Chapitre 1

Après avoir battu Hadès, c’est dans un triste état que Hyoga, Ikki, Seiya, Shun et Shiryu revinrent sur Terre accompagnés de Saori, elle aussi passablement ébranlée.
Souffrant de milles maux, les chirurgiens firent de vrais miracles pour les arracher aux portes de la mort, Seiya n’ayant notamment pas été épargné, loin de là !
S’ensuivit ensuite de longs mois de convalescences qu’ils passèrent au manoir Kido, où, sous la surveillance douce mais intransigeante de Saori, et celle, plus brutale, de Tatsumi, les cinq guerriers purent se ressourcer.
Chaque semaine, ou presque nombre de leurs amis vinrent les voir, Miho, Marine, Shaina, Jabu ou encore Kiki, bien que pour Seiya, la visite la plus inestimable soit celle de sa sœur, Seika, qu’il avait retrouvé.
C’est donc dans la joie et la sérénité que les cinq amis purent guérir lentement de leurs blessures. Aussi bien physiques que morale. Ils n’avaient toujours pas encore totalement digéré le sacrifice des douze plus loyaux et puissants serviteurs d’Athéna, les Chevaliers d’Or. Souvent, le visage de tel ou tel leur revenait en mémoire et dans ces moments là, ils sentaient vaciller leur bonheur tout neuf.
Pourtant, malgré ce portrait, presque idyllique, il y avait une ombre au tableau.
Shun.
Depuis leur retour des Enfers, les quatre Chevaliers et leur déesse avaient bien remarqué que quelque chose ne tournait pas rond chez le plus jeune d’entre eux. Dès qu’il avait su remarcher seul, il allait faire de longue balade en solitaire dans les bois aux alentours du manoir. Le Chevalier d’Andromède, naguère joyeux et souriant ne desserrait guère les dents et semblait plongé dans un mutisme que rien ne pouvait briser. Il répondait par monosyllabe aux questions qui lui étaient posées et fuyait toute compagnie, même celle de son frère aîné ! Il restait de longues heures enfermé dans sa chambre et la nuit, Hyoga, dont la chambre jouxtait la sienne, pouvait entendre son jeune ami gémir dans son sommeil. Il mangeait à peine et maigrissait à vue d’œil.
Malgré toute leur bonne volonté, Ikki, Seiya, Shiryu et Hyoga ne pouvaient aider Shun que s’il leur disait de quoi il souffrait, mais à chaque fois qu’on lui posait la question, il répondait sèchement que tout allait à merveille. Chose, ô combien inhabituelle chez le Chevalier d’Andromède qui, par le passé, avait toujours le sourire aux lèvres et une joie de vivre communicative.
Lors d’une de ses nombreuses promenades en solitaire, Shun s’arrêta et s’appuya contre le tronc d’un arbre et ferma les yeux.
Dans l’immense parc du manoir Kido, on n’entendait rien d’autre que le pépiement des oiseaux et le souffle du vent dans les branches des arbres. Celles-ci filtraient les rayons du soleil qui venaient agréablement caresser la joue du jeune garçon qui esquissa un mince sourire.
Shun resta un long moment dans cette position, le dos collé au tronc du chêne centenaire, les yeux fermés, le visage levé vers le ciel semblait boire tous les rayons du soleil comme si ceux-ci avaient le pouvoir de réchauffer sa pauvre âme glacée.
Finalement, il s’assit et posa ses mains à plat sur ses genoux, paumes vers le ciel. Il les contempla longtemps. C’était ces mêmes mains qui tenaient les chaînes d’Andromède qui avaient terrassés bon nombre d’ennemis, bien que leur propriétaire n’ait pas réellement voulu leur mort. C’était ces mains qui avaient essayés de tuer Ikki, Shaka… et Athéna… c’était ce corps que Hadès avait investi pour tenter de conquérir la Terre. Ce corps qui, depuis, lui inspirait une étrange répulsion. Hadès, l’ennemi séculaire de la déesse qu’il protégeait était venu se loger en lui et avait tenté de la tuer. Pour Shun, c’était comme si lui-même avait porté la main sur Athéna.
