utopia depuis des milliers d’années et pourtant
je n’en connais que deux. Mais je crois pouvoir dire que mon maître
Caliban, le troisième roi, vous est favorable.
Hadès ne parvint pas totalement à cacher sa contrariété :
Caliban était le nom d’un personnage de La Tempête
de Shakespeare, un monstre aux pouvoirs surnaturels au service de l’archimage
Prospéro mais perpétuellement en révolte contre lui.
Compter parmi ses alliés un homme qui avait choisi un tel nom n’était
pas nécessairement réconfortant.
- C’est pour cette raison qu’il m’a envoyé ici :
il veut vous témoigner son soutien.
Jusqu’à maintenant, Loki n’avait fait que dire la vérité
mais il venait de mentir : Caliban lui avait juste ordonné de
transmettre la prophétie du premier roi à Némésis
de façon à ce que celle-ci puisse jouer son rôle. Jamais
il ne lui avait ordonné d’assurer Hadès de son soutien.
- Tu mens, Loki. La raison qui t’a poussé à venir me dire
cela est que tu voudrais que j’attaque Zeus immédiatement. Et
s’il me tuait, toi et les tiens seraient alors vengés. Ai-je
vu juste ?
L’émissaire d’Utopia se courba soudainement en deux comme
en proie à une douleur fulgurante mais en fait c’était
le rire qui le faisait trembler.
- Ah ah ah !! Oui tu as tout à fait raison ! C’est
une défaite totale ! Ah ah ah !! J’ai échoué
sur toute la ligne et maintenant tu vas me tuer !
Loki mit quelques secondes à reprendre son calme tandis qu’Hadès
lui tournait étrangement le dos.
- Mais en fait j’ai réussi : j’ai accompli ma vengeance
et la volonté de mon maître. Car je sais que Zeus te tuera, Hadès
et avec toi Odin et tous les autres ! Mais il n’y a pas que ça :
maintenant je sais que tu vas souffrir comme j’ai souffert d’avoir
perdu ma fille car Zeus vient de te prendre les seules personnes que tu chérissais
et bientôt il sera aussi le roi d’Utopia, le successeur de Cronos !
Quelle belle vengeance !! Mais… tu ne réagis pas ?
A cet instant les yeux d’Hadès avaient viré à la
couleur blanc acier qui ne les animait que lorsqu’il était en
proie à une colère sans borne.
- Ne… ne me dis pas que cela ne t’affecte pas !! Quel genre
de monstre es-tu pour ne pas t’émouvoir de cela ?! As-tu
seulement un cœur ?!
Des dents serrées du sombre dieu, seul un sifflement s’échappa
mais il était rempli de haine.
« Tais-toi ! Tu m’énerves ! »
Loki vit le danger arriver mais trop tard : déjà le cosmos
d’Hadès avait englobé tout son corps, ses yeux étaient
devenus aveugles, l’air qui pénétrait ses poumons
était irrespirable et en son corps brûlait une flamme ardente.
- Tu… tu as tout détruit en moi… tout ce qu’il restait
de bon… maintenant il n’y a plus qu’un homme qui veut se
venger !!
Hadès avait fait volte-face et bien que ses yeux ne puissent plus voir,
le dieu malin se sentit comme transpercé par une multitude de poignards.
- Pour la première fois… je vais tuer avec plaisir !!
Il avait pensé à des flammes en prononçant ces mots et
les flammes apparurent. Retrouvant la vue à cet instant, Loki fut incapable
de détacher son regard des pupilles de son bourreau, il s’y vit
lui-même brûler, sa peau lentement arrachée par les caresses
des flammes lui semblait être celle d’un autre et pourtant la
douleur était bien réelle, elle était là, dans
les yeux de la Mort.
Au moment même où le corps de l’éternel ennemi d’Odin
échappait enfin à l’étreinte de son meurtrier,
loin très loin de là, dans un palais aussi froid que la glace,
une jeune homme blond laissa échapper un gémissement de douleur :
la première partie de sa prédiction était réalisée.
***
-Les rois sont donc au nombre de neuf ?
-Non, ce chiffre n’a jamais été atteint mais il est dit
que lorsque que le 9ème roi arrivera, Utopia aura un nouveau souverain.
J'ajoute que les rois d’Utopia ne sont pas immortels : aucun des
rois actuels n’a été nommé par Cronos, j’ai
moi-même tué le roi qui avait été nommé
par lui.
-Tu en as tué un dis-tu ?
-Oui. Te souviens-tu de cet homme dans l’illusion d’Oblivion ?
Il se nomme Ilya Muromets, c’est un ancien héros légendaire
de Russie, il y a très longtemps j’étais une enfant perdue
dans les plaines du Nord, avec ma sœur nous attendions un sauveur, le
mien fut Ilya. Il m’emmena à Utopia et m’éleva comme
sa propre fille mais ceci est une autre histoire. Un jour Ilya me présenta
à l’un des rois d’Utopia. C’était un homme
très âgé et fatigué, le bruit courait qu’il
cherchait un successeur.
-Comment s’appelait-il ?
-Sviatogor, comme Ilya il venait de Russie et dans les légendes on
disait qu’il avait voyagé toute sa vie à cheval en portant
le poids du monde dans une besace qu’il tenait d’une seule main.
Il regarda l’enfant que j’étais s’approcher puis
quand je fus devant lui, il me donna un ordre et cet ordre était :
« Tue-moi. »
-Et qu’as-tu fait alors ?
