Chapitre 8

Maintenant que la glace était rompue entre les deux enfants, Alizea et Dayashankar s’étaient assis devant le trône du Grand Pope et papotaient joyeusement de leurs vies, de leurs espoirs et de ce qu’ils voulaient faire plus tard. Shion les écoutait avec un grand sourire parce qu’ils parlaient dans deux langues différentes mais qu’ils s’amusaient quand même. Il était heureux que sa petite protégée ait trouvé un ami même s’il allait devoir partir et… Mais non, il venait d’avoir une idée lumineuse, il allait entraîner la fillette aux attaques des Béliers, puis quand il aurait terminé, elle irait s’entraîner avec les futurs chevaliers d’or afin qu’ils lui apprennent les attaques des chevaliers d’or, des attaques qu’il ne connaissait pas. Il donnerait les ordres quand ce moment serait arrivé. Tous les trois tournèrent la tête en entendant les deux chevaliers d’argent qui arrivèrent en ouvrant en grand la porte. Le chevalier d’argent de la Coupe, Tïlan, entra en baillant. Les deux arrivants s’agenouillèrent devant le Grand Pope alors que les enfants se levèrent et les observèrent avec attention.

Le chevalier de la Coupe demanda au Grand Pope :

-Que puis-je pour vous, Votre Excellence ?

-Je vais te confier cet enfant. Il se nomme Dayashankar et sera le prochain chevalier d’or de la Vierge. Je sais que tu connais les attaques du chevalier d’Or, car tu as été entraîné afin que toi-même tu puisses entraîner le successeur de ton maître.

-Oui Votre Excellence. Et je ne vous décevrai pas.

-Mais j’ai toute confiance. Vous pouvez aller vous coucher. Vous l’avez bien mérité.

-Merci Votre Excellence. Mais je préférerai partir immédiatement avec l’enfant. Plus vite nous serons partis, plus vite il pourra commencer à s’habituer à sa nouvelle vie et à son entraînement.

-D’accord. Bon voyage alors. Viens Alizea.

Le Grand Pope, suivi de la fillette, repartit de la grande salle afin de retourner dans sa chambre et pouvoir dormir. Il déshabilla la fillette, la vêtit pour le peu de nuit qui restait, puis la coucha. Il retira son masque, embrassa tendrement l’enfant et, après lui avoir souhaité bonne nuit, lui demanda :

-Je suis très fatigué, et je voudrais dormir.

-Je ne te réveillerai pas, papa. C’est promis.

-Merci, ma chérie

-Bonne nuit et fais de beaux rêves.

-Toi aussi ma toute douce.

Elle lui embrassa tendrement la joue et se pelotonna dans son lit afin de bien dormir. Shion eut un sourire ému, puis alla dans sa chambre et s’endormit profondément avant même que sa tête ne touche son oreiller. Alizea se réveilla en sursaut trois heures plus tard quand elle entendit des pas bruyants dans le couloir et qui se rapprochaient de l’appartement de Shion. Elle sauta en bas de son lit et se plaça devant la porte de la chambre du Grand Pope afin d’empêcher d’entrer quiconque voudrait le réveiller. Bien lui en prit, car deux chevaliers d’Argent entrèrent dans la chambre bruyamment et ordonnèrent à Alizea :

-Ecarte-toi, nous devons parler au Grand Pope.

-Non. Il est en train de dormir et pis vous avez pas le droit d’être ici, personne n’a le droit de voir le Grand Pope sans son masque alors vous avez pas le droit de venir ici. Chuchota l’enfant pour ne pas réveiller Shion.

-Tu vas t’écarter, oui ? Gronda l’un des deux hommes.

-Non ! Je vous laisserai pas le réveiller.

-Nous devons parler au Grand Pope de la disparition d’un chevalier d’Argent. Expliqua l’autre chevalier plus calme que le premier.

-C’est pas une raison. Vous pourrez lui en parler quand le soleil sera haut dans le ciel, pas avant. Répliqua Alizea qui avait bien retenu la leçon.

-Laisse-nous passer, ou tu pourrais le regretter ! S’énerva le premier homme qui paraissait être le plus agressif.

-Non !

-Elle a peut-être raison. Nous devrions lui en parler demain.

-Tu ne vas pas t’y mettre, Erwan.

-Calme-toi, Hans !

-Non ! Je ne me calmerai pas, et cette sale gamine va nous laisser passer.