Et ça lui faisait mal.
Très mal.
La nuit, alors qu’il espérait pouvoir échapper à ses démons intérieurs, ceux-ci venaient le troubler jusque dans ses rêves. Ses cauchemars plutôt.
Deux songes revenaient de manière récurrente… et l’un d’eux éveillait en lui une terreur presque maladive…
- Eh ! Shun !
Il releva la tête, brusquement arraché à ses pensées maussades. C’était Hyoga, celui-ci s’approchait avec un sourire joyeux. Derrière lui, Shun aperçu ses amis, Shiryu, Seiya et Ikki, ce dernier étant adossé à un arbre, les bras croisés, observait son jeune frère d’un air impassible.
Shun se redressa lentement et adressa un sourire légèrement forcé à Hyoga.
- Salut, Hyoga, qu’est-ce qui t’amènes ?
- Eh bien avec les autres, on va faire un tour en ville. Ça te dit ?
Ça ne lui disait rien du tout. Il chercha une excuse pour échapper à cette balade.
- Et Saori-san ? Demanda-t-il. Elle va rester toute seule, ce n’est pas dangereux ? Je ferais peut-être mieux de rester ici en cas d’une éventuelle attaque…
Hyoga dévisagea son jeune ami. Il l’aurait parié, que Shun allait trouver un moyen de se défiler. Avant, il aurait sauté de joie à l’idée de passer un moment avec ses amis. Oui, mais ça, c’était avant. Avant la guerre sainte, avant la possession d’Hadès.
- Tatsumi, Jabu, Marine-san, Shaina-san, sont ici, de même que Kiki, ils sauront la protéger, ne t’en fais pas ! Et s’il y à un problème, Kiki se téléportera pour nous avertir.
Shun réprima une grimace. Apparemment, ils avaient tous prévu pour l’entraîner avec eux. Il retint un soupir.
- Allons-y alors…
Hyoga lui fit un grand sourire et se tourna vers les autres en levant le pouce. Un sourire apparut sur chaque visage, même celui d’Ikki. Celui-ci était heureux que son frère vienne pour une fois avec eux, cela lui ferait oublier quelques instants ses démons.
Le petit groupe, joyeux, s’en alla donc du manoir Kido, et entamèrent leur route vers la ville qui se trouvait à environ deux kilomètres de là.
Shiryu et Seiya devant, Ikki et Hyoga derrière eux et Shun fermant la marche, les mains dans les poches, la tête rentrée dans les épaules, le dos voûté, celui-ci ne suivait ses compagnons qu’à contrecœur et même un aveugle s’en serait aperçu.
Écoutant d’une oreille distraite ses amis, Shun était plongé dans ses noires pensées jusqu’à ce qu’un coup de coude assené dans les côtes ne lui fasse reprendre contact avec le monde réel. Il fusilla Hyoga du regard bien que le Chevalier du Cygne le regardât avec un grand sourire.
- Eh ben, Shun ? Tu rêves ? On parlait de notre entraînement à la fondation Graad ! Tu te souviens du jour où tu as rétamé Nachi lors d’un exercice de boxe ? Il ne s’attendait pas à recevoir le punching-ball en pleine figure !
Les quatre Chevalier éclatèrent de rire et presque malgré lui, Andromède sourit. Oui, il s’en souvenait ! Ce jour-là, Nachi et les autres l’avaient bombardés d’insulte et il s’était lui-même étonné donné un coup aussi fort au punching-ball, mais la colère et l’amertume aidant, il avait envoyé le pauvre Chevalier du Loup à terre.
Shiryu, voyant que le sourire était revenu sur la figure de son jeune ami lui sourit à son tour. Ça faisait du bien de revoir Shun tel qu’il était avant.
