Chapitre 26 : Le Pacte violé
Je soupirai de soulagement lorsque l'ennemi de Kan tomba enfin pour ne plus se relever. Le chevalier du Bélier tenait à peine debout, il était à bout de souffle et de force, en sang mais il était vivant. Je remerciai Athéna silencieusement.
Je sentis d'autres cosmos autour de moi et je tentai de les rejoindre. Ils se dirigeaient vers le centre de la forêt comme moi. Il y avait Ooko, Kan ne pouvait plus bouger et Mao était un peu plus loin. Roan m'avait repérée et enfin, Aaron qui se battait encore de toutes ses forces à quelques pas. Il était le seul à être arrivé au coeur des bois pour le moment.
J'entendis des bruits de pas sur ma gauche et m'arrêtai. Les branches
s'écartèrent et un chevalier en armure dorée apparut. Quand
il me vit, un éclair de soulagement traversa ses yeux d'émeraude
et il se précipita vers moi. Je courus jusqu'à lui et me jetai
dans ses bras pour qu'il me serre de toutes ses forces. Ce qu'il fit. Il enfouit
son visage dans mes cheveux et posa une main sur ma tête.
Quant à moi je m'agrippai à ses épaules d'acier comme si
un ras de marée menaçait de m'emporter. Il devint mon unique point
d'encrage, mon repère dans la tempête.
- Merci Athéna, murmurait-il sans cesse. J'ai eu tellement peur.
- Je t'avais fait une promesse.
- Et je savais que tu la tiendrais mais c'était plus fort que moi, avoua-t-il.
Je me hissai sur la pointe des pieds et déposai des dizaines de baisers
sur tout son visage sans plus pouvoir m'arrêter.
Nous approchions de plus en plus de l'endroit où je sentais le cosmos de mon frère brûler contre un adversaire très puissant. Ooko nous retrouva à son tour et nous filâmes dans cette direction sans attendre. Arès ne pouvait être loin, je le sentais.
*
Le tourbillon de feu entourait Aaron comme pour le protéger et les flammes
courraient dans ses yeux dorés et ses cheveux ambrés. En face,
le Berserker semblait impressionné.
- Tu maîtrises le feu, remarqua-t-il. Il t'a reconnu comme son gardien.
Chez moi, tu passerais pour un djinn. Asha, le protecteur du feu.
Aaron n'avait plus de forces, il fallait qu'il en finisse sinon il allait perdre.
Azênan était trop fort, il allait perdre. Il allait perdre... Le
Berserker se prépara à attaquer.
- Tu as été un grand adversaire Asha, dit-il. Mais même
l'esprit du feu ne peut te sauver. Allah a déjà choisi ton destin.
Ta fin est proche.
*
Au Sanctuaire d'Athéna, les chevaliers d'argent et de bronze étaient
restés fidèlement à leurs places sans faillir. Orphée
avait veillé sur la première maison sans jamais une seconde d'inattention.
Evie attendait à ses côtés, il savait qu'elle priait pour
leurs compagnons partis au combat. Ses propres pensées étaient
tournées vers Aaron et Sara quelque part face aux Berserkers. Il demandait
à Athéna de les revoir vivants.
Puis enfin, il sentit une présence approcher du Sanctuaire. Il crut tout
d'abord que c'était eux qui revenaient mais il réalisa bientôt
qu'il ne connaissait pas le cosmos qui avançait. Plus inquiétant,
l'homme, même seul, dégageait une puissance terrifiante et des
ondes extrêmement négatives.
Peu de temps plus tard, l'étranger fut devant le temple du Bélier
et Orphée se posta devant lui.
Ce n'était pas un Berserker. Le chevalier avait une armure entièrement
noire et des ailes d'insecte lui sortaient du dos. Ses yeux luisaient d'une
couleur rouge et ses cheveux roses coupés court pointaient négligemment
dans tous les sens.
- Qui es-tu ? Que viens-tu faire en ce lieu sacré ? demanda Orphée.
Tu n'as pas le droit d'être ici !
