Chapitre 3
*Dohko*
Un silence de mort entourait maintenant la deuxième maison du Zodiaque. J’ouvrai progressivement les yeux, doucement et tentai de retrouver mes esprits. Que s’était-il passé ?
Je me rappelai alors le visage de ce garçon prénommé Sion, celui que j’avais inopinément trouvé lors de mon entraînement avec mon maître Shaolin. Ou bien était-ce lui qui nous avait trouvés, dans cette partie reculée et secrète du Sanctuaire où elle me dispensait mon enseignement, celui de chevalier. Cet endroit, personne ne le connaissait, mon maître préférant la solitude et la discipline, évitant à mon esprit de se distraire par la présence d’autres disciples de mon âge. Elle voulait faire de moi un chevalier unique et fidèle envers notre déesse.
Etait-ce un hasard ou bien la volonté de notre souveraine de l’avoir guidé vers nous ?...
Sion, celui dont le nom évoque celui d’une étoile solitaire et mélancolique, était resté figé alors que j’avais risqué de lui atterrir dessus, de le percuter de plein fouet lorsque Shaolin avait riposté. Et quand mes yeux avaient croisé son regard boréal, j’avais pu y déceler tant de choses à la fois, l’étonnement, le courage, l’admiration, l’intelligence, mais aussi la peur, la douleur, la tristesse, la honte.
Tout en lui était contradiction.
Son visage sali par les épreuves qu’il avait dû endurer pour parvenir jusqu’à nous, la poussière le recouvrant cédant ici et là pour laisser filtrer à travers cette couche cassante une peau si pâle qu’elle semblait être irréelle. A la base de son cou étaient apposées deux stries rouges qui se fondaient dans l’étoffe pourpre de sa tunique dont l’agencement complexe m’évoquait une origine orientale et secrète, et sur laquelle était posée l’une de ses mains de porcelaine.
Au premier abord, il m’avait paru si fragile que je m’étais presque abstins de respirer, de peur de le blesser. Cependant, il emmenait de lui quelque chose d’éprouvant, de dur.
Cette pellicule avait cédé à l’arrivée de mon maître, comme pris au dépourvu, Sion avait baissé sa garde.
J’avais été étonné du choix prompt de Shaolin à le prendre sous son aile : bien qu’habitué à ses réactions généreuses mais ô combien impulsives, je me demandai si elle avait perçu ce qui entourait notre nouveau compagnon. Ce cosmos, car c’était bien de cela dont il s’agissait, était instable, perturbé, je m’en était rendu compte lorsque nos regards s’étaient croisés et alors qu’il nous suivait silencieusement à travers les terres du Sanctuaire, cette sensation était devenue omnisciente. C’était étrange pour moi, j’avais senti et ressenti au plus profond de moi les fines différences entre chaque cosmos des chevaliers formant mon univers, chacun teinté de sentiments clairs, exacerbés et propres à chaque chevalier le définissant et le représentant, le rendant unique vis-à-vis de ses frères d’armes.
Mais Sion… La nature de son cosmos semblait si confuse oscillant entre tout et rien, si bien que je n’arrêtai pas de songer à ce qui pouvait bien rendre un être humain comme cela…Perdu.
Je m’étais retourné quand à mon étonnement, l’aura l’entourant et étant jusque là assez nébuleuse pour moi avait viré en un seul sentiment, le détresse.
Sion venait de toute évidence de buter contre une pierre maligne et s’était étalé sur le sol rocailleux. Il n’avait pas crié alors que la paume de ses mains voyait déjà perler le sang rouge. Non, au contraire, il s’était empressé de se remettre tant bien que mal debout, titubant au début, peinant par la suite. Ce geste était courageux étant donné le fait que son état n’était pas très glorieux. Il avait gardé les yeux rivés au sol, serrant un peu les dents, se mordant les lèvres.
Je pris soudainement conscience qu’en fait, son état n’était pas simplement « peu glorieux ». Il était lamentable.
