Près du château d'Helstein
Elfe
Sa majesté l'empereur Hadès nous avait sauvés en nous faisant revêtir les
armures divines des chevaliers d'Athéna de façon à ce que nous puissions traverser
le vortex qui séparait Elysion de la Terre sans voler en éclats.
Je lui en étais infiniment reconnaissante mais en même temps je ne comprenais
pas pourquoi il nous avait envoyés sur Terre.
Ici tout était si différent d'Elysion :
Le sol était détrempé par la pluie, il faisait toujours soleil à Elysion.
Les arbres perdaient leurs feuilles, les arbres étaient éternels à Elysion.
Autour de nous s'étendait les ruines d'un château autour duquel les fleurs
commençaient à peine à repousser.
Non je ne comprenais pas, pas plus que les autres elfes qui se trouvaient
autour de moi. Et le pire c'était la douleur : pour la première fois depuis
une éternité j'avais faim, pour la première fois j'avais soif et pour la première
fois je n'avais pas une coupe de nectar à portée de main.
J'étais désespérée…
Nous nous cachions désormais dans les ruines de ce château dans la crainte
d'être découvert par l'un de ces êtres au rire gras et aux vêtements étranges
que l'on appelait les hommes.
Les héros qui nous suivaient avaient heureusement pris les choses en main
:
Dès le premier jour ils avaient pris leurs repères dans l'épaisse forêt de
Bavière.
Le deuxième jour ils étaient partis à la chasse et nous avaient rapporté de
quoi manger.
Chaque soir nous prions pour que le seigneur Hadès soit toujours vivant et
qu'il sente la présence de nos cosmos.
Plusieurs jours s'étaient écoulés et nous avions appris à apprécier la Terre
: autrefois mère me disait que les elfes étaient des divinités de la nature
et que notre existence pouvait être liée à celle d'un arbre ou à celle d'un
lac, selon que nous soyons des dryades ou des naïades.
Moi même était une dryade, une nymphe des bois, il me suffisait de poser la
main sur un arbre pour connaître toute sa souffrance mais aussi ces espoirs
:
Un tel regrettait que des amoureux aient gravé leurs noms au couteau dans
son écorce
Un tel se félicitait d'avoir enfin un peu de compagnie.
Alors que nous étions déjà depuis plusieurs jours sur terre, je me surpris
à esquisser un brin de coquetterie que je croyais désormais superflue.
Il n'y a pas si longtemps je passais au moins une heure, au grand dam de mère,
chaque matin dans les thermes du temple qui nous était attribué à nous les
elfes, à me coiffer, arranger, habiller. Tout était si beau à Elysion…
Donc en allant chercher du bois dans la forêt pour chauffer le château, je
ne souffrais pas du froid auparavant, je rencontrai un petit ruisseau, son
eau était si limpide qu'on l'aurait pris pour un miroir, je me penchai au-dessus
dans l'espoir de me voir encore une fois, mais quelle ne fut pas ma surprise
quand je réalisai le changement qui s'était opéré en moi. Je n'étais plus
aussi belle qu'avant, plus un joli papillon mais plutôt une un éphémère proche
de la fin. Les feuilles qui décoraient mes cheveux et donnaient tout son charme
sylvain à ma personne étaient à présent sombres, d'une couleur tirant sur
le rouge, mon visage aux traits si fins avait laissé la place à une sorte
de masque qui n'était pas sans me faire penser à un arbre à l'écorce craquelée.
Cependant je n'arrivais à me trouver laide, mais simplement changée. Quel
était ce miracle, tous les arbres autour de moi mais aussi tous ceux que j'avais
croisé jusqu'à maintenant étaient dans le même état, je crois que j'en ai
déjà entendu parler, cela s'appelle l' " automne ".
Bien que cette modification physique n'était pas d'une grande importance dans
notre camp de réfugiés venus d'un autre monde, je m'attardais quelques minutes
à m'observer, comme j'étais belle, contrairement à ce que j'avais pensé au
premier abord, cette transformation ne m'avais vieillie, elle m'avait mûrie,
tel un arbre se recouvre d'écorce, moi je prenais ma forme adulte, mes oreilles
en pointes allaient enfin arrêter de pousser quel soulagement !
Plusieurs semaines passèrent quand un matin alors que je regardais les armures
divines en me demandant si elles pourraient nous être utiles je sentis un
cosmos derrière moi :
- Alors Teiris on rêvasse ?
Cette voix je l'aurais reconnu entre mille, c'était celle de sa majesté Thanatos
- Votre majesté !
- Contente de me revoir ?
Je me jetai dans ses bras.
- En tout cas c'est bien simulé
- Oh votre majesté, j'avais si peur que vous nous ayez oublié !
- Nous avons été très occupés ces derniers temps.
- Vous ?
- Oui : Hypnos, sa majesté Hadès et moi-même.
- Ils sont donc tous vivants ?
- Oui mais trêve de bavardages appelle les autres.
Les héros et les elfes se réunirent et, la surprise passée, attendirent que
Thanatos reprenne la parole.
- Sa majesté Hadès est en vie et il m'a chargé de délivrer un message. Vous,
héros, en dépit du fait que vous soyez revenus sur Terre êtes morts et enterrés
depuis plusieurs milliers d'années. Par conséquent sa majesté vous prie de
le rejoindre dans la prairie des Asphodèles où vous participerez aux travaux
de rénovation.
