Chapitre 12 : Troublant mystère

Je flottais au milieu des nuages, je sentais leur douceur, leur texture moelleuse et cotonneuse autour de moi. Il faisait bon, la douceur m'entourait et je me sentais merveilleusement calme, sereine et apaisée. Tout n'était que douceur. Je réalisai que j'avais lentement ouvert les yeux. Des murs blancs apparurent devant moi, nimbés d'une belle lumière. Je ne connaissais pas cet endroit, pas plus que le lit où j'étais confortablement installée mais je me sentais un peu fatiguée.
- Tu es enfin réveillée, constata une voix familière à côté de moi. C'est une bonne nouvelle. Comment te sens-tu ?
Où donc avais-je déjà entendu cette voix ? Je tournai la tête sur mon côté droit et découvrit une femme assise à mon chevet. Elle avait de longs cheveux azurs et un masque blanc sur le visage. Je battis un moment des paupières et enfin, le déclic se fit dans mon esprit engourdi.
- Aria... c'est toi ? Mais qu'est-ce que tu fais à Babel ?
Les évènements survenus le jour de notre départ me revinrent brusquement sous la forme de puissants flashs aveuglants. Je me souvins de tout. Aussitôt la panique s'empara de moi et je tentai de me redresser.
- Jonas ! Aaron ! Ils sont en danger !
Aria posa doucement les mains sur mes épaules et m'obligea à me recoucher.
- Ne t'inquiète pas Sara, tout va bien, dit-elle. Il n'y a plus de danger, vous êtes en sécurité. Aaron et Jonas vont très bien.
Je me laissai faire, quelque peu soulagée. Je scrutai ensuite les lieux autour de moi pour essayer de deviner où j'étais. Aria dut lire la question sur mon visage.
- Tu es en sécurité, répéta-t-elle. A l'infirmerie du Sanctuaire. Tes blessures ont été soignées et tu te reposes.
- Au Sanctuaire ? m'étonnai-je alors. Comment suis-je arrivée jusqu'ici ? Et où sont Aaron et Jonas ?
Indulgente pour une blessée qui reprenait peu à peu ses esprits, le chevalier du Cancer entreprit de me relater les derniers évènements.
- Quand tu as perdu connaissance, Aaron et Jonas ont décidé de te transporter jusqu'au Sanctuaire. Tu étais gravement blessée et il fallait faire vite. Aaron t'a porté et nous a alertés juste à temps. Kan t'a ensuite téléporté ici pour qu'on te soigne. Aaron et Jonas étaient moins amochés que toi et ils ont eu la permission de sortir de l'infirmerie hier.
Tout cela me semblait complètement irréel.
- Mais... depuis combien de temps suis-je ici ? demandai-je.
- Tu dors depuis quatre jours Sara. Tes blessures étaient très graves, sans soins rapides, tu serais morte, dit-elle.
Quatre jours... tant de temps ? C'était incroyable, je ne l'aurais jamais cru. Mais j'étais rassurée de savoir Aaron et Jonas hors de danger. Moi même, je me sentais un peu lasse mais mes blessures semblaient aller mieux. Restait le problème de cette attaque mystérieuse et de ceux qui l'avaient orchestrée. Et dans quel but. Il fallait que Aaron, Jonas et moi nous entretenions sur ce sujet au plus vite. J'avais un drôle de pressentiment...
- Tu penses à cette embuscade ?
Je sursautai et revins à la réalité. Mon visage était-il si transparent que cela ? J'ébauchai un faible sourire.
- Oui, un peu, confiai-je.
- Qui était-ce d'après toi ? Et pourquoi vous aurait-on attaqué si soudainement ? interrogea Aria.
Je me tortillai un peu sur place, mal à l'aise.
- Euh... écoute Aria, je ne peux pas me prononcer sur ce point ni même émettre des hypothèses, m'excusai-je. Il faut d'abord que nous discutions de tout cela avec Aaron et Jonas.