-Les guerriers d’Utopia ne connaissent que l’obéissance,
cet ordre venant d’un roi je ne pouvais que l’exécuter
même si cela signifiait ma propre mort. Je tirai alors mon épée
et lui tranchai la gorge. Je regardai Sviatogor se vider lentement de son
sang, ses yeux exprimaient une infinie reconnaissance tandis que moi je sentais
la peur me nouer le ventre.
-Que s’est-il passé ensuite ?
-Ilya m’a prise dans ses bras puis embrassée. Il m’a annoncé
qu’en tuant cet homme tout en sachant que cela signifiait ma propre
mort j’avais accompli une sorte de rituel et que j’étais
maintenant destinée à lui succéder. Peu de temps après
je fus envoyée à la cour de Zeus pour devenir archange de Zeus.
Uriel et Oblivion arrivèrent plus tard. C’est tout ce que je
sais.
-Tu ne m’as pas tout dit : cet Ilya a bien dû te donner des
instructions lorsqu’il t’a envoyé à la cour de Zeus.
Némésis laissa passer un silence, soignant probablement la formulation
de sa réponse.
-Il a juste dit qu’au moment venu, les rois d’Utopia seraient
amenés à élire leur souverain et que ce jour là
il me faudrait prendre partie pour l’une des deux étoiles géantes
qui s’affronteraient.
***
Il arrive qu’un orateur, à force de s’écouter parler,
en arrive à desservir la cause qu’il défend et c’est
ce qui était en train d’arriver.
-Comme je te l’ai dit je ne suis pas pire que mon frère aîné,
je serais sans doute bien meilleur en fait. Car contrairement à
lui je me bats pour protéger quelque chose, non pour tout détruire.
Depuis un moment, le monarque recherchait constamment un signe d’assentiment
de la part de Pandore et son attente était presque toujours déçue
si bien qu’il se sentit encore une fois obligé de poursuivre.
-Tout à l’heure quand je te faisais les honneurs de ma demeure
tu as pu apprécier la splendeur d’un lever de soleil en Olympe,
la pureté du ciel et de cette terre. Réponds-moi sincèrement :
As-tu jamais vu quoique ce soit de comparable en Enfer ? Non bien sûr
les spectres voient le monde sous un jour sombre, ils en oublient même
les couleurs de la vie.
Le discours de Zeus fut un instant interrompu par l’extinction momentanée
du cosmos d’Oblivion ce qui ne présageait rien de bon.
-Hum, mes hommes se battent avec détermination mais je sais que c’est
moi qui devrai l’arrêter. Alors écoute-moi bien :
le règne de Zeus est un règne de paix ! J’ai levé
les dieux les uns contre les autres pour les empêcher de s’allier
et j’ai laissé la Terre à Athéna. Ces procédés
peuvent te paraître peu honorables mais c’est ainsi que j’ai
ouvert une ère de 2000 ans de paix et quiconque s’oppose au monde
de Zeus doit mourir. Et c’est pour cela que je me bats : pour protéger
ce que j’ai construit et non pour trouver une justification à
mon existence… Mais… j’ai beau savoir que je défends
la Justice… vaincre son frère aîné est normalement
une chose impossible, c’est pourquoi j’ai besoin de toi !
La force d’Hadès lui vient de la foi qu’il a en tes sentiments
mais c’est en même temps sa plus grande faiblesse ! Si ses
sentiments pour toi s’écroulent sa volonté aussi s’écroulera.
Quitte-le ! Rejoins-moi et tu redeviendras une déesse adulée
de tous ! Tu pourras goûter aux fruits du paradis en Olympe pour
l’éternité, tu seras à nouveau Perséphone.
Pour avoir tout cela tu n’as qu’un seul mot à prononcer.
Pour la première fois, Pandore consentit à sortir du mutisme
où la révélation du rôle d’Hadès dans
la mort de Perséphone l’avait laissée. Lorsqu’elle
fit enfin volte-face, ses yeux étaient encore rouge d’avoir pleuré
mais ses larmes ne coulaient plus. Ses lèvres étaient encore
rouges d’avoir été mordues mais elles souriaient. Elle
était alors la personnification de la sincérité.
-Je l’aime. Je l’ai toujours aimé depuis mon enfance, guettant
un sourire de sa part, une marque de gentillesse. Je sais bien que son cœur
ne peut connaître le bonheur mais tant qu’il aura besoin de moi
je serai à ses côtés, c’est cela l’amour mais
vous ne pouvez pas le comprendre vous autres immortels. S’il a tué
Perséphone car elle était sa femme alors je l’aimerai
comme un frère et peut-être un jour finira-t-il par changer.
Et même s’il me tuait cela me serait égal si c’était
le dernier meurtre qu’il commettait. Je l’aimerai toujours, quoiqu’il
se passe ou qu’il se soit déjà passé.
Zeus parut hésiter à laisser éclater sa colère
pendant un temps qui sembla une éternité. Comment ? On
osait lui résister à lui le roi des dieux qui avait la bonté
de pardonner ? Et pourquoi ? Pour l’amour d’un dieu
assassin et nihiliste !!
Il domina alors Pandore de toute sa taille, sa main droite s’éleva
à la hauteur de sa joue gauche comme s’il prenait son élan
pour lui administrer une gifle. Puis son regard se fixa à nouveau dans
les yeux de Pandore et il fut comme frappé par un détail si
évident qu’il ne l’avait pas vu jusque là.