A ses côtés, Eurydice ne semblait pas rassurée non plus.
L'homme ne bougea pas, leva un regard nonchalant vers eux.
- Je suis Rhadamanthe. Et je viens tuer votre Pope.
*
Je vis, horrifiée, le corps d'Aaron voler dans les airs, projeté
par une vague d'énergie écarlate. Son corps était mutilé,
en sang et les plumes de ses ailes tourbillonnèrent dans les airs. Il
percuta violemment le sol et cessa totalement de bouger. Je sentis son cosmos
s'éteindre.
- AARON !!! hurlai-je. Aaron, non ! Aarooonnnn !!
Mon frère ne m'entendit pas. Une douleur innommable me transperça
le coeur et la colère monta en moi avec la puissance d'un cataclysme.
La colère puis la rage et une fureur incontrôlable fit trembler
mon corps tandis que les larmes roulaient sur mes joues. Ma vue se troubla,
l'énergie fit brûler mes yeux et soudain, tout explosa.
*
Roan vit Sara se mettre à trembler et une aura surpuissante l'entoura.
Elle ne se rendait plus compte de ce qu'elle faisait, les ondes de fureur s'échappaient
de tous ses membres et ses yeux se mirent à briller d'une rage folle.
Brusquement ses ailes grandirent dans son dos, plus lumineuses que de l'or pur
et la colère de Sara se déchaîna. Elle s'envola avec une
telle puissance qu'elle souleva un nuage de poussières derrière
elle. Elle fondit sur le Berserker comme un boulet de canon.
*
Le chevalier d'argent de l'Aigle s'était jeté sur le Spectre
d'Hadès avec une force incroyable. Orphée ne put réagir
que déjà elle libérait son attaque sur Rhadamanthe qui
ne bougeait pas.
Mais au dernier moment, le Spectre réagit et bloqua Evie d'un geste.
Il semblait habité par une rage froide et implacable. Alors d'un geste
il abattit une main sur la jeune fille et perfora son abdomen de part en part.
Evie se figea et mourut sur le coup.
Orphée cessa de respirer et son coeur se déchira.
- Evie !! Evie ! EVIE !!!
Rhadamanthe fit briller son cosmos et tout à coup le corps du chevalier
de l'Aigle disparut.
- Tu ne peux plus rien faire pour elle, dit-il platement.
Orphée devint fou. Il se jeta sur le Spectre.
- Monstre ! Que lui as-tu fait ? Où est Evie ? Où est-elle ? REPONDS
!!
*
Ivre de colère et de douleur, Sara déversa sur Azênan toute
la terrible puissance des Archanges. Le Berserker ne put rien faire et les coups
déferlèrent sur lui sans la moindre interruption, avec une violence
inouïe.
Sara ne pouvait plus s'arrêter. La perte de son frère lui avait
ôté toute sa raison et elle n'était plus maîtresse
d'elle-même. Azênan n'avait plus aucune chance de s'en sortir vivant.
Plus loin, Ooko et Roan n'osaient pas se dresser en travers de son chemin,
éberlués par la puissance presque divine qu'elle dégageait.
Sa force n'avait absolument plus rien d'humain.
Roan n'en croyait pas ses yeux. Quelle puissance ! Depuis quand était-elle
d'un niveau si élevé ? Elle était plus forte que trois
chevaliers d'or réunis ! Soudain le Sagittaire posa une main sur son
épaule et le tira de ses pensées. Le cosmos d'Ooko s'était
allumé une nouvelle fois.
- Arès... gronda-t-il.
La Balance suivit aussitôt son regard et aperçut une silhouette
perchée sur un rocher en surplomb. Il était à faire peur.
Le dieu de la guerre.
Les deux chevaliers d'or furent d'accord en une seconde et s'élancèrent
dans un éclair doré.
*
Rhadamanthe expulsa Orphée aussi facilement qu'il aurait chassé
une mouche du plat de la main. Le chevalier d'argent s'écrasa durement
au sol.