Alizea, sentant que physiquement elle ne faisait vraiment pas le poids, se concentra sur l’énergie qu’elle sentait de temps à autre, désirant faire apparaître volontairement son cosmos et ainsi protéger le sommeil de Shion. Elle sentait une petite pointe de puissance, mais pas assez pour les faire reculer, elle avait besoin de plus de temps ainsi que de briser ce blocage qui l’empêchait d’avancer vers le réveil total de son cosmos et vers son destin. Ce dialogue de sourds dura bien plus d’une heure, jusqu’à ce que les serviteurs arrivent. Quand ils virent la fillette devant la porte de la chambre, ils comprirent que le Grand Pope voulait dormir et ne pas être réveillé. Mais les chevaliers d’Argent qui étaient aussi présents n’avaient pas l’air de vouloir le comprendre. Les deux serviteurs décidèrent de préparer le petit-déjeuner, de prévenir Victoire de l’Aigle qui avait l’air de se faire obéir par la petite fille et de déguerpir.

Le chevalier de l’Aigle arriva assez rapidement quand les serviteurs lui expliquèrent le problème. Elle leur interdit d’approcher et entra dans l’appartement. Elle put voir Alizea empêcher les deux adultes d’entrer. Elle avait les bras en croix contre la porte en secouant la tête de gauche à droite. Elle leur demanda :

-Mais que faites-vous ici ?

-Le chevalier d’Argent de la Coupe a disparu et nous venons prévenir le Grand Pope. Expliqua Erwan pendant que Hans lançait un regard noir vers la petite fille aussi obstinée.

Alizea qui connaissait la vérité dit à Victoire :

-Et ben Tïlan il est parti avec son apprenti et il va lui apprendre les attaques des chevaliers d’or. C’est le Grand Pope qui lui a demandé.

-Eh bien vous avez votre réponse. Maintenant partez d’ici. Si Alizea est devant cette porte, c’est que le Grand Pope ne veut pas être dérangé.

-Je n’ai pas confiance en cette sale gosse mal élevée. Dégage morveuse !

Victoire fut outrée par le langage du Chevalier d’Argent. Alizea, elle, n’eut plus le choix quand elle vit qu’il allait la pousser pour réveiller Shion. Elle se concentra au maximum et, pour la première fois de sa vie, son cosmos se réveilla volontairement et elle put l’utiliser. Mais comme elle ne contrôlait rien, il explosa avec la puissance d’une bombe et balaya la pièce en faisant voler les différents chevaliers et même Victoire qui s’était heureusement protégée en sachant que cette fois-ci, la fillette allait réussir à repousser les assaillants. En effet, elle avait sentit le cosmos de la fillette s’éveiller d’abord tout doucement, puis d’un coup à mesure que le chevalier s’était avancé vers elle, et il avait augmenté à la même vitesse qu’une fusée qui quitte sa rampe de lancement. Cette explosion réveilla en sursaut Shion qui n’avait plus senti cette explosion de cosmos depuis bien longtemps, en fait depuis qu’Alizea avait vaporisé sa salle de bain heureusement totalement réparée depuis lors. Il sauta dans une tunique, mit rapidement son masque, et sortit de sa chambre pour voir la scène qui se déroulait devant ses yeux.

Victoire et Alizea face à deux chevaliers d’Argent en armure, d’après ce qu’il pouvait voir, c’était le chevalier de la Baleine et celui d’Héraclès. Il vit qu’Alizea avait les poings serrés, la langue tirée, preuve d’une immense concentration et poussait son cosmos au maximum, forçant les chevaliers d’Argent à se mettre en défense. Puis il vit avec une immense fierté une onde de choc d’une puissance inouï foncer sur les deux chevaliers et les projeter contre le mur d’en face. Victoire près de la fillette gronda en faisant en sorte de ne pas réveiller Shion :

-Vous n’avez pas à rester ici. Alizea vous a prévenue, si elle bloquait la porte c’est que c’était un ordre du Grand Pope.

Shion fut extrêmement fier de sa fille… heu de la fille de Donadieu et d’Harmonie, il leva les yeux au ciel et murmura :

-Donadieu, Harmonie, vous pouvez être fiers de votre fille. En tout cas je le suis tous les jours et je sais qu’elle sera digne de votre sacrifice et de vous.

Il se fit plus sévère et sa voix sonna clair faisant immédiatement taire leurs discussions houleuses :

-Allez-vous me dire ce qu’il se passe ici ?

Alizea se retourna vers lui. Mais avant de pouvoir dire quoi que ce soit, Hans chevalier d’Argent d’Héraclès lui lança son attaque alors qu’elle lui montrait son dos :

- Cornéphoros !

L’attaque fonça sur la fillette qui n’avait aucune chance d’y survivre étant de dos et sans défense. Shion croisa les mains sur sa poitrine et s’exclama :

- Crystal Wall .