Sa main resta suspendue dans les airs pendant quelques secondes puis il la
laissa finalement retomber jusqu’à la hauteur de Pandore dont
il saisit la main droite. Le sourire qu’il lui décocha alors
était teinté d’attendrissement. Dans de pareilles circonstances
il pouvait sembler malsain.
- Tu l’aimes donc tant que cela ? Même s’il est ton
assassin tu l’aimes toujours ?
Zeus avait saisi le menton de Pandore qui tendait de retenir les larmes qui
lui venaient aux yeux.
- Alors soit, s’il en est ainsi, je ne m’opposerai pas à
cet amour désespéré. Je vais même te donner les
moyens de le concrétiser.
Le visage de Pandore était à cette seconde l’expression
même de la surprise. Mais elle n’eut guère le temps de
réfléchir à la dernière phrase prononcée
par son interlocuteur car celui-ci lui saisit le bras et l’emmena vers
une porte dont elle aurait juré qu’elle ne se trouvait pas là
une seconde avant. Zeus en ouvrit les battants à la volée. Le
ton sur lequel il s’adressa à elle ensuite était presque
enthousiaste.
- Tu me détestes n’est-ce pas ? Tu me hais d’autant
plus que tu sais qu’Hadès devra se battre contre moi pour te
retrouver ! Alors écoute-moi bien : il existe un moyen très
sûr d’assurer la victoire de ton amant : c’est de détruire
mon corps originel ! Sans lui je ne pourrai plus rien faire.
Le monarque embrassa la pièce dans laquelle il se trouvait d’un
ample mouvement de son bras.
- La pièce dans laquelle tu te trouves est le caveau de mon corps qui
est en léthargie depuis les temps mythiques. Pour le détruire
il te suffit d’ouvrir cette mausolée et de me tuer comme tu le
ferais avec n’importe quel mortel.
Zeus se disposait à partir quand il sentit une assez forte pression
sur son bras droit. Il se retourna et comme il s’y attendait les yeux
qu’il croisa avaient pris une couleur rouge sang tandis qu’un
cosmos de plus en plus dense enveloppait celle qui n’était que
quelques instants auparavant qu’une enfant apeurée.
- Pourquoi faites-vous cela ?
Le roi l’observa avec un intérêt renouvelé.
- Je vois qu’en réveillant tes souvenirs mythologiques, j’ai
réveillé la déesse qui était en toi. Perséphone
refait lentement surface. Oserais-je ajouter que j’en suis ravi.
- Vous n’avez pas répondu à ma question ! Pourquoi
me donner l’occasion de vous anéantir ?
Zeus se libéra de l’étreinte de celle qui avait été
il y a très longtemps sa fille.
- Serais-je digne d’être le dieu suprême si j’avais
peur de mon destin ? Ce qui doit s’accomplir se fera mais quoiqu’il
arrive j’aurai choisi la façon dont je mourrai. Et puis…
peut-être que j’ai vraiment envie de voir jusqu’où
l’amour pour ton assassin peut te pousser.
Sur ces paroles énigmatiques, le roi des cieux disparut et la dernière
chose que Pandore vit de lui fut son sourire ironique.
Lentement, doucement, elle s’approcha du caveau. Elle se trouvait en
face d’une très lourde responsabilité, saurait-elle s’en
montrer digne ?
***
Lorsqu’il avait répondu à Uriel que le sort d’Athéna
était maintenant entre les mains de Zeus, l’archange Oblivion
n’avait pas dit de mensonge : le seigneur des cieux avait lui-même
choisi la façon dont devait mourir sa fille et il allait y prêter
la main.
Pour être un manipulateur, Zeus n’avait toutefois pas la même
affection qu’Oblivion pour les illusions, aussi avait-il choisi de se
présenter à Athéna sous son vrai jour : celui de
son père. Elle l’avait trouvé là, arborant un air
nonchalant, assis sur les marches de l’un des monumentaux escaliers
de la cité céleste. En la voyant arriver il lui sourit et elle
ne sut que dire devant tant de beauté.
- C’est vous mon père ?
Le maître du ciel se releva avec grâce.
- Qui d’autre attendais-tu ?
Puis ils n’avaient su que dire et s’étaient tus, comme
souvent dans une situation comme celle-la, le plus âgé des deux
avait pris les devants, il le fit même avec une certaine désinvolture.
- Alors, ça t’a plu de vivre parmi les humains ?
Quelques secondes passèrent avant qu’Athéna consentît
à répondre. La méfiance s’évapora progressivement
et ses lèvres peintes de mauve se déformèrent en un charmant
sourire.
- Tout à fait, j’ai adoré.
Pour la première fois, un léger courant de sympathie avait couru
entre eux. Qui aurait pu croire qu’au milieu de tant de sang et de mort
un père et sa fille se retrouveraient ? Oh certes, ils s’étaient
parlés durant cette parodie de procès, détestés
mêmes mais ce n’étaient pas eux, c’étaient
leurs rôles qui avaient dialogué ensemble. Et c’est sans
doute pour cette raison que cet instant leur paraissait à tous les
deux une nouvelle rencontre. Bien qu’il en fût sans doute peiné
Zeus dut interrompre ces retrouvailles.
- Avant que tu ne poses la question ma fille, Arès est mort. C’était
mon fils et ton demi-frère, il a choisi son destin et sa mort et ni
toi ni moi n’avons le temps de le pleurer. Si je t’ai fait venir
c’est parce que nous avons à parler tous les deux, comme un père
et sa fille.
