Chapitre 31

 

 

* Sion *

 

            Je plaquai une main sur mon flanc gauche meurtri, toussant légèrement pour dégager mes voies respiratoires confinées par mes côtes cassées sous la pression des coups surpuissants du chevalier des Gémeaux qui épousseta son vêtement sombre pour le débarrasser de la poussière le maculant, rejoignant d’un simple saut l’estrade où se trouvaient Sirius, Shaolin, VanRâh, Kazuro et Sairo, relâchant ses cheveux noirs immenses pour les rattacher convenablement, s’ôtant ainsi du fardeau qu’ils pouvaient représenter lors d’un combat, son ascension saluée par les spectateurs retenant leur souffle à son passage devant eux, craignant les retombées de sa défaite étant, apparemment, un fait historique.

Je vis mon maître s’avancer vers lui pour lui tirer sans crier garde la joue fortement, lui faisant exécuter une grimace sous le joug de sa petite vengeance qu’elle mourrait d’envie de lui administrer depuis le début de notre affrontement, seule la règle sacro-sainte empêchant quiconque de venir troubler l’épreuve d’acquisition de l’armure désirée l’en ayant écartée.

Mais c’était, la connaissant, reculé pour mieux sauter maintenant que son frère avait quitté l’arène pour regagner sa place en tant que gardien de la 3ème maison du Zodiaque d’Or et en tant que jumeau qu’elle pouvait molester à sa guise.

« Non mais tu vas voir un peu ! », le menaça-t-elle en ne lâchant pas prise malgré les supplications de Kirin affranchi tout à coup de son aura meurtrière pour se plier aux exigences de sa sœur à qui il ne pouvait rien refuser, pas même le droit de lui passer un savon auquel il ne se défendait jamais, « Je vais te faire passer l’envie d’utiliser des arcanes interdites sur mes disciples, moi !! », ce qui fit éclater de rire Sirius pensant certainement, comme nous tous, que la détentrice d’Astrée, l’armure d’or de la Vierge, était bien la seule personne au monde à pouvoir avoir raison du chevalier le plus redouté de tout le Sanctuaire, ce dernier répliquant faiblement, « Ce n’est pas de ma faute, Shao !... Pour un disciple, il courrait bien trop vite !...

- C’est parce que tu fais peur à tout le monde avec tes bêtises, ton caractère bizarre et tes yeux de démon ! Tu m’étonnes qu’il courre vite, c’est pour fuir loin de toi oui !! Idiot de frère !

- Hein ?

- Ne fais pas l’innocent ! Lorsque tu poses le pied dans une ère de combat, tu changes du tout au tout ! Tout le monde te le dira ici, tu es le pire de nous tous !

- Mais tu ne vas pas me reprocher d’être sérieux quand même ! C’est la cérémonie d’acquisition des armures ! Je ne vais pas faire celui qui s’en fiche tout de même !

- Si être sérieux pour toi consiste à dire des phrases assassines et très rassurantes du genre « Je vais t’envoyer dans une autre dimension ! », ou « Je vais te massacrer à coup de Galaxian Explosion »…

- Je l’ai pas faite celle-là !...

- Silence ! Ne m’interromps pas quand je parle, présomptueux !

- « Présomptueux » ?!?

- Bref ! Tu dois bien reconnaître que dire de telles choses, ça déstabilise légèrement tes adversaires, non ? Surtout quand tu oses les mettre en pratique toute de suite après !

- Euh…

- Et puis surtout aussi lorsque tu te mets à rire comme un dément…

- … En clair, tu veux que je ne parle pas pendant un combat, c’est ça ?!?

- Non, ce n’est pas ça, c’est juste que…. Quoique si, finalement, c’est mieux si tu ne dis rien en fait… »

Kirin dévisagea Shaolin à la dérobée, celle-ci hochant la tête d’un air extrêmement important et grave, fière sans doute de sa conclusion lui paraissant évidente.

