Chapitre 27
* Sion *
Quelle maudite chaleur !...
L’été était bien l’unique période de l’année où j’aurais voulu être partout ailleurs qu’ici, au Sanctuaire !...
Le soleil de plomb ne se fatiguait donc jamais !...
La terre craquelée et aride protestait faiblement sous ses rayons ardents, quémandant une pitié sue l’astre du jour ne voulait pas lui offrir. Même l’ombre des grands arbres ne suffisait pas pour atténuer ce supplice de Tantale. Et les nuits étaient le reliquat de ce que les êtres vivants enduraient pendant le jour, la chaleur accumulée dans les terres remontait pour tourmenter ceux qui espéraient un peu de répit une fois le ciel peint de noir et couvert d’étoiles scintillantes.
La seule chose qui pouvait encore calmer cette envie de déguerpir d’ici au plus vite vers des lieux plus accueillants était de se retrouver à l’abri des colonnes de l’un des 12 temples offrant une protection parfaite vis-à-vis de cette fournaise sévissant à l’extérieur de leurs pierres glacées et insensibles à la morsure cuisante du soleil grec.
« Eh !! Vous deux !! Ici, ce n’est pas une aire de repos pour aspirants chevaliers ! », dit une voix légèrement courroucée derrière nous.
Dohko se redressa difficilement pour fixer le chevalier du Taureau s’affairant ça et là pour classer des dizaines de documents sur les étagères immenses contre lesquelles nous étions adossés, vaincus au premier round par l’affreuse chaleur régnant au dehors.
« Pitié Sirius !.... », dit mon ami d’une voix pâteuse comme s’il était littéralement au bord de la mort la plus atroce, « Il n’y a qu’ici que l’on peu respirer un peu !.... S’il te plait… Ne nous oblige pas à aller dehors !.... Je ne veux pas mourir si jeune !.... »
Le chevalier haussa un sourcil avant de répliquer : « Je vois, Shaolin vous a mis à la porte de son temple, fainéants comme vous êtes, et c’est la raison pour laquelle vous venez vous dessécher dans le mien puisque l’accès aux autres maisons vous est refusé tant que vous ne portez pas l’armure, je me trompe ?
- Bien sûr que oui ! », répliquai-je dans un sursaut de fierté bafouée, « Ce n’est pas du tout pour ça qu’on est venu se réfugier ici !
- C’est vrai », reprit Dohko, « en fait, on revient d’une mission. »
Sirius éclata de rire.
« Et en quoi consiste… Votre « mission » jeunes gens ? Mis à part rester cloîtrés comme des âmes en peine dans ma bibliothèque, je ne vois pas bien…
- … Faire 100 fois le tour du Sanctuaire en passant par la limite Sud…
- En courant…
- A la vitesse du son…
- Mes pauvres… Je reconnais que là, elle a fait fort la miss, par cette chaleur, elle veut vous tuer ou quoi ?! Vous lui avez fait quelque chose de spécial pour mériter ça ?
- …’Chais pas… M’en rappelle pu… » dit Dohko en dégageant les mèches sombres de son front avec sa main droite.
« Mouais… Je suis sûr en plus qu’elle doit être en train de siroter quelque chose de frais à l’ombre en attendant le retour de ses victimes. A tous les coups, elle n’a même pas osé mettre le nez dehors aujourd’hui.
- Tout juste… Comme quoi, tu dis de nous, mais elle, c’est encore pire puisqu’elle est chevalier d’or, elle se doit de montrer l’exemple !... », dit Dohko en appuyant sa tête tout à fait contre le bois de l’étagère.
« Hum !... En fait, je disais ça pour plaisanter… Elle a vraiment fait ça ? Ouh là, mais c’est pire que ce que je croyais !...
- S’i te plait !... ne nous mets pas dehors !... », implorai-je, « si on retourne trop vite au temple de la Vierge, elle va nous redonner des trucs horribles à faire pour avoir la paix !...
- … Vive donc la formation des élèves chevaliers !... », murmura Sirius en haussant les épaules.
Il dut comprendre, à la vue de notre regard totalement désespéré pour l’occasion, que nous étions certainement les êtres les plus à plaindre du moment, sans compter sur son cœur d’or qui nous assurait la victoire pour peu que l’on sache comment y faire.