Avant…
Le Dragon s’assombrit. Seiya, Saori et Ikki étaient les seuls à avoir vu Shun possédé par Hadès, Hyoga et lui étant en train de se battre avec Kanon contre les Spectres. Il n’avait donc pu constater de lui-même l’emprise du dieu sur son ami. De ce que Saori et Ikki leur avait conté, Hadès avait déclaré, au moment même où il prenait pleine possession du corps d’Andromède que l’esprit de celui-ci avait été totalement annihilé. Il eut un infime frisson, n’osant se représenter l’effet que cela devait faire…
Chemin faisant, les Chevaliers étaient arrivés en ville. C’était l’une des premières fois depuis leur rétablissement qu’ils venaient dans la cité et il faut dire ce qu’il est, ils n’avaient plus tellement l’habitude des foules que l’on peut trouver dans les villes comme Tokyo. Ils furent tout d’abord assommés par le bruit, puis, après qu’ils se furent habitués à l’énormité des sons qui leur parvenaient, ils se mirent en quête de tout et de n’importe quoi. En gros, ils déambulèrent en ville, regardant les magasins de vêtements – Seiya soutint que Hyoga et Shiryu avaient un besoin urgent d’un relookage mais les deux concernés l’envoyèrent paître – les boutiques de disque – Pégase voulut à tout prix écouter le « tout-nouveau-et-super-cool » groupe qui venait de sortir un cd et heureusement, ses amis réussirent à l’emmener avant qu’il ne dévalise l’établissement.
Finalement, notre bande des cinq atterrit chez un marchand de glace où ils s’installèrent pour se désaltérer et se restaurer.
- Une glace chocolat, une pistache, deux vanilles… et toi, frangin ? Tu prends quoi ?
La question émanait de Ikki qui était en train de commander leurs glaces. Il tourna un regard interrogatif vers son jeune frère qui répondit par un hochement de tête négatif.
- Rien, merci, je n’ai pas faim.
- Tss ! N’importe quoi ! Si je me souviens bien tu aimais… et une deuxième glace chocolat s’il vous plait !
- Nous vous apportons ça tout de suite. Répondit le serveur qui s’éloigna en direction des cuisines.
Shun se tourna vers son frère aîné.
- Niisan ! Je t’ai dis que j’avais pas faim !
- Il ne faut pas avoir faim pour manger une glace ! Répliqua Seiya d’un ton docte avant d’enlacer l’épaule du Chevalier d’Andromède. À part ça, tu as les mêmes goûts que moi ! Le chocolat, y’a que ça vrai !
- Écoutez moi ce gros gourmand ! Fit Hyoga en regardant Pégase d’un air ironique.
- Te plains pas ! Toi, de la glace, t’as pu en avoir durant six ans ! Douze, si je compte tes années passées en Russie !
Ledit russe ne sourit même pas à la remarque et rétorqua d’un air parfaitement impassible :
- Oui, si tu veux, sauf que là bas, la glace, elle n’est pas comestible ! Alors si tu veux mourir d’une maladie inconnue pour avoir absorbé de la glace née des congères de Sibérie, vas-y, personne ne t’en empêche !
La mine déconfite de Seiya fit pouffer de rire Shiryu, bientôt rejoint par Hyoga et Ikki qui s’esclaffèrent.
Shun contempla ses amis avec un petit sourire triste aux lèvres. Depuis qu’ils les connaissait, c’est-à-dire depuis bientôt dix ans à peu près, il ne les avait vu que très rarement rire comme ça, surtout son frère qui, le dernier sourire de vraie joie que Shun avait en mémoire, remontait à l’époque d’avant la bataille du Sanctuaire, lorsqu’ils s’étaient enfin retrouvés après sa disparition lors de la bataille du mont Fuji. Quant au rire… vaut mieux ne pas en parler !
Les glaces arrivèrent, ils payèrent et  commencèrent à manger – les dévorer serait plus exact – en se défiant sur lequel terminerait sa glace le plus vite.