Sirius se remit à rire, tapant dans le dos du chevalier des Gémeaux déstabilisé, ne trouvant pas les mots adéquats pour répliquer à une telle accusation gratuite et mesquine le laissant bouche bée, le rire de son ami se moquant ouvertement de lui au lieu de le soutenir se communiquant à VanRâh esquissant un sourire altérant son masque fermé ainsi qu’à Sairo qui se mordit légèrement la lèvre pour ne pas suivre Sirius comme le faisait sans retenue Kazuro, le chevalier du Taureau s’accoudant maintenant à l’épaule de Kirin désappointé pour lui lancer, entre deux crises de fou rire incontrôlable : « En clair, ce qu’elle veut dire, c’est qu’à l’avenir, évite de communiquer avec qui que ce soit mon ami ! 

- Je… Je m’exprime mal ? », interrogea naïvement Kirin en le dévisageant avec une  inquiétude franche et déconcertante, ce qui fit redoubler de rire Sirius n’arrivant même plus à aligner deux mots audibles, Kivu devant moi soupirant et secouant la tête en signe de découragement le plus complet face à cela, marmonnant : « Ils sont impossibles !... Et le protocole alors ?!... », ce qui acheva de me faire sourire à mon tour, faisant officiellement partie moi aussi de cette caste qu’ils représentaient tous comme une grande famille aux membres disparates mais se complétant parfaitement, le sentiment étreignant mon cœur à cet instant finissant de me persuader que ma place était belle et bien ici, parmis eux, mes frères d’armes et de sang dont j’avais su gagner l’estime étant pour moi un privilège et un trésor inestimable.

« Tu peux marcher ? », demanda Kivu en fronçant les sourcils en me voyant ployer légèrement sous la douleur engendrée par le contrecoup des attaques reçues et encaissées.

Je souris pour répondre avec sincérité : « Je ne pensais pas que les effets de l’armure se dissiperaient si vite ! », admis-je, ce qui lui fit hocher la tête.

« L’armure est une protection quasi invincible et regorge de l’âme immortelle d’un être saint ayant servi de base à sa création. Elle peut t’accorder sa bénédiction comme t’abandonner si jamais tu t’égares de la voie qu’elle respecte elle-même, à savoir la justice, la compassion, le courage et l’abnégation, les préceptes gravés dans le métal sacré du bouclier d’Athéna. En cela, lorsque tu la revêts, le sang versé pour sa naissance se mêle au tien pour que le chevalier et son armure ne fassent plus qu’une seule entité indissociable. L’armure sublime ton cosmos en le lavant de l’ombre pouvant y résider de manière pernicieuse. Le métal imprégné du sang de l’être à partir duquel a été façonnée cette protection et cette arme légendaires possède un attribut de régénérescence. En somme, il partage son essence immortelle avec son porteur pour le garder de toute blessure mortelle. C’est ce qui s’est produit lorsque Alsion est venu à toi, il t’a cédé de son pouvoir pour colmater tes palies et les rendre bénignes. Maintenant que tu ne possèdes plus le contact du métal sur le dos, celles-ci réapparaissent naturellement, bien qu’atténuées.

- Atténuées ? », repris-je, surpris par le terme utilisé par Kivu pour nommer cela.

Il sourit, me montrant du doigt mon épaule démise et contuse.

« Avec la force de frappe de Kirin, elle aurait dû être arrachée. Alsion t’a protégé bien avant de t’apparaître réellement, je me trompes ? »

Je baissai les yeux vers le sol, comprenant parfaitement ce dont il voulait parler. Moi-même, en découvrant les ornières profondes ayant défoncé le parvis épais de l’ère de combat, je m’étais demandé comment mon simple corps de mortel, paraissant si fragile à côté de la roche constituant le squelette de la terre, avait pu résister face aux assauts de Kirin.

Je ne l’avais su qu’une fois mon sort scellé par la dernière attaque du chevalier des Gémeaux, lorsque celui-ci m’avait soufflé tel un pantin désarticulé vers l’aube de ma propre mort.

A ce moment là, l’armure s’était matérialisée pour m’offrir une seule chance, la dernière de toutes celles que j’avais manquées par faiblesse et lâcheté vis-à-vis d’elle si noble.

Sans elle pour sauvegarder mon enveloppe subissant les dommages irrémédiables de la Galaxian Explosion, sans elle pour encaisser cela à ma place, je serais sans doute mort à ce moment là.