Le chevalier du Cancer fut un peu coupée dans son élan mais hocha docilement la tête, sans trace d'animosité.
- Oui, bien sûr, je comprends, assura-t-elle sincèrement. Mais sachez que vous pouvez rester ici autant que vous le voulez, en sécurité. Le Pope est d'accord et nous aussi.
Je souris.
- Merci beaucoup, je ne sais pas comment vous remercier.
Aria paraissait vouloir me dire quelque chose et apparemment, elle ne savait pas si elle en avait le droit. A moins qu'elle ne cherchât la meilleure façon de s'y prendre ? Elle hésita un bon moment sous mon regard perplexe puis finalement, se décida à se lancer.
- Tu as parlé de Babel tout à l'heure ? fit-elle.
Soudain, sous l'effet de la peur, mon sang se glaça dans mes veines. Je n'arrivai plus à respirer et mes yeux s'arrondirent.
- B-Babel ? bégayai-je. J'ai... j'ai dit ça moi ? Tu as du mal comprendre... je ne connais pas de Babel...
Le chevalier du Cancer resta immobile dans un silence que je n'aimais pas du tout. A mon grand désespoir, elle se pencha ensuite vers moi.
- Si, dit-elle. Je suis sûre que tu as parlé de ça. Tu croyais sûrement y être et tu avais l'air surprise de m'y voir. Tu y es déjà allée... ?
Je me demandais si les battements emballés de mon coeur n'allaient pas me trahir. Il n'y avait plus d'issue, c'était évident.
Comment trouver une échappatoire à présent ? Je me mis tout à coup à prier Zeus pour que quelqu'un entre, nous interrompe, me sorte d'embarras. Malheureusement personne n'entra. Je déglutis.
- Non... non, mais je ne comprends pas... tentai-je encore une fois.
Je le savais : c'était en vain, il n'y avait strictement aucune chance que ça marche. Aria ne se laisserait pas avoir mais je devais essayer quand même.
- C'est étonnant que tu ne sache pas ce que c'est, lança-t-elle. Avec un nom comme le tiens. Sans parler d'Aaron et Jonas... Selon la légende Babel est le royaume de Zeus. Il y a construit son palais et c'est là qu'il vit avec ses anges. L'équivalent du Sanctuaire mais pour Zeus, si tu veux. On raconte que Babel est située en haut du ciel, sur une montagne de nuages. C'est la raison pour laquelle on l'appelle également la Cité des Cieux.
Je commençais à transpirer. Aria se doutait de quelque chose, c'était certain. Mais que savait-elle exactement ? Je ne pouvais pas prendre le risque de...
- Tu ne connais pas cette histoire ? demanda-t-elle encore.
Je serrai les poings sous ma couverture.
- Absolument... pas, dis-je. Pourquoi me racontes-tu tout cela Aria ? Je ne vois vraiment pas où tu veux en venir.
Le chevalier du Cancer soupira et un noeud d'angoisse se forma dans mon estomac.
- Tu es sûre de ça ? fit-elle.
- Oui... bien sûr...
Soudain elle porta une main à son visage et ôta son masque d'or. Son expression était ferme, résolue mais aussi légèrement triste ce qui ne fit que m'inquiéter davantage.
- Très bien Sara, annonça-t-elle, allons droit au but puisque je n'obtiendrai rien de cette façon. Je vais être franche avec toi. Je pense que tu es un chevalier de Babel. Je suis presque sûre que Aaron, Jonas et toi venez de la Cité des Cieux. Zeus est votre dieu, n'est-ce pas ?
J'étais tétanisée. Non, pire que ça, j'étais mortifiée, à moitié sonnée. Comment... ? Je n'arrivais plus à parler, c'était terrible, épouvantable. Nous avions désobéis à un ordre ! Un ordre de Zeus !
- Dis-le Sara, insista Aria. Je sais que j'ai raison.