Le mur transparent se plaça devant Alizea, la protégeant efficacement contre l’attaque qui s’écrasa contre le rempart défensif. Shion, fou de rage, rugit :

-OU EST PASSE VOTRE HONNEUR DE CHEVALIER POUR OSER ATTAQUER UNE ENFANT SANS DEFENSE ET DE FAÇON AUSSI LÂCHE !

Avant que Shion puisse dire quoique se soit d’autre, l’armure d’Héraclès se fragmenta et se reforma entre les deux hommes. Hans ne comprenait pas ce qu’il venait de se passer, il venait de perdre son armure, elle venait de le quitter. Ce n’était pas possible, ce n’était qu’un amas de tôle en argent, elle n’avait pas de vie propre. Shion regarda l’ex-chevalier avec mépris lisant les pensées de son vis à vis. Il n’était vraiment plus digne de porter l’armure d’Héraclès. En fait toute son allure dégageait le mépris qu’il ressentait envers lui. Sa voix sèche, froide et dure s’éleva de nouveau :

-Pour ton crime infâme, la déesse t’a puni. Tu viens de perdre le droit de porter cette armure. Tu ne pourras la revêtir de nouveau quand tu auras racheté cette faute, que tu auras changé de caractère et que tu auras effectué ta punition.

Le chevalier tremblait de rage et d’humiliation. Il poussa un véritable cri de fureur et se jeta sur la fillette. Avant que Shion ne puisse recréer un mur défensif, Erwan de la Baleine se plaça devant Alizea et reçut le coup qui lui était destiné. Malheureusement, étant un chevalier d’Argent qui avait l’habitude de rendre les coups, il le rendit et envoya le félon mourir contre le mur. Au moment même de l’action du chevalier d’Argent de la Baleine, Shion, comprenant ce qui allait se passer, attrapa la fillette et la serra contre lui, protégeant ainsi ses jeunes yeux innocents de la violence des évènements. Il était fatigué, il était énervé après que ce monstre ait osé tenter de tuer sa fille. Il sentait Alizea qui tremblait contre lui, épuisée et effrayée. Il posa sa main sur son front et le sentit brûlant. Le fait d’avoir fait exploser à plusieurs reprises son cosmos avec cette puissance l’avait terriblement affaiblie. Il vit ses yeux papillonner, elle tituba un instant, ses jambes ne supportèrent plus son poids et elle s’évanouit. Elle n’avait pas dû dormir bien longtemps et donc cette perte considérable d’énergie l’avait envoyée dans les limbes d’une inconscience la plus totale. Il la prit délicatement dans ses bras, la serra contre son torse puis la coucha dans son lit. Suivi par Victoire ainsi qu’Erwan, il déplaça ses dossiers sur le petit bureau de la fillette afin d’être présent quand elle irait mieux et quand elle se réveillerait. Le chevalier de la Baleine emporta la table qu’il plaça au milieu de la chambre ainsi que les chaises et avec Victoire amena le repas qu’avaient apporté les deux domestiques.

Maintenant que tout était prêt, Victoire et Erwan saluèrent le Grand Pope et ordonnèrent à deux gardes d’empêcher à quiconque d’entrer dans l’appartement après avoir débarrassé le salon de la présence du cadavre encombrant. Shion retira ses habits de Grand Pope et commença à travailler avec les visages souriants de Donadieu et d’Harmonie qui l’observaient. Il travailla longtemps mais pensait aussi à aller voir la petite fille pour être sûr qu’elle se remettait de ce choc. C’était toujours épuisant pour un enfant d’utiliser pour la première fois son cosmos, alors en user plusieurs fois à puissance maximale, c’était la manière la plus directe pour se retrouver au pays des rêves et des bisounours joyeux et farceurs ( beurk ! Image gerbante ). Alizea dormit comme cela trois jours le temps qu’elle recharge ses batteries plus qu’à plat. Le soleil venait de se lever quand Shion qui avait été remplacé dans sa veille par Victoire jusqu’à l’aube et qui la remplaçait à son tour parce qu’elle devait entraîner son apprenti qui préférait dormir que faire des efforts, entendit des gémissements puis un cri de détresse venant de la chambre de sa petite protégée :

-PPPPPAAAAAAAPPPPPPPPAAAAAAAAAAAAA !

Shion se précipita et serra la petite fille qui sanglotait désespérément, elle avait encore peur qu’il ne l’abandonne. Alors Dohko avait raison, il allait devoir la rassurer quotidiennement sur le fait qu’il avait l’intention de la garder près de lui le plus longtemps possible. Il lui caressa les cheveux et murmura doucement :

-Tu n’as rien à craindre ma chérie, je suis là et je compte te garder encore longtemps, très longtemps. Voir même pour toujours.

-C’est vrai ! Demanda Alizea dont les yeux s’écarquillaient de joie.