De longues estafilades parcouraient la chaire blanche de ses bras, giflant son visage, le bout de ses doigts semblait avoir été limé sur une surface rugueuse et mis à vif, une entaille profonde barrait l’une de ses joues, remontant jusqu’à son œil droit, l’étoffe brune de son pantalon était gorgée de sang séché et noir au niveau de ses genoux… Et toujours ces deux sillons écarlates lézardant la peau diaphane de son cou, l’un d’eux descendant jusqu’à l’une de ses clavicules et la serrant en étau, cachés tant bien que mal par les mèches de ses cheveux verts que la brise faisait voleter de temps en temps.
Il n’en pouvait plus. C’était même un miracle qu’il parvienne à rester debout. Il fallait que je trouve un moyen de l’aborder et de l’aider sans pour autant blesser sa fierté, ce qui n’était pas chose facile, Sion m’impressionnant beaucoup, me semblant inaccessible. Ce moyen, ce fut le sac qu’il gardait sur son dos qui me l’offrit.
Je crois que même si de nous deux il avait semblé être le plus surpris, je n’étais pas en reste, nous intimidant mutuellement par notre gaucherie respective. Et puis ma nature avait repris le dessus, je l’avais saisi le plus doucement possible de peur de le casser et je l’avais déposé sur mon dos. J’allai le porter, solution qui me paraissait la plus adaptée à la situation. Ainsi, il pourrait se reposer un peu.
Quelque chose m’avait frappé alors que je faisais passer ses mains devant mes épaules. Sion ne pesait rien.
J’avais pensé qu’il m’en aurait voulu pour cette familiarité naturelle qui faisait partie de mon caractère mais je ressentis le contraire avec soulagement quand je repris la discution afin de lui expliquer les bases de notre domaine dans lequel il allait vivre désormais, afin de briser la glace.
Il ne parlait pas mais l’expression dans ses yeux était douce et sincère. Je m’étais dit alors que l’aura déstabilisante qu’il avait manifestée à notre rencontre devait être une manière de se protéger car elle était maintenant douce, chaude et amicale.
Et puis cela s’était produit, contre toute attente, cette aura, ce cosmos était devenu meurtrier. Je me rappelle que soudainement, il avait viré de la bienveillance à la sensation assassine en l’espace de quelques secondes. Il écrasait tout forme de vie aux alentours. Je m’étais retourné d’un geste vers Sion dans l’espoir de démentir ce sentiment, dans l’espoir que ce cosmos ne lui appartiendrait pas. Et j’avais vu.
Sion avait plaqué ses mains sur ses oreilles et secouait la tête avec fureur, les dents serrées, tellement qu’il ne se rendait pas compte qu’il s’était mordu sauvagement la lèvre. Un filet de sang s’échappa de l’une de ses commissures. Ses yeux étaient agrandis de frayeur, la pupille tellement rétractée qu’elle n’était plus qu’un minuscule point noir, abandonnant leur expression douce pour celle défigurée de la terreur. Son corps, parcouru de tremblements convulsifs, hurlait de terreur.
Soudain, une vague psychique me percuta de plein fouet tandis que des pensées diffuses, monstrueusement fortes et écrasantes s’imposaient aux miennes, les déstabilisant, les forçant à s’absoudre.
Des flots d’images fragmentées, sourdes chassaient mon esprit dans un fracas de sons, de hurlements retentissants. Mon âme allait décompenser.
C’est alors que mon maître me sorti de ce tourbillon psychique dans lequel je commençais à être enfoncé. Shaolin m’asséna un coup violent sur l’arrête de mon épaule, me projetant loin de Sion, loin du danger, me forçant à revenir de ma torpeur.
Ce fut comme si je m’éveillai à nouveau. Elle m’ordonna de me mettre à l’abri dans la deuxième maison, là où elle savait que son gardien pourrait me protéger de son cosmos surpuissant, tandis qu’elle préférait affronter seule cette aura furieuse et dévastatrice.
Je lui obéis non sans hésiter, je ne voulais pas la laisser affronter cela toute seule, mais je dû me rendre à l’évidence, mon cosmos était encore trop faible et plus qu’un secours je lui aurais été une gène. Elle me jeta un regard dur et sévère me confortant dans mon choix. Je n’étais pas de taille pour affronter cela, elle ne voulait pas que je sois blessé. J’obtempérai avec remords et me précipitai vers l’entrée de la deuxième maison, fuyant cet horrible craquement qui s’élevait derrière moi.