Je continuais d'ouvrir et fermer la bouche comme un poisson hors de l'eau. Le noeud dans mon estomac s'était transformé en bloc de glace indigeste. Puis je regardai ses yeux. Il n'y avait aucune marque de triomphe dans ses prunelles bleues. Elle n'était ni fière, ni arrogante, ni dédaigneuse d'avoir découvert mon secret. Tout ce que je distinguais c'était de la tristesse que nous lui ayons caché cela depuis le début. Et puis je compris : Aria n'était pas une ennemie. Pas plus que les autres chevaliers du Sanctuaire.
- Co-Comment as-tu... ?
- Au début, ce n'était que des hypothèses, expliqua-t-elle. C'est Kan qui m'en a parlé. Il avait vu le sceau sur le parchemin que tu transportais. Lorsque tu lui as montré le rouleau après son combat contre Aaron, il a mémorisé l'emblème de Zeus. En suite, ce sont toute une série de petits indices qui se sont ajouté. Vos prénoms tout d'abord. Ils viennent de la Bible et la légende veut que les chevaliers de Zeus aient cette particularité. Ensuite tu as crié le nom d'une attaque singulière lors de ton combat contre Mina d'Ophiucus : "Angel's Justice". Ooko s'en est souvenu. Et enfin, tu as déliré dans ton sommeil. Tu parlais à un dénommé Ezéchiel et tu ne voulais pas retourner à Babel.
Le silence nous enveloppa un moment et je baissai piteusement la tête. Je savais bien que j'avais été très imprudente mais pas à ce point là. Ainsi ils avaient des soupçons depuis le début...
- C'est pour cela que Kan nous a laissé passer sans hésiter dès qu'il a vu le sceau, murmurai-je. Il savait que nous n'étions pas un danger pour le Sanctuaire.
Aria acquiesça.
- Ou du moins, il avait de forts soupçons, dit-elle.
Elle esquissa un sourire.
- Alors c'était bien ça ? fit-elle.
Je déglutis.
- Oui... lâchai-je. Nous sommes des anges de Zeus. Je suis désolée d'avoir du vous le cacher mais c'était un ordre de notre maître que nous ne pouvions pas ignorer.
- Pourquoi vous a-t-on ordonné de rester anonymes ?
- Je ne sais pas, avouai-je. Je n'étais pas d'accord avec cet ordre et nous ne l'avons pas compris. Mais nous n'avions pas le choix, excusez-nous.
Je marquai une pause, douloureusement consciente que mes pensées et mes paroles viraient sérieusement au blasphème envers mon dieu.
- Cela fait partie des nombreuses choses que je reproche à Zeus en ce moment, ajoutai-je à mi-voix.
Aria en fut un peu décontenancée, presque choquée mais elle se reprit rapidement pour adopter un visage neutre à nouveau.
- Aria... commençai-je. Combien de gens savent... ? Tu l'as deviné, je n'y peux rien cependant, tant que nous ne serons pas rentrés à Babel, notre mission ne sera pas finie et nous devrons respecter les ordres.
- Je sais, admit-elle. Sara, je ne veux pas que tu penses que je t'ai tendu un piège. Je ne veux pas vous nuire.
Je secouai aussitôt la tête avec vigueur.
- Non, je le sais bien, affirmai-je. Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Pardonne-moi, il y a plusieurs choses qui me perturbent en ce moment. Des détails que je ne comprends pas, des agissements qui me troublent et maintenant cette attaque surprise qui a failli nous coûter la vie. Je cherche mes repères.
- Ce n'est pas moi qui vais te blâmer, répondit-elle. Je garderai bien ton secret, ne t'en fais pas. A part moi, il n'y a que Kan qui le sache et tu peux compter sur lui. Ooko avait peut-être des idées mais ce n'est rien.
Brusquement j'eus envie de lui demander si Roan savait quelque chose. Est-ce qu'il avait deviné ? Est-ce qu'il avait des soupçons ? Un nuage de chaleur inonda mes joues.
- Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Aria. Nous ne vous trahirons pas, je te donne ma parole !