- Ton amie est aux Enfers maintenant, elle n'a aucune chance d'en sortir, déclara
le Spectre.
- Libère-la monstre ! hurla Orphée.
Le Spectre arrêta son coup encore une fois.
- Si tu veux la retrouver, tu n'as qu'un seul moyen, expliqua Rhadamanthe.
Orphée se calma légèrement et se força à
s'arrêter pour l'écouter. Il ferait n'importe quoi pour sauver
Evie. N'importe quoi.
- Que dois-je faire ? demanda-t-il.
Les yeux rouges du Spectre s'allumèrent. Il tendit une main vers le chevalier
de la Lyre et une flamme blanche apparut au creux de sa paume.
- Hadès est un dieu juste. Il te permettra de revoir ton amie en échange
de bien peu de chose. Pour cela, tu n'as qu'à toucher la flamme.
Orphée regardait la petite langue de feu blanc qui ondulait devant ses
yeux, complètement hypnotisé. S'il acceptait, il pourrait revoir
Evie...
- Que veut-il en échange ?
- Ton âme, répondit le Spectre.
*
Arès était très impressionnant. Ses cheveux plus noirs
que les ailes d'un corbeau se dressaient sur sa tête comme des cornes
et ses yeux sombres semblaient abriter des flammes. On voyait la violence et
la brutalité inscrites sur son visage et il regardait son champ de bataille
avec mépris, rage et plaisir pervers. Son aura ressemblait à un
nuage noirâtre chargé de violence et de hargne.
Les deux chevaliers dorés l'encerclèrent en moins d'une seconde
et les armes d'or scintillèrent à la lumière. Pourtant
le dieu demeura immobile.
- Rends-toi Arès ! cria le Sagittaire. Tu as perdu !
Le dieu de la guerre jeta un regard haineux vers eux et se découvrit
entouré par, d'un côté, la terrible flèche de justice
prête à lui percer le coeur et de l'autre, la menace des épées
d'or sacrées de la Balance.
- C'est terminé, fit Roan. Nous avons gagné, déposes les
armes Arès !
Celui-ci les toisa de haut en bas et ébaucha un sourire chargé
de tout le mépris du monde.
*
Aria arriva devant la maison du Bélier juste à temps pour voir
Orphée pétrifié face à un Spectre d'Hadès.
- Orphée !
Le chevalier d'argent approchait lentement la main de la petite flamme blanche
qui crépitait. Il n'avait pas entendu l'appel du Cancer, il ne voyait
plus que la flamme et le seul espoir qu'il lui restait de revoir Evie.
Rhadamanthe comptait les millimètres qui séparaient les doigts
du chevalier de la flamme.
Aria commença à s'inquiéter sérieusement et se mit
à courir vers Orphée qui ne semblait pas dans son état
normal. Mais au moment où elle l'atteignait, il fut trop tard. Les doigts
d'Orphée touchèrent la flamme blanche et aussitôt Rhadamanthe
referma le poing, satisfait au-delà de toutes ses espérances.
La flamme grandit et devint un immense tourbillon qui entoura Orphée.
Le feu blanc couvrit tout son corps et pénétra dans ses yeux pour
y allumer une lueur pâle et vide. Puis l'ancien chevalier de la Lyre disparut.
Aria était terrifiée.
- Orphée !
Elle foudroya le Spectre du regard.
- Où est-il ? Que lui as-tu fait ? s'écria-t-elle.
- Il a passé un pacte avec Hadès, il lui a vendu son âme,
il est trop tard pour lui. Il n'est plus maître de ses actes, Hadès
contrôle son esprit à présent.
- Tu lui as tendu un piège ! Tu n'as pas le droit !
Rhadamanthe sourit.
- C'est exact. Mais personne ne l'obligeait à toucher la flamme, dit-il.
Il fit gonfler son aura.
- Maintenant, c'est à ton tour chevalier d'or...
*
Je repris mes esprits au moment où le turban bleu du Berserker tombait lourdement au sol. L'homme était mort. Son corps gisait sur le ventre, brisé, non loin d'un autre cadavre que je connaissais bien. Alors tout me revint et je me laissai tomber pour me mettre à pleurer librement tout mon chagrin.