Il soupira alors qu’un demi-sourire vient se peindre sur son visage.
« Sirius, qu’est-ce que tu fais ? », demandai-je alors, intrigué par son étrange manège tournant autour d’un rangement complètement abstrait de sa bibliothèque où il s’évertuait à ne surtout pas classer les ouvrages qu’il replaçait sur le étagères dans l’ordre alphabétique, comme toute personne normalement constituée devrait le faire.
« Et bien, je range un peu tout ce fourbi, ça en a bien besoin. Ça faisait longtemps que je n’avais pas mis les pieds dans cet endroit. C’est une pièce secrète du temple. Mais il semblerait que vous l’ayez découverte sans mon aide, la salle des archives du temple du Taureau.
- Les archives de quoi ? », interrogea Dohko en quittant son état de zombie proche de la décomposition pour se relever avec courage et abnégation, fasciné par les gros volumes poussiéreux que Sirius déballait à présent pour les poser sur le sol.
Sirius se mit à rire.
« Contes et légendes, tout ce qui retrace l’histoire de la théologie grecque mais aussi romaine et égyptienne entre autre. En fait, ici, ce n’est qu’une annexe de ce qui se trouve dans le 4ème temple. Le vrai archiviste au Sanctuaire, c’est Saïro, le chevalier d’or du Cancer. Il connaît tout sur tout et sur le bout des doigts, c’est une véritable bible pour tout ce qui touche à ce domaine. Son temple regorge de tout ce qui a été écrit, tout ce qui a été peint et réalisé touchant de près ou de loin aux mystères du monde, que ce soit vérifié ou non, mythes ou faits rapportés. Ici, il n’y a que les écrits se rapportant à la création du 2ème signe zodiacal, celui du Taureau. Pas que je sois fermé à tous les autres aspects du Zodiaque d’or, Saïro a tenu à ce que chaque temple possède la partie de son histoire dans ses propres murs.
- Je ne l’ai jamais vu au Sanctuaire », fis-je, interloqué par ce qu’il venait de nous apprendre.
« C’est bien dommage, Saïro est une personne vraiment intéressante et d’une ouverture d’esprit peu commune. Il n’a jamais pris de disciple pourtant, mais ça, c’est pour se consacrer pleinement à ses recherches. C’est un chevalier mandaté par le sanctuaire travaillant en étroite relation avec le Vatican. Il est chargé de se rendre sur les lieux où des phénomènes inexpliqués se produisent et qui pourraient être commis par des forces autres que celles naturelles. C’est lui qui juge s’il faut impliquer le Sanctuaire et envoyer un chevalier ou no sur les lieux pour épauler les hommes qui se retrouvent confrontés à la menace. Bien sûr, en accord avec le Grand Pôpe qui peut encore mettre son veto, mais c’est rare, car Saïro a toujours été de bon jugement jusqu’ici et Kivu lui fait entièrement confiance.
- Mais… S’il est chevalier, pourquoi n’agit-il pas tout de suite au lieu de faire dépêcher un autre chevalier ? C’est un chevalier d’or, il serait capable d’enrayer la menace seul.
- Il agit en déclenchant le plan d’alerte. Tu sais Dohko, Saïro a le rôle le plus difficile, celui de se trouver continuellement en première ligne, il pose les scellés délimitant un espace parallèle de non agression, dans lequel sera confiné l’agresseur pour ne pas qu’il mette en danger la vie des hommes plus qu’il ne l’aurait déjà fait. Ce n’est déjà pas mal car il transmet ensuite un rapport détaillé au Sanctuaire pour que le chevalier qui sera ensuite amen à combattre la manifestation sache à quoi s’en tenir. Ce rôle d’appât demande beaucoup de sang froid, d’autant plus que personne n’en a voulu. C’est pour cela que je le respecte beaucoup, lui qui n’hésite pas à se mettre en danger face à une chose totalement inconnue pour assurer la victoire à nos frères d’armes et de sang. Dohko, toi qui te passionnes pour tout ce qui touche aux mythes et légendes de toutes sortes, je crois que tu t’entendras bien avec lui.