-Oui, et je ne me lasserai jamais de t’entendre m’appeler Papa. Mais surtout fais-le en privé. Lui répondit tendrement Shion ému par le bonheur qu’il pouvait lire sur le visage de la fillette, non. Sur le visage de sa fille.

-Oui, papa. Murmura la fillette en frottant son visage encore humide de larmes contre la tunique du Grand Pope.

Shion lui caressa tendrement les cheveux, mais il sentait que maintenant qu’elle s’était éveillée au cosmos, il devra l’entraîner et durement afin qu’elle apprenne à bien l’utiliser et à bien contrôler les pouvoirs qui iraient avec. Il ne savait pas s’il aurait la force mentale pour le faire, mais pour qu’elle ne devienne pas un danger pour elle et pour les autres il devait le faire. Il embrassa avec une tendresse renouvelée le haut de son crâne et lui murmura doucement :

-Ma chérie, je suis vraiment très fier de toi. Ce que tu as fait était très courageux et tu as réussi à utiliser seule ton énergie pour me défendre. Et c’était vraiment très bien.

En entendant les compliments de Shion, Alizea rougit. On pouvait voir sur son visage encore marqué la faim qui l’avait tenaillée durant toutes ces années. Shion s’assombrit un instant et continua :

-Malheureusement, tu ne contrôles pas ton don, donc je vais t’entraîner.

-Vrai de vrai ! S’excita la fillette.

-Oui ma puce. Mais cela va être très difficile. Tu vas devoir être très obéissante et faire tout ce que je te demande même si cela te semble insurmontable. Lui répondit Shion.

-Ça veut dire quoi insurmontable ? Demanda-t-elle.

-Ça veut dire que c’est tellement difficile que tu te dis que c’est impossible. Mais avec un bon entraînement, tout est possible. Lui expliqua-t-il avec douceur et tendresse en la berçant.

-D’accord, Papa.

-Et je vais devoir être très dur avec toi, ma chérie.

-Tu vas me taper ?

-Jamais. Jamais je ne te taperai. Mais je vais te pousser à te dépasser, afin de pouvoir faire des choses insurmontables. Et tu ne devras pas te plaindre ou pleurer.

-D’accord, papa.

-Quand je t’entraînerai, tu ne pourras plus m’appeler ni papa, ni oncle Shion. Tu m’appelleras Maître.

-D’accord papa. Mais et devant tout le monde ?

-Aussi. Tu vois, les femmes chevaliers doivent porter des masques qui cachent leur identité. Et bien tu devras faire la même chose.

-Comme toi ?

-Oui.

-Et je le garderai toujours ?

-Normalement tu devrais, mais, toi, tu ne le garderas que le temps de l’entraînement et tu pourras le retirer quand tu seras dans ta chambre.

-D’accord Papa.

Elle prit une grande inspiration et demanda d’une petite voix :

-Et on commence quand ?

-Demain. Je te réveillerai et tu commenceras l’entraînement.

-D’accord papa.

-Pour le moment, viens manger. Tu n’as rien pris depuis trois jours et tu dois être affamée.

Il lui apporta un plateau plein de bonnes choses. Mais alors que Shion pensait qu’elle allait manger, la fillette se mit à genoux les mains jointes, la tête baissée et se mit à prier Athéna :

-Ô grande Athéna, je voudrais te remercier pour tous les bienfaits que tu m’as apportés. Et je voudrais te remercier de m’avoir donné un nouveau papa. Merci et bon appétit.

Maintenant qu’elle avait prié à sa façon, elle sauta sur la nourriture et dévora tout ce qu’il y avait sur le plateau. Shion la regardait avec un petit sourire, il ne l’avait jamais vue prier, c’était la première fois. Il n’aurait jamais cru qu’elle savait le faire. Mais bon, cette façon de faire devait venir de Donadieu, il avait toujours une façon spéciale de faire les choses. Quand la fillette eut son estomac bien rempli, elle alla faire sa toilette, puis revint toute mouillée et toute fière d’elle enroulée maladroitement dans une grande serviette. Il la sécha vigoureusement, puis lui donna des vêtements propres et la laissa s’habiller toute seule. Elle eut du mal avec les boutons, mais ne demanda pas une seule fois de l’aide à Shion qui l’observait avec un petit sourire. Quand elle fut prête, elle retourna dans son lit que Shion avait refait et s’endormit de nouveau profondément non sans lui avoir souhaité une bonne nuit.