Quelque chose n'allait pas. Arès était beaucoup trop satisfait
pour cela. Roan avait un mauvais pressentiment et il continua de tenir le dieu
en joue avec plus de fermeté. Ooko était prêt à tirer
sa flèche.
Mais soudain tout bascula. Les chevaliers d'or sentirent brusquement des présences
hostiles apparaître dans leur dos et le froid baiser de l'acier vint se
poser sur leur cou. Ils se figèrent. Les lames pressèrent un peu
plus fort sur leur peau et ils furent obligés de laisser tomber leurs
armes au sol.
Des dizaines d'hommes s'étaient matérialisés autour d'eux
et ils reconnurent les cosmos spécifiques de ces guerriers sombres.
- Les Spectres d'Hadès... souffla Ooko.
- Tout juste, murmura une voix moqueuse à son oreille. Vous pensiez nous
avoir vaincus, pas vrai ? Vous êtes tellement naïfs !
Arès leur jeta un regard dédaigneux et satisfait avant de se tourner
vers une place vide où apparut subitement un homme très imposant,
encore plus sinistre que lui et dont le cosmos paraissait sans limites. Ses
longs cheveux d'un bleu foncé cachaient un regard rouge terrifiant.
- Te voilà enfin, s'exclama Arès.
L'homme darda sur lui un regard meurtrier.
- Tu n'es qu'un incapable mon cher neveu ! vociféra Hadès. Même
pas apte à écraser une poignée de chevaliers d'Athéna
! Il faut encore que j'intervienne !
- Allons mon oncle, susurra le dieu de la guerre. Nous sommes associés
dans cette affaire. Il faut bien que tu travailles toi aussi.
Roan crut que Hadès allait rugir de fureur.
- Pauvre imbécile ! tonna-t-il.
- N'en parlons plus mon oncle et finissons-en tout de suite, fit Arès.
Hadès réussit à se contenir et considéra les premières
paroles sages de son abruti de neveu. Arès était une brute épaisse
mais il lui arrivait parfois d'avoir raison. Le dieu des Enfers fit signe à
ses Spectres qui tenaient Ooko et Roan en respect.
- Tuez-les, ordonna-t-il sèchement.
Roan se figea.
*
Deux Spectres d'Hadès venaient d'apparaître à mes côtés
et se jetèrent sur moi pour m'immobiliser. La lame brillante d'un couteau
se posa sur mon cou et je cessai immédiatement de bouger.
Plus loin, dans le groupe d'hommes où se trouvaient Roan et Ooko, je
reconnus Arès et son oncle en pleine conversation. Que pouvait bien faire
Hadès ici ? C'était une guerre... Et soudain je compris. Je compris
pourquoi les Berserkers d'Arès avaient été aussi sûrs
de leur victoire. Même s'ils perdaient, les Spectres prendraient la relève
pour nous achever. Arès et Hadès avaient conclu un accord contre
Athéna.
Et nous allions tous mourir.
*
Le Spectre de Wyvern s'était jeté sur Aria pour la pulvériser
et le chevalier du Cancer poussa un cri lorsqu'elle vit les yeux rouges de Rhadamanthe
se mettre à briller d'un plaisir sadique.
Elle se recroquevilla sur son ventre et ferma les yeux pour que cela passe plus
vite. Pourtant il ne se passa rien. Les secondes passèrent et elle finit
par ouvrir les yeux. Alors elle ne crut pas ce qu'elle vit et ouvrit la bouche
de saisissement.
*
Hadès avait donné l'ordre de tous nous exécuter et je
vis les Spectres se préparer à obéir avec une joie manifeste.
Mais à l'instant où je croyais ma gorge tranchée, des cosmos
lumineux apparurent devant nous. Ils encerclèrent les Spectres et les
lances d'or vinrent tenir les sbires d'Hadès en respect. Plus aucun d'entre
eux ne se risqua à remuer un cil.