- Ça serait quand même bien que l’on puisse au moins voir à quoi il ressemble, moi, je ne l’ai rencontré qu’une seule fois et je devais avoir dans les 3 ans, je ne m’en souviens pas très bien. », dit Dohko avec regret.
« Bah ! Si ce n’est que ça, Saïro va sûrement venir pour l’avènement du Solstice d’été qui aura lieu dans quelques jours !
- Quoi ?!! Tu aurais pu le dire plus tôt Sirius ! », s’écria Dohko en sautant sur ses pieds.
« Pourquoi subitement, alors qu’il n’est pas revenu au Sanctuaire depuis si longtemps ? En 7 ans, je ne l’ai pas vu une seule fois, ce n’est pas le premier Solstice d’été que le Sanctuaire va regarder passer. », dis-je en fronçant les sourcils.
C’était vrai, tout ceci me paraissait étrange.
Le chevalier du taureau sourit.
« Oh il ne sera pas le seul à venir voir cela, le Capricorne va venir aussi. C’est vrai que ça fait longtemps que les 6 chevaliers d’or ne se sont pas réunis pour de bon. Je le vois d’ici, Kazuro doit sûrement être en train de râler et de pester contre ça, il est plutôt associable comme gars, en un sens, il est un peu comme Saïro, ce sont des ermites à 100% pur jus. Sauf que Saïro est quand même beaucoup plus aimable.
- « Kazuro » ?
- Le chevalier du Capricorne. Il est… Comment dire… « Spécial ».
- Comment ça, « spécial » !? », demanda Dohko sceptique, « Tu veux dire « spécial » comme Kirin qui s’enferme parfois tout seul et sans explication particulière dans son temple pour se parler à lui-même, comme Scylla qui reste petite, aussi petite qu’une gamine si bien que son maître ne sait plus quoi faire, « spécial » comme Shaolin dont le mystère reste entier, ou comme Khaan qui, je crois, tiens la palme d’or de la bizarrerie du Sanctuaire tout entier et même du monde dans sa globalité ? »
Sirius se mit à rire tout à fait.
« Tu me déçois, tu oublies Van qui n’est pas mal dans son genre… Hum… Tout bien réfléchi, je me demande si le critère d’entrée au Sanctuaire n’est pas justement cette bizarrerie hors norme caractérisant chacun d’entre nous… Désolé de vous donner le mauvais exemple, jeunes gens…
- Mais toi, tu es plutôt normal », dit Dohko en remettant une mèche brune derrière son oreille.
« Tu sais, ça me touche vraiment, ce que tu dis ! », s’exclama Sirius en éclatant de rire et en déplaçant une grosse caisse vide. « Quoi qu’il en soit, vous serez bien vite fixés.
- Que va-t-il se passer qui vaille la peine que deux chevaliers quasi portés disparus du Sanctuaire refassent leur apparition aussi soudainement ? », demandai-je intrigué.
« Et bien, en fait, comment dire cela… ? Vous arrivez au terme de votre formation. Celle-ci prendra fin dans quelques jours, au solstice d’été puisque vous avez commencé à quelques années d’intervalle mais le même jour, toujours le même. Alors, vous devez maintenant montrer à Athéna que vos efforts ont été assez pétris de courage et de foi envers votre destinée afin de remporter ce pour quoi vous avez été formés sur ces terres, vos armures. C’est de cela dont il s’agit. »
Cette nouvelle nous lassa sans voix. Nous étions incapables de dire ou de penser quoi que ce soit.
Alors c’était enfin arrivé, le moment que nous désirions atteindre à tout prix et que nous redoutions tant cependant, car il signifiait pour nous l’abandon de tout ce qui avait auparavant constitué nos vies, notre passé semblait se gommer maintenant pour nous obliger à regarder droit devant nous, vers ce que nous étions destinés devenir, des chevaliers sacrés.