- Non, ce n'est pas ça, la détrompai-je. Je me disais... peut-être que... que le chevalier de la Balance... sais-tu s'il est au courant de quelque chose ?
Aria resta perplexe.
- Roan ? Voyons... non je ne pense pas. En tout cas il n'en a rien dit et il n'en laisse rien paraître. Pourquoi ?
Je rosis encore un peu.
- Ben, c'est que... j'ai cru qu'il m'avait démasquée, expliquai-je. C'était la nuit et comme je n'arrivais pas à dormir, j'ai sorti mes ailes et je suis allée faire une ballade. Il était allongé sur le toit de sa maison quand je suis revenue et j'ai eu peur qu'il ne m'ait vue. Mais apparemment il dormait.
Le chevalier du Cancer sourit.
- Non, je pense que tu n'as aucune raison de t'inquiéter.
J'en fus soulagée, je ne savais pas comment il réagirait s'il découvrait que j'étais un ange. J'avais déjà eu du mal à briser un peu de glace...
Au bout d'un moment, je vis qu'Aria m'observait avec un sourire rêveur. Je me figeai.
- Quoi ?
- Tu as vraiment des ailes ?
Je me mis à rire.
- Oui !
- Ce doit être magnifique Babel, remarqua-t-elle. C'est vraiment une cité dans les nuages ?
Je hochai la tête et fermai les yeux pour visualiser la Cité des Cieux.
- C'est exactement comme le dit la légende, confirmai-je. Le matin, le soleil semble sortir des nuages eux-mêmes et les murs de la cité se colorent en rose, orange et doré. Quand les anges s'envolent, on dirait qu'il pleut des milliers de longues plumes blanches.
Elle sourit.
- Qui est Ezéchiel ?
- C'est le septième Archange de Zeus, mon maître, dis-je. Je suis Novice dans sa maison depuis ma plus tendre enfance. Il me manque un peu...
- J'imagine, dit-elle. Mais tu vas sûrement le revoir bientôt.
Elle jeta un regard vers la porte.
- Je crois que je ferais mieux de ne pas te monopoliser trop longtemps, objecta-t-elle. L'armée de tes admirateurs dehors attend de savoir que tu t'es réveillée ! Nous pourrons reparler de ça plus tard.
- Avec plaisir. Merci Aria, dis-je.
Elle me sourit et me serra dans ses bras avant de partir vers l'entrée.
- Prépare-toi, je vais les prévenir ! s'exclama-t-elle.

Aria avait raison, à peine eut-elle mis les autres au courant qu'ils se ruèrent à l'infirmerie pour constater par eux-mêmes. J'eus bientôt la totalité des chevaliers d'or devant moi pour me manifester leur soulagement et leurs voeux de bon rétablissement.
- Sara !
Mon regard s'éclaira et je souris.
- Aaron ! m'exclamai-je.
Il se précipita sur mon lit et me serra dans ses bras, si fort que je crus y laisser quelques côtes.
- Je vais bien, assurai-je. Je vais bien. Ne me tue pas s'il te plait...
Il se mit à rire et s'écarta, penaud.
- Désolé, je me suis laissé emporté, s'excusa-t-il.
Tout le monde éclata de rire et je lui ébouriffai affectueusement les cheveux.
- Comment te sens-tu Sara ? demanda Kan.
- Mieux, dis-je. Aria m'a dit que tu m'avais transporté jusqu'à l'infirmerie, je te remercie du fond du coeur.
Il sourit et haussa les épaules.
- Oh, ce n'était rien, répondit-il. C'est Aaron qu'il faut remercier pour t'avoir porté. C'était un véritable exploit, il était dans un état lamentable !
Je pouffai de rire et passai mes bras autour du cou d'Aaron pour poser ma tête sur son épaule.
- Merci mon brave Aaron. Je suis désolée de t'avoir infligé ça.
- C'est vrai que tu es lourde... railla-t-il.
Je m'écartai aussitôt de lui, faussement vexée.
- Goujat !