Le dieu approcha sa main de celle d’Athéna qui ne put réprimer
un mouvement de recul instinctif.
- Oui bien sûr, après une si longue absence il est de mauvais
goût de mettre en avant ma paternité et pourtant je n’ai
cessé d’être un père pour toi.
- Comment osez-vous ?
Avant qu’elle n’ait pu achever sa phrase, Athéna fut littéralement
frappée de stupeur : les traits juvéniles du beau visage
de l’empereur se ridaient progressivement, ses cheveux opulents étaient
maintenant clairsemés, le rictus de sa bouche se déformait en
une grimace caractéristique de la vieillesse.
- Pas mal n’est-ce pas ? Mais encore incomplet.
Sous les yeux toujours aussi stupéfaits de Saori était celui
qui ressemblait trait pour trait à Mitsumasa Kido, son grand père,
le père de tous les chevaliers du zodiaque. Mais il n’avait pas
encore achevé sa transformation : son corps perdait progressivement
sa consistance physique pour muer en un voile transparent à l’égal
d’un fantôme.
- Je parie que cela te rappelle nos conversations dans le planétarium.
- C’était donc vous…
- Encore une fois, qui veux-tu d’autre ?
Saori sentait une profonde amertume l’envahir à l’idée
que la personne qu’elle avait révérée comme un
parent depuis son enfance ne pût être qu’un pantin entre
les mains du dieu suprême.
- Alors mon grand père n’a jamais existé ?
- Bien sûr que si, il t’a retrouvée parce que je l’avais
mis sur le chemin d’Aioros puis il a accompli son office. Il était
parfait pour le rôle que je lui assignais : riche, puissant, issu
d’un pays où le sens de l’honneur a encore un sens. Je
n’aurais pu rêver de meilleure éducation. Mais le jour
où mon sinistre frère l’a rappelé à lui,
il a bien fallu que je prenne la relève, que je te rappelle que ton
rôle était de lutter contre les forces du mal.
Il avait énoncé cette dernière phrase avec une ironie
évidente qui n’avait pas échappé à la déesse
de la guerre.
- Il me semble que vous êtes bien mal placé pour parler de Bien
ou de Mal et dans quel but m’avez-vous ainsi conseillée ?
- Cela me semble évident : tu es la détentrice légitime
de la Terre et sa protectrice. Crois-tu que je pouvais laisser un schizophrène
comme le chevalier des Gémeaux te remplacer ? Pour peu qu’Hadès
ou Poséidon eussent été au courant et on courait droit
à la catastrophe.
- C’est pour me dire ces choses là que vous m’avez fait
venir ?
Cette fois l’expression d’amusement avait complètement
disparu du visage de Zeus sans le troubler au point de l’obliger à
reprendre son apparence normale. La colère lui monta à la bouche
mais il se retint et son sourire redevint paternel.
- « Combattre le mal où qu’il soit », c’est
pour te rappeler que telle est ta mission que je t’ai faite venir et
ordonné à mes archanges de me débarrasser d’Arès.
Ton devoir est et sera toujours de combattre le mal où qu’il
se trouve et cela jusqu’à ta mort. Et c’est pour m’aider
à lutter contre lui que je t’ai invitée.
- Hadès n’est pas le mal, il n’est que tristesse.
Cette fois le regard de Zeus exprima un dédain souverain mais aussi
beaucoup de tristesse. Son apparence changea encore.
- Bien sûr que non Hadès n’est pas le mal incarné.
Il est bien plus que cela : il est tout à la fois tristesse, haine
et amour, violent et calme, cruel et généreux. Mon frère
est une masse de contradictions… une dangereuse masse de contradictions.
Et si l’on y prend garde il serait bien capable de détruire tout
l’univers pour être enfin en harmonie avec lui-même, dans
le néant.
L’indignation soulevait littéralement les épaules du dieu
à mesure qu’il parlait de son frère aîné.
- Un tel homme ne peut pas régner !! Il ne doit pas régner !!
Ou alors dans les ténèbres, là où il a sa place !
Il est un danger pour l’univers et pour lui-même !
Athéna était restée parfaitement calme durant tout ce
monologue.
- Qu’est-ce qui vous permet de dire que vous êtes meilleur que
lui ?
La colère donnait subitement au dieu suprême une grande éloquence,
à la limite de la sincérité.
- Mais c’est une évidence : le règne de Zeus est
un règne de paix ! J’ai levé les dieux les uns contre
les autres pour les empêcher de s’allier et je t’ai laissé
la Terre à toi Athéna. Ces procédés peuvent te
paraître peu honorables mais c’est ainsi que j’ai ouvert
une ère de 2000 ans de paix et quiconque s’oppose au monde de
Zeus doit mourir. Et c’est pour cela que je me bats : pour protéger
ce que j’ai construit et non pour trouver une justification à
mon existence. Le monde de Zeus est derrière toi Athéna, tu
le connais et même s’il te paraît cruel tu sais au fond
de toi qu’il est synonyme de paix. Le monde d’Hadès, tu
l’as vu de tes yeux : c’est un monde de ténèbres
insondables où le pardon n’est jamais accordé et les souffrances
éternelles ! Est-ce ce monde là que tu veux pour la Terre ?
Veux-tu la voir à tout jamais plongée dans l’obscurité parce
que tu auras cru aux mensonges d’un dieu nihiliste ?