Le Grand Pope alla retrouver Victoire et lui demanda une petite tunique d’entraînement ainsi qu’un petit masque pour enfant. Elle comprit que le Grand Pope allait commencer à apprendre à la fillette ce qui faisait d’un chevalier un chevalier. Elle farfouilla dans ses affaires, les réserves et mit un temps fou, mais elle trouva ce qu’il lui avait demandé. Cependant, c’était une tunique pour garçon, c’était la seule qu’elle avait trouvée. Quant au masque, c’était celui qu’elle avait porté quand elle était toute petite, il devrait aller à l’enfant, même si la fillette était un peu plus petite qu’elle. Elle monta toutes les affaires et frappa à la porte. Elle attendit quelques minutes, puis la porte s’ouvrit sur le Grand Pope. Ce dernier lui prit les affaires des mains et la remercia. Victoire le salua et repartit continuer l’entraînement de son disciple, le futur chevalier d’argent de Persée.

Le lendemain, Shion alla réveiller Alizea qui dormait comme un loir. Il soupira lourdement, puis la secoua pour la sortir du sommeil. La fillette cligna des paupières, se frotta les yeux, bailla à s’en décrocher la mâchoire et murmura :

-Qu’est-ce qui se passe, papa ?

-C’est aujourd’hui que commence ton entraînement, Alizea.

La fillette le regarda sans comprendre, puis la compréhension se fit et les yeux de l’enfant se remplirent de larmes. Alizea se leva, baissa la tête et répondit d’une petite voix brisée :

-Oui, maître.

Cela fit aussi mal à Shion qu’à la petite fille. Mais il lui avait bien dit qu’elle ne devait pas pleurer. Elle refoula ses larmes et attendit les ordres de Shion. Il ferma les yeux et murmura :

-Il y a des vêtements qui t’attendent ainsi qu’un masque. Tu vas les mettre et me rejoindre dans la Salle du Trône.

-Bien, maître.

Shion fit demi-tour et dut utiliser toute sa force pour ne pas se retourner et la serrer contre lui. Alizea leva la tête, mais avant que les larmes ne coulent, son regard croisa ceux de ses parents. Ses parents étaient courageux et forts. Elle voulait être comme eux. Et eux, ils n’auraient pas pleurniché pour si peu. Elle se redressa de toute sa petite taille et fièrement prit sa douche, s’habilla de la tunique, mais, comme elle ne savait pas lacer ses sandales, elle ne les mit pas. Puis arriva le moment de mettre le masque. Elle le regarda avec étonnement et l’approcha de son visage. Mais brusquement, l’objet métallique s’échappa de ses mains, s’envola et resta haut dans les airs. La fillette sauta pour essayer de l’attraper, mais sans jamais y réussir. Elle monta sur une chaise pour être plus grande, recommença à sauter, mais sans aucun effet. Il ne lui restait plus qu’une chose à faire. Aller chercher de l’aide. Son….. maître allait sûrement l’aider. Elle se concentra sur lui et se retrouva dans la Salle du Trône, derrière les chevaliers d’Argent qui l’écoutaient leur donner ses ordres. Derrière son masque, Shion fronça des sourcils, Alizea était là, mais elle ne portait pas le sien. Il se leva et lui demanda :

-Que fais-tu ici sans ton masque ?

-Il s’est envolé maître et je n’arrive pas à l’attraper.

Shion se demandait ce qu’il se passait quand Victoire s’agenouilla devant lui et lui dit :

-Cela arrive souvent, inconsciemment l’enfant rejette son masque. Puis-je aller l’aider, Votre Excellence ?

-Vas-y, chevalier de l’Aigle.

Victoire se rapprocha de la fillette sous les regards des chevaliers d’Argent, mais dès qu’elle lui prit la main, elles disparurent toutes les deux. Shion était de plus en plus fier d’elle, réussir à transporter une personne en plus de soi était difficile. Dans la chambre, Victoire vit le masque voleter comme s’il était tenu par une main invisible ou qu’il avait des ailes. Elle n’avait jamais vu cela. Elle bondit, attrapa le masque et le rendit à la fillette qui voulut le remettre, mais celui-ci s’échappa de nouveau. Alizea et Victoire poussèrent des cris de stupeurs et recommencèrent à tenter d’attraper l’objet mais en vain. Entendant les bruits, l’un des gardes ouvrit la porte et le masque fila dans les couloirs, poursuivi par Victoire et Alizea. Shion stoppa net de parler quand il entendit des cris qui se rapprochaient. Soudain, tous virent bouche-bée le masque fondre par la porte et se mettre à voler dans la salle. Les deux « femmes » arrivèrent en trombe et tentèrent de l’attraper, mais en vain. Elles pouvaient bondir dans tous les sens, cela ne marchait pas. Alors la fillette se résolut à utiliser une autre tactique, elle ne fit que se téléporter afin d’attraper ce masque, mais il lui échappa encore. Victoire avait cessé de courir et observait cette enfant opiniâtre qui ne s’avouait pas vaincue. Soudain, elle bondit sur la tête d’un chevalier, l’utilisant comme point d’appui et sauta en l’air. Mais au lieu de continuer sa trajectoire, elle se téléporta et réussit à attraper son masque. Victoire l’applaudit, elle avait réussi à reprendre l’objet toute seule sans l’aide de personne. Shion eut un très mauvais pressentiment quand la fillette appliqua le masque sur son visage.