Leur déception se lut sur leur visage.
- Je sais, le destin est parfois cruel mais rappelez-vous qu'une résurrection
est un événement exceptionnel et que vous n'avez plus votre place dans ce
monde, du moins pour l'instant. Vous repartirez donc avec moi pour les Asphodèles
dès que vous serez prêts.
- Et nous quel sera notre sort ? demandai-je avec anxiété.
- Vous, les elfes êtes des êtres vivants et bien vivants. Sa majesté estime
que votre place est à ses côtés, ici dans ce château. Le cadre très naturel
dans lequel nous nous trouvons devrait convenir à merveille à des êtres tels
que vous.
- Mais ce château est en ruines.
- C'est vrai, je m'en vais arranger ça.
Tous les dieux disposent de pouvoirs télékinésiques et sa majesté Thanatos
ne fait pas exception. Usant de son pouvoir il reconstruisit le château d'Helstein.
Les briques vinrent se recoller, les tours se relevèrent et bientôt ce fut
comme si la destruction consécutive à l'invasion des chevaliers du Zodiaque
n'avait jamais eu lieu.
Pourtant un détail : les fleurs. Autrefois le périmètre de restriction qui
protégeait le château empêchait toute vie de s'y épanouir.
- Majesté Thanatos ?
- Oui ?
- Vous n'avez pas rétabli le périmètre de restriction qui protégeait le château.
- Je sais.
- Mais sans cette protection nos ennemis pourraient nous attaquer sans handicap
d'aucune sorte. Ils pourraient alors utiliser leur puissance à 100% !
- Je sais mais sa majesté l'a voulu ainsi et je ne suis pas juge de ses décisions.
- Mais enfin pourquoi a-t-il fait cela ?
- Pour l'amour de Pandore. Elle lui a confié qu'à cause de ce périmètre de
restriction elle et les spectres voyaient tout en noir… Aussi a-t-il décidé
de ne pas rétablir ce périmètre de restriction pour que sa sœur, en revenant
sur Terre puisse contempler le monde avec les mêmes yeux qu'elle avait avant
de nous rencontrer Hypnos et moi…
Les yeux de Thanatos paraissaient perdus dans le vague.
" sa majesté Pandore "
- Majesté Thanatos vous appelez Pandore " majesté " maintenant. Ce n'est pourtant
pas une déesse.
- Dans très peu de temps elle en sera une par la grâce de notre empereur.
Et il la chérit tellement aujourd'hui que je crois qu'Hypnos et moi sommes
descendus d'un cran dans la hiérarchie.
- Je vois. Mais votre majesté, je voudrais savoir. Que faisons-nous des armures
divines ?
- Les armures divines ? Ses yeux argentés pétillèrent d'avidité. Combien sont-elles
?
- Cinq exactement.
- Cinq… C'est plus qu'il n'en faut pour reconstituer nos kamuis à Hypnos et
moi-même mais peut-être pas assez pour reconstituer celle de notre majesté.
D'ailleurs il est douteux que les autres dieux nous laissent en disposer à
notre guise… Quoiqu'il en soit je vais les apporter à sa majesté et nous aviserons
ensuite.
Thanatos fit signe aux héros de se diriger avec lui vers le trou qui conduit
aux Enfers mais avant de partir il lança à notre intention.
" N'oubliez pas de redécorer le château, et surtout que tout soit fini avant
le retour de sa majesté Pandore " Et il s'engouffra dans le trou qui mène
aux Enfers.
Mont Olympe
Zeus
Je suis enfin seul avec moi-même. Voilà déjà plusieurs jours que je suis revenu
à la vie et j'ai seulement réussi maintenant à renvoyer tous les autres dieux
de mon palais, même mon épouse Héra s'est pliée à mon ordre.
J'ai toujours agi ainsi au moment de prendre une décision grave.
Pourquoi ai-je ressuscité d'ailleurs ?
Il est vrai que les évènements m'y ont obligé, quatre guerres en à peine quatre
semaines c'est ce qui s'appelle un record !
Au début j'ai gardé une prudente neutralité : qu'Athéna écrase la rébellion
du chevalier des Gémeaux, çà la regarde. D'autant plus que je n'ai jamais
aimé les mortels qui se croient les égaux des dieux.
Qu'elle entreprenne une guerre contre Asgard ne me regarde pas non plus :
la Terre est son domaine, elle y fait ce qui lui plaît.
Par contre je ne puis accepter qu'elle laisse ses chevaliers détruire le pilier
central du temple de Poséidon, détruisant ainsi l'un des principaux domaines
de l'univers, cela je ne peux l'accepter !
Poséidon est avec Hadès et moi l'un des trois premiers dieux. Ensemble nous
avons mis fin au règne des Titans et personne à part moi ne peut juger du
bien-fondé de ses actes.
Et aujourd'hui me voilà de retour sur Terre après près de 2500 ans d'absence
parce que ma fille a déstabilisé l'univers.
Que Hadès soit détruit, je ne peux l'accepter ! Jamais de mémoire de Dieu
le Big Will ne s'est éteint et jamais il ne s'éteindra !