Je reconnus instantanément l'homme qui se posa face à moi et ses
grandes ailes blanches qui battaient l'air dans son dos.
- Maître Ezéchiel !
*
Aria n'en croyait pas ses yeux. Trois Anges étaient soudainement apparus
devant elle pour arrêter le Spectre d'Hadès.
Rhadamanthe s'était immobilisé lorsqu'il avait senti les lances
des Anges frôler sa peau. Quand il reconnut l'homme qui le menaçait,
il pesta entre ses dents.
- Michaël, lâcha-t-il. Quel plaisir de te revoir.
- Je ne peux pas en dire autant Rhadamanthe, répondit l'Ange aux longs
cheveux blonds. Tu es encore plus lâche que je ne le pensais. Mais c'est
terminé maintenant. Zeus est intervenu.
- Quelle bonne nouvelle ! ironisa le Spectre en grimaçant.
Pendant ce temps, Aria regardait les trois êtres faits de lumière
avec des yeux ronds émerveillés. Ils portaient tous des toges
à l'ancienne et des sandales de cuir. Leurs ailes immaculées étaient
magnifiques. L'un d'eux, celui que le Spectre avait appelé Michaël,
semblait être le chef et le plus haut gradé. Il portait une armure
dorée à couper le souffle.
Les deux Anges se saisirent tout à coup du Spectre de Wyvern et disparurent
avec lui dans un rayon de lumière. Le dénommé Michaël
se tourna vers Aria. Celle-ci eut du mal à retrouver l'usage de la parole.
- Vous... Vous êtes un Ange de Zeus, n'est-ce pas ? bégaya-t-elle.
Il sourit et Aria fut frappée par sa grâce.
- Je suis l'un des douze Archanges de Zeus, confirma-t-il. Mon nom est Michaël.
Nous nous chargeons de tout à présent, ne vous inquiétez
pas.
Et il disparut dans un éclair doré avant même qu'Aria ait
pu lui dire merci.
*
Je ne pouvais croire à ce que je voyais. Toute l'armée de Zeus
venait d'apparaître autour de nous pour maîtriser les Spectres d'Hadès.
Les Archanges étaient là ainsi que les Anges et les Novices.
Ezéchiel m'observait avec un mélange de tristesse et de bonheur
dans ses prunelles violettes. J'étais heureuse de le revoir, surtout
qu'il venait de me sauver la vie, mais je n'oubliais pas ce qu'ils nous avaient
fait. Ce qu'il m'avait fait.
- Que faites-vous tous là ? demandai-je un peu froidement à mon
ancien maître.
- Zeus s'occupe de tout. Il arrive, c'est terminé, me répondit-il.
Je tressaillis.
- Zeus va... commençai-je.
Avant que j'aie pu terminer ma phrase, un flash de lumière aveuglante
apparut. Un cosmos titanesque emplit l'atmosphère autour de nous et un
souffle de vent salua l'entrée du dieu des dieux. Je n'avais plus de
voix, plus rien.
Le roi des dieux flamboyait de colère lorsqu'il se dirigea vers son frère
et son fils. Ceux-ci ressemblaient à deux gamins pris en faute. Une peur
incontrôlable se peignit sur leur visage.
- Zeus... fit Hadès faiblement. Que fais-tu là mon cher frère
? C'est un plaisir de...
- Cela suffit Hadès ! tonna Zeus. Décidément je ne te retrouverai
jamais que dans des histoires douteuses ! J'en ai plus qu'assez !
Les deux dieux baissèrent la tête comme s'ils recevaient non pas
un sermon mais une salve de coups de fouet.
- Tu as été trop loin cette fois Hadès ! fulmina le dieu
des dieux. Tu as violé la loi sacrée des dieux, c'est plus que
je ne peux en tolérer ! Tu sais parfaitement que les dieux n'ont pas
le droit de s'allier contre une autre divinité !
Arès eut le culot d'intervenir.
- Père, ce n'est que...