Puis ce fut l’apocalypse. A l’instant même où sa peau entra en contact avec lui, celui-ci explosa dans un nuage de fumée et de débris. Shion se leva lentement, se retenant de ne pas courir vers elle. Il vit Alizea sur les fesses qui regardait ses mains sanglantes d’un air hébété. Shion devint blême quand il vit que son visage était en sang de même que ses bras nus et son cou. L’explosion aurait pu la tuer. Elle était entourée d’une myriades de morceaux de métal. Il s’agenouilla devant elle et lui demanda doucement, avec une certaine inquiétude au fond de sa voix :

-Que s’est-il passé ?

-Je ne sais pas, maître. J’ai voulu mettre le masque comme vous me l’avez ordonné et il a cassé. Je suis désolée, maître.

-Ce n’est pas grave.

Il lui caressa tendrement les cheveux et toutes ses blessures disparurent. Il eut un petit sourire tremblant, puis se relevant il lança :

-Victoire, allez me chercher un autre masque.

-Je ne la laisserai pas porter de masque ! Gronda une voix caverneuse et métallique.

Shion sursauta violemment en l’entendant. Il s’exclama sans voir que personne ne réagissait :

-Qui êtes-vous ?

-Je suis le futur, la vie et la mort.

Il y eut une lumière dorée puissante et une pandora box apparut. Shion ne l’avait jamais vue auparavant, sur le côté se trouvait un caducée. Il comprit qu’il avait devant lui l’armure d’Asclépios, la future armure d’Alizea. La boîte éclata alors. Une armure apparut : elle représentait un homme en tunique portant au front un diadème représentant deux serpents entrelacés qui mordaient un diamant, et il tenait à la main un caducée. Les deux serpents enroulés autour de la tige dorée avaient les yeux en pierre précieuse. Celui de gauche avait des rubis et celui de droite des émeraudes. Shion l’observa avec stupéfaction et murmura :

-L’armure sacrée d’Asclépios.

-En chair et en os, si je puis dire. Alizea me portera, elle apprendra ses attaques en temps utile et vous serez là pour l’aider. Mais elle ne portera pas de masque. Je les détruirai à chaque fois. Tenez-vous le pour dit.

Aussi vite qu’elle était apparue, l’armure se volatilisa. Il ne remarqua pas que tous les autres avaient repris leur mobilité et que Victoire l’appelait. Il sursauta violemment quand elle le secoua légèrement pour le réveiller. Shion regarda le chevalier qui lui tendait un masque et lui dit avec lenteur :

-Elle ne portera pas de masque.

-Mais vous…

-Je sais, mais certaines choses ont changé. Alizea ?

-Oui, maître ?

-Tu vas rester près de moi et commencer à apprendre la méditation afin de pouvoir contrôler tes pouvoirs psychiques.

-Comment je fais, maître ? Demanda la fillette toute excitée.

-Tu vas t’asseoir près de moi en tailleur et tu vas faire le vide dans ton esprit. Tu dois ne penser à rien, laisser ta conscience s’échapper de ton corps afin de découvrir tes pouvoirs et les manipuler à ta guise.

-Bien, maître.

-Mais la première chose que tu vas faire est de faire le vide dans ton esprit.

-Bien, maître.

La petite fille s’assit à la droite du Grand Pope, ferma les yeux et se concentra sur l’infini dans son esprit afin de faire le vide. Alizea se tenait bien assise près du trône, les yeux clos et le souffle régulier. Elle voyait des souvenirs, des pensées affluer et elle avait du mal à faire le vide. Ce qu’elle ne pouvait voir, c’est Shion qui l’observait avec fierté mais aussi avec une certaine inquiétude qui augmentait à mesure que le temps passait. Il pouvait voir des gouttes de sueur qui coulaient le long de son visage. Elle n’était pas du tout habituée à faire ça, et cela était clairement visible. Car pour méditer elle devait se détendre alors que là, elle était tendue comme une corde à piano.

Les gens qui venaient de temps à autre pouvaient voir le cosmos de la fillette vibrer au même rythme que les battements de son cœur, ce qui permit de prouver à Shion que la fillette venait de s’endormir, quand les pulsations devinrent trop douces. Il eut une grand sourire caché par son masque, et dut la mort dans l’âme s’exclamer :

-ALIZEA ! REVEILLE-TOI !