Il éclata de rire et tous les chevaliers d'or avec lui. Je cherchai alors quelqu'un des yeux.
- Mais où est Jonas ? Il va bien lui aussi ?
Ooko sourit et indiqua la porte du doigt.
- Ne t'en fais pas, fit-il. Il s'occupe de ma Novice, il est en pleine forme. Et puis de toute façon, elle prendra bien soin de lui s'il tombe dans les pommes !
- Il serait capable de le faire exprès ! s'exclama Denon.
Les rires fusèrent à nouveau et à ce moment là, l'intéressé apparut à la porte, accompagné d'Evie.
- Sara, tu es enfin réveillée ! Quelle bonne nouvelle !
Il courut pratiquement jusqu'à moi lui aussi et m'accola en douceur. J'étais heureuse de voir que tout allait bien pour tout le monde.
- Ces blessures étaient terribles, commenta Jonas. Mais quand on a vu dans quel état tu étais, Aaron et moi avons décidé de revenir au Sanctuaire. Nous n'aurions jamais eu le temps d'arriver... chez nous.
Je hochai la tête.
- C'était la meilleure décision, affirma Timoklès. Avec de tels coups, vous ne seriez pas arrivés à destination ni les uns, ni les autres.
- Nous avons été ramenés ici nous aussi, expliqua Aaron.
- On ne pouvait plus aller plus loin, renchérit Jonas. Ce sont Roan et Denon qui ont eu la bonté de nous porter. C'était très aimable. Je ne sais pas comment les en remercier.
Je jetai un regard aux deux concernés et souris.
- Merci beaucoup, dis-je.
Ils marmonnèrent de vagues "de rien" et mon sourire s'élargit en voyant leur gêne.
- Il est vrai que ces blessures étaient très graves, lança le chevalier des Gémeaux. Ce devait être un adversaire redoutable. Avez-vous une idée de la personne qui a fait ça ?
- Ou qui l'aurait orchestré, ajouta Aria.
- C'est assez étrange comme situation, surenchérit Ooko. D'habitude, on attaque pas comme cela. Pourtant c'était forcément des chevaliers, sinon vous ne seriez pas dans cet état. Avez-vous un ennemi spécial ?
Aaron baissa la tête et je croisai son regard qui m'inquiéta. Il semblait un peu embarrassé, mal à l'aise. Jonas, lui, haussa les épaules d'un air indécis. Je ne savais pas trop ce que tout cela voulait dire mais il était clair qu'il y avait un os là-dessous.
- Tout cela s'est passé très vite, dit Jonas. Nous avons été pris par surprise.
- C'est difficile à dire, renchérit Aaron. Nous ne pouvons pas nous prononcer pour le moment. Il faut que nous...
Il hésita.
- Il faut que nous réfléchissions à cela calmement, finis-je. Ce n'est pas très clair, excusez-nous. Nous vous expliquerons tout dès que nous le pourrons.
Les chevaliers d'or paraissaient eux aussi cacher quelque chose. Ils se lançaient des regards en coin, baissaient la tête ou détournaient simplement les yeux. Je n'avais pas la moindre idée de ce qui les perturbait ainsi mais il était clair que nous avions tous nos propres secrets. Dès lors, personne ne devait chercher à en savoir davantage. Kan semblait du même avis que moi.
- Oui, déclara-t-il soudain. Nous allons vous laisser vous retrouver tranquillement tous les trois. Nous avons pas mal de choses à faire nous aussi et nous devons partir.
Il se tourna vers ses frères et aucun n'osa s'opposer à lui. J'avais déjà remarqué la grande autorité de Kan. Apparemment les autres chevaliers d'or le craignaient autant qu'ils le respectaient. Le Bélier nous salua avant de se diriger vers la sortie.
- A plus tard. Reposes-toi bien et guéris vite Sara.
- Merci.
Les autres chevaliers suivirent sans discuter.
- Au revoir vous trois ! lança Ooko.
- Bon repos Sara, fit Timoklès.
- Salut, dit Denon.