- J'en ai autant à ton sujet ! le coupa sèchement Zeus. Il ne
te suffit pas d'attaquer le Sanctuaire en traître alors que ta soeur n'est
pas là pour le défendre, il faut encore que tu cherches le soutient
de ton oncle ! Ne seras-tu donc jamais qu'un lâche mon fils ? J'ai honte
de toi !
Les foudres de Zeus étaient terribles. Les autres dieux, aussi puissants
soient-ils, n'auraient jamais osé le provoquer quand il était
dans cet état.
- Je mets un terme à cette guerre pitoyable et considère que les
chevaliers d'Athéna sont vainqueurs. Ils sont bien plus méritants
que vous deux réunis ! continua Zeus. Quant à vous deux, nous
allons régler nos comptes en privé.
Hadès et son neveu ne semblaient pas du tout rassurés. Sur un
signe du roi des dieux, ils disparurent en compagnie des Spectres et de la plupart
des anges. Seuls Zeus et quelques Archanges restèrent.
Alors le dieu des dieux se tourna vers le Sagittaire et la Balance. Son air
s'adoucit aussitôt.
- Chevaliers d'Athéna, dit-il, vous avez subi toutes ces épreuves
avec courage, vous méritez toute mon admiration. Rentrez chez vous en
paix et la tête haute.
Roan et Ooko mirent un moment à se reprendre et enfin, s'inclinèrent
devant lui.
- Merci Seigneur Zeus, répondit Roan.
- Merci, renchérit Ooko.
Zeus esquissa un sourire bienveillant et revint lentement vers l'endroit où
je me trouvais avec Ezéchiel et d'autres Archanges. Il posa sur moi un
regard impénétrable qui me fit trembler. Je reculai d'un pas.
Zeus soupira.
- Sara, dit-il.
- Vous ne me reverrez plus à Babel si c'est ce que vous voulez me dire
! m'emportai-je alors. Je ne reviendrai pas, j'ai bien compris !
J'étais folle de rage, ou de douleur, je ne savais plus très bien.
Zeus n'avait pas sourcillé.
- Sara je te dois des excuses, fit-il comme si je n'avais rien dit. A toi et
à tes frères.
- Pour avoir tenté de nous assassiner deux fois ? criai-je avec cynisme.
- Tu as raison de m'en vouloir, je le mérite, admit-il. Mais si tu le
veux bien, je vais t'expliquer.
Il fit une pause et le silence devint pesant.
- J'ai organisé tout cela depuis le début, avoua le roi des dieux.
Je n'en avais jamais douté !
- Il fallait que je vous fasse croire à toi et à tes compagnons
que vous n'étiez plus les bienvenus à Babel, reprit-il. De cette
façon, vous étiez libres de rentrer au service d'Athéna,
ce qui était le but de tout ça. Mais pour cela, il fallait que
vous y croyiez, c'est pourquoi il a fallu y mettre les moyens. Je n'ai jamais
eu l'intention de vous tuer.
J'en avais le souffle coupé.
- Quoi ? lâchai-je. Mais... Pourquoi ? Si vous vouliez nous chasser, il
n'y avait qu'à le faire directement !
Il secoua la tête.
- Je ne voulais pas vous chasser, assura-t-il. Mais Athéna avait besoin
d'hommes dans ses rangs et plus assez de temps pour les former. Toi, Aaron et
Jonas avez été choisis parce que vous étiez les plus puissants
parmi mes apprentis Archanges. Je savais qu'Arès allait attaquer avec
son oncle, il fallait faire vite pour sauver le Sanctuaire. Et vous avez formidablement
bien rempli votre mission.
- Je... Je ne comprends pas, fis-je d'une voix rauque. Pourquoi ne pas nous
avoir expliqué la situation dès le début ?
- Parce que les dieux n'ont pas le droit de s'allier contre un autre dieu. Il
fallait que vous entriez au service d'Athéna par vous-même, sans
mon accord. Sinon j'étais complice, expliqua-t-il. Je ne pouvais pas
non plus intervenir avant pour arrêter Hadès, pas tant que je n'avais
pas de preuve flagrante de son crime. Je n'avais pas d'autres choix que de vous
faire confiance pour gagner contre les Berserkers.