L’obscurité m’entoura alors que je passai le pas de la porte de la demeure du Taureau. Je percutai soudain quelque chose de dur. Je ne savais plus ce que je faisais, ma tête me brûlait, contrainte de lutter en permanence contre ce qui émanait de Sion, un torrent de pensées plus folles les unes que les autres. Le chevalier du Taureau se tenait devant moi, me dominant de son immense stature. Il avait senti la menace qui s’était élevée devant sa maison et en tant que gardien, il s’était immédiatement présenté pour la défendre de ce péril à la nature inconnue. Dans ma précipitation, nos pas s’étaient rencontrés. Il baissa ses yeux bleus vers moi et compris. Si j’étais ici sans elle, c’est que mon maître implorait sa permission afin d’affronter l’origine de cet affolement des éléments, elle le suppliait de protéger son disciple dont la force ne pouvait rivaliser avec celle qui était déployée à l’extrême au dehors.
Il jeta un coup d’œil à l’extérieur, le vent déchaîné faisant voler les courtes mèches dorées de ses cheveux très courts, comme pour essayer de percer le mystère de cette tempête hargneuse.
Puis il se ramassa précipitamment sur le sol, alors qu’une secousse psychique se déployait à nouveau, encore bien plus puissante que la première, il protégea mon visage d’un revers de cape et intensifia son cosmos. Une lumière dorée et irradiante nous enveloppa, nous mettant à l’abri de cette nouvelle vague surpuissante.
Je fixai mes yeux sur le visage de Sirius, le puissant chevalier d’Or du Taureau. Quelques gouttes de sueur perlaient sur son front, m’indiquant que malgré son statut de chevalier d’Or, il peinait à arrêter de son cosmos calme, celui furieux de Sion.
Je jetai un regard dans sa direction mais ne le perçu pas, enveloppé d’un tourbillon de poussière opaque. Mes yeux s’agrandirent quand je vis le sol se soulever, les rochers se décomposer en éclatant en fins grains de sable sous la pression de ce cosmos dément. Ainsi donc était-ce cela l’âme de Sion ? Une âme démesurée écrasant de sa suprématie tout sur son passage ? Ce cosmos doré auparavant et qui était maintenant en train de virer au rouge sombre et ténébreux.
Mon maître faisait face à cette explosion des éléments le bras gauche replié contre son visage le protégeant, ses longs cheveux devenus fous s’étalaient en fines mèches derrière elle. Elle ployait mais ne cassait pas tel le roseau fin de notre pays d’origine face au souffle du dragon. Je n’avais aucune idée de ce qu’elle comptait faire face à une telle situation, étant donné que Sirius avait du mal à barrer cette aura, comment comptait-elle trouver une ouverture afin de pouvoir stopper Sion dans sa descente aux Enfers ? Pourquoi ne se protégeait-elle pas de son cosmos comme le faisait Sirius ? Je priai silencieusement et fiévreusement pour la sauvegarde de mon maître mais aussi pour la survie de Sion, car je savais que s’il l’y obligeait, Shaolin n’hésiterait pas à annihiler toute menace du Sanctuaire même s’il s’agissait d’un enfant.
L’aura de Sion s’intensifiait encore, croissant toujours, dévorant l’espace qui devenait sien. N’avait-elle donc aucune limite ? Des images parvenaient maintenant à nouveau dans ma tête tandis que Sirius poussait toujours plus loin les limites de son cosmos. Ces images, toutes plus pénibles les unes que les autres, totalement débridées, m’arrivaient dans un ordre abstrait, me faisant voir la mémoire morcelée de Sion. Elles défilaient, se bousculant dans ma tête envahie de cris et de hurlements de personnes, d’une personne. Une femme. Celle qui l’avait privé de ses sens, enfermé son âme, celle qui l’avait détruit. Celle qui ne l’avait jamais nommé par d’autres mots que ceux de « misérable », « bâtard », « raclure »…
Ainsi, il m’avait paru inaccessible de prime abord non pas par choix mais par obligation car il avait déjà commencé à mourir.