Une longue minute s’écoula alors dans le silence le plus total,
puis les deux divinités sentirent toutes les deux un cosmos d’une
extraordinaire violence déferler sur l’Olympe, ravageant tout
sur son passage.
- Hadès m’appelle…
Le roi des dieux alla droit vers sa fille qui eut à peine le temps
de parer ce qui ressemblait à s’y méprendre à un
coup de poing. La main de Zeus saisit alors un anneau invisible incrusté
dans la pierre et d’une force irrésistible l’en arracha.
Le père d’Athéna tourna alors les talons pour laisser
à sa fille le soin de contempler sa découverte.
- Derrière cette porte se trouve un caveau à l’intérieur
duquel est enfermé mon corps originel. Il m’est impossible de
le réintégrer tant que mon âme se trouve dans ce corps
mortel. Si je venais à être vaincu sous cette apparence mon âme
ne pourrait reprendre sa vraie place qu’à la seule condition
que ce caveau soit ouvert. Ce qui revient à dire que sans ton aide
je suis impuissant. Libérer Zeus ou permettre sa destruction, le choix
t’appartient désormais…
Le roi des dieux sembla hésiter un court instant puis ajouta.
« …ma fille. »
Ayant dit cela il fit brusquement volte-face sans dire un mot de plus.
La matière dont était faite le mur se déforma jusqu’à
prendre une consistance aqueuse dans laquelle le dieu suprême se fondit
et disparut. Athéna n’eut guère besoin d’examiner
ce passage pour se rendre compte qu’il s’agissait d’une
barrière magique et que celle-ci la retiendrait dans cette pièce
jusqu’à la mort de son créateur.
Elle était ainsi prisonnière de ce caveau, en proie à
une lourde responsabilité : celle de déterminer quelle
serait l’issue du combat entre les deux dieux suprêmes.
La neutralité n’était pas une option en elle-même
car comme le lui avait expliqué Zeus, si le caveau n’était
pas ouvert lorsque son corps humain serait détruit, alors son âme
ne pourrait franchir cette ridicule barrière de granit. Ne pas aider
Zeus revenait donc à prendre le parti d’Hadès et l’aider
revenait à condamner celui qui avait été son plus grand
ennemi depuis les temps mythiques, mais cela signifiait-il la sauvegarde de
la Terre ? Des sentiments contradictoires agitaient l’esprit de
la déesse de l’intelligence : Hadès lui avait sauvé
la vie, certes, mais il avait pris celles de tant d’hommes et de femmes,
il avait changé, c’était indéniable mais pour devenir
quoi ? Et quelle place le sort de l’humanité occupait-il
vraiment dans ses réflexions existentialistes ?
Zeus l’avait toujours guidée et aidée dans ses combats
contre le mal mais en même temps il n’avait pas hésité
à la condamner à mort lorsqu’il avait constaté
l’impossibilité de la manipuler davantage, quant à l’humanité,
elle en était sûre : le sort de celle-ci lui importait infiniment
moins que sa survie.
***
Pour la première fois depuis qu’il avait pénétré
dans le palais céleste le maître de la mort semblait sur le point
de sortir de ses gonds. La mort de cette vermine de Loki ne l’avait
que très médiocrement soulagé car elle ne résolvait
rien. Il avait maintenant conscience de n’être qu’un pion
manipulé par d’anciens dieux et son propre frère cadet.
Il entendait presque leurs rires sarcastiques sonner à ses oreilles,
l’aîné des dieux obligé de se rendre en Olympe par
des dieux régnant sur l’ancien royaume de son père, c’était
à mourir de rire.
Mais il n’y avait pas que cela : Loki lui avait révélé
qu’en plus d’avoir blessé ses enfants, le roi des cieux
s’était emparé d’Athéna mais surtout de Pandore.
Athéna, en elle-même lui importait peu, elle avait toujours été
son ennemie mais elle ne régnait plus sur la Terre, s’attaquer
à elle était un acte lâche et déloyal mais il y
avait autre chose : il lui avait sauvé la vie, il avait empêché
Zeus de la punir, maintenant sa vie lui appartenait à lui et à
personne d’autre.
Quant à Pandore et à ses enfants… Chaque fois qu’il
fermait les yeux des images et des sentiments contradictoires le traversaient.
Il voyait les corps d’Elysée mais aussi de Thanatos et d’Hypnos
couverts de blessures. Pour la première fois depuis longtemps il était
inquiet pour quelqu’un et cela obscurcissait son jugement. S’il
avait pu penser rationnellement il aurait compris qu’aucun de ses enfants
n’était mort : le lien magique qui les unissait était
si fort qu’il pouvait sentir les vibrations de leur cœur à
chaque minute, à chaque seconde.
Quant à Pandore… Le seul fait de la savoir avec Zeus lui était
insupportable. S’il avait eu son frère devant lui il lui aurait
fait payer d’avoir osé poser la main sur elle comme il venait
de le faire pour Loki. Oui s’il l’avait devant lui…
La main d’Hadès se crispa sur la poignée de son épée
avec une extrême violence, des gouttes de sueur coulaient de ses épaules
jusqu’à ses mains, témoignage de l’intense effort
qu’il devait produire pour garder son sang froid.
« Zeus… Avec ses archanges il se moque de nous et nous manipule
tous ! Athéna, Odin, Elysée… il vous a tous blessés
et maintenant Pandore ! Cela ne peut continuer ainsi !! »
Le cosmos d’Hadès explosa alors avec une violence extraordinaire,
balayant l’ensemble du palais céleste sur son passage. Les colonnes
de marbre se disloquaient à son contact tandis que les murs séparant
les pièces étaient comme aspirés à l’extérieur,
en quelques secondes l’ensemble des barrières composant ce gigantesque
labyrinthe avaient volé en éclats.