Kirin avait accompli son devoir sans ciller. L’armure ne pouvait s’obtenir que lorsque la mort effleurait la gorge du disciple aspirant à la chevalerie. Parce que c’était à ce moment là et uniquement à celui-là que l’être demandeur ouvrait son cœur pour de bon.

Face à la grande faucheuse, les masques tombaient, les mensonges volaient en éclats, la prestance devenait illusion, le courage feint tromperie. Il ne restait que ce qui peignait l’âme de l’aspirant et rien d’autre, un écrit délivré aux dieux sans fioriture, confirmant ou infirmant leur choix premier qu’ils avaient eu de lui et le concernant.

Le Gémeau d’Or avait retenu ses coups dans la première partie de notre duel, pensant sincèrement que la peur qu’il inspirait et la douleur délivrée par ses assauts meurtriers évitant soigneusement les points vitaux suffiraient pour recréer un état ressemblant à celui éprouvé devant la mort.

Mais rien n’était venu parce que le contrat n’était pas rempli. Alors en dernier recourt, il avait visé le cœur, pour m’obliger à me réveiller de ma torpeur. Parce que si ne pouvait pas tricher avec les moires, on ne pouvait pas non plus les faire venir par un stratagème quelconque qui épargnerait la vie de celui à qui elles devaient se présenter.

C’était un pari risqué, il aurait certainement eu raison de moi si je ne l’avais pas surmonté.

Kirin avait accepté d’endosser le risque de me tuer et de porter cette faute tout au long de son existence.

Pour un chevalier ayant fait vœu de dédier sa vie à sauver celle des autres, c’était un crime impardonnable et une responsabilité démesurée, un sacrifice impensable et controversé.

C’était lui demander l’irréparable, le contraire de tout ce en quoi il croyait et ce pour quoi il s’était toujours battu.

Je me rendais bien compte que loin d’être une épreuve anodine pour mes pairs, toute cette cérémonie visant à faire de nous leurs égaux était sans doute l’une des pires choses auxquelles ils étaient amenés à être confrontés.

Mon respect pour eux se pliant cependant à cette épreuve insupportable sans répliquer parce qu’ils n’en avaient pas le droit grandissait encore, espérant être digne d’être à leurs côtés, à eux qui me paraissaient si grands, pour servir à mon tour cette cause qu’ils défendaient avec rage, celle du salut de tous les peuples.

Je relevai les yeux vers Kivu qui retira la main de mon épaule, rassuré sans doute par le fait que je tienne envers et contre tout debout après un tel affrontement, faisant quelques pas en direction de l’extérieur de l’arène.

« Kivu !... », hasardai-je en me mordant immédiatement la langue.

Ça m’avait échappé.

J’oubliai dans mon euphorie et mon déni de la réalité du moment mon rang et le sien par rapport à moi.

C’était la première fois que l’appelai ainsi, par son simple prénom au lieu de la forme de politesse d’usage concernant tous les disciples mais également les classes « inférieures » de la chevalerie, à savoir « Grand Pôpe ».

Il se retourna vers moi, m’interrogeant de son regard violine et moiré.

« Je voulais savoir… Pourquoi l’armure du Bélier était-elle scellée de la sorte ?... », questionnai-je avec hésitation, me souvenant soudainement que c’était manifestement le cas pour celles du Scorpion et du Sagittaire, étant donné que toutes les armures présentes au Sanctuaire étaient rassemblées sur l’estrade ainsi que celles mises en jeu aujourd’hui, seuls 3 caissons étant recouverts par une étole noire retraçant les reliefs de lourdes chaînes en dessous, un tel sort ne pouvant être attribué qu’à celle du 8ème gardien ainsi qu’à l’incarnation du centaure Chiron, les seules manquantes vis-à-vis du regard du monde.

« Alsion, Mizar et Oméga sont des armures ayant causé la mort de beaucoup de disciples ayant prétendu les revêtir un jour. L’esprit servant au sein de ces armures les ont exécutés pour avoir failli à gagner leur estime et le droit de les détenir. »

Je tressaillis à cette notion me paraissant totalement folle que venait d’affirmer mon supérieur.