Et pourtant… pourtant Hadès ainsi que Thanatos et Hypnos a été vaincu.
Mais il y a pire ! Depuis que l'enfer a été détruit tous les morts qui s'y
trouvaient ont été détruits, condamnés à errer dans les limbes jusqu'à ce
que le néant ait fini de consumer leurs corps…
Je me lève de mon trône. Comment en est-on arrivés là ?
J'avance vers le balcon et regarde les étendues herbeuses qui bordent le Mont
Olympe.
Est-ce à cause de la Terre ?
Elle existait pourtant bien avant que les Titans ne voient le jour. Alors
pourquoi ?
Je me souviens de ce jour où tout a commencé.
C'était l'anniversaire d'Arès, mon fils.
Ce jour là Héra et moi rayonnions de fierté : après ce mémorable raté qu'avait
été Héphaïstos nous avions enfin un héritier digne de nous.
Arès était beau, il était grand, il était fort, il serait mon héritier.
Pourtant j'hésitais : j'avais déjà donné une part de l'univers à chacun de
mes enfants :
Le soleil à Apollon
La Lune à Artémis…
Il ne me restait en fait plus grand chose pour les autres si ce n'était la
Terre…
Cette fabuleuse Terre qu'Hadès et Poséidon convoitaient, je l'avais déclaré
ouverte à tous.
Certains dieux y avaient élu domicile mais comme les hommes n'existaient pas
encore ils s'y sentaient un peu seuls.
Héra me sermonnait tous les jours pour que je donne la Terre à Arès. Je ne
pouvais m'y résoudre, cela aurait signifié la guerre avec Hadès et Poséidon.
J'ordonnai alors à Hermès d'aller quérir Aphrodite, la déesse de l'amour,
pour l'offrir à Arès en échange de quoi il renoncerait à la Terre.
C'était sans doute un peu cavalier mais c'était aussi ma seule échappatoire…
Mais il y a des jours où rien ne va comme on veut.
Ce jour là la fatalité se présenta à moi sous la forme d'Héphaïstos.
Ce monstre boiteux dont j'avais cru me débarrasser en l'envoyant s'écraser
sur la Sicile juste après sa naissance avait trouvé le moyen de ramper jusqu'au
Mont Olympe à la seule force de ses bras !
Maintenant qu'il était devant moi et que Héra avait pris son parti (les bijoux
qu'Héphaïstos fabriquait avaient attendri son cœur de mère) j'étais obligé
de lui demander quelle part de l'univers il désirait.
Il me répondit : " Aphrodite "
J'étais dans une impasse : soit je la lui donnais et je devais chercher une
compensation pour Arès à qui elle était promise, soit je perdais la face devant
tous les dieux réunis.
Après réflexion je me résignai à accéder à la demande d'Héphaïstos.
En voyant sa fiancée s'éloigner au bras de cet être difforme Arès entra dans
une violente colère.
- Ma fiancée… Ma fiancée gémissait-il en frappant le sol de ses poings. Aphrodite
était à moi ! Zeus, mon père tu m'as trompé ! Tu ne m'as pas donné ma part
! De quoi vais-je être le dieu maintenant ?
J'étais vraiment dans un mauvais jour.
- Haine ! Discorde ! Guerre ! Que cela soit ton apanage, Arès ! A quoi d'autre
serais-tu bon ?
Je sortis alors de la salle.
Apparut alors le cauteleux Hermès.
- Pauvre Arès… Et qui plus est le jour de ta fête !
- La Terre…la Terre cria brusquement Arès, qui n'était alors qu'un enfant.
Je veux la Terre !
Hermès vint le rejoindre.
- Il paraît que la Terre n'est pour aucun de nous. Pas même pour toi, Arès.
- Alors je jure par le fleuve Styx de lacérer, de déchiqueter, de réduire
en lambeaux sanglants quiconque aura la Terre ! Je le jure… je le jure !
Ce jour là l'équilibre précaire qui régnait entre les dieux fut définitivement
rompu.
Tous les dieux cherchèrent alors à s'emparer de la Terre, je faillis même
être renversé… Mais ceci est une autre histoire.
Après la guerre de Troie dans laquelle presque tous les héros du temps trouvèrent
la mort je compris qu'il me fallait confier la Terre à quelqu'un.
Je compris que la Terre devait être gouvernée par un dieu qui n'aurait pas
d'ambitions personnelles.
Ce jour-là je compris que la Terre devait être gouvernée avec sagesse.
Je convoquai alors ma fille Athéna, déesse de la sagesse.
Je lui demandai " Es-tu prête à faire ton devoir ? "
Elle me répondit " Oui "
Ce jour là elle devint la protectrice de la Terre.
Et en ce jour je m'apprête à la juger pour son inconséquence.
Mais la question reste en suspens : " Que ferai-je de la Terre une fois Athéna
condamnée ? "
Pour une fois mes options sont assez larges :
La plupart des dieux ressuscités n'ont pas encore pourvu à leur garde personnelle
de sorte que je suis actuellement en position de force :
Poséidon a été battu et ses armées décimées de sorte que si je le libérais
maintenant de l'urne sacrée d'Athéna il serait à ma merci.