Soudain les larmes me montèrent aux yeux et je repensai à mon
pauvre Aaron. J'éclatai en sanglots et hurlai ma colère et mon
désespoir :
- Avez-vous pensé à tout le mal que vous nous avez fait ? Avez-vous
pensé à ce que nous avons vécu ? Aaron est mort à
cause de vous ! Vous l'avez tué, je vous déteste !! Il n'a jamais
voulu croire que vous ne vouliez plus de lui chez les Anges ! Il a refusé
de prêter serment à Athéna pour vous ! Et vous l'avez laissé
mourir !
Je criai tout ce que j'avais sur le coeur sans pouvoir m'arrêter. Je n'en
pouvais plus, c'était plus que je ne pouvais en supporter.
- Je vous hais ! Vous entendez ? m'époumonai-je. Vous m'avez enlevé
mon frère !
Tout à coup je voulus me jeter sur Zeus mais Ezéchiel et Hébé
me retinrent.
- Vous devez faire quelque chose ! hurlai-je. Sauvez-le puisque tout est de
votre faute ! Faites quelque chose ! Rendez-le moi !
Je m'affaissai au sol lamentablement et sanglotai tout ce que j'avais. Mon maître
me serra contre lui pour me consoler et Hébé passa une main maternelle
dans mes cheveux.
- Tu as raison Sara, admit Zeus. Je dois bien cela au plus fidèle de
tous mes Anges. Gabriel, s'il te plait...
Je levai doucement mon visage baigné de larmes et vit l'Archange Gabriel
se diriger vers le corps de Aaron. Il s'agenouilla à ses côtés
et fit enfler son cosmos. Ses mains brillèrent comme des soleils et il
les posa sur Aaron.
- Il est vivant, lâcha-t-il.
Je sursautai.
- Vous allez le sauver ? balbutiai-je.
Gabriel hocha la tête. Son aura entoura Aaron et l'Archange exerça
plusieurs pressions sur différents points de son corps. Puis il ferma
les yeux et lança une minuscule boule d'énergie sur le front de
mon frère.
Gabriel se releva ensuite et revint à sa place.
- Il va survivre, promit-il.
Je recommençai à respirer et séchai mes larmes du mieux
que je pus.
- Merci, soupirai-je.
Zeus hocha la tête.
- Ecoute-moi Sara, fit-il. Vous allez rentrer au Sanctuaire maintenant. Aaron
se réveillera dans quelques jours. Je n'ai plus d'ordre à vous
donner. Tu expliqueras ce que je t'ai dit à ton frère et il décidera
de ce qu'il veut faire. Il peut revenir à Babel ou rester sur Terre,
je ne lui en tiendrai pas rigueur. Il a chèrement gagné sa liberté.
J'ai fait ce que j'ai pu pour Aaron, je ne suis malheureusement pas en mesure
d'agir sur le destin de Jonas.
- Pourquoi ? Que lui est-il arrivé ? demandai-je, un peu inquiète.
- On t'expliquera cela au Sanctuaire. Je dois repartir pour la Cité des
Cieux à présent. Sache que je suis heureux d'avoir compté
de tels chevaliers dans mes rangs.
Le roi des dieux disparut tout à coup aussi mystérieusement qu'il
était apparu et ses Archanges avec lui. Ne resta que mon maître.
Ezéchiel me sourit.
- Je suis fier de toi Sara, dit-il. Tu es devenue une magnifique jeune femme
pleine de sagesse et un chevalier extrêmement puissant.
J'échappai une larme et sourit.
- Merci maître...
- Je suis désolé d'avoir du te mentir. Je n'ai plus rien à
t'apprendre mais si un jour tu as besoin de moi, je serai là pour t'aider.
Tu n'auras qu'à m'appeler.
Il me serra une dernière fois dans ses bras et disparut à son
tour pour regagner Babel.