Soudain, Shaolin abaissa sa main gauche vers le sol et intensifia brusquement son cosmos. Elle avait trouvé la faille. Elle disparu dans une gerbe de lumière tandis que tout explosait dans un halot incandescent rougeâtre aveuglant autour de nous, dans un hurlement de douleur. Je fermai les yeux, m’attendant au pire.
Mais rien ne venait. Non, rien n’était venu. La sensation oppressante qui m’écrasait disparu d’un seul coup. Je rouvrai précipitamment les yeux, le cœur battant. Si tout avait cessé subitement, c’est que mon maître avait réussi. J’eus soudainement très peur de connaître la vérité sur ce qui s’était produit. Shaolin l’avait-elle tué ?
Un soupir. Sirius, le chevalier d’Or du Taureau qui m’avait protégé se son cosmos bienveillant s’était redressé, et posait maintenant ses yeux azur à l’endroit où l’affrontement s’était produit quelques secondes auparavant.
-« Franchement, si elle pouvait cesser de briser la maison des autres lors de chacune de ses visites, cela nous arrangerait tous… Enfin, on peut dire qu’il était moins une pour la mienne. Je ne sais pas où elle l’a récupéré celui-là, mais pour ce qui est du potentiel, il l’a, même un peu trop pour son âge d’ailleurs. Par contre, pour ce qui est de la maîtrise, je préfère de loin son premier disciple… »
Il coula son regard vers moi, toujours ramassé sur le sol, encore secoué des précédents évènements, incapable de bouger ne serait-ce que le bout de l’un de mes doigts.
-« Dohko, ça va maintenant, tu peux bouger, à moins que tu ne te sois fait mal ! »
Je secouai la tête. Non, bien sûr que je n’étais pas blessé car il avait barré la route à la furie de Sion par son propre corps, l’offrant aux éléments déchaînés. Je ne voulais pour cela pas lui manquer de respect. Je tentais de fixer mon regard dans le sien clair et sûr qu’il portait à mon encontre. Mais mes yeux dérivaient irrémédiablement vers l’extérieur de son temple. Je m’inquiétais trop. Shaolin et Sion, il fallait que je sache ce qu’il était advenu d’eux.
Sirius me donna silencieusement la permission de regagner mon maître. Je ne sentais d’ailleurs que peu de cosmos venant d’elle. Avait-elle été blessée ? Non, maître Shaolin était véritablement puissante. Mais cette explosion de cosmos avait été tellement intense…
Je couru vers l’entrée du temple du Taureau. Je tentai de percer l’épaisse fumée de poussière qui se tenait compactée au centre du vaste plateau dallé s’étendant à l’entrée de la deuxième maison. Puis, la brise dissipa ce nuage ténébreux me dévoilant une forme sombre sur le sol fendu et fissuré auquel il manquait plusieurs blocs rocheux formant des trous impressionnants. Les traits de cette silhouette se justifièrent peu à peu. Je retins mon souffle.
Mon maître était là, agenouillée sur le sol parvis, ses cheveux menés au gré du vent et balayant ses épaules fines, soulevant les plis de son étole violine, la brise faisant teinter les bracelets d’or au travers desquels elle enserrait ses poignets. Mon pouls s’accéléra encore. Elle était en vie ! Elle avait le dos courbé, renfermant au creux de ses bras quelque chose. De là où je me trouvais, je ne la voyais que de trois-quarts. J’avançai avec crainte. Ses lèvres bougeaient doucement. Le vent cessa tout à fait, m’offrant les sons qui en sortaient.
C’était du Xiang Lei, sa langue, la mienne, celle de notre contrée appartenant à la vaste Chine. Je compris que ce qu’elle tenait contre elle n’était autre que Sion, le visage collé contre son épaule, la sienne dénudée jusqu’à son omoplate laissant apparaître la peau claire de son dos affreusement striée de cicatrices profondes.
Shaolin avait refermé ses mains sur lui et avec toute la tendresse dont elle était capable, le calmait lentement, lui répétant sans cesse que tout irait bien maintenant. De temps à autre, Sion était parcouru de profonds tremblements.