De son côté, Andromède suçotait du bout des lèvres sa glace au chocolat avant de le reposer doucement. Son geste n’échappa pas au Chevalier du Dragon qui entreprit de lui faire une gentille petite leçon de morale.
- Shun ! Enfin, t’es pas raisonnable ! Depuis qu’on est revenu des Enfers, tu ne manges quasi plus rien ! Tu t’es déjà vu ? Tu as la peau sur les os et…
- Vous pensez qu’Hadès est vraiment mort ?
C’était tellement hors sujet, tellement soudain et inapproprié au contexte que les quatre amis s’arrêtèrent immédiatement de manger leur glace pour considérer Shun d’un air ébahi.
- Pardon ? Finit par demander Ikki.
- Est-ce que vous pensez qu’Hadès est vraiment mort ?
Le silence se fit encore plus pesant. Les Chevaliers s’entreregardèrent, l’air légèrement gênés.
- Pourquoi poses-tu une telle question ? Demanda enfin Hyoga. Tu l’as vu comme nous, non ? Son corps mythologique a été détruit ! Quant à son esprit… Saori-san nous a assuré que nous n’avions plus rien à craindre.
Hyoga avait pile mit le doigt sur ce qui dérangeait Shun.
- Son corps mythologique a peut être été détruit mais pas sa réincarnation… marmonna-t-il pour lui-même.
Raté, ses amis l’entendirent et d’ailleurs, ils n’en crurent pas leurs oreilles.
- Tu peux répéter ? Fit Seiya, effaré. « Pas sa réincarnation » ? Mais enfin, Shun ! À quoi tu penses ? Tu voudrais peut-être mourir pour être sûr qu’il n’y à plus le moindre danger qu’Hadès revienne ?
- Si ça peut garantir la paix sur Terre, pourquoi pas ? Rétorqua le jeune Chevalier avec un air de défi.
La même pensée traversa les esprits des Chevaliers Phoenix, Cygne, Pégase et Dragon : « Sa constellation n’est vraiment pas une bonne chose pour son caractère… »
Shiryu le fixa. Troublé. Bien sûr, le tempérament sacrificiel de son ami n’était plus à prouver, mais il s’étonnait vraiment de le voir sortir un sujet pareil alors que plus aucune menace… hum… officielle de la part des autres dieux ou représentants des dieux, au choix, ne pesait sur la planète. Ils pouvaient enfin profiter de leur vie comme bon leur semblait… mais… non… en fait, c’était logique qu’il remette le sujet sur le tapis dans un moment pareil. Ils étaient en paix. Ils ne devaient plus se battre. Lorsqu’ils combattaient, ils n’avaient pas le loisir de songer à autre chose qu’à leur prochain combat, or, ici, c’était totalement l’inverse. L’oisiveté menait aux réflexions, les réflexions à des potentielles angoisses, les angoisses, à des questions… et puis, c’était normal que, après tant de temps passé à ruminer tout cela silencieusement, il décide de leur en parler… pour leur demander leur avis, même si, au fond de lui, Shiryu était convaincu que son cadet le connaissait déjà.
- Shun, enfin, t’es pas sérieux là…
Hyoga regardait son ami, ébranlé, il avait l’air de ne pas vraiment prendre conscience des paroles du jeune homme en face de lui et essayait, avec un ton légèrement désespéré de lui redonner confiance.
- Tu sais bien que, comme Saori-san… Athéna, t’as donné son sang – enfin, pas vraiment donné… mais en tout cas, elle t’as immunisé ! Tu l’as bien ressenti, non ? C’est grâce à ça que Hadès est parti de ton corps, grâce au sang d’Athéna… et d’après elle, il ne pourra plus te posséder… sauf si, toujours selon Saori-san, tu l’acceptes consciemment.
Shun le dévisage, un air étrange peint sur ses traits. Un mélange d’incompréhension, d’espoir qui ne demande qu’à se cristalliser et de doute.