Athéna est aujourd'hui ma prisonnière, tous ses précieux chevaliers d'or ont
disparu devant le mur des lamentations et il ne reste plus au sanctuaire qu'une
poignée de chevaliers de bronze et d'argent.
Les 108 spectres d'Hadès ont été vaincus, Thanatos et Hypnos ne sont plus
de ce monde et j'ai clairement senti le cosmos d'Hadès s'éteindre.
Hadès… Mon frère aîné… Il est une énigme pour moi. Pourquoi est-il resté neutre
dans toutes les guerres entre dieux qui ont eu lieu dans les temps mythologiques
?
Pourquoi un jour a-t-il décidé de défier l'Olympe ? Pour Perséphone ? Non,
il devait y avoir quelque chose de plus profond…
Quoiqu'il en soit me voilà de retour et plus puissant que jamais.
" Ah ah ah !! Poséidon et Athéna sont à ma merci, Hadès a été détruit ! Et
tous les autres dieux tremblent devant moi ! Que demander de plus ? Bientôt
la Terre sera à moi !! "
" A moi ! ah ah ah ! "
- N'oublies-tu pas quelque chose puissant Zeus ?
C'est Héra qui vient de parler. Comment oses-t-elle me déranger alors que
j'avais donné l'ordre de ne pas pénétrer dans la salle du trône.
- Comment oses-tu ?
- Je suis ton épouse puissant Zeus, à ce titre je me dois d'être ta confidente.
Je sonde les yeux d'Héra. Je n'y vois aucune peur mais un orgueil sans bornes.
Jadis elle avait tenté de me renverser et après que le complot ait échoué,
alors que tous les dieux, Athéna et Poséidon compris fuyaient mon regard elle
avait osé me dire en face qu'elle était l'instigatrice de ce complot. Quel
courage ! Pendant un moment j'avais été rempli d'admiration pour cette femme
hors du commun, puis la haine l'avait emporté et je l'avais accroché à une
montagne…
- Cela est vrai Héra. Alors qu'y a t-il que j'oublie d'après toi ?
- Les hommes.
- Les hommes ? Les hommes ? Ah ah ah ! Elle est bien bonne ! Les hommes ?!
Comme si ces créatures chétives pouvaient me faire la moindre ombre.
Je saisis Héra par le poignet.
- Les hommes ne sont que des proies. M'entends-tu ? Du gibier tout juste bon
à être chassé ! Les hommes face aux dieux ne seront jamais que des victimes
! S'ils ont survécu jusque là c'est parce que je l'ai bien voulu !
- Tu as pourtant pris du plaisir avec ces hommes…
Héra a un sourire ironique. Il est vrai que j'ai engrossé dans les temps antiques
presque toutes les femmes de Grèce et de Crète à tel point que les maris devenaient
soupçonneux quand leurs épouses leur annonçaient qu'elles étaient enceintes…
Mais c'est du passé maintenant.
- Tu oublies que j'ai déjà anéanti l'humanité une fois.
Un jour, écœuré de la méchanceté des hommes et plus particulièrement d'un
roi du nom de Lycaon j'avais pris la décision d'anéantir l'humanité en déchaînant
un déluge sans précédent.
- A ce déluge Deucalion et Pyrrha survécurent.
- Parce que je l'ai bien voulu !!
- Parce que tu n'as pas eu la force de les détruire ! Que tu le veuilles ou
non les hommes sont une menace ! Toutes les fois que nous avons voulu les
faire plier il s'en est trouvé un assez rusé ou puissant pour nous échapper
et à chaque fois l'humanité renaquit de ses cendres ! Même la capture de Prométhée
n'a pu l'ébranler !
- Qu'essayes-tu de me dire Héra ?
- Qu'avant de t'approprier la Terre tu devrais penser à te débarrasser des
hommes !
- Mais tu viens de dire que c'était impossible.
- Pas par des moyens conventionnels en tout cas. Les temps changent et nous
changeons avec eux : ce n'est pas un déluge et quelques guerres qui détruiront
l'humanité mais toutes les calamités combinées.
Je pâlis. Je commence à comprendre l'idée d'Héra.
- Tu ne penses pas sérieusement…
- Si !
Je décide de prendre le temps de la réflexion, il doit bien y avoir une autre
solution pour se débarrasser des hommes… Non je ne peux admettre que Héra,
une Olympienne, parle de libérer nos ennemis héréditaires que j'ai enfermés
dans le Tartare simplement pour en finir avec ces créatures chétives que sont
les hommes…
Je me penche sur le balcon et aspire l'air à pleins poumons. Mais, qu'est-ce
que c'est que ces créatures qui escaladent les pentes sacrées du Mont Olympe
?
- Qu'est-ce que ? Comment osent-ils ?
Héra en profite pour reprendre la parole.
- Ce sont probablement les équipes de recherche qui ont été envoyées pour
retrouver les touristes dont nous avons pris les corps. Tu ne pensais quand
même pas que leur disparition allait passer inaperçue? - Bah ! Des touristes
il en disparaît tous les week-ends, un peu de vent suffira à les dissuader
d'aller plus loin.
Joignant le geste à la parole j'ordonne au ciel de se couvrir de nuages et
à Eole de libérer les vents.