A mon approche, elle releva le menton, m’offrant son regard turquoise. Elle sourit mais ne bougea pas d’un pouce. Les mèches courtes et raides de sa frange laissaient filtrer une estafilade d’où perlaient quelques gouttes de sang qui commençaient déjà à sécher.
A part cela, elle n’avait pas l’air blessée. Et Sion non plus. J’émis un soupir de soulagement tandis que le chevalier du Taureau nous rejoignait. Ce fut d’ailleurs lui qui brisa le silence dans lequel nous nous tenions.
-« Shaolin, je te prierais de mieux tenir tes disciples. Ma maison n’est pas un lieu d’entraînement et j’y tiens quelque peu vois-tu ? »
Sa voix se voulait courroucée, cependant, la gentillesse de ce chevalier exemplaire filtrait au travers de ses mots.
-« Je sais, je m’en excuse Sirius. Il a juste eu un peu peur je crois.
- Un peu ?! Tu vas me vexer là ! Il a presque failli détruire le Sanctuaire, oui !!
- Oui mais je l’ai arrêté, alors l’affaire est close, non ?
- Nan ! Tu ne vas pas t’en tirer avec un joli sourire et une voix fluette ma chère, c’est scandaleux !
- Ce qui est scandaleux, c’est le fait que tu sois aussi grand mon ami.
- Je ne vois pas le rapport.
- Moi non plus », venais-je d’ajouter un peu malgré moi.
Les deux chevaliers me regardèrent amusés.
-« Merci Sirius, tu as parfaitement protégé mon disciple, il est intact et il a gardé son merveilleux esprit critique.
- Il n’y a pas de quoi, toi par contre, on ne peut pas dire que tu ais « parfaitement » protégé ma pauvre maison. Regarde-moi tous ces trous au sol ! Comment je vais expliquer ça au Grand Pôpe, moi ?!
- Bah ! Tu diras que c’est de ma faute, Sirius.
- Et pas de la sienne », répliqua-t-il montrant Sion qu’elle tenait toujours serré contre elle.
Le sourire de Shaolin s’effaça. Un voile de tristesse passa dans son regard.
-« Non, lui, il n’y est pour rien. Son cosmos paranormal le dépasse complètement. Il avait l’air terrifié, et il m’avait demandé de m’écarter parce qu’il savait qu’il allait recommencer. Cet enfant a du tuer pour survivre et cela l’a traumatisé. D’ailleurs, ce n’est pas la seule chose, d’après ce qu’il a laissé « échapper ».
- Et tu vas t’en charger toute seule ? Je ne remets pas en question ton pouvoir qui est largement supérieur au mien d’une part, cependant d’autre part ce gamin est capable de déclencher un cosmos d’une nature inconnue pour nous. Pour moi, il reste dangereux.
- Oui, il use un cosmos étrange, même pour moi qui connais les écrits de Sakkayumi, cette nature de potentiel n’a que très peu été citée par lui, mais a spécifié qu’il ne pouvait appartenir qu’a seulement quelques élus d’un peuple précis et disparu. Pour ma part, je pense que plus que quiconque ici, cet enfant à le droit d’avoir une seconde chance. Et puis, c’est nous qui avons été sur son chemin », ajouta-t-elle en me regardant.
- Bien, de toute façon, tu fais toujours comme bon te semble, chevalier. Ce n’est pas pour rien que le Grand Pôpe t’associe au vent, enfin… Heureusement, en parlant de ça que les autres chevaliers d’Or se soient retrouvés en mission à l’extérieur du Sanctuaire, sinon, ils n’auraient pas laissé se produire ce contre quoi tu t’es confrontée, Shaolin, crois-moi. Mais tu as l’air de savoir ce que tu fais. Passe donc ton chemin mais ne me fais pas regretter mon accord pour ce qui concerne ton jeune disciple.
- Merci Sirius », dit-elle avant de rabaisser le menton sur sa poitrine. « Sion n’est pas en état de continuer je crois. »
Je m’avançai un peu.