Non c’était impossible, c’était beaucoup trop tôt, se hisser au même rang que celui de notre maître, de Sirius, de Kirin me semblait impossible. Comment pourrions-nous un instant croire que nous étions sur le point de devenir leur égal, à eux qui étaient des hommes aussi proches de notre déesse Athéna ? Eux dont l’armure était d’or et le courage infini, eux qui formaient nos aînés et nos exemples, ils restaient pour moi séparés de nous par un gouffre immense comparé à ce que nous étions, des disciples de 14 ans, ignorants de tout ce qui composait l’art d’être chevalier.
« Mais… c’est beaucoup trop tôt !... », soufflai-je sans m’en rendre compte.
« Pff ! Tu es drôle Sion ! Tu ne croyais tout de même pas rester au stade de disciple toute ta vie !? », me lança Sirius amusé.
« Mais… C’est que….
- Oh je comprends !... Et moi qui pensais que Shao vous avait endurcis à force d’entraînements de tortionnaire comme elle en a beaucoup cachés dans sa manche, en fait, vous êtes comme les disciples aspirant au bronze dont j’ai la charge, vous êtes anxieux ! Je n’aurais jamais cru ça de vous !
- Et… En quoi consistera cela ? Est-ce que l’on va passer un test ou bien une épreuve particulière ?...
- Un test ? Alors là, Dohko, tu es très loin de la vérité mon grand. Je saisis un peu la raison pour laquelle Shaolin a préféré vous mettre à l’écart de tout ça… L’avènement d’un chevalier doit se faire lorsque celui-ci est soumis à l’ultime épreuve. Il doit être en danger de mort afin de réveiller le cosmos nécessaire pour faire résonner l’écho de l’armure qui lui est destinée. C’est le seul moyen, vous avez beau avoir un cosmos bien en main, il n’est pas encore suffisant pour éveiller l’armure. Elle ne pourra l’être que si vous montrez votre volonté de la revêtir et de combattre avec, et cela ne se passe que lorsque l’on encoure le risque de mourir. C’est comme cela la première fois. Tu vois, ce n’est pas si simple… L’armure n’est pas un chose ordinaire et seulement protectrice en fait… C’est un véritable être doué de vie et de jugement portant celui d’Athéna en lui. C’est elle qui décidera, c’est pour la convaincre elle que vous devrez endurer cela, pour montrer à Athéna à travers elle que vous êtes dignes de faire partie de sa chevalerie.»
Nous n’étions pas sûrs de comprendre. Il avait bien dit « danger de mort » ? Mais alors….
« Un aspirant au bronze doit combattre un chevalier de bronze, l’argent défera l’argent ou du moins une force équivalente. Les disciples aspirant à l’or…
- Combattront contre l’or… », articulai-je en saisissant soudainement la portée de ses paroles.
C’était une plaisanterie !...
Bien sûr, au cours de tous ces jours passés à repousser toujours plus loin les limites de notre force, de notre vitesse, de notre cosmos, nous étions devenus bien plus puissants. Mais jamais au point de pouvoir combattre et résister face à un chevalier d’or aguerri.
Ce n’était pas une épreuve mais une mise à mort.
Et l’infime chance que nous aurions pour ressortir vivant de cela était sans nul doute l’acquisition de notre armure, l’ultime protection qui pourrait nous permettre de résister aux assauts surpuissants d’un chevalier d’or.
Une chance improbable.
Que se passerait-il si jamais l’armure ne s’éveillait pas lors de ce combat ?
La réponse était simple. L’aspirant mourait alors.
Car personne ne survit lorsque l’élite de la chevalerie entame un combat contre un être inférieur. Et cette élite si bonne et si juste n’hésiterait pas à user de son pouvoir dément puisque nous étions plus forts que des chevaliers d’argent à notre niveau et que seul un danger de mort pouvait apparemment nous permettre de déployer le cosmos doré, celui de la caste de l’or, l’appel de l’armure.
C’était complètement absurde, je comprenais maintenant pourquoi il n’y avait que si peu de prétendants aux armures d’or, si peu de chevaliers de caste supérieure à en porter.
Eux, ils étaient des survivants.