La fillette fit un bond terrible et balbutia :

-Pa… pardon m.. maître.

Les deux chevaliers d’argent qui étaient présents pouffèrent de rire devant l’air passablement endormit de la fillette. Elle frotta ses yeux ensommeillés et se remit en méditation. Elle soupira avec la même force qu’un cachalot adulte et demanda à Shion :

-Maître ?

-Oui Alizea ?

-Comment puis-je faire le vide ? Mes pensées partent dans tous les sens, je n’arrive pas à les attraper !

-Tu dois trouver le moyen de vider ton esprit. Tu ne dois pas détruire tes pensées, mais les mettre dans un coin de ta tête et les empêcher d’envahir ton esprit. Vois-tu, chacun a un moyen propre pour vider son esprit. Et toi aussi tu dois trouver le tien.

-Bien, maître.

Elle se replongea dans son esprit mais, au lieu de tenter de faire le vide, elle chercha le moyen de vider son esprit, la meilleure méthode. Après plus d’une heure de réflexion, elle trouva ce qu’elle cherchait avec tant d’obstination. Elle allait véritablement entrer en méditation quand elle sentit une main chaude et douce se poser sur son épaule. Elle ouvrit les yeux, les leva vers l’intrus et vit Shion qui lui murmurait avec beaucoup d’inquiétude :

-Alizea, Alizea ! Réveille-toi !

-Que se passe-t-il, maître ?

-Il est plus de minuit, tu ne t’es pas réveillée quand je t’ai appelé.

-Pardon, maître !

Shion sentit une larme couler le long de sa joue en s’entendant être appelé de cette manière si froide, si impersonnelle. Alizea le regarda bizarrement et lui dit :

-Vous savez, maître ? Et bien mes parents vous maudissent chaque jour que Dieu fait. Vous mourrez seul et je danserai sur votre tombe ! AHAHAHAHAHAHAH !

Shion se réveilla en sursaut, le cœur battant la chamade, le corps luisant de sueur. Il était sur son bureau et pouvait voir qu’il s’était endormi sur son travail. Il se leva d’un bond et se précipita dans la chambre de la fillette qui dormait profondément. Pris d’une pulsion assez brusque, il la prit dans ses bras et la serra contre lui. L’enfant se réveilla en sursaut et regarda, étonnée, pour savoir ce qu’il se passait puis voyant qui la tenait, murmura :

-Qu’est ce qui se passe, papa ?

Shion soupira de soulagement et la serra un peu plus fort contre lui. Ce cauchemar lui avait fait mal, il avait peur qu’elle ne lui en veuille et que ses parents ne lui en veuillent aussi. La fillette enlaça le cou de Shion et murmura en reposant sa tête sur le torse du Grand Pope :

-Tu sais pas papa, et bien je sais comment vider mon esprit.

-Et comment ma puce ?

-Je vais imaginer un grand meuble dans ma tête et y mettre tout dedans.

-C’est une bonne idée, ma chérie. Mais maintenant tu dois te reposer, je suis vraiment désolé de t’avoir réveillée.

-C’est pas grave papa. J’aime être dans tes bras.

Elle frotta son visage contre le torse de Shion et s’endormit dans ses bras. Au lieu de la coucher et d’aller dans sa chambre, il se coucha dans le lit de la fillette et posa l’enfant sur sa poitrine afin de la garder le plus longtemps possible et de lui montrer que même s’il était son maître, il continuait à l’aimer comme un père, c’est de cela dont avait besoin Alizea. Il s’endormit assez rapidement, mais se réveilla en sursaut quand il ne sentit plus le poids de la fillette sur lui. Il fonça prendre une douche, s’habilla à la vitesse de la lumière et se téléporta dans la grande salle afin de donner des ordres pour qu’on recherche sa fille. Mais il poussa un soupire de soulagement quand il la vit assise à la droite de son trône, en pleine méditation.

Il la regardait avec une immense fierté et sursauta légèrement quand Matteo de la Flèche toussota. Shion se retourna et le chevalier d’argent lui demanda :

-Votre Excellence, que fait-elle ?

-De la méditation !

-Je m’inquiétais car je ne ressentais plus aussi fortement son cosmos.

Shion se tourna vers la fillette et sentit le cosmos de l’enfant, très faible. Il blêmit brusquement quand il vit les larmes qui coulaient sur les joues pâles. Shion accompagné de Matteo s’approcha de l’enfant et lui demanda :

-Que se passe-t-il, Alizea ?

-Ma mère…

-Qu’avait-elle ?