-« Je peux le porter ! Je l’ai fait tout à l’heure ! Il… Il n’est pas très lourd ! Je peux le faire. »
Elle me scruta longuement.
-« Tu es sûr Dohko ? »
Sûr, je l’étais, il m’avait fait peur, très peur, mais en moi restaient gravées les images de ce qu’il avait enduré. Je ne savais pas pourquoi, mais je me sentais coupable envers lui, moi qui n’avais pas connu mes parents assez longtemps pour pouvoir m’y attacher, moi qui avais connu très tôt la bonté de maître Shaolin, moi qui n’avais aucune entrave à ma liberté que celle de mon affection sans borne pour mon maître qui était pour moi comme une soeur. Alors oui, j’étais sûr. De plus, on ne s’était que très peu parlés mais j’avais ressenti autre chose encore chez ce garçon, et cette chose, je le savais, avait su compléter en un instant tous les vides qui garnissaient encore ma personne.
Shaolin desserra son étreinte lentement, prenant garde de ne jamais effleurer les grandes stries rougeâtres qui marquaient eu fer rouge la peau de son dos. Je me rapprochai un peu, intimidé, comme si mon maître allait me transmettre un trésor fragile que tout pouvait écorcher.
Il avait les yeux vitreux, figés et ternes, un mince filet de sang s’égouttait de la commissure de ses lèvres qu’il avait mordues sauvagement. Je fus frappé par son expression d’inanition, son teint avait blêmi à l’extrême faisant ressortir les deux points argentés scindés en son front.
Il n’essaya même pas de résister lorsque Shaolin le déposa sur mon dos. Elle continuait simplement à lui parler doucement dans sa langue maternelle comme si cela était dédié à rassurer ce qui lui servait encore de cœur. Je fus encore étonné lorsqu’elle se dégagea de nous et reparut devant moi, attrapant ses grandes mèches brunes pour les rejeter en arrière de ses épaules.
-« Et bien Dohko, y a-t-il un problème ? » s’enquit-elle en voyant mon air surpris.
-« Non, non !! »
Le problème, c’est justement que mon nouvel ami ne pesait vraiment presque rien.
Nous nous remîmes en route, passant devant Sirius, le valeureux gardien de la deuxième maison du Zodiaque, ce dernier nous couvrant du regard. Il posa sa large main sur ma tête au passage avant de me décocher un sourire franc ce qui me mit un peu de baume au cœur, moi qui étais encore un peu perdu dans mes pensées. Je l’appréciais beaucoup, comme tous ici car il était un homme au courage sans faille, au cœur d’or. Sa marque d’affection m’atteignit directement, d’autant plus que c’était un mentor pour moi, appartenant à la Caste de l’Or.
Nous traversâmes les longs couloirs de sa demeure conçue à son image, calme, mystérieuse mais sereine. Nous allions devoir parcourir encore un chemin assez important pour regagner la maison de Shaolin, la sixième, devant pour cela traverser la secrète maison des Gémeaux, l’obscur temple du Cancer, la lumineuse fondation érigée en l’honneur du Lion.
Shaolin marchait à ma hauteur me demandant de temps à autre si je désirais me délester de mon fardeau. Non, j’avais dit que j’allais le porter et je le ferai. Un chevalier ne revient jamais sur sa parole. Et comme elle s’en doutait sûrement, à chacune de mes réponses négatives, elle souriait. Je savais qu’elle éprouvait de la fierté pour moi. Et cette confiance était l’un de mes plus grands trésors.
Je m’assurais de temps en temps de l’état de Sion. Je sentais sa respiration faible contre moi, entrecoupée de sursauts violents tandis que son front gisait toujours contre mon épaule et je ne savais pas s’il s’était endormi ou si son état catastrophique altéré encore par l’effort qu’il avait fourni ne lui permettait plus de rester éveillé mais quoi qu’il en soit, tant que je ressentirais le rythme de ses respirations je me sentirais rassuré.
A la tombée de la nuit, nous parvîmes à la maison de mon maître, celle du Signe de le Vierge d’Or, gardée par Shaolin, le Sixième Chevalier d’Or de la garde d’Athéna.