Mon regard gagna le visage de mon ami dont les traits étaient soudainement tendus à l’extrême, pesant sans doute comme moi le pour et le contre de cette révélation. Lui aussi encaissait la nouvelle sans mot dire. Peut-être pensait-il que tout ceci n’était qu’une supercherie grotesque visant à tester le courage des aspirants chevaliers, peut-être se disait-il que nos aînés n’oseraient jamais porter de coups à leurs propres élèves, peut-être voyait-il qu’il ne lui restait plus que quelques jours à vivre.
Sirius posa ses larges mains sur nos épaules.
« Vous voyez ? C’est pour cela sans doute que Shaolin ne vous a pas tenus au courant de ce qui allait se dérouler. Elle ne voulait pas que vous vous torturiez pour cela en sachant que peu à peu, l’heure arrivait. Moi, je pense au contraire que c’est votre droit de savoir ce que le Sanctuaire vous réservait depuis le début, car si vous avez survécu à l’entraînement d’un chevalier d’or pour arriver là où vous en êtes aujourd’hui, je suis persuadé que vous passerez l’épreuve haut la main. L’une des règles de la chevalerie est de défaire tout ennemi portant atteinte à la souveraineté d’Athéna la Juste ainsi qu’au royaume terrestre des Hommes, aussi puissant et redoutable soit-il et peu importe qui il soit. Pour l’instant, vous n’avez jamais été préparés à combattre en conditions réelles. C’est pour cela que le dernier adversaire à défaire pour revêtir votre armure doit être le pire qu’il soit pour vous, un ami, un pair, un exemple, un maître, un être que vous considérez bien plus fort que vous ne le serez jamais. Parce que c’est l’unique moyen de vous prouvez à vous-même quelle est votre valeur, le seul qui fera alors plier à votre volonté l’armure qui vous revient. Allez ! Courage ! Tout se passera bien, Shaolin vous a formés pour ça, rien que pour ça, elle vous a offert de porter en vous les outils de votre victoire sur n’importe quel être doué de vie, à vous de découvrir comment les associer afin de façonner vous-même votre chemin. »
Il avait raison. Ce moment tant attendu était enfin arrivé. L’aboutissement de toutes ces années pendant lesquelles nous avions douté de nous même, reculé, ployé, et pendant lesquelles nous nous étions relevés pour ne jamais baisser les yeux devant qui que ce soit et perdre ce que nous avions de plus cher à présent.
« Merci Sirius. », dit Dohko en redressant la tête, « Ce que je t’ai dit, ça tient toujours. Tu vas voir, je vais te surpasser ! »
Le chevalier se mit à rire.
« Évidement, je tiens cela pour argent comptant ! Tu m’as toujours affirmé cela depuis que tu sais marcher, alors ne flanche pas maintenant ! Tu ne m’auras pas fait attendre toutes ces années pour me laisser sur ma faim mon cher ! Je tiens à ce que tu me le prouves ! »
Dohko se mit à rire. Il enjamba l’une des caisses remplies de livres volumineux pour gagner l’entrée du temple au pas de course.
Sirius soupira, passant une main dans ses cheveux courts.
« Et bien !... Je crois qu’il ne faudra pas compter sur cet oiseau pour qu’il me donne un coup de main… »
Je souris en saisissant l’un des livres poussiéreux traînant dans un carton à moitié rongé par la moisissure. Je soufflai dessus pour en découvrir le titre avant de le ranger sur l’une des étagères dont les ouvrages étaient classés par époque et par civilisation, chose que je venais de remarquer.
« Et moi ?... En serai-je seulement capable ?... »
Il se retourna vers moi et cala l’un de ses mains sur sa hanche avant de prendre un air courroucé.
« Capable ? Non mais je rêve ! A ton arrivée au Sanctuaire, tu as presque failli réduire ce dernier à l’état de ruines (pour de bon en fait) ! Et je ne parle pas de mon merveilleux temple que j’ai dû réparer pendant des semaines et des semaines pour qu’il retrouve sa splendeur d’avant ! Chevalier d’or ou pas, Grand Pôpe ou non, ça n’a fait aucune différence pour toi. Alors un peu, oui, que tu en seras capable ! Et puis c’est ça ou bien Shaolin sera tellement furieuse contre toi si tu ne réussis pas qu’elle te fera subir un châtiment pore que la mort ! Tu ne l’as jamais vue en colère toi, elle est pire que Kirin, une vraie démone ! Même Kivu essaye de ne pas trop la contrarier afin d’éviter qu’elle n’entre dans une colère assassine, c’est dire ! »
J’éclatai de rire.