Odin, toujours adossé aux côtés de Némésis
contemplait avec un étonnement mêlé de peur le déchaînement
de la colère du maître de la mort tandis qu’il sentait
son propre corps aspiré vers l’œil de ce cyclone incontrôlable.
Dans le couloir sombre, le corps ensanglanté du dieu de la guerre était
lui aussi happé par cette terrible tempête qui s’empourprait
maintenant de son sang. Et même les énormes portes de l’Olympe
s’ouvrirent à la volée devant la déesse du Foyer
libérant sur leurs plaines le souffle terrible de la mort. En quelques
secondes le royaume céleste tout entier avait commencé à
trembler sur ses bases.
Dans ce déchaînement de violence les seuls êtres qui semblaient
capables de garder leur sang froid portaient le nom d’archanges. Froidement
ils contemplaient le spectacle de la destruction du palais qu’ils avaient
pour mission de protéger.
- Est-ce la fin de l’Olympe à ton avis ?
- Ton amour de la beauté à l’œuvre dans la destruction
te fait perdre ta lucidité Uriel. Regarde bien et tu verras que ce
n’est que le commencement car maintenant le dieu suprême entre
en scène.
Bien qu’il n’en laissât rien transparaître à
l’extérieur Uriel fut choqué qu’Oblivion ose donner
ce titre à un dieu.
- Avant de cracher tes mots tu devrais les mâcher plus longtemps Oblivion.
Il n’y aura pas de dieu suprême tant que les neuf rois ne l’auront
pas décidé.
- C’est vrai mais toi et moi avons pris parti pour Zeus contre tous
les autres prétendants il y a déjà si longtemps de cela
et le dénouement est maintenant si proche que moi-même j’en
tremble d’excitation.
Un trou béant s’ouvrit alors à l’endroit où
aurait dû se situer l’entrée de la chambre de Zeus si elle
n’avait été occultée par le pouvoir d’Oblivion
depuis le début de l’invasion.
Une cosmo énergie au moins égale à celle déployée
par Hadès s’en échappa et ce fut alors au tour du dieu
des morts d’être aspiré.
En voyant ce qui était en train de se produire, le seigneur d’Asgard
tenta de bondir sur ses pieds mais Némésis le retint fermement.
- Mais quelle est cette chose ? demanda Odin en désignant le cosmos
blanc qui s’étendait par vagues et attirait irrésistiblement
son ami vers les arcanes du palais.
- C’est l’âme de Zeus, il accepte le défi d’Hadès
pour préserver son palais de la destruction totale.
***
Dans un immense tunnel aux parois blanches comme la neige éternelle,
un homme tout de noir vêtu avançait calmement. A son côté
pendait une épée au froid reflet d’acier.
L’ample cape noire qui lui servait d’habit était soulevée
de manière permanente par des bourrasques de vent qui semblaient provenir
d’une source très proche. Au bout de quelques secondes de marche
il se trouva en présence du dieu qui était à l’origine
de ce phénomène.
Le grand Zeus était confortablement assis dans une cathèdre
de marbre blanc, les jambes croisées appuyant mollement sa tête
sur son poing droit.
- Alors nous y voilà enfin ?
Hadès arracha le haut de son vêtement d’un geste sec, son
torse maintenant entièrement découvert.
- C’était inéluctable. Tu comptes m’affronter en
restant ainsi sur ton perchoir ?
Zeus lui renvoya un sourire ironique.
- Tu es bien naïf : crois-tu que j’ai pris la peine de te
faire venir dans ma demeure pour essuyer une défaite ? Mais dis-moi,
ce corps est-il celui de mon frère ou celui d’un humain ?
- C’est un don que notre mère Gaïa m’a fait pour me
permettre de te vaincre ! Et c’est ce que je vais faire en ma qualité
d’aîné.
La main de Zeus se referma à cet instant précis sur un artefact
dont Hadès n’avait pas noté la présence, cela ressemblait
au Caducée mais en plus étoffé. Sous son apparence relativement
débile, il s’agissait en fait de la seule arme spécifiquement
forgée par les Cyclopes pour venir à bout d’un dieu :
le sceptre qui appelle la foudre !
A cet instant même, la foudre surgit d’un ciel imaginaire et frappa
le dieu infernal de plein fouet.
- Même tu es mon aîné je te serai toujours supérieur !!
La fureur avait manqué de le faire se lever de son trône mais
dans ses yeux se lisait une haine sans borne qui intensifiait sans cesse la
puissance de la foudre divine qui s’abattait sur son frère. Celui-ci
en hurlait de douleur mais ne s’effondrait pas. Au bout de quelques
dizaines de secondes, le phénomène se dissipa.
Hadès sentait des flux électriques traverser tout son corps
et son sang, répandant une douleur lancinante dans sa chair mais il
ne pouvait s’empêcher de sourire : il était resté
debout.
- On… on dirait que ton pouvoir magique a beaucoup diminué !
Tu ne m’as même pas fait tomber.
- Tu es toujours aussi arrogant mais bientôt tu te plieras de douleur
et me supplieras de t’achever ! D’ailleurs je vais faire
en sorte que tous tes compagnons puissent contempler le spectacle de ta déchéance !