Les secouristes commencent à chanceler mais ne reculent pas. L'un d'eux fait
signe aux autres de s'attacher entre eux par une corde en même temps qu'il
plante un piolet dans la roche pour garder l'équilibre. Très vite le groupe
retrouve sa cohésion et reprend sa marche.
Je n'en reviens pas, jadis les hommes qui auraient entendu les vents souffler
sur le Mont Olympe auraient pris leurs jambes à leur cou en m'implorant d'épargner
leurs misérables vies.
J'ordonne aux vents de souffler encore plus fort.
Le petit groupe ralentit un moment puis reprend sa progression.
- Rien ne viendra donc à bout de l'impertinence de ces mortels !! Comment
osent-ils profaner le sol sacré du Mont Olympe ?
- Tu ne comprends donc pas grand Zeus ?
- Quoi donc ?
- Depuis que Prométhée a donné le feu aux hommes ils ont développé des armes
pour se défendre contre nous ! Ils ne sont plus les créatures craintives que
nous connaissions, aujourd'hui ils osent venir nous défier pour porter secours
à leurs semblables. Si nous ne mettons pas fin à leur actions ils pousseront
l'insolence jusqu'à nier notre existence.
Je sens bien qu'Héra a raison mais je n'arrive toujours pas à y croire. Je
saisis la foudre qui se trouve à la droite de mon trône et la dirige sur le
groupe des secouristes.
" Que périssent ainsi tous ceux qui défient les immortels ! "
Le tonnerre gronde et la foudre partie de ma main vient frapper ces insolents.
Des secouristes il ne reste plus que cendres, non en fait il en reste un.
Il est terrorisé, tétanisé par la peur, finalement il trouve la force de repartir
au triple galop vers les villages environnants.
Je triomphe
- Regarde Héra ! Regarde comment ils détalent devant moi ! Ahahah !! Ceux
qui crachent sur Dieu finissent toujours par être punis !
La mine d'Héra me fait perdre ma bonne humeur.
- Es-tu fier de toi Zeus ?
- Bien sûr ! La terreur de cette disparition sera répandue dans les villages
environnants par cet homme que j'ai laissé en vie et bientôt plus personne
n'osera s'aventurer sur le Mont Olympe !
Héra me regarde avec des yeux où je lis à la fois la compassion et la condescendance.
- Zeus. Ne vois-tu pas ce qui se passe ? Jamais auparavant tu n'avais eu besoin
d'user de la foudre pour te faire obéir des mortels. Ce que tu viens de faire
ici pourrais-tu le reproduire à l'échelle d'une ville ? Assurément. A l'échelle
d'un pays ? Je ne le crois pas. Les hommes sont devenus ingénieux, ils ont
appris à survivre aux inondations, à échapper aux loups, à ne plus craindre
la foudre… A l'image de leur créateur le Titan Prométhée ils se lèvent contre
toi et un jour ils mettront fin à ton règne.
- Prométhée a été châtié !! On entend encore ses cris dans les montagnes du
Caucase !!
- Peut-être mais son sacrifice a accordé un répit aux hommes ! Un répit suffisant
pour leur permettre d'apprendre à maîtriser le feu ! Un répit suffisant pour
apprendre à nous combattre ! Pendant tous ces siècles où nous avons dormi
l'humanité a fourbi ses armes !
- Exprime-donc le fond de ta pensée Héra !
- Si tu veux l'entendre la voilà : même si notre puissance est un million
de fois supérieure à celle d'un homme pris individuellement, nous ne pourrons
jamais vaincre les hommes s'ils s'unissent tous autour d'un idéal ! Athéna
et ses chevaliers en sont la preuve flagrante. Pour l'instant l'humanité n'a
pas encore découvert son infini potentiel mais si un être élu, une sorte de
messie venait à l'éveiller au cosmos alors… alors..
- Dis-le !! Vas-y aie le courage de dire que nous ne serions plus que poussière
si les hommes venaient à éveiller leur cosmos et à communier contre nous !
Dans un geste d'affection Héra couvre mes épaules de son bras et approche
son visage du mien. Je sens presque son souffle dans mes tympans quand elle
murmure.
- Zeus. Les hommes sont les successeurs des Titans, si nous ne faisons rien
ils ne tarderont pas à nous précipiter dans le Tartare et les dieux auront
vécu. Si tu souhaites que la prophétie d'Hypnos se réalise il est plus que
temps pour toi de libérer les forces que nous avons jadis enfermées. Quand
ils se seront entretués avec les hommes nous aurons à nouveau toutes nos chances.
Je répète machinalement les dernières paroles d'Hypnos.
" Voilà… Tout ne sera bientôt plus que ténèbres et les hommes plus qu'un souvenir
"
Hypnos avait raison : dès le moment où ces idiots de Pégase et Phénix avaient
sorti l'âme d'Hadès de son caveau, dès qu'ils avaient osé lever la main sur
un dieu ils avaient scellé le destin de l'humanité…
Et c'était moi Zeus qui serait l'instrument de la vengeance des dieux sur
ces mortels insolents.
Toutefois Héra avait raison : je n'en viendrais pas à bout tout seul.
Les hommes avaient été crées par un Titan. Eh bien ils seraient détruits par
leurs créateurs.