-Elle attendait un bébé. J’allais être sœur.

Shion sentit ses jambes céder sous son poids et il se retrouva sur son arrière-train à regarder stupidement la fillette qui n’avait pas ouvert la bouche. Elle était trop profondément dans sa méditation pour en ressortir. Le Grand Pope était effondré, alors Harmonie et Donadieu allaient avoir un autre enfant ? Il lui demanda par télépathie :

-Que s’est-il passé ?

-Je… j’ai voulu mettre mes pensées dans le meuble et un de mes vieux souvenirs m’est revenu en mémoire. Le jour où mes parents m’ont appris la bonne nouvelle. Ils m’avaient dit que dans 5 mois j’aurais soit un frère, soit une sœur. Et puis une semaine plus tard ils sont partis et ne sont jamais revenus.

-Je suis sûr que tes parents auraient été fiers de toi à la naissance de leur deuxième bébé.

Il sentit une pointe de douleur, puis une pointe de bonheur et il entendit :

-Merci.

Il se releva et croisa le regard étonné du chevalier d’argent, Matteo n’avait rien entendu de la discussion et pourtant il avait senti qu’ils parlaient tous les deux. Shion se releva et partit dans les jardins afin de pouvoir réfléchir plus facilement. Matteo préféra rester avec la fillette qui s’enfonçait de plus en plus dans son esprit, clôturant ses pensées et faisant enfin le vide alors que le soleil était depuis longtemps couché et que son cosmos avait quasiment disparu. Shion, pris par toutes les pensées, n’y faisait pas attention, sachant que la fillette ne risquait rien car protégée par une escouade de gardes. Quand minuit sonna, une partie de la conscience d’Alizea sortit de la méditation. Cependant, quand elle ouvrit les yeux, elle paniqua complètement car elle ne voyait plus rien. Elle prit une grande respiration pour appeler Shion quand elle remarqua qu’elle ne sentait plus rien. Elle ne sentait même pas le sol sous elle. En fait, elle ne ressentait plus rien. La terreur s’empara complètement de son être et elle ne sentit même pas les larmes qui coulaient le long de ses joues.

Complètement affolée, elle concentra au maximum le peu de capacités psychiques qui lui restaient et se retrouva devant le bureau de Shion. Ce dernier se leva lentement, en ouvrant des yeux effarés quand il vit le regard mort de l’enfant. Il se précipita sur elle et s’écria horrifié :

-Alizea, que t’arrive-t-il ?

La fillette n’entendit pas Shion et réussit à crier :

-PAPAAAAAAAAAA ! PPPPPPPPPAAAAAAAAAAAAAAPPPPPPPAAAAAAAAA !

Elle tentait de se relever, mais ses muscles ne voulaient pas lui obéir, elle s’effondrait toujours et ne sentait pas Shion qui tentait de la relever, mais en vain. Il s’écarta un instant d’elle. Alizea, dans sa terreur, alla là où elle pourrait retrouver ses parents. Shion poussa un cri de stupeur quand la fillette se volatilisa. Il remercia Athéna qu’il n’y ait personne auprès de lui pour le voir jurer comme un charretier. Il arracha son masque ainsi que sa tunique rituelle et se concentra au maximum sur le cosmos de la petite fille qu’il aimait comme la sienne. Il passa en revue tous les continents et détecta une infime trace de son cosmos en Chine. Il se téléporta instantanément et se retrouva horrifié devant une gigantesque tour. Quand il tourna la tête, il découvrit avec horreur les Cinq Pics. Il se trouvait donc devant la tour qui contenait les âmes maudites des cent huit spectres, d’Hadès et de ses trois Juges des enfers. Il regarda dans tous les sens et vit un petit tas sur le sol qui tremblait.

Il s’approcha et vit Alizea qui ouvrait la bouche pour crier, mais aucun son ne sortait de sa gorge comme si elle avait perdu sa voix. Elle avait un air terrorisé sur son visage enfantin et noyé de larmes. C’est comme si elle était dans un autre monde, un monde de cauchemar et de terreur. Shion s’approcha d’elle et tenta de lui parler par télépathie, mais c’est comme s’il y avait un mur qui l’empêchait de lui parler. Il était effondré, lui Shion du Bélier avec tous ses pouvoirs psychiques, était incapable de sauver la fille de deux de ses amis et camarades de combat, de sauver sa fille. Il avait besoin d’aide, l’aide de quelqu’un de la même puissance que lui. Et il savait qui pourrait l’aider. Cela faisait soixante ans qu’il ne l’avait pas vu, mais il espérait que son vieil ami n’ait pas trop changé. Il prit l’enfant contre lui et se téléporta devant la cascade de Rozan.

A suivre