- Comment sais-tu tout ça, Hyoga ? Demande-t-il doucement.
Les trois autres retiennent leur souffle. Ils connaissent cette intonation. Le russe ne répond pas et Ikki s’en charge.
- Lorsque nous sommes revenus des Enfers, à l’hôpital, Saori-san nous l’a apprit, tu étais encore inconscient et…
- Et vous n’avez pas jugé utile de m’entretenir de ça ? Le coupe son petit frère.
L’aîné paraît un instant, avoir l’air gêné mais cela ne dure qu’une fraction de seconde.
- Nous ne pensions pas que ça allait te travailler autant, et puis, avec le temps, nous avons oublié…
Lentement, le visage tendu depuis des mois de Shun se détendit et un sourire s’épanouit sur ses lèvres. Il était enfin libéré d’un poids obscur qui le taraudait depuis des semaines, enfin libéré d’une peur qui le rongeait intérieurement depuis des lustres. Il ne se sentait plus coupable. D’un seul coup, grâce à quelques paroles, s’était envolée l’impression dérangeante d’avoir un monstre en lui qui le dévorait petit à petit de l’intérieur. D’un seul coup, c’était comme si la lumière se levait dans sa tête, chassant la nuit qui avait persévéré durant des siècles, il avait l’impression de renaître.
Comme s’ils avaient conscience du chemin qu’avait parcouru le cœur de Shun pour enfin déboucher à la lumière, ses frères d’armes lui sourirent. Un sourire doux et radieux. Comme si Shun s’était longtemps absenté et que, finalement, après un long voyage, il rentrait.
 - Eh ! Seiya ! Rends-moi ma glace !
L’interpellation venait de Hyoga qui regardait, ulcéré, son ami manger avec gourmandise, sa glace à la vanille.
- Ben quoi ? Fit le coupable avec un air innocent, de la vanille plein les lèvres.  Tu la mangeais pas et elle fondait !
Cette diversion incongrue contribua à détendre l’atmosphère qui s’était légèrement tendue. Shiryu, Shun et Ikki regardèrent Hyoga se jeter quasiment sur Seiya pour récupérer son bien… qui n’était déjà plus ! Le glouton ayant enfourné ce qui restait de glace dans sa bouche et tentait de faire un sourire victorieux, mais, la bouche pleine, l’effet était considérablement gâché.
Shiryu rit doucement et se leva. Arrachant les deux autres à leur jeu. Dans un bel ensemble, ses amis l’imitèrent et ils repartirent vers le manoir Kido.
L’ambiance était nettement plus légère qu’à l’aller, ils échangeaient des blagues, des remarques sur tel ou tel de leur combat et singeaient quelques uns de leurs anciens adversaires. En bref, ils faisaient les pitres. C’était tellement bon de pouvoir enfin se détendre et se dire qu’ils n’auraient plus à avoir à combattre, enfin, normalement du moins. Ils pouvaient enfin profiter de leur jeunesse. Shiryu et Hyoga avaient même laissés entendre qu’ils reprendraient peut-être leurs études.
Le petit groupe, tout à ses discussions, ne remarqua pas vraiment que peu à peu, ils s’éloignaient du bruit et de la civilisation pour emprunter une ruelle sombre et mal famée. De toute manière, quelle importance ? Ils avaient vaincu des dieux, ce n’était certainement pas une potentielle bande de voyous qui allait leur faire peur.
Donc, sans vraiment y faire attention, ils prirent une petite ruelle qu’ils connaissaient en tant que raccourci pour revenir au manoir Kido. C’était Ikki et Shun, qui, une fois, s’étant enfuis de la pension Kido, l’avaient découverts.
D’ailleurs, les deux frères se remémorèrent ce souvenir avec un petit rire sans joie. Les hommes de Kido les avaient bien vite rattrapés… et leur avait bien fait passé le goût pour la fuite…
- Dis, Niisan ?
- Oui ?