Zeus joignit alors les mains au dessus de lui et le décor commença
à changer : les parois du palais redevenaient visibles. Hadès
ne put s’empêcher de jeter un regard incrédule autour de
lui.
- Oui tu l’as sans doute remarqué : nous sommes actuellement
au niveau le plus élevé de la cité céleste, de
cette hauteur, je peux tout surveiller sans être vu mais aujourd’hui
c’est différent : j’ai fait en sorte que tous puissent
être témoins de ta défaite et la conter aux générations
futures.
Hadès se leva vivement et tenta de se ruer sur son frère, l’épée
haute mais ses mouvements étaient maintenant d’une surprenante
lenteur comme si la foudre avait engourdi ses muscles.
Il n’avait pas fait deux pas qu’un nouvel éclair encore
plus violent que le premier déchira le ciel et s’abattit sur
lui. Cette fois la douleur fut telle qu’il dut mettre un genou à
terre mais cette douleur semblait lui avoir rendu la force de parler. Ses
mâchoires s’ouvrant en grand pour libérer chaque son.
- Pan… Pandore ! Qu’as-tu fait d’elle ?!
Zeus réprima un petit rire de dédain tandis qu’il s’enfonçait
confortablement dans son trône.
- Même dans ce triste état, tu t’inquiètes encore
d’elle ? Tu es plus faible que je le pensais décidément.
Mais comme je suis dans un jour de bonté, je vais te répondre :
je l’ai laissée avec Athéna dans le caveau où repose
mon corps originel. Je suppose qu’elle va tenter de le détruire.
Satisfait ?
Un détail attira alors l’attention du monarque : son frère
aîné ne hurlait plus de douleur, il riait ! Pire :
en dépit de la puissance de la foudre qui l’assaillait, il était
en train de se relever progressivement en prenant appui sur sa main droite.
- Mais comment ?!
Une fois debout, Hadès leva son épée en direction du
ciel.
- Oui tout à fait satisfait, je te remercie.
La foudre forma alors une sphère d’énergie qui se logea
au bout de sa lame.
- Tu me l’as dit toi-même un jour : la seule arme qui puisse
neutraliser l’arme d’un dieu, c’est justement une arme forgée
dans une matière identique. Si tu veux me tuer, il faudra utiliser
une arme plus efficace !
Ayant dit, Hadès dirigea son épée dans la direction du
trône et à cet instant toute l’énergie qui était
emmagasinée se libéra avec une violence extraordinaire déferlant
sur le roi.
L’éclair qui suivit aveugla toute l’assistance et lorsque
la lumière se dissipa la moitié du trône du monarque avait
été réduit en cendres, le rendant nettement moins confortable.
- Hum, je vois qu’en dépit des apparences tu n’as pas perdu
ta force, Hadès.
Son frère ne lui rendit pas son sourire.
- J’ai peur de ne pouvoir te retourner le compliment mon frère.
Ou peut-être est-ce la position assise qui ne sied pas au déploiement
de ta puissance ?
- Ne t’inquiète pas Hadès, ce n’est maintenant plus
qu’une question de secondes avant que tu fasses l’expérience
de mon pouvoir. Et j’ajouterais que c’est une femme que tu as
sauvé qui va me permettre de le recouvrer.
- Comment cela ? Tu ne comptes quand même pas te servir de Pandore,
je ne te le pardonnerais pas !
- Pas seulement de Pandore, mon frère, pas seulement d’elle.
Mais avant d’en revenir aux mains je voudrais te poser une question
et cette question tu la connais déjà : pourquoi te soulèves-tu
contre moi alors que je pourrais te donner tout ce que tu désires ?
- Mon combat n’est pas dirigé contre toi, mon frère, tu
n’es qu’un obstacle de plus sur ma route. Mon véritable
adversaire c’est Dieu, c’est lui que je souhaite affronter. Mais
si tu veux savoir si j’ai des remords de devoir me battre contre toi
et te tuer, la réponse est non. Toi et moi sommes de la même
Maison et en tant que frère aîné je ne peux pas supporter
que tu aies usurpé l’héritage de notre père à
ton profit.
Zeus semblait assez affecté par cette réponse.
- Je vois… cela confirme ce que je pensais : tu es un être
foncièrement mauvais et égoïste. Ta place est et sera toujours
dans les ténèbres… mais il n’y a pas que ça :
alors que la puissance des dieux est en constante régression et que
les hommes sont de plus en plus arrogants, tu te soulèves contre ton
souverain ! Tu persécutes ta propre race ! HONTE SUR TOI !!!
Ces derniers mots étaient encore dans l’air quand la main du
dieu se referma sur le sceptre de la foudre appelant une pluie d’éclairs
sur Hadès.
Cette fois le choc fut tellement violent que même les archanges qui
observaient de loin le combat durent se protéger les yeux.
Cette fois encore, Hadès était tombé à genoux
mais il ne s’agissait plus d’une manœuvre : la douleur
était telle qu’il en lâcha l’épée des
illusions.
Zeus ne cachait plus sa jubilation.
- Alors, est-ce que tu me trouves toujours aussi affaibli ?! Cette fois
j’ai utilisé la pleine puissance de ma cosmoénergie !!
Je veux que tu m’implores à genoux !