Roan me salua. Enfin... il nous salua. Mais c'est moi qu'il regardait.
- Rétablis-toi vite, lâcha-t-il.
Je souris.
- Oui, bien sûr. Merci encore.
- A tout à l'heure Sara, lança Aria.
Ils quittèrent la pièce un par un et nous nous retrouvâmes très vite seuls avec Aaron et Jonas. Je sentais qu'il leur tardait d'éclaircir ce problème à eux aussi. Car quelque chose nous troublait sans qu'on arrive à le penser clairement. Il ne fallut pas longtemps pour que tout explose. Après quelques secondes, nous voulions tous parler en même temps.
- Je ne comprends pas... commença Jonas.
- Il y a quelque chose... fit Aaron.
- Vous croyez que... enchaînai-je.
Nous nous figeâmes tous les trois, gênés. Ils étaient assis sur chaque côté de mon lit et avaient baissé la tête.
- Vas-y Jonas, dis-je.
- Toi, Aaron, fit celui-ci.
Aaron secoua la tête et Jonas soupira. Puis il se passa une main sur le visage et tapota son menton avec deux doigts, l'air très concentré.
- Il y a une seule chose dont nous soyons absolument certains dans cette histoire, remarqua-t-il. Quelqu'un nous a attaqué. Et comme l'a dit Ooko, il s'agit d'un chevalier. Ou plutôt, de plusieurs dans ce cas précis.
- Oui, approuva Aron. J'ai senti plusieurs cosmos autour de nous.
J'acquiesçai.
- Moi aussi je les ai repérés, appuyai-je. Mais il était trop tard et les attaques sont parties de tous les côtés. Je n'ai rien pu faire.
Aaron secoua la tête pour signifier que ce n'était rien.
- Personne n'a rien pu faire, dit-il. C'était exactement ce qu'ils voulaient. Tout était prévu.
- Alors tu penses vraiment que nous étions la cible de cette attaque ? demanda Jonas. Qu'on voulait réellement nous tuer ?
- Il est difficile d'imaginer le contraire, lança-t-il. Après tout on ne ressemblait pas aux chevaliers d'Athéna avec nos ailes. D'ailleurs, comment nous aurait-on trouvés en pleine campagne ? Non ce n'était pas un hasard, je suis sûr qu'on nous attendait.
- Et je peux même dire, ajoutai-je, qu'ils visaient nos ailes. C'est la première partie qu'ils ont touché, ils voulaient nous faire tomber.
Jonas resta songeur.
- C'est vrai qu'une fois que nous sommes arrivés au sol, ils sont partis, se souvint-il. Cela voudrait dire qu'ils voulaient nous empêcher de partir ? Mais pourquoi ?
- Pour nous empêcher de regagner Babel, proposa Aaron sombrement. Je ne vois que ça. Ils ne voulaient pas que nous rentrions dans la Cité des Cieux pour faire notre rapport à Zeus.
Tout cela me paraissait complètement fou. Il y avait quelque chose qui clochait et je n'arrivais pas à mettre la main dessus. Comment imaginer une chose pareille ? C'était étrange.
- Qui aurait intérêt à ce qu'on ne rentre pas à Babel ? fis-je. Nous n'avons rien de spécial à dire à Zeus. Nous avons simplement livré son message. Nous ne l'avons même pas lu ! Cela n'a aucun sens !
- Oui, c'est vrai, admit Jonas. Et pourtant il y a forcément une raison à cette attaque. Je continue de penser que peut-être ce n'était pas nous qu'on visait. Personne ne savait que nous étions au Sanctuaire.
Aaron paraissait perdu dans ses pensées. Je sentais qu'un détail le taraudait et qu'il n'osait pas en parler.
- Moi je pense que nous et nous seuls étions visés, dit-il fermement. On ne pouvait pas confondre ! Je ne comprends pas pourquoi... En plus ils nous ont laissé alors que nous n'étions même pas morts ! Ils savaient certainement que nous allions revenir au Sanctuaire, que quelqu'un allait nous aider. A moins que...