Shun hésita quelques secondes avant de poser une petite question qui le tracassait.
- Pourquoi restes-tu au manoir Kido ? D’habitude, tu t’enfuis toujours on ne sais trop où quand nos combats sont terminés.
- Pourquoi ? Je te dérange ? Demanda Ikki avec un léger sourire railleur.
- Iie ! Se défendit Shun en levant les mains. Ça me fait extrêmement plaisir, au contraire, mais je voudrais juste comprendre, tu détestes rester au même endroit plus que quelques jours, alors que ici, ça fait des mois que nous n’avons pas bougés.
Ikki lui sourit. Un sourire un peu triste.
« Pourquoi je reste, petit frère ? Parce que durant cette bataille contre Hadès, j’ai bien cru que j’allais te perdre à jamais… et que maintenant que nous nous en sommes sortis, j’ai trop peur de te quitter, j’ai été inquiet pour toi durant tous ces mois où tu a broyé du noir… mais maintenant, tu vas mieux… mais ma crainte de te perdre n’est pas apaisée… c’est donc pour ça que je veux profiter du maximum de temps que nous pourrons passer ensemble… »
- Parce que j’avais besoin de me ressourcer, moi aussi, cette guerre contre Hadès a été éprouvante pour tous. Et puis, j’avais envie de passer un peu de temps avec vous… avec toi…
Shun lui offrit un sourire radieux.
- Arigatô, Niisan !
Pour toute réponse, Phoenix sourit.
Devant eux, Hyoga et Seiya se chamaillaient, arbitrés par un Shiryu impartial mais qui avait bien du mal à étouffer un fou rire qui montait.
- Quatre points pour Hyoga, comptait-il, deux pour Seiya. C'est bon, vous avez fini de vous disputer comme des gamins ?
Pour toute réponse, les deux compères éclatèrent de rire en se filant l'accolade.
Quand soudain, en plein milieu de son rire, Hyoga sursauta, porta la main à sa gorge et s'effondra.
Il fallu deux longues secondes aux quatre autres pour que l'information parviennent à leur cerveau tellement cette situation était incongrue et puis, ils se précipitèrent enfin.
- HYOGA ! Hurla Seiya en se laissant tomber à genoux aux côtés de son ami. Il le retourna pour voir son visage qui était figé dans un masque de surprise. Il était apparemment inconscient…
- Il n'est pas mort, indiqua Shiryu. Son pouls bat toujours de manière régulière. Je ne comprend pas ce qui…
Shun et Ikki s'accroupirent à leur tour à côté de leur camarade et regardèrent, les sourcils froncés pour Ikki et une mine angoissée pour son cadet.
Le regard du Dragon se porta sur le cou du russe qu'il avait touché avant de s'effondrer et remarqua…
- Niisan !
- Ikki ! Eh oh ! Ikki ! Qu'est-ce que tu as ?!
- Niisan ! Réponds !
Le petit groupe était paniqué. Phoenix avait à son tour basculé sur le côté et il était inconscient. Ce n'était pas du tout son genre de s'évanouir comme ça… qu'est-ce qui leur prenait.
Alarmé, Seiya se releva et parcouru la ruelle d'un regard aigu. Ils étaient seuls. Les recoins étaient plongés dans l'obscurité et un ennemi invisible pouvait très bien se tenir là… il avança d'un pas.
- Pegasus Ryu Sei Ken !
Une pluie de météores bleues déferla sur les murs et les renfoncements de la rue. Rien. Perplexe, Pégase revint vers ses amis qui étaient toujours à côtés des deux évanouis.
- On ferait mieux de les prendre et de retourner au manoir Kido, déclara Shiryu d'un air soucieux.
 Alors qu'il s'apprêtait à charger Ikki sur ses épaules, il s'effondra à son tour, ses yeux encore ouverts tournés vers le ciel avec une lueur d'incompréhension au fond de ses prunelles.