Le dieu du Meikai ployait littéralement sous la puissance divine qui
l’écrasait de toute sa force, il n’était plus maître
de ses mouvements car les flux électriques qui le traversaient affectaient
son cerveau et son système nerveux. Dans un suprême effort, il
parvint à se saisir de sa lame et à l’orienter vers le
ciel, stoppant à nouveau pour quelques secondes l’avancée
de la foudre qui se répandit en traînées mortelles tout
autour de lui. Malgré son essoufflement il parvenait encore à
parler.
- Oh non mon frère… le… le destin des dieux… n’est
pas de régner… éternellement… du diable nous venons
et au diable nous retournons… cela ne te dit rien ? La race des
dieux est celle… celle des visiteurs éphémères…
à force de nous déchirer, notre race finira par s’éteindre…
c’est la loi de la Nature !
Zeus avait écouté les paroles d’Hadès assez distraitement
comme celles d’un déséquilibré. Il arborait à
nouveau un sourire ironique et se prélassait mollement dans ce qui
restait de son trône.
- Que tes paroles sont cruelles mon frère. La seule loi de la Nature
c’est que les forts dominent les faibles et le plus puissant parmi les
puissants c’est moi. Enfin j’aurais dû me douter qu’il
ne servait à rien de discuter avec un homme tel que toi. Cette fois
je vais déchaîner contre toi toute ma cosmo énergie et
crois-moi, sans armure, tu ne t’en relèveras pas. ADIEU !
Le sceptre qui commande la foudre brilla avec une intensité inégalée
jusqu’alors, qui avait déjà vu une telle énergie
brusquement libérée ? La sphère d’énergie
que l’épée des illusions empêchait d’atteindre
Hadès doubla de volume, échappant complètement à
son emprise, déferlant de toute son incommensurable violence sur le
maître de la mort.
Plus bas, les cris de douleur d’Hadès éveillèrent
la crainte dans le cœur des spectateurs.
- Le combat que nous attendions depuis si longtemps pourrait-il être
si court ? lâcha Oblivion.
- Il semblerait que l’exil d’Utopia soit sur le point de prendre
fin. dit Uriel en souriant.
Némésis, elle, paraissait inquiète.
- Non c’est impossible… Ce n’est pas du tout ce que les
prophéties annonçaient et pourtant… serait-ce la fin d’Hadès ?
Elle sentit la main d’Odin se refermer sur la sienne et l’attirer
vers lui.
- Au lieu de dire des bêtises mets-toi à l’abri car Zeus
vient de commettre une grosse erreur !
- Que veux-tu dire ?
Odin attira Némésis avec plus de force et la plaqua contre le
sol.
- Tu ne vois donc pas que la douleur va finir par réveiller le véritable
fils de Cronos ?
Odin n’avait pas tort, quelque chose était en train de changer
en Hadès : loin de l’écraser, le torrent d’éclairs
qu’il subissait semblait libérer en lui une puissance nouvelle.
Son corps habituellement si pâle avait pris une coloration bronzée
à la limite du brun, de tout son être émanait maintenant
par volutes un cosmos aussi noir que les ténèbres.
Hadès semblait littéralement entouré d’une fumée
dense et sombre qui repoussait au fur et à mesure le cosmos du dieu
des cieux.
Zeus lui-même commençait à s’en inquiéter.
Je ne comprends pas ce qui se passe…Le Hadès que je connais
n’avait jamais possédé un cosmos semblable ! Aurait-il
à ce point rejeté son humanité que le cosmos des ténèbres
qui sommeillait a totalement pris possession de lui ?
NON ! C’est impossible !
Zeus referma encore plus fort sa main sur son sceptre, augmentant encore le
volume des éclairs, ce fut une erreur.
Un cri inhumain s’échappa de la bouche de son frère alors
que ses pupilles habituellement si belles et troublantes disparaissaient complètement
de ses yeux rendus veineux par la douleur.
Une seconde plus tard, un dôme magique extraordinairement sombre achevait
de se former autour d’Hadès, l’immunisant complètement
contre les assauts de la foudre. Zeus n’eut même pas le temps
de s’étonner de ce phénomène que le dôme
explosa littéralement alors qu’une ombre fantastique en émergeait
d’un bond prodigieux et fondait sur le dieu du ciel avec la rapidité
de l’éclair.
L’incroyable se produisit alors : l’épée des
illusions traversa le cœur du dieu des dieux puis son trône, puis
le néant…
Hadès, lui, n’était plus un homme, il était devenu
une sorte d’archange des ténèbres fantastique aux pupilles
dilatés, à la peau sombre et à la bouche sanguinolente.
« Mon… mon frère… je me demandais si ta beauté
te venait de Dieu. Je sais maintenant que c’est celle du diable. »
Le temps s’immobilisa alors pendant plusieurs secondes au cours desquelles
la nuée blanche qui protégeait la chambre du dieu suprême
s’évapora progressivement rendant visible à tous les protagonistes
cette scène surréaliste : le cœur du grand Zeus percé
par l’épée des illusions.
Ce ne fut alors qu’un cri de la part des alliés comme des ennemis
du dieu le plus puissant.
- Tu… tu as vaincu Zeus !!
Hadès tenait toujours fermement son épée enfoncée
dans le cœur de son adversaire mais il était de dos et nul ne
pouvait voir l’expression de son visage.
Ses lèvres s’ouvrirent et il ne lâcha qu’un seul
mot.
« Non »
Les lèvres de Zeus s’ouvrirent à leur tour tandis que
les yeux du dieu se fermaient, sa poitrine se souleva et de sa bouche s’échappa
le rire le plus cruel jamais entendu par un être humain.