Les armures étaient un axiome de celle de leur dieu ou déesse qu’elles servaient avec dévouement. Que celles découlant de la propre âme d’Athéna la Juste dont les fragments maculaient sa protection sacrée au combat puissent commettre de tels actes me semblait être un mensonge éhonté que Kivu venait de m’exposer froidement, sans aucun détour.

« C’est impossible !... », murmurai-je dans un souffle, presque pétrifié à cette idée de savoir que sous l’or étincelant se trouvait une pellicule de sang noirci par les ans et étant la résultante de la condamnation à mort de tous les prétendants au titre s’étant risqué dans cette utopie pour un idéal qui leur avait été sauvagement reproché.

« L’ignorais-tu donc ? », interrogea le Grand Pôpe en soupirant avec de continuer, « Prendre la décision de postuler à la chevalerie n’est pas un choix facile et devant être pris sur un coup de tête. L’entraînement pousse l’Homme sans cesse à dépasser ses limites comme celles imposées par les lois de la nature de toute chose afin d’acquérir ce sang noble faisant de chacun de nous un être au dessus de tous les autres qu’il se doit alors de protéger puisqu’il s’est battu pour devenir ainsi. Et l’armure en est la dernière épreuve. Les flammes de vie illuminant le bouclier d’Athéna guident l’humanité mais sont flambeaux de mort pour ses ennemis. Par cela, l’armure peut être aussi généreuse qu’elle peut se faire glaive de justice. Elle juge, étudie, choisit son porteur selon son mérite, celui de son cœur. Un chevalier ne doit receler aucune ombre en lui. Si son souhait est impur et mené par l’envie, le mépris ou encore la vengeance, l’esprit habitant l’armure se charge de déjouer ce prétendant pour ne pas que le pouvoir qu’elle recèle ne tombe entre de mauvaises mains. Chaque armure a une manière bien particulière de procéder, mais toutes amènent au même résultat, l’annihilation de l’aspirant si celui-ci est jugé indigne de revêtir une telle protection douée de vie et possédant son libre-arbitre. Tu as dû l’apprendre lorsque le Bélier t’est apparu, n’est-ce pas ? »

Je sursautai.

Cette phrase que l’âme de l’armure avait lancée comme une sentence sur moi, c’était…

« Némée, l’esprit résidant au sein de ma propre armure déchiquette ses prétendants qui n’ont su gagner sa confiance. Hyoda, le Taureau, piétine l’apprenti jusqu’à lui broyer chaque partie de son corps, Asselus, le Cancer, le plonge dans une folie meurtrière incurable, Astrée, la Vierge, dépèce chaque lambeau de peau de celui qui l’a invoquée avec un cœur faux. Castor et Pollux, les esprits servants des Gémeaux d’Or, quant à eux, précipitent leur victime au sein du dédale des dimensions pour le perdre à jamais. Alsion dévore l’aspirant pour le recracher ensuite tout entier. C’est une des armures les plus féroces en ce qui concerne la sentence appliquée au prétendant. Tout comme Mizar et Oméga, les armures du Scorpion et du Sagittaire, ce sont les plus dangereuses car l’âme qui les rend vivantes est si pure qu’elle ne peut tolérer le moindre faux pas ni la moindre faille de la part de l’aspirant, leur jugement est impartial, ne souffrant d’aucune hésitation.

- Je vois… », fis-je en frissonnant, me rendant compte soudainement à quoi je venais d’échapper, mon armure, après ces explications, m’apparaissait dans toute sa splendeur funeste et imprenable, ainsi mon arrogance envers elle toute puissante me semblant maintenant avoir tenu du suicide pur et simple.

Même si quelque chose m’avait obligé à garder le front bas devant le Bélier, j’ignorais tout à fait ce dont cet animal fantastique et sauvage était réellement capable de faire de moi à cet instant.

« Mais pourquoi ces chaînes ? », repris-je afin de m’ôter ce goût détestable que j’avais dans la bouche, « Alsion était scellé par le nom d’Athéna… Un tel sceau est réservé aux pires criminels de son royaume… »

A cette question, Kivu se mit à rire légèrement, ce qui m’enclint à formuler une excuse immédiate pour mes propos effrontés formulés par une personne étrangère de tous les secrets regorgeant de la régence d’Athéna sur terre.