Je m'approche d'Héra, à mon sourire elle comprend que j'ai adopté son plan,
elle arbore alors un sourire triomphant. Autant parce que je la désire en
ce moment que pour effacer de son visage ce sourire que moi seul ai le droit
d'arborer j'embrasse ses lèvres brûlantes.
Cela faisait tellement longtemps, elle ne résiste pas et me rend mon baiser.
Pour moi c'est le gage d'un avenir brillant.
Je relâche à regret mon étreinte et regarde Héra qui rayonne de bonheur.
- Tu avais raison. Je vais déchaîner contre les hommes tout ce que la Terre
garde encore enfermé en son sein. Je libèrerais non seulement les Titans mais
aussi les Hécatonchires, les Cyclopes et les Géants !! Et quand ils auront
fini de s'entretuer avec les hommes la Terre tombera dans ma main comme un
fruit mûr ! Ahahah !! Les dieux règneront à jamais sur le monde et je serai
leur roi !!
Je sens qu'Héra partage mon enthousiasme mais qu'elle refuse de se laisser
emporter.
- Qu'y a t il ?
- Pour que notre plan se réalise il faut que tous les dieux soient d'accord
et pour cela il n'existe qu'un seul moyen : les réunir tous contre un ennemi
commun.
Mon front s'assombrit. Quelle ingratitude c'est d'être roy lorsque l'on doit
juger ses propres enfants. Pourtant il n'y a pas à hésiter, elle est le seul
obstacle entre moi et la Terre.
" Athéna "
Ces mots sortent de ma bouche presque malgré moi pourtant je sais que je ne
peux pas retarder plus longtemps l'échéance. Je présente ma main à Héra, elle
y pose sa fine main blanche.
- Viens Héra il est temps d'ouvrir le procès d'Athéna.
Nous sortons ensemble de la salle du trône, un archange de ma garde se prosterne
profondément devant moi.
Nous avançons vers la lumière, vers notre destin. Au bout du couloir se trouve
une porte monumentale dans laquelle sont sculptés deux lions qui rejoignent
leurs énormes pattes sur le chapiteau d'une colonne.
Némesis qui se trouve devant ouvre les deux battants et nous annonce.
" Dieux et déesses accueillez le roy et la reine des dieux "
Tous les dieux présents se lèvent.
Au milieu de la pièce se trouve ma fille, Athéna. Elle ressemble à une enfant
que l'on s'apprête à punir mais même dans la position qui est la sienne elle
conserve un maintien remarquable.
Parvenu à la place qui m'est réservée je fais signe à Héra de s'asseoir et
fais cette déclaration qui me glace le sang.
" Olympiens nous sommes aujourd'hui réunis pour juger l'une des nôtres, ma
fille, Athéna "
" Je déclare maintenant le procès ouvert "
Prairie des Asphodèles
Le grand jour est arrivé, les morts qui végètent dans la prairie des Asphodèles
ont réalisé un véritable exploit : la dernière pierre des portes de l'enfer
vient d'être posée. Elles sont en tous points semblables à celles qui délimitaient
autrefois l'entrée de l'enfer, comme ces dernières elles ressemblent à une
sorte d'arc de triomphe, deux anges se rejoignent au sommet autour d'un homme,
mais l'observateur avisé notera une différence : là où il était gravé autrefois
" vous qui entrez ici laissez toute espérance ", il est seulement gravé "
vous qui entrez ici laissez… " et le reste est à venir.
Aujourd'hui est un grand jour, Egée a revêtu ses plus beaux vêtements, les
morts sont tous rassemblés devant leur ouvrage, le sol de la prairie est maintenant
jonché de fleurs. Ainsi en avait décidé sa majesté Hadès car aujourd'hui était
le jour de la résurrection de Pandore.
En faisant reconstruire les portes de l'enfer ici dans la prairie des Asphodèles,
Hadès avait dans l'idée de faire revenir à la vie Pandore et les spectres
qui viendraient ensuite.
L'empereur des morts se tenait au milieu de ses sujets qui n'osaient l'approcher
car une présence divine leur inspirait instinctivement de la crainte.
De son côté Hadès n'avait nullement envie de nouer une quelconque intimité
avec ses sujets.
Pour l'heure son esprit était tout entier accaparé par le grand événement
qu'il avait minutieusement organisé.
Hypnos et Thanatos étaient aussi présents, tous deux avaient pu revenir à
la vie après le mauvais tour que Thanatos avait joué aux Moires, ils s'étaient
ensuite empressé de rejoindre leur dieu, guidés par son cosmos. Hadès avait
eu l'air content de les revoir mais Thanatos avait cru déceler chez lui une
certaine froideur à son endroit, peut-être lui reprochait-il d'avoir tué Pandore
après lui avoir promis la vie éternelle ?
Toujours est-il que tous étaient présents ce jour-là. Hadès tenait dans ses
bras le corps de Pandore, elle ne semblait pas avoir souffert de l'écoulement
du temps. Hadès la regardait toujours avec affection.
Pour la première fois il se décida à rompre le silence :
" L'avez-vous trouvé ? "
Suite à cette question énigmatique Egée fit un pas en avant, mit genou à terre
à une distance raisonnable de son dieu et répondit
- Oui, votre majesté nous l'avons trouvé, nous avons retrouvé l'âme de votre
défunte sœur.
Il fit une pause avant de continuer.