J'étais suspendue à ses lèvres, souffle coupé en attendant qu'il finisse sa phrase.
- A moins que quoi ? demandai-je alors.
Aaron fronça les sourcils.
- A moins qu'ils n'aient voulu nous faire rentrer au Sanctuaire justement, déclara-t-il.
- Ici ? Pourquoi ? fit Jonas. Nous ne sommes pas des chevaliers d'Athéna, nous ne sommes d'aucune utilité ici ! Peut-être veut-on nous empêcher de rentrer à Babel effectivement.
Je regardais Aaron qui était de plus en plus songeur. Tout cela ne le satisfaisait pas. Il avait quelque chose sur le coeur et puisqu'il ne disait rien, je décidai de l'interroger moi-même.
- Dis-nous ce que tu penses vraiment Aaron.
Il tiqua et finit par se résigner. Il soupira.
- Pendant cette attaque, il m'a semblé que plusieurs cosmos m'étaient familiers, expliqua-t-il. Au début, je me suis dit que c'était impossible, que je m'étais forcément trompé. Mais plus j'y repense et plus j'en suis sûr : je connaissais ces cosmos. A cause des coups et du reste, je n'ai pas pu les identifier correctement, c'est tout.
Je me figeai, n'en croyant pas mes oreilles. Jonas paraissait avoir pris un coup sur la tête lui aussi et ses yeux s'arrondirent.
- Quoi ? Mais ce n'est pas possible ! s'exclama-t-il. Tu as forcément du confondre. Dans le feu de l'action, tu...
- Je sais ce que je dis Jonas ! coupa sèchement Aaron. Tu étais déjà à moitié évanoui mais moi j'ai essayé de les combattre ! Je n'ai même pas réussi à les voir clairement !
Je posai une main apaisante sur son épaule.
- Nous te croyons Aaron, affirmai-je. Seulement... qui dans les personnes que nous connaissons voudrait, soit nous faire rester ici, soit nous empêcher de regagner Babel ? Car il était sûr qu'on ne cherchait pas à nous tuer...
Aaron détourna la tête.
- Sara a raison, objecta Jonas. Et puis il fallait que ce soit des chevaliers extrêmement puissants pour nous dominer aussi facilement.
Je serrai les dents.
- Je crois qu'Aaron a une idée, remarquai-je. Dis-nous tout Aaron.
Il m'observa quelques secondes sans rien dire puis balaya la pièce du regard pour être sûr que personne ne nous entendait ou bien nous espionnait.
- Je pense que quelqu'un ne voulait pas qu'on raconte ce qu'on savait à Zeus et qu'au contraire, on reste au Sanctuaire, dit-il. Peut-être que nous avons vu ici quelque chose que nous n'aurions pas du voir sans le savoir.
Le ciel et la Cité des Cieux auraient aussi bien pu me tomber sur la tête. J'écarquillai les yeux à en avoir mal.
- Tu... tu crois que ce sont les chevaliers d'or qui nous ont attaqués ? m'écriai-je pétrifiée.
- Aaron ! Tu n'es pas sérieux !
Celui-ci s'échauffa.
- Bien sûr que je suis sérieux ! fulmina-t-il. Mais réfléchissez deux secondes. Qui d'autre aurait pu faire ça ? Nous n'avons pas d'ennemis ! Hadès est mort il y a peu, Poséidon ne s'est pas encore réincarné et Arès n'a rien contre Zeus. Quant aux autres, ils sont trop faibles pour s'en prendre à nous ! Alors que le Pope, lui, semblait très en colère contre Zeus après avoir lu le message !
Je ne voulais pas en entendre davantage, c'était trop absurde. Les chevaliers d'or n'auraient jamais pu faire ça !
- Tu délires, lâchai-je.
- Donne-moi une seule bonne raison pour revenir là-dessus.
Jonas s'énerva à son tour.