Mais avant même que je ne puisse prononcer le moindre mot, le Grand Pôpe se plia à mon exigence puérile en disant d’une voix grave : « Les armures du Bélier, du Scorpion et du Sagittaire sont si éprises de justice qu’elles en sont devenues un péril trop grand pour l’humanité, livrées à elles-mêmes, sans aucune martingale pour les freiner, elles représentent un risque d’ordre mortel pour tous ceux qui viendraient à les côtoyer, de près ou de loin, qu’elle qu’en soit la cause. Elles sont douées d’une empathie démesurée avec leur univers. Ainsi, si une personne quelconque venant à s’approcher d’elles de quelque manière que ce soit, si l’armure décèle la moindre impureté chez elle, elle lui réservera le même sort qu’au prétendant banni, par mesure de sécurité pour elle, et pour ce monde qu’elle croira être en péril avec un tel être en son sein. C’est ainsi qu’elles sont faites. Athéna a pourvu leur réceptacle d’un sceau que seul leur porteur peut briser, pour épargner la vie de ceux qui pourraient être victimes de ces armures qu’elle ne peut blâmer à cause de leur vécu, elle a préféré les enfermer et les éloigner du monde plutôt que de les détruire.

- Comment ça ?! », m’écriai-je, choqué par cette dernière vérité qu’il me délivrait avec lenteur et application.

« Toutes les 3 ont appartenu à des êtres aimés d’Athéna au travers des générations et ont été confectionnées sur sa demande au dieu-forgeron Héphaïstos dans un seul but, protéger ceux qui avaient été de si grands hommes qu’ils en étaient parvenu à toucher son cœur. Des figures du Panthéon, des héros parmis leurs semblables, des êtres ayant réussi à se hisser jusqu’au rang de demi-dieux… Persée, Achille ou encore Ulysse, tous 3 ont été des figures emblématiques de l’histoire grecque, mais ils ont tant brillé parmis leurs semblables qu’ils ont fini par sombrer dans l’irréparable, trahissant leur devoir et apportant la malédiction et destitution pour leur armure fidèle, témoin de leur égarement, souillée par leur parjure envers Athéna et envers le royaume des Hommes à cause de leurs choix et de leurs actes funestes. Achille, détenteur de l’armure du Scorpion en tant que tout premier et véritable maître, a commis un lourd péché en versant dans la cruauté la plus ignoble, humiliant la dépouille d’Hector, prince de Troie, loyal adversaire dans une guerre les dépassant mais ayant les mêmes valeurs, les mêmes idéaux, empêchant à sa mort les rites funéraires, s’acharnant sur sa dépouille et le privant du repos éternel donné aux justes, condamnant son âme meurtrie à errer jusqu’à la nuit des temps. Ulysse, le porteur du Sagittaire d’Or, pour rejoindre son foyer, a bénéficié de l’aide d’Athéna le guidant tout au long de son périple. Lorsqu’il est revenu en son domaine, il s’est détourné d’elle par vengeance, il a refusé son pardon à tous ceux ayant eu l’audace de courtiser sa promise en son absence, les assassinant par l’arc et les flèches de son carquois, maculant les murs de sa demeure de leur sang et de son ignominie. Quant à Persée, il a versé du côté ténébreux au fil du temps, aveuglé par sa propre puissance démesurée, si grande qu’il est passé de sauveur de son peuple au statut de menace envers lui se mettant petit à petit à le craindre. Cet acte de faiblesse, il le considéra comme de la trahison, lui faisant perdre tout son amour pour l’humanité l’ayant rejeté et qu’il a maudit par le temps. Ces 3 armures ont été utilisées pour accomplir des dessins qu’elles n’auraient jamais dû servir, souillant ainsi la mémoire de l’être composant leur âme d’où leur couleur sombre présente à la place de l’or le plus fin et la seconde raison du sceau les emprisonnant. C’est aussi ce qui explique le fait qu’elles soient devenues aussi méfiantes envers le monde, qu’il se soit écoulé tant de siècles avant qu’elles ne trouvent enfin quelqu’un capable de leur ôter leur versant maléfique pour les purifier, quelqu’un en qui elles puissent accorder leur confiance bafouée. »

Il se mit à rire tristement, appuyant sa main large sur mon épaule me paraissant encore bien petite par rapport à son poing, celui d’un géant.