« C’est pour cela qu’il dit tout le temps « De toutes façons, fais ce que tu veux, c’est ce que tu fais toujours. »
- Gagné ! Alors mon petit Sion, dis-toi que tu n’as pas tellement le choix ! C’est l’armure ou la mort dans le vrai sens du terme ! Et s’il te plait, surtout, pense à nous qui devrons enrayer sa fureur après ! En fait, si tu ne le fais pas pour toi, fais le pour nous, pour notre salut à tous ! »
Nous nous regardâmes un court instant avant de nous plier de rire.
Sirius était vraiment une personne que j’affectionnais particulièrement parce qu’il représentait pour moi l’idéal de la chevalerie, un ami dont je ne pouvais me passer au même titre que Dohko ou encore Scylla. Toujours juste il ne se mettait jamais en avant pour quoi que ce soit, se considérant comme un homme normal, il se mettait à la portée de tous sans exception.
Une personne à laquelle je voulais ressembler.
Je terminais de ranger les ouvrages du XVIe siècle quand une impression étrange parcourut mes chairs, me faisant relever la tête en même temps que le chevalier du taureau qui délaissa ce qu’il avait dans les mains pour les épousseter avant de le lancer d’une voix joyeuse : « Ah ! Ce n’est pas trop tôt ! Jamais en avance ni même en retard, toujours à l’heure.
- Ce… C’est un cosmos puissant…
- Viens Sion, il ne devrait plus être loin à présent.
- Qui ?...
- Pardit ! Ce cosmos, c’est le sien, celui du Cancer d’Or ! »
En effet, un cosmos étrange et mystérieux parce qu’il n’y avait rien dedans, ni joie, ni peine, ni colère, ni tristesse, rien que ne le colorait, rien ne le caractérisait si ce n’était cette puissance phénoménale qui s’abaissa d’un seul coup, se refondant dans l’espace comme si rien ne devait être dérangé par sa passe. Un cosmos vide de tout ce qui lui avait sans doute semblé futile de posséder en lui.
Je suivis Sirius le cœur battant jusqu’à l’entrée du temple.
Mon ami s’arrêta, me signant d’en faire de même.
Mes yeux balayèrent le parvis s’étalant devant le 2ème temple noyé dans une lumière du jour aveuglante pour nous qui étions restés un petit moment dans la pénombre et l’obscurité de la bibliothèque.
Il n’y avait rien, absolument rien.
Mais brusquement, un bruissement imperceptible tordit pendant une fraction de seconde l’espace qui se voila pour se lisser de nouveau immédiatement après. L’air se découpa alors en une fine rainure unique de laquelle le chevalier sortit comme s’il s’agissait d’une porte quelconque.
L’homme enveloppé dans une cape sombre s’avança d’un pas lent vers nous.
Comment pouvait-il supporter pareil accoutrement par cette chaleur accablante ?
Pourtant, il avait nullement l’air de s’en soucier réellement et continua à marcher dans notre direction.
C’est alors que je vis son visage, masqué au début par l’ombre déployée par le col de son vêtement noir remontant le long de son menton. Un œil droit noir comme la suie et l’autre violet comme les miens, une cicatrice mordant sa joue gauche pour venir creuser ses chairs à la verticale, de part et d’autre de son œil clair. Ses cheveux noirs dégageaient une partie de son front pour retomber devant son visage meurtri de l’autre côté, masquant légèrement cette rainure qu’il portait à cet endroit.
La brise fit voleter les épis épars qu’il avait.
Un visage qui n’appartenait qu’à lui, et pourtant, pourquoi est-ce que sans cesse ses traits se modulaient sous mes yeux pour prendre ceux du visage familier de Dohko, de Scylla, de Shaolin, de Sirius, mon père ou encore celui de ma mère ?
Je secouais la tête alors que Sirius posa une main sur mon épaule avant de lancer vers l’étrange individu arrêté à quelques mètres de nous : « Ça faisait un bail, Saïro ! »