- Shiryu… Shun se tenait près de lui et le secouait. Shiryu ! Réveille toi !
- Laisse, Shun, il vaut mieux qu'on appelle des renforts. Va chercher Saori-san, je reste ici…
- Mais… Seiya…
- Va-y ! T'en fais pas. J'ai résisté à Poséidon, Hadès… c'est pas un petit comique, quel qu'il soit, qui va me faire peur !
Shun le regarda quelques secondes avant de hocher la tête et de courir hors de la ruelle vers le manoir Kido.
L'adolescent s'efforça d'afficher un maigre sourire à son ami qui partait avant de retourner près de ses amis inconscients, ses traits marqués par l'inquiétude.
Son regard se porta sur la nuque de Shiryu, il écarquilla les yeux et avança les doigts… avant de tomber à son tour. Il n'eut pas le temps d'être surpris que déjà, le sommeil s'emparait de lui.
Shun couru, couru comme il ne l'avait jamais fait, même pour sauver Saori il n'avait jamais été aussi rapide. C'était comme si sa vie en dépendait… non… sa vie en dépendait ! Sa vie, c'était eux, c'était lui. C'était Hyoga, le froid, Shiryu, le sage, Seiya la tête brûlée, Ikki, son frère… Shiryu, Hyoga, Ikki, Seiya… il courait parce que peut-être que leurs vies dépendaient de sa rapidité.
Passablement affaibli par la guerre contre Hadès, il ne pouvait plus courir à la vitesse du son, juste s'en approcher. Serrant les dents, il se fit mentalement la remarque qu'il devrait retravailler ce point…
Finalement, il arriva au manoir Kido, totalement essoufflé, les poumons en feu, des rigoles de sueur coulant le long de son visage.
C'est un Andromède crispé par la panique et à bout de souffle que Tatsumi vit débouler dans le salon où Saori jouait du piano.
- Shun ? S'énerva le chien de garde des Kido. Qu'est-ce que tu fais là ? Tu déranges Saori ojoosama !
Le jeune homme ouvrit la bouche pour parler mais ne réussit pas à proférer le moindre son, ses poumons, avides d'air, demandaient d'abord à se remplir. Alors, il prit le temps de reprendre son souffle et fixa Saori.
- Saori-san ! Il faut absolument que vous me suiviez avec de l'aide ! Il est arrivé quelque chose à Seiya, Hyoga, Shiryu et Ikki Niisan
- Que dis-tu ? S'exclama Saori qui se leva aussitôt. Où ça ? Que s'est-il passé ?!
- En chemin Saori-san, doozo
La déesse hocha la tête.
- Entendu ! Tatsumi, va chercher Jabu, Marine et Shaina s'il te plait. Ayaku!
- Haï !
En effet, il fut rapide, quelques minutes plus tard, Shun, accompagné de Tatsumi, Jabu, Saori, Marine et Shaina, galopait dans la direction inverse. Il faisait à peine attention à la circulation, le plus important pour lui étant d'être auprès de ses frères d'armes le plus vite possible.
- Koko desu.
Il s'engouffra le premier dans l'étroite ruelle et se précipita vers l'endroit où il avait vu Seiya la dernière fois.
Il s'arrêta si brusquement que, Saori sur ses talons, failli lui rentrer dedans.
- Où sont-ils ? Interrogea-t-elle en balayant la rue des yeux.
Aucun corps n'était visible. Deux solutions s'offraient à eux. Soit ils avaient repris conscience et étaient partis, mais dans ce cas là, ils les auraient croisés en chemin, soit… quelqu'un était à l'origine de leur disparition…
Andromède tomba à genoux. Les yeux agrandis par le désespoir.
- Iie
Les larmes se mirent à couler sur ses joues. Ruisseaux salés qui n'étaient pas près de s'arrêter.
- IIE !
Shun frappa le sol de ses poings serrés. Il n'avait pas su être assez rapide, assez puissant…
Et par sa faute, ses amis avaient disparu.