- Si c'était vraiment les chevaliers d'or, ils nous auraient tués depuis longtemps ! s'emporta-t-il. Cela fait deux jours que nous sommes aussi faibles que des enfants ! Ils auraient pu se débarrasser de nous sans même lever le petit doigt ! Mieux ! Ils auraient aussi bien pu nous laisser mourir.
Il marquait indéniablement un point.
- Et puis, renchéris-je, à quoi cela servirait-il de nous retarder de quelques jours ? Nous allons rentrer de toute façon.
Aaron se renfrogna.
- Alors vous allez me dire que c'est Zeus lui-même qui a ordonné de nous éliminer ? rugit-il.
Cette idée me fit froid dans le dos. Sans savoir pourquoi, elle me faisait effectivement très peur.
- Vous croyez qu'on a trop désobéi aux ordres durant cette mission sur Terre ? murmurai-je. Nous n'avons pas arrêté de faire des erreurs, des gaffes sans compter tout ce que j'ai pu penser sur Zeus...
Jonas réprima un frisson et secoua la tête pour chasser cet affreux pressentiment.
- Ne dis pas de bêtises, souffla-t-il sans vraiment trop y croire.
Mais cette pensée me hantait.
- Peut-être avons-nous complètement raté cette mission, fis-je effrayée. Nous n'avons pas respecté les ordres, nous nous sommes rebellés contre les agissements de Zeus et... et je l'ai traité d'égoïste ! S'il avait voulu se débarrasser de nous ?
J'entendais encore maître Ezéchiel me dire qu'on ne plaisantait pas avec les missions de Zeus. Et je ne l'avais pas écouté ! J'avais presque désobéi à tous ses ordres. Maintenant, plusieurs chevaliers d'or savaient même que nous étions des anges ! Qu'allions-nous faire s'il s'avérait que cette hypothèse soit la bonne ?
- Cela expliquerait qu'ils aient visé nos ailes... chuchotai-je.
Jonas passa un bras réconfortant autour de mes épaules.
- Non, ce n'est pas possible Sara, dit-il. Ne t'inquiète pas, c'est forcément autre chose. Zeus ne peut pas attaquer ses propres anges.
Aaron était sombre.
- C'est vrai, annonça-t-il. Sinon nous serions déjà morts.
Je n'étais pas certaine que cela me rassure.
- De toute façon, nous saurons ce qu'il s'est passé, d'une façon ou d'une autre, objecta Jonas. D'abord nous allons reprendre des forces et ensuite nous raconterons tout cela à Zeus et il nous dira quoi faire.
Je hochai doucement la tête.
- Oui, bonne idée, admis-je.
- Zeus saura sûrement de quoi il retourne, finit Aaron un peu plus confiant que tout à l'heure.

Je passai tout le reste de la journée et de la nuit à dormir et me reposer. J'essayai de chasser toutes ces idées abominables de mon esprit pour penser à autre chose. Après tout il ne servait à rien de tergiverser continuellement, nous ne savions rien, ce n'était que des suppositions qui nous étaient passées par la tête. D'ailleurs les chevaliers d'or furent d'une amabilité et d'une patience infinie envers nous. Aria repassa me voir pour me tenir compagnie comme promis et je me sentais de mieux en mieux. Ils renoncèrent à leurs tours de garde maintenant que j'étais réveillée mais Aaron et Jonas continuèrent de dormir à l'infirmerie avec moi. J'avais la formelle interdiction de me lever pour le moment malgré, mes protestations colorées. Aria resta inflexible. J'avais remarqué que depuis mon réveil, les chevaliers d'or étaient plus secrets et moroses que d'habitude. Le Cancer en vint bientôt à nous mettre au courant :
- Le Pope souhaiterait faire une réunion avec nous tous ainsi que vous trois, dit-elle. Comme Sara ne peut pas bouger, cela se fera à l'infirmerie. Demain matin.
Le choc me coupa le souffle. Après un instant, Aaron, Jonas et moi échangeâmes des regards angoissés. Serait-il possible qu'Aaron ait vu juste ?