« Je suppose que Shaolin ne t’avais pas averti de ce « petit » problème avant de décider à ta place pour quelle armure tu devrais concourir !... C’était un choix extrêmement risqué, un quitte ou double avec la mort en somme. C’est pour cela que j’étais contre et réticent à cette idée. J’ai retiré les armures du Bélier et du Sagittaire de celles auxquelles les disciples pouvaient se présenter, parce que c’était purement et simplement une mise à mort maquillée qui les attendait au bout de leur formation. Cela fait bien des années que je règne sur le Sanctuaire, et depuis tout ce temps, j’ai vu ces armures détruire tant de disciples que cela m’a poussé à la rancœur vis-à-vis d’elles. Jusqu’au jour où VanRâh est arrivé ici et est parvenu à se rendre maître de Mizar, il y a de cela 8 années. Cet exploit lui a valu une semaine de coma et plusieurs mois de convalescence pour se sortir des conséquences de cette confrontation. C’est un miracle qu’il s’en soit remis et qu’il soit là pour en témoigner. Mizar lui a presque détruit entièrement la colonne vertébrale par sentence, il lui a arraché les vertèbres une à une jusqu’au niveau de la base de son cou, engendrant des séquelles irréversibles que je n’ai pu qu’endiguer par mon pouvoir de guérison. Je crois que s’il n’était pas aussi sauvage que son armure annihilant tout autour d’elle par simple apparition en dehors de son réceptacle, il n’aurait sans doute pas réussi le miracle de la ramener à la vie. Mizar a alors reconnu sa défaite, mais vindicatif, il l’a laissé souffrir pendant des jours avant de lui apporter un remède à sa douleur.  J’avais pensé alors que quelqu’un d’autre parviendrait à faire de même avec Alsion et Oméga. Mais le massacre a recommencé. Je n’ai pas eu d’autre choix que d’enfermer de nouveau ces armures que j’avais fait l’erreur de remettre en jeu, elles sont alors tombées dans l’oubli. Je pensais sincèrement, après cela, que personne d’autre ne serait capable de renouveler un tel exploit. Comprends mon choix, c’était trop risqué, bien trop. Personne n’a le droit de jouer ainsi avec la vie des gens, pas même moi qui suis le messager d’athéna. Mais je dois admettre que je me suis bel et bien fourvoyé en doutant de toi ainsi que de ton maître. L’avis éclairé de la réincarnation de l’esprit de Bouddha vaut beaucoup mieux que les craintes d’un simple exécutant tel que moi et je m’en excuse. J’ai douté d’elle et de toi que j’ai condamné par aveuglement. Pardonne-moi, tu as prouvé que tu étais sans doute bien plus digne que moi en ce jour, de recevoir la bénédiction d’Athéna.

-Mais non, je… », balbutiai-je en me sentant gêné par de tels propos me déstabilisant, ayant toujours eu l’habitude de me référer à Kivu en tant qu’être sur qui on pouvait compter, un personnage quasi inébranlable et doté d’une force de caractère ne faillissant jamais, qui nous protègerait toujours de tout, rassurante malgré qu’elle se rende impressionnante.

Ses excuses me mettaient mal à l’aise, me privant de son rôle tenu jusqu’à présent par rapport à moi qu’il dominait par son titre.

Je ne savais comment réagir devant cela.

Il sourit, ses yeux violets prenant une teinte chaude et chaleureuse.

« Crois-moi, si j’avais été à ta place, je doute sincèrement que j’aurais pu venir à bout du Bélier d’Or comme tu l’as fait.

- Je… Je ne l’ai pas vaincu… C’est juste que… C’est lui qui a accepté de me prêter da force pour repousser Kirin, rien d’autre. », dis-je d’une traite en rougissant légèrement.