- Cela tient réellement du miracle : comme les juges ne sont plus de ce monde
son âme était restée de l'autre côté du fleuve Achéron, elle commençait à
être malmenée par les morts qui s'y trouvent quand nous l'avons trouvée… Cela
a vraiment été une tâche difficile.
- C'est bien… Egée.
- Oui votre majesté.
- Ne vous inquiétez donc pas : votre récompense viendra en temps utile.
Le visage d'Egée se décomposa et celui-ci se tut. Egée sortit une boîte de
la doublure de son manteau et indiqua :
- Son âme est contenue dans cette boîte. Vu les circonstances un peu particulières
nous avons jugé bon de la conserver dans ce récipient.
- Vous avez bien fait. Il est temps que son âme réintègre son corps à présent.
Hadès se saisit de la boîte, fit mine de l'ouvrir mais se ravisa.
- Je souhaiterais parler en privé à ma sœur quand elle reviendra à la vie.
La foule des morts s'inclina avec déférence et commença à retourner vaquer
à ses occupations, à savoir restaurer Elysion dans la Prairie des Asphodèles.
Seuls Hypnos et Thanatos demeurèrent à distance raisonnable.
Hadès posa le corps de Pandore sur le sol fleuri de la prairie et en approcha
la boîte.
Il l'ouvrit.
" Va âme de Pandore, il est temps pour toi de réintégrer ton corps ".
L'âme de Pandore s'échappa de son récipient et sembla pénétrer dans son corps
pas les narines, la bouche et les yeux de sa propriétaire.
Hadès mit un genou à terre et saisit la main de sa sœur.
Lentement la vie semble reprendre possession du corps de Pandore, lentement,
presque imperceptiblement ses yeux se plissent, elle ouvre les yeux.
Sa première réaction est une réaction de peur.
Pandore
Je croyais être morte et voilà que je sens un contact chaleureux sur ma main.
Qui est-ce ?
Est-ce Ikki ? Sont-ce mes parents ?
Non, c'est…
Sa majesté Hadès.
Pourquoi me tient-il la main ? Je l'ai trahi après tout.
Je dégage vivement ma main de la sienne et esquisse un mouvement de recul.
- Votre… votre majesté ?
Il a l'air surpris de ma réaction. C'est étrange j'ai l'impression qu'il a
changé, je le trouve un peu vieilli et surtout il est borgne !
- Votre visage…
Il paraît surpris de ma réaction.
- Pandore… La douleur d'occuper un corps diminué qui n'est pas le mien a complètement
disparu maintenant.
Il s'interrompt.
- Que tu es de nouveau auprès de moi.
Que c'est curieux, je n'aurais jamais cru qu'il puisse tenir à moi. Pourtant
je n'arrive pas à me montrer confiante. Je recule à nouveau.
Il paraît peiné.
- Pandore. Pourquoi as-tu peur de moi ? J'ai tout fait pour te ramener. Je
suis ton frère.
Mon frère ? Ca y est je me souviens de tout : la découverte de la boîte, la
promesse d'Hypnos et Thanatos, la naissance d'Hadès, la mort de tous ceux
qui se trouvaient dans le château, la mort de mes parents.
Je me lève d'un bond, je viens de redécouvrir la haine.
Je m'agrippe à Hadès et commence à frapper sa poitrine de mes poings.
- Monstre ! Tu as tué mes parents !
- Pandore…
- Que t'avaient-ils fait ? Qu'avaient-ils fait pour mériter la mort ? Pourquoi
?
Je continue à frapper sa poitrine de mes poings.
Je frappe de toutes mes forces jusqu'à ce que mes mains deviennent douloureuses.
Je fonds en larmes et m'accroche désespérément à sa tunique. Je lève mon visage
pour regarder celui du meurtrier de mes parents.
- Pourquoi ?
Hadès pleure.
- Pandore. Petite sœur, tu dois comprendre que je ne suis pas responsable
de la mort de tes parents.
Ses larmes coulent sur ses joues, l'une d'elles atteint ma joue, elle est
chaude. Hadès me saisit les poignets avec douceur. Je ressens son cosmos chaleureux
qui m'entoure.
- Lorsqu'un dieu se réincarne il doit le faire par l'intermédiaire d'un mortel.
Au moment de la naissance d'un dieu, tous les mortels qui se trouvent dans
les environs perdent la vie. La naissance d'un dieu passe par la mort de mortels,
les choses sont ainsi faites, les dieux ne peuvent pas se montrer aux mortels
sous leur véritable apparence. C'est ce qui s'est passé pour Séléné lorsque
Zeus s'est montré à elle. Et c'est aussi la raison pour laquelle les parents
de Saori ne sont plus de ce monde. Les dieux prennent la vie plus souvent
qu'ils ne la donnent.
Hadès pleure toujours, je vois dans ses yeux que son chagrin est sincère.
Hadès me prend dans ses bras, je me blottis contre lui comme une enfant. Je
ressens à nouveau la douce chaleur de son cosmos, cette chaleur je la reconnais,
c'est la même chaleur que je ressentais autour de moi pendant mon enfance
au château d'Helstein où j'étais entourée de l'affection de tous. Pour la
première fois je réalise que sa majesté tient à moi, pour la première fois
depuis la mort de mes parents je ne me sens plus seule, pour la première fois
depuis la mort de mes parents je me sens aimée.