« C’est ce dont je veux parler. Plus que toutes les autres, les armures maudites par les péché de leur ancien maître se doivent d’être apprivoisées et non conquises par la force. Parce que de toutes façons, elles seront toujours supérieures à leur porteur potentiel, puisqu’elles possèdent l’immortalité et qu’elles ne subissent pas les aléas du temps. Mais pour cela, les mots ne suffisent pas. On ne peut tromper leur cœur par de simples rhétoriques un peu habiles mais stériles. C’est d’autant plus difficile lorsque l’on sait quelle a été leur histoire. De toute ma régence, je crois que c’est la première fois que je vois quelqu’un ayant su résister à l’emprise de Mizar, la première fois que je vois un être faire plier Alsion, un autre se battre pour avoir le droit de se soumettre au choix d’Oméga. C’est aussi la première fois que je découvre le vrai visage de ces armures, un visage noble et juste au lieu de celui déformé et haï. VanRâh, Khaan et toi êtes vraiment des cas à part. je suis fier de vous avoir à mes côtés, aujourd’hui comme demain. »

Il m’adressa un sourire franc avant de se détourner de moi pour me suggérer de quitter l’ère de combat où ma place n’était plus afin de laisser le prochain affrontement se dérouler.

L’air planant autour de moi m’apporta les rumeurs, les murmures émis par les spectateurs depuis le commencement des épreuves concernant la caste de l’or, craignant à la fois de déconcentrer les combattants et d’attirer sur eux les foudres de leurs pairs idolâtrés, retenant leur souffle devant la dureté des combats à venir comme passés leur faisant prendre conscience de la différence de niveau existant entre eux et nous qui avions portant le même courage et la même lumière.

Quelques phrases me parvinrent, prenant forme dans mon esprit fatigué, reformant des choses comme : « Il a survécu », « Il est fort », « C’est comme cela que naît donc un chevalier d’or ? », « Il est formidable », ce qui m’arracha un sourire, me sentant à la fois fier de susciter de telles paroles que je ne méritait pas, et en même temps un peu honteux pour être celui à qui allaient toutes ces éloges alors que sans le magnifique animal présent à mes côtés et que personne ne percevait, je serais mort, foudroyé par la puissance démesurées de celui que je devais désormais appeler « frère ».

Je baissai les yeux vers la boîte de Pandore renfermant l’armure divine en son sein. Elle avait l’air bien lourde, pas seulement parce qu’elle contenait le corps matériel de métal du Bélier d’or, mais parce qu’elle symbolisait un ensemble de responsabilités me paraissant disproportionnées par rapport à moi à qui elles revenaient de droit, à présent que j’avais été nommé pour les supporter.

Mon regard se porta sur l’animal fantastique levant vers moi ses yeux pourpres.

Je crus percevoir un rire émanant de lui qui secoua sa ramure avec majesté, se muant en une voix légère.

« Si tu ajustais une sangle sur ton épaule, pour voir !... Peut-être que celle-ci s’adapterait à ton dos, qui sait !... »

Je refermai alors ma main valide sur l’une des attaches fixées au dos du caisson, l’agrippant fermement pour bander les muscles endoloris de mon bras, soulevant contre toute attente le réceptacle avec une facilité qui me surprit grandement.

« Tu vois !... Ça n’est pas plus difficile que ça !... », se moqua l’animal en sautant lestement devant moi, m’ouvrant la route.

« En effet, c’est moins compliqué que ça en a l’air ! », admis-je en souriant, me trouvant ridicule, quittant l’arène où j’avais misé ma propre vie à un jeu où je ne pouvais pas perdre, forçant ma chance à briller plus encore pour me protéger, m’avançant alors, d’un pas mal assuré et exténué, vers Dohko et Scylla qui m’attendaient à quelques mètres de là, mon ami me détaillant de la tête au pied d’un air grave.

Il fut le premier à applaudir ce que j’étais devenu grâce à lui, suivi bientôt par tous les autres, déchaînant une clameur s’élevant au dessus du Colisée comme un grondement de défi montant jusqu’au ciel, me faisant me retourner avec stupeur vers tous ces inconnus constituant mes frères d’armes acclamant mon avènement, ce que j’étais devenu pour eux, achevé par mes pairs d’or se pliant eux aussi à cette ferveur me déroutant complètement, saluant ce titre que j’avais acquis grâce à eux, celui d’être le Chevalier d’Or du Signe du Bélier, le Gardien de la 1ère Maison de la Roue du Zodiaque d’Or.