Je reste ainsi pendant de longues minutes à pleurer contre mon frère avant
qu'il ne baisse les yeux vers moi et me prenne doucement par le menton.
- Si tu le veux Pandore tu pourras retrouver tes parents.
Je dois avouer que je suis surprise.
- Vous feriez ça pour moi ?
Hadès semble plonger ses yeux remplis d'une infinie tristesse dans les miens.
- Il n'y a rien que je ne ferais pour toi, petite sœur.
Je laisse passer un moment avant de répondre, je suis partagée entre l'incrédulité
et mon désir de retrouver mes parents. Il y a si longtemps que je les ai perdus
et puis ils sont morts.
La mort, cette question m'effleure soudain l'esprit : suis-je morte suis-je
vivante ?
- Hadès, suis-je… ?
- Vivante ? Non tu ne l'es pas mais il ne tient qu'à toi de ressusciter.
- Et mes parents ?
- Ils sont morts. Tu dois savoir que si tu choisis de ressusciter tu ne pourras
plus revoir tes parents.
- Comment ?
- Telle est la loi de l'Enfer : une personne qui ressuscite n'a pas le droit
de regarder des êtres chers qui se trouvent dans le monde des morts. Tu dois
le savoir puisque c'est ce qui est arrivé à Orphée.
Orphée, je dois avouer que je me sens coupable de sa fin tragique, plus jamais
il ne jouera de sa Lyre pour moi… Mais pour l'instant mes préoccupations sont
ailleurs. Dois-je choisir de ressusciter auquel cas je ne reverrai jamais
mes parents ou dois-je choisir de demeurer dans le monde des morts.
- Hadès…
- Je sais ce que tu penses : tu aimerais revoir tes parents mais en même temps
tu as peur de passer l'éternité comme tu as passé ta vie jusqu'à maintenant
: dans un monde sans lumière. Tu as tort : Les Asphodèles vont devenir Elysion
et pour toi je ferai briller le soleil dans ce monde. Toutefois sache ceci
: si tu refuses de ressusciter jamais je ne te redonnerai ce choix.
Quel dilemme ! Vivre sans ceux qu'on aime ou passer l'éternité avec eux sans
rien attendre du lendemain. La présence d'Hadès me rassure.
- Dis-moi Hadès. Si je décide de revenir à la vie promets-tu de toujours veiller
sur moi ?
Dans ses yeux je vois à la fois la joie et la tristesse.
- Pandore…
- Réponds-moi !
- Pandore. Tu dois comprendre que rien n'est immortel pas même moi. Si je
reviens demain sur Terre je devrai reprendre ma place parmi les dieux avec
tout ce que cela suppose de risques et de dangers. Mais…
- Mais ?
- Mais je te promets de veiller sur toi jusqu'à ce que le destin m'en empêche.
Je comprends alors que quoiqu'il arrive il sera toujours à mes côtés. Pardonnez-moi
père et mère mais je veux vivre cette nouvelle vie, surtout maintenant que
je suis assurée de ne plus la vivre seule.
- Que choisis-tu ?
- Je choisis l'inconnu, je choisis le danger, je choisis de vivre.
Pour la première fois je vois un éclair de joie fugace illuminer les yeux
ou plutôt l'œil unique de mon frère. Sans un mot il me désigne un monument
que je reconnais pour être la porte de l'Enfer. Je m'avance car j'ai compris
que ma résurrection doit passer par là. Hadès m'arrête d'un geste.
- Attends. Avant de quitter le monde des morts je te demande de choisir le
message que tu voudrais voir figurer sur les portes de l'enfer.
Je réponds presque sans hésitation.
- Vous qui entrez ici " n'abandonnez pas l'espoir "
Hadès prend une voix cérémonieuse.
- C'est donc ceci que les morts qui entreront ici pourront lire sur les Portes
de l'Enfer désormais.
Il me prend la main.
- Il est temps petite sœur.
J'avance vers les Portes de l'Enfer.
- Ne me laisse pas.
Hadès sourit.
- Jamais.
Une succession de couleurs et de lumières, c'est comme si nous entrions dans
une autre dimension, j'ai l'impression de voir défiler les galaxies sur notre
passage puis la lumière.
Nous sommes arrivés de l'autre côté, le soleil est si éblouissant. Je sens
le contact chaleureux de la main d'Hadès contre la mienne.
- Où sommes-nous ?
Hadès sourit.
- Les elfes ont fait du bon travail.
- Quoi ?
Je n'en crois pas mes yeux : nous sommes au château d'Helstein, le château
de mon enfance. Mais il y a quelque chose de différent : les fleurs, les cygnes.
Je me tourne vers Hadès.
- Oui, tu l'as deviné si la vie est revenue en ces lieux c'est parce que j'ai
donné l'ordre de ne pas restaurer le périmètre de restriction qui empêchait
toute vie autour du château.
J'observe ce magnifique château entièrement reconstruit avec ses tours couleur
d'or où le soleil se reflète.
- C'est magnifique. Mais nous risquons d'être attaqués, pourquoi as-tu pris
un tel risque ?
Hadès me regarde avec affection.
- Pour